Colloque, 31 mai 2021
La pratique fragmentaire de Maurice Blanchot: art de l’oubli, art de la mémoire
Dans Le pas au-delà, publié en 1973, Maurice Blanchot affirme que la pratique littéraire est l’incarnation emblématique d’une écriture qui, dans sa manifestation scripturaire, doit effacer ses propres traces: «Écrire n’est pas destiné à laisser des traces, mais à effacer, par les traces, toutes traces, à disparaître dans l’espace fragmentaire de l’écriture, plus définitivement que dans la tombe on ne disparaît […]» (p. 62). Si la littérature prend forme dans le «tombeau vide» de l’espace littéraire, le corps fantomatique de l’écrivain moderne se révèle «dans l’espace fragmentaire» de son écriture, ce lieu où «plus définitivement que dans la tombe on ne disparaît». Dans ce sens, on peut comprendre la pratique fragmentaire de Blanchot comme une pratique de l’effacement et de la disparition, une «léthatechnique» reposant, comme le définit Paul Ricœur, sur «une rhétorique de l’extinction, [une écriture] pour éteindre —l’opposé de faire archive» (Ricœur, Paul, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, p.654).