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Landscape

Émilie Houssa
couverture
Article paru dans Œuvres web, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Dumenieu, Alain. 2002. Landscape. Œuvre web hébergée sur incident.net1[Page consultée le 11 août 2023], désormais partielle à cause de la désuétude de Flash Player.

Fiche du Répertoire ALH: https://nt2.uqam.ca/fr/repertoire/landscape [Page consultée le 11 août 2023]

   

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Le procédé de Landscape est très simple. Sur une page web de fond blanc défilent les unes de journaux régionaux français du 11 septembre 2001. Ce défilement se fait sur une bande sonore de gazouillements d’oiseaux. Au-dessus des coupures de presse, trois cercles violets permettent de régler le niveau sonore de l’œuvre. L’ordre de défilement des unes des journaux est toujours le même et sans cesse répété. L’œuvre joue sur deux types de décalages: le premier s’articule sur le hiatus entre l’aspect sonore et l’aspect visuel. Le second se situe au niveau de l’échelle du point de vue : un événement localisé (New York City) a une ampleur internationale et va toucher jusqu’au plus profond des régions françaises.

En effet, seule une des premières pages des quotidiens régionaux n’est pas consacrée aux attentats. Il s’agit de la une du Toulouse Métropole qui titre avec une actualité régionale « Des «anges gardiens» protégeront les médecins. Les autres unes titrent toutes sur les attentats. Le titre qui revient le plus est celui d’apocalypse, suivent les notions de terreur, d’horreur, de monstrueux. Beaucoup des journaux reprennent également l’idée que «l’Amérique a été touchée au cœur», qu’elle «s’effondre» Pour d’autres les événements du 11 septembre touchent l’ensemble de la planète, ils titrent donc «C’est la guerre» ou encore «Le monde a peur».

Les images choisies pour illustrer les événements et ces titres catastrophistes sont généralement des images des tours. Le plus souvent les journaux ont choisi des images des tours du World Trade Center au moment de l’impact d’un des avions. L’autre image qui revient le plus souvent est celle de l’effondrement des tours. Suivent des images de gens courant pour échapper au nuage de fumée (iconographie reprenant certaines images de films d’action: contre-plongée sur des gens courant pour échapper au nuage, plongée sur les tours en feu), des images des décombres et une seule première page, titrant «Monstrueux», a choisi une image montrant de personnes sautant des tours. L’œuvre d’Alain Dumenieu met donc en avant l’impact des attentats du 11 septembre sur l’ensemble de la planète au plus profond des régions occidentales.

   

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Œuvre web qui propose un montage des premières pages de quotidiens régionaux français du 11 septembre 2001.

   

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Défilements sonore et visuel répétitifs, sans commentaire.

   

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est particularisée autour de New York dans cette œuvre. Pour autant, la une du Toulouse Métropole, montre que ces événements auraient pu être encore davantage particularisés (en tant qu’actualité internationale par exemple) qu’ils ne l’ont été.

   

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements du 11 septembre sont présentés de façon explicite dans cette œuvre. Cependant, la bande sonore et le choix de manchette régionale indiquent un point de vue critique et réflexif sur les événements a posteriori.

Les moyens de communications jouent évidemment un rôle fondamental dans l’œuvre. Il semble que ce soit eux, plus que les événements eux-mêmes, qui soient analysés à travers Landscape.

   

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

On ne peut pas parler véritablement de protagoniste pour cette oeuvre mais il y a un réel point de vue proposé sur les attentats par l’auteur. Ce point de vue part notamment du principe de décalage mis en place dans l’oeuvre.

Ce principe de décalage est mis en avant par la bande sonore d’une part, mais aussi par la présentation des unes des journaux. Sur cet immense fond blanc, les reproductions des unes, semblent minuscules. Seuls les images et quelques mots ressortent. Presque toujours les mêmes images et souvent les mêmes mots. Cette échelle figure peut-être la distance qui sépare l’auteur des attentats et dont l’oeuvre révèle le profond hiatus. Mais ce hiatus même dénonce la puissance de l’impact des attentats.

Le gazouillement des oiseaux peut renvoyer, dans cette même perspective, à l’atmosphère immédiate de la journée de l’auteur. Le 11 septembre 2001 a peut-être été pour lui, et pour de nombreuses personnes dans les provinces françaises, une journée calme et paisible ponctuée par ces gazouillements. Ce décalage montre la puissance de l’impact des attentats dans le monde occidental.

Loin de la “terreur” et “l’horreur” de New York que les unes des journaux rapporteront dès le lendemain, l’individu occidental, où qu’il soit, se voit rattraper par les événements. L’auteur peut suggérer ainsi que chacun, au plus profond de son quotidien, a pu être touché.

   

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

La bande sonore de cette œuvre accentue le décalage que l’œuvre met en avant, exposant ainsi l’ampleur de l’impact des événements du 11 septembre. La bande sonore, répétant des gazouillements d’oiseaux, inscrit un profond espace entre ce que nous voyons défiler et ce que nous entendons. Cet espace montre justement l’impact des événements. La bande sonore donne une idée du calme et de la tranquillité de cette journée dans les provinces françaises qui semblent pourtant, selon les unes régionales, tout autant frappées que les New-Yorkais par la terreur que provoquent les attentats.

   

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Le travail iconique des titres est évidemment ici très important. Une remarque semble particulièrement intéressante. Si tous les titres sont catastrophistes, aucun n’a choisi d’accentuer le sens du mot présenté avec une ponctuation particulière (que cela soit « Apocalypse », «C’est la guerre », « Monstrueux » ou d’autres titres cités plus haut). On ne relève aucun point d’exclamation par exemple. En revanche, presque tous les titres sont en majuscules et s’affichent sur l’image de couverture en gros (des fois en rouge).

   

Autres aspects à intégrer

N/A

   

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Aucun résumé ou argumentaire n’est présent dans l’œuvre.

   

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

   

Citer la dédicace, s’il y a lieu

Aucune.

   

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

N/A

   

Impact de l’œuvre

Impact inconnu

  

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

L’œuvre d’Alain Dumenieu propose une réflexion critique non pas sur les événements du 11 septembre mais sur leur traitement médiatique. L’œuvre travaille avant tout la fictionnalisation collective, globale et homogène des événements. En effet, ce qui est frappant dans la vision de toutes ces unes mises l’une à la suite de l’autre, c’est l’homogénéité du traitement médiatique de attentats. Toutes reprennent les mêmes images et proposent les mêmes genres de titres. Il n’y a qu’un seul point de vue dans toutes ces unes. La surmédiatisation n’est donc pas garante d’une diversité d’approches.

Ce point est d’autant plus important que l’œuvre travaille à partir de petits journaux régionaux. Ce que met en avant Landscape, c’est donc l’impact profond de l’international sur le local. Ceci est d’autant plus patent dans la reprise, pour de nombreuses une, d’images télévisuelles. On devine ici que les rédactions ont choisi de changer leurs unes au dernier moment pour «coller» à l’actualité. Ce que révèle le traitement des attentats du 11 septembre, c’est aussi l’importance du direct. Un événement aussi localisé qu’il soit doit être capté par tous en même temps. On ne peut plus vraiment parler de la localité d’un fait, ce qui s’est passé à New York ce jour-là a été suivi au plus profond des provinces françaises.

L’exception de ce traitement unanime avec la une du Toulouse Métropole confirme cependant la règle d’une pensée globale. Lorsque l’on parle du 11 septembre 2001 tout le monde sait à quoi l’on fait référence, en revanche, lorsque l’on parle des «anges gardiens» pour les médecins plus personne ne sait à quoi ce titre réfère. Le décalage que met en place Landscape permet de faire ressortir le type de mémoire collective que nous construisons aujourd’hui, une mémoire plus internationale que locale reposant sur un ensemble d’images et de propos partagés par tous mais qui cachent bien souvent la réalité quotidienne de chacun.

   

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

N/A

   

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

N/A

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    [Page consultée le 11 août 2023]
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