Colloque, 24 avril 2014

D’un fantastique qui se contente de faire tomber la nuit dans le jour: rêve et histoire dans le projet «Primitive» d’Apitchapong Weerasethakul

Erik Bordeleau
couverture
L’imaginaire contemporain. Figures, mythes et images, événement organisé par le Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire Figura

Oncle Boonmee celui qui se souvient de ses vies antérieures est un film célébré par la critique (Palme d’or à Cannes en 2010) du réalisateur thaïlandais Apitchatpong Weerasethakul. Il fait partie d’un projet de plus grande envergure intitulé «Primitif» qui inclut également une installation éponyme (2009), deux courts-métrages – Lettre à Oncle Boonmee (2009) et Fantômes de Nabua (2009) – et un livre d’artiste. Le projet se penche sur la mémoire de la région du nord-est de la Thaïlande d’où vient Weerasethakul, une région où la mémoire est réprimée suite à une violente répression anti-communiste.

Au moment de sa mort, Oncle Boonmee est pris d’une vision: il rêve d’un monde futur dans lequel une autorité a le pouvoir de faire disparaître les «gens du passé» en les «éclairant». Cette vision est racontée sur fond d’images immobiles, une série de photographies troublantes et esthétisées qui s’interpolent dans le cours du film. Boonmee explique que «la lumière projette des images d’eux sur un écran à partir du passé jusqu’à ce qu’ils arrivent dans le futur. Une fois que ces images apparaissent, ces “gens du passé” disparaissent.»

Comment faut-il comprendre cette allégorie plutôt mystérieuse d’une disparition par les moyens de la projection photographique et cinématographique? En quoi renouvelle-t-elle notre conception et notre pratique de l’histoire? Je me propose d’explorer plus avant le dreamscape déployé dans le projet Primitive à partir d’un des tout premier textes publié par Michel Foucault, «Le rêve et l’existence», qui porte sur l’œuvre du psychiatre phénomenologue Ludwig Binswanger et que Giorgio Agamben revisite à l’occasion de sa réflexion sur le geste archéologique dans Signatura rerum.

Erik Bordeleau est chercheur postdoctoral à l’Université libre de Bruxelles et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal. Il est l’auteur de Foucault anonymat (Le Quartanier, 2012), qui a remporté le prix Spirale Eva-Le-Grand de l’essai 2013. Il a complété un doctorat en littérature comparée à l’Université de Montréal sur la relation entre anonymat et politique dans le cinéma et l’art contemporain chinois. Il s’intéresse au tournant spéculatif dans la pensée contemporaine ainsi qu’au mode de présence des dieux, spectres et autres esprits dans le cinéma est-asiatique.

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