Colloque, 18 novembre 2021
«You’re trying to take my knight, aren’t you, Mr Frankenstein?» De quoi Frankenstein est-il le nom dans «American Desert» de Percival Everett?
American Desert (2004) met en scène Theodore Street, universitaire en panne d’inspiration qui, fauché en route par un accident de voiture qui le décapite dès la première page du roman, rate jusqu’à son suicide. Lors de ses funérailles, il se redresse dans son cercueil, devenant un avatar comi-tragique des morts-vivants de la littérature victorienne, mais aussi et surtout un monstre, messie ou antéchrist, objet d’effroi et de convoitise pour l’armée et les savants désireux de comprendre les mécanismes du vivant et de réaliser le fantasme d’immortalité, fût-ce en le dépouillant de ses organes. Même si l’ouvrage n’est pas à proprement parler une ré-écriture de l’œuvre de Mary Shelley, l’ombre de Frankenstein l’accompagne néanmoins non tant dans la transformation d’un corps mort en puissance de vie que dans l’incapacité de rendre compte de cette transformation et de la maîtriser. Sylvie Bauer examine comment le mythe Frankenstein informe le roman, à travers l’analyse des clichés dont le texte se nourrit et qui le saturent et le suturent à l’image de la tête de Theodore, grossièrement cousue avec du fil de pêche. Comment le signifiant Frankenstein est-il tout à la fois saturé et évidé, dans un monde lui-même figure du «désert américain»?