Article d'une publication

Indecision

Simon Brousseau
couverture
Article paru dans Romans états-uniens, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

* L’entrée de Simon Brousseau était originalement intitulée «La vie sans conviction». L’équipe de l’OIC a décidé de remplacer cet intitulé par le titre de l’œuvre pour plus de cohérence lors de la migration des archives LMP.

Œuvre référencée: Kunkel, Benjamin (2006), Indecision, New York, Random House Trade Paperbacks, 240p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Dwight B. Wilmerding est conscient de l’omniprésence des clichés et de l’interchangeabilité des discours qui circulent autour de lui. Cela le prédispose à être ironique, et il le serait définitivement s’il ne souffrait pas tant de l’aisance avec laquelle il se joue des codes de la jeunesse new-yorkaise. Ultimemment, il est amené presque malgré lui à s’adonner à l’autodérision, le détachement qui le caractérise se muant peu à peu en une forme de mépris de soi qui le pousse à souhaiter des changements radicaux dans son existence. C’est d’ailleurs cette ambivalence qui fait l’intérêt du narrateur d’Indecision, le premier roman de Benjamin Kunkel : «It felt so shameful and exciting, not knowing what to do with myself.» (p. 10)

Si l’existence de Dwight se déroule sous le signe de l’indécision, c’est peut-être parce qu’il est fondamentalement idéaliste. Il souhaite changer le monde tout en sachant que le monde ne change pas. Sa vie bascule pourtant lorsque Dan, son colocataire, lui propose d’expérimenter l’Abulinix, un nouveau médicament miraculeux qui promet de l’aider à vaincre l’état d’indécision chronique dans lequel il patauge. Cela devient pour Kunkel un prétexte afin d’explorer un éthos particulier de notre époque, celui de l’individu pour qui plus rien n’est sacré et pour qui la contingence de l’existence est un véritable fardeau. Et si le fait d’avoir été sous ecstasy lors des évènements du 11 septembre 2001 constitue le traumatisme fondateur de la crise existentielle de Dwight, cela lui permettra aussi de penser son malaise dans son rapport à l’autre, à la différence plutôt que dans l’indifférence. Il partira en voyage en Équateur où il fera la rencontre de Brigid, une femme qui l’amènera à redéfinir son rapport à l’existence, à la tension qui l’habite entre son détachement et son engagement.

Ce roman s’inscrit dans la vague post-ironique qui a été identifiée par certains commentateurs au lendemain du 11 septembre. Les évènements du 11 septembre en tant que tels figurent de façon marginale dans le roman, mais leur répercussion se fait sentir dans le regard qui est porté sur la réalité. La nécessité d’un projet existentiel, les questionnements sur les rapports humains, le refus de se complaire dans la mise à distance, le besoin de proximité sont quelques exemples de la façon dont se traduit, dans l’écriture, le choc qu’a pu représenter l’effondrement des tours pour Dwight (et aussi sans doute pour l’auteur). Il faut cependant être prudent: l’écriture n’émerge pas du 11 septembre, il n’y a pas de lien de cause à effet. L’influence est évidemment beaucoup plus ténue, complexe, elle se mêle à une foule d’autres facteurs qui ne doivent pas être négligés (par exemple, le mouvement de balancier qui semble pousser toute une génération de romanciers actuels à prendre ses distances de ses prédécesseurs postmodernes).

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Il s’agit d’un roman.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

La narration est assurée par Dwight. Il s’agit donc d’une narration homodiégétique à la première personne du singulier.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est générique. Les évènements sont évoqués a quelques reprises dans le roman, notamment lors d’une scène où Dwight raconte avoir pris de l’ecstasy avec ses amis la veille du 11 septembre 2001.

Le lendemain matin, sur le toit de son immeuble : «A huge gout of smoke was pouring from a lateral tear in one of the towers, five blocks away; and suddenly, beneath the massive buildings, under the tall sheer sky, I felt obscene and small, like a fly batting at the bottom of a TV screen.
“What happened? Bomb?”
“Supposedly a plane,” Sanch said.
Ford : “I mean, go back to flight school, dude.”
“At least there’s two of them,” I said. In a leftover effort at optimism I was trying to look on the bright side. “With any other big building, there’s usually only one, so—” Then I saw some white projectile streaking in from the southwest. “Hey! Another plane!” I was delighted. “They’ve sent it to rescue the other—or it must be coming to help all the…”» (p. 183)

«Moving right along, I informed Brigid that I’d had the misfortune of taking lots of Ecstacy in the early hours of 9/11; that I’d submitted therefore to an orgy of reckless optimism, soon disproved; and that this had caused me to doubt the truth-revealing features of drugs in general» (p. 188-189)

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements du 11 septembre sont représentés dans le roman (voir citations précédentes). Dwight et ses colocataires voient, depuis le toit de leur appartement, la deuxième avion s’encastrer dans la tour du World Trade Center.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le 11 septembre 2001 marque un point tournant dans la vie de Dwight. Il s’agit d’un traumatisme fondateur qui le pousse à vouloir changer son existence, comme si l’intensité de la catastrophe lui avait révélé l’insignifiance de son quotidien, qui lui apparaît soudainement comme étant constitué d’une suite ininterrompue de moments interchangeables.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Non.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Non.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

«In this first outing by “the smart, affecting young novelist Benjamin Kunkel” (Jonathan Franzen, The New York Observer), Dwight B. Wilmerding, only twenty-eight, is having a midlife crisis. Living a dissolute, dormlike existence in a tiny apartment with three (sometimes four) roommates, he has a tech support job at the pharmaceutical giant Pfizer, something of a girlfriend, and a chronic inability to make up his mind. Encouraged by one of his roommates to try an experimental pharmaceutical meant to banish indecision, Dwight jumps at the chance (not without some meditation on the hazards of jumping) and swallows the first, fateful pill. and when all at once he is “pfired” by Pfizer and invited to a rendezvous in exotic Ecuador with the girl of his long-ago prep-school dreams, he finds himself on the brink of a new life. The trouble-well, one of the troubles-is that Dwight can’t decide if the pills are working. Deep in the jungles of the Amazon, in the foreign country of a changed outlook, his would-be romantic escape becomes a hilarious journey into unbidden responsibility and unwelcome knowledge- and an unexpected raison d’etre.»

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Dans un entretien avec The Guardian, Kunkel affirme avoir voulu passer un message politique. Lorsqu’il évoque “les dernières années”, on comprend qu’il fait référence au contexte politique post-11 septembre:

«I ask Kunkel if he deliberately set out to communicate a political message.’Yes, and it seemed like a cracked idea at the time. I didn’t think anybody would want to publish a novel that ended with a political epiphany,’ he says, laughing, and adds, ‘I think it’s very hard to be apolitical in America in the last few years.’» (http://www.guardian.co.uk/books/2005/nov/20/fiction.features1Page consultée le 8 septembre 2023)

Citer la dédicace, s’il y a lieu

«for n+1»

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Le livre a connu un grand succès lors de sa publication à l’automne 2005, en partie grâce à un compte-rendu très positif de Jay McInerney, dans le New York Times Book Review: «The funniest and smartest coming-of-age novel in years.»

Le personnage de Dwight a été comparé à Holden Caulfield par Michiko Kakutani dans le NewYork Times, dans un article intitulé «Who’s affraid of Holden Caulfield?» (http://www.nytimes.com/2005/08/23/books/23kaku.html2Page consultée le 8 septembre 2023)

Michael Agger a signé un article intéressant pour le magasine Slate, «Wilmerding Shrugged», dans lequel il affirme ce qui fait pour lui la singularité du projet de Benjamin Kunkel: «a novel that is not so much interested in the dramatic irony of being self-aware but in the reconstruction of belief that comes after it.» (http://www.slate.com/articles/arts/books/2005/10/wilmerding_shrugged.html3Page consultée le 8 septembre 2023)

Impact de l’œuvre

Il s’agit du premier roman d’un jeune auteur. L’impact du livre ne semble pas énorme, 7 ans après sa publication, même si en 2005 on n’hésitait pas à comparer Kunkel avec Dave Eggers (peut-être parce qu’il est lui aussi éditeur d’un magazine littéraire, n+1, auquel il dédie d’ailleurs le roman: http://nplusonemag.com/4Page consultée le 8 septembre 2023).

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Je crois que l’intérêt de ce roman pour l’étude de l’impact du 11 septembre sur la littérature est à chercher dans le mouvement de balancier générationnel qui semble s’activer autour de cette date. D’ailleurs, il y a quelque chose de très ironique à ce que ce soit Jay McInerney qui ait tant vanté les mérites de Benjamin Kunkel, dont l’esthétique et la pensée se trouvent à des milles de ce qu’ont pu faire les membres du Brat Pack dans les années ’80.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«”You’re a living cliché,” Vaneetha had said. “It’s not even a fresh cliché.”
I knew she was right. It wasn’t very unusual for me to lie awake at night feeling like a scrap of sociology blown into its designated corner of the world. But knowing the clichés are clichés doesn’t help you to escape them. You still have to go on experiencing your experience as if no one else has ever done it.»

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

N/A

Couverture du livre

  • 1
    Page consultée le 8 septembre 2023
  • 2
    Page consultée le 8 septembre 2023
  • 3
    Page consultée le 8 septembre 2023
  • 4
    Page consultée le 8 septembre 2023
Ce site fait partie de l'outil Encodage.