Colloque, 3 juin 2021
Détours et silences du poème pour dire l’histoire chez Édouard Glissant et Layli Long Soldier
Pour les poètes Édouard Glissant et Layli Long Soldier, il s’agit simultanément de résister à l’imposition d’un discours officiel qui ne prend pas en compte les perspectives de leurs ancêtres et de proposer un rapport à l’histoire qui compose avec un passé parcellaire car fait de silences et d’oublis. Ces silences sont ceux des archives perdues tout comme des témoignages impossibles du fait du trauma colonial. La poésie a alors vocation à créer une nouvelle mémoire en explorant les zones d’ombre du passé pour se les réapproprier et en faire une source de création. Cette approche est intimement liée au travail de la langue: le poème devient un espace qui fait coexister évocation et dérobement, dire et non-dire, oubli et remémoration. Le langage poétique est mis en tension pour signifier sans pour autant dire le passé perdu. En témoignent le motif du cri qui traverse de part en part Le Sel noir et l’évocation récurrente de l’indicible chez Layli Long Soldier. Dans les deux cas, ce qui est perdu est central et devient source de la parole poétique sans pour autant être complètement révélé. Les deux poètes jouent des détours et des silences pour signifier le passé oublié si bien que celui-ci prend forme et devient un élément structurant des recueils. L’exploration de cette part de l’histoire devient alors un moyen pour tracer un chemin d’expression nouveau, fidèle à la mémoire de leurs communautés. C’est ce chemin que cette communication se propose d’analyser en comparant la manière dont le traitement de la question du manque et de l’oubli chez ces deux poètes donne forme à leur parole poétique.