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Violencia
Œuvre référencée: Yepes, Andres. 2001. Violencia. Colombie. Montage vidéo (found-footage).
Présentation de l’œuvre
Résumé de l’œuvre
Violencia est une œuvre qui repose sur un principe simple (montage de fragments vidéo) pour proposer une vision complexe de la violence contemporaine.
Sur un fond noir, une petite fenêtre rectangulaire laisse défiler des fragments vidéo muets. L’œuvre débute sur une vidéo des tours du World Trade Center sous la foudre. La vitesse de défilement est si lente que l’on peut croire, au premier regard, qu’il s’agit de photographies. Mais il s’agit bien d’une vidéo montrant les éclairs zèbrant le ciel au dessus des tours. Puis l’image change et est remplacée par un fragment vidéo représentant le champignon de l’explosion d’une bombe atomique. Là encore les mouvements de fumée sont très lents. Puis on passe à une vidéo reprise de CNN montrant un des avions fonçant dans l’une des tours le 11 septembre 2001. Le mouvement est encore ralenti. Au-dessus de l’image défile un texte reprenant des propos de Georges W. Bush annonçant le nombre des victimes des attentats, comme un flash d’information. À la suite de ce fragment défile à une allure très rapide une série d’au moins trois fragments vidéo qu’il est très difficile de définir. Ils semblent montrer des forêts. Comme si la lenteur des événements violents surmédiatisés cachait des milliers d’autres violences.
Précision sur la forme adoptée ou sur le genre
Montage vidéo (found-footage)
Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre
L’œuvre repose sur des fragments vidéo qui ne semblent pas avoir été tournés par l’auteur de l’œuvre, la chose est certaine pour deux des fragments, celui tiré de CNN et celui représentant le champignon de l’explosion d’une bombe atomique. Cette pratique se nomme found-footage, elle consiste à reprendre des images pré-existantes pour constituer une nouvelle œuvre. Cela permet de réfléchir à la notion d’archive (plus spécifiquement l’utilisation de l’image dans le principe d’archivage) et à l’acte même du montage.
Modalités de présence du 11 septembre
La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?
L’évocation des attentats du 11 septembre est particularisée et centrée sur New York, d’abord avec le premier fragment montrant les tours du World Trade Center sous les éclairs, puis dans le troisième fragment avec le crash de l’avion sur l’une des tours.
Les événements sont-ils présentés de façon explicite?
Les événements du 11 septembre sont représentés de façon explicite, tout du moins dans le troisième fragment. Mais l’attitude d’ensemble qui se dégage face aux événements semble plutôt critique. Comme l’indique le titre, l’auteur ne parle pas ici seulement du 11 septembre, mais de cet événement comme une des figures marquantes de la violence contemporaine.
Moyens de transport représentés: Le seul moyen de transport représenté est l’avion qui s’écrase sur l’une des tours du World Trade Center.
Moyens de communication représentés: Les médias sont également évoqués, bien plus, ils sont mis en scène. Avoir choisi un fragment des informations de CNN n’est pas anodin. C’est un point de vue qui est présenté et stigmatisé comme l’angle générique d’approche sur la violence de ces événements.
Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?
On ne peut pas vraiment parler de personnages ou de narrateur. Les fragments vidéo défilent sans qu’aucune personne ne semble apparaître. Par contre, avec la pratique du found-footage, la forte présence de l’auteur de l’œuvre peut l’établir comme le narrateur de ce qui est présenté. Dans ce cas son point de vue semble critique a posteriori, mais la critique porte alors plus sur la façon dont les événements du 11 septembre ont été médiatisés que sur les attentats mêmes.
Aspects médiatiques de l’œuvre
Des sons sont-ils présents?
Il n’y aucun son dans cette œuvre, elle est entièrement muette.
Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?
Ne s’applique pas.
Autres aspects à intégrer
Cette œuvre travaille par son montage à une analyse critique de la violence contemporaine. L’association d’images et de fragments vidéo, ainsi que le rythme de défilement de chacun des fragments, propose une lecture sur ce thème.
Le paratexte
Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat
Aucun texte n’apparaît autour de l’œuvre.
Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises
N/A
Citer la dédicace, s’il y a lieu
Aucune.
Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web
Page qui recense l’auteur et Violencia par le biais du Memorial for the victims of terror: https://web.archive.org/web/20070529141948/http://www.nmartproject.net/artists/?p=950 [Page consultée le 3 août 2023]
Impact de l’œuvre
L’œuvre est présente et toujours visible sur le web depuis 2001.
Pistes d’analyse
Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre
Cette œuvre participe plus à déconstruire le mythe du 11 septembre qu’à le construire. Elle travaille sur l’image rendue de cet événement et la recontextualise parmi d’autres événements médiatiques violents. Pour autant, il semble que Violencia traite moins de ces événements que de leur médiatisation, c’est-à-dire de leur visibilité à l’échelle internationale.
L’œuvre travaille la figure du caché: ce qui se trouve caché derrière la médiatisation extrême d’événements comme le 11 septembre. La théorie d’une image «cache» vient notamment des écrits sur la télévision de Serge Daney (voir Le Salaire du zappeur par exemple). Dans Violencia, c’est le rythme même de l’œuvre qui permet d’enclencher cette proposition de réflexion. Il me semble que, de ce point de vue, le rythme prend une importance capitale, il représente, en quelque sorte non seulement la visibilité des événements mais aussi, et surtout, notre possibilité de les voir. Un événement est visible dans la mesure où l’on peut le capter, il ne s’agit pas seulement de son passage sur les ondes télévisuelles, ou web, mais plutôt de la possibilité donnée au spectateur de le comprendre (le faire sien). Cette compréhension passe, entre autre, par le temps d’exposition de l’événement qui détermine notre capacité à le voir et à l’intégrer à notre quotidien, ou tout du moins nos pensées pour un temps. Qui n’a pas pensé, ne serait-ce quelques minutes, à propos du 11 septembre? Par leur présence médiatique, les images de cet événement nous ont habité et nous habitent toujours.
Violencia s’arrête donc sur les tours du World Trade center, sous la foudre et sous le coup des attentats, avec une image vidéo qui semble tournée au ralenti. À la suite de ces fragments défilent à une vitesse qui rend les images invisibles, comme indiqué plus haut, d’autres fragments portant sur d’autres événements qui restent mystérieux. Ces fragments, et donc ces événements, n’ont pas le temps d’entrer dans notre champ de vision, nous n’avons pas pas le temps de les comprendre, de les faire notre. Comme si le temps accordé à la représentation de la violence avait était entièrement pris par la médiatisation du 11 septembre. La violence du 11 septembre c’est aussi les autres événements que cet événement sur-médiatisé a empêché de rendre visibles.
Donner une citation marquante, s’il y a lieu
N/A
Noter tout autre information pertinente à l’œuvre
N/A