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Lire, toucher: d’une main à l’autre

Michel Lisse

Commençons par une citation et l’examen de quelques photos. La citation est extraite d’un texte de Jacques Derrida intitulé «La main de Heidegger». Dans ce texte, sur lequel nous allons revenir, Derrida étudie le privilège accordé par Heidegger à la main. Non pas les mains, mais la main, comme privilège de l’homme. Seul l’homme a la main. La citation que je vais lire concerne des photos de Heidegger, une scènographie où le penseur met en évidence sa main ou ses mains dans la mesure où elles se joignent pour n’en former qu’une:

Le numéro de l’Herne […] portait sur sa couverture une photographie de Heidegger le montrant, choix étudié et signifiant, tenant son stylo à deux mains au-dessus d’un manuscrit. […] Heidegger […] ne pouvait écrire qu’à la plume, d’une main d’artisan et non de mécanicien […]. Depuis, j’ai étudié toutes les photographies publiées de Heidegger, notamment dans un album acheté à Fribourg […]. Le jeu et le théâtre des mains y mériteraient tout un séminaire. Si je n’y renonçais pas, j’insisterais sur la mise en scène délibérément artisanaliste du jeu de main, de la monstration et de la démonstration qui s’y exhibe, qu’il s’agisse de la maintenance du stylo, de la manœuvre de la canne qui montre plutôt qu’elle ne soutient, ou du seau d’eau près de la fontaine. La démonstration des mains est aussi saisissante dans l’accompagnement du discours. Sur la couverture du catalogue, la seule chose qui déborde le cadre, celui de la fenêtre mais aussi celui de la photo, c’est la main de Heidegger.

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