Cahiers Figura, numéro 31, 2012
Poétiques de l’absence chez Marguerite Duras
L’oeuvre de Duras semble être impensable en dehors des absences qui l’habitent et la hantent, qui font corps avec elle. Ainsi, son oeuvre travaille comme un organe vivant qui désire franchir le seuil d’une plénitude qui ne pourra jamais être atteinte. Comment, dans les ruines, dans les «mots-trous», pour citer Duras, l’écriture émerge-t-elle? Comment saisir ce qui n’est souvent qu’une approximation? Oeuvres cinématographiques, essais, romans: l’écriture de Duras est inlassablement touchée par ces questions. Ce cahier rassemble des réflexions majoritairement issues d’un séminaire donné par Martine Delvaux sur l’oeuvre de Duras. Les poétiques de l’absence qui prennent naissance dans et par le processus créatif qui y sont explorées à partir de perspectives croisées.
Avec des textes d’Isabelle Thisdale, Isabelle Soraru, Marie-Soleil Roy, Marie-Hélène Boucher, Ariane Audet et Eftihia Mihelakis ainsi que Catherine St-Pierre.
Articles de la publication
Avant-propos: Poétiques de l’absence chez Marguerite Duras
Nombre de thèmes, de figures, de caractéristiques littéraires (narratives, énonciatives) permettent de lire, dans le corpus de Marguerite Duras, une interrogation constante sur l’identité, les rapports entre les sexes et la sexualité, l’enfance, la violence (et la criminalité), la folie, la possibilité ou non de raconter et donc, au final, d’écrire.
«Détruire, dit elle.» Ruine et échec chez Marguerite Duras
Nous nous proposerons de concevoir l’oeuvre de Marguerite Duras comme une oeuvre de l’échec; un échec qui serait une condition de génération de l’oeuvre. Il n’est donc pas question que l’oeuvre durassienne soit manquée: il faut plutôt parler d’une esthétique de l’échec ou encore, plus précisément, d’une esthétique de la ruine, qui serait à la fondation même de l’oeuvre.
«La musique, mon amour…». Écrire l’absence de la musique dans le défaut des mots
À plusieurs reprises, et plus particulièrement vers la fin de sa vie, Marguerite Duras parlera de la musique et de sa relation avec l’écriture.
La «pêcheuse» chassée du jardin. Autour de la marche mendiante
Malgré une écriture qu’on a pu qualifier de «maigre», malgré qu’on ait pu faire de l’écriture durassienne celle de l’effacement, on ne saurait passer sous silence l’idée (de laquelle émerge un paradoxe que nous jugeons particulièrement riche) d’une écriture qui serait le récit (multiple?) d’un pullulement.
L’espace dans «Le ravissement de Lol V. Stein», «Nathalie Granger» et «India Song». Narration, image, absence et décalage
Michel de Certeau, dans l’Invention du quotidien, affirme que tout récit est récit d’espace, et que d’importantes distinctions doivent être prises en compte lorsqu’il est question de lieu et d’espace.
La femme de la fin du monde. «La maladie de la mort» de Duras
Le féminin apocalyptique de Duras se situe précisément au coeur d’une absence de définition. Indifférente au regard de l’homme, la femme de «La maladie de la mort» engendre la terreur en ce qu’elle brouille les genres (sexuels, grammaticaux, textuels) et se pose passivement en amont de toute personnification genrée; avant toute grammaire, nom, pronom ou identification, elle demeure hors-différence de quelques conditions qui lui seraient imposées.
Marguerite Duras. La redéfinition de l’amour maternel
Évènements malheureux qui au-delà du ou de la journaliste qui les rapportera, dissimulent un voix, un état d’urgence, un appel au secours jamais crié par des mères désespérées, absentes ou silencieuses. Sans chercher à comprendre les causes, il y a surtout, et avant tout, un silence, une voix qui ne peut ou ne veut se faire entendre, parce qu’à la source d’un acte inacceptable socialement. Incompréhensible surtout.