Entrée de carnet

Sorcières et déhantise: une histoire de la crise écologique

Esther Laforce
couverture
Article paru dans Perspectives Écoféministes, sous la responsabilité de Revue FéminÉtudes (2024)

Texte modifié et augmenté d’une communication présentée à la journée d’étude du 2 décembre 2021 à l’UQAM intitulée Imaginaire et création au prisme des écoféminismes contemporains : littérature, théâtre, arts visuels.

   

Manifester, résister, avec les mort.es

Les écoféministes, qui mettent au cœur de leurs réflexions l’interrelation entre les différentes formes de vie, ont montré comment leurs résistances s’appuient également sur une conscience fine, servant de moteur à leurs actions, de la place qu’occupent les mort.es, et sur la nécessité, pour les vivant.es, de leur porter soin et attention. On retrouve cette sensibilité, par exemple, dans les deux premiers mouvements de la Women’s Pentagon Action, mobilisation qui a eu lieu le 17 novembre 1980, et qui visait à dénoncer le pouvoir militaire américain et l’armement nucléaire. Cette marche constitue l’une des manifestations phares des mouvements écoféministes des années 1980 aux États-Unis. Dans la toute première page de son introduction au recueil de textes écoféministes Reclaim, Émilie Hache en décrit le déroulement, expliquant que, au départ du cortège, des pierres tombales avaient été érigées « pour toutes celles qui sont mortes à cause de cette machine de guerre et de productivisme1Hache, 2016 : 13. ». Sur ces pierres tombales, les manifestantes avaient écrit les noms de femmes comme Anne Frank, Marilyn Monroe ou ceux « de femmes tuées au Vietnam2 Id. ». Le deuxième mouvement de la manifestation était ensuite marqué par l’entrée de quatre immenses poupées – l’arrivée de la première, représentant le deuil, s’accompagnant de pleurs et de silence. 

Donnant leur impulsion à la marche, les femmes mortes d’un passé lointain ou plus récent, et le chagrin qu’elles suscitent, ont mis en mouvement les manifestant.es. Les écoféministes attestent ainsi que la résistance aux menaces qui pèsent sur les vivant.es et leurs environnements tire notamment sa force de la présence des mort.es. Convoqué.es d’emblée par la crise écologique et le futur catastrophé appréhendé, les humain.es et autres qu’humain.es décédé.es, ou qui sont destiné.es à mourir des conséquences des changements climatiques, peuvent probablement contribuer à guider nos luttes contre les pouvoirs oppressifs et mortifères. Si les nombreux champs de la pensée écologique s’entendent sur le fait que toutes les formes de vie sont interdépendantes, peut-être faut-il aussi insister sur la nécessaire interconnexion du vivant et du mort. Puissante dénonciation, par les femmes, des structures politiques qui mettent en danger les vies auxquelles elles tiennent et dont elles prennent soin, cette marche sur le Pentagone, et sa mise en scène, ont été révélatrices de la préoccupation des femmes pour les mort.es.

 

L’histoire des sorcières comme déhantise 

Toutefois, à considérer la manière dont les puissances capitalistes, coloniales et patriarcales à l’origine de la crise écologique prennent possession des terres, tirant énergie et profit du vivant qu’elles exploitent, éliminant ce qui nuit et ralentit leurs processus d’appropriation et d’exploitation – notamment, les sentiments de chagrin et de deuil –, il apparaît évident que cette interconnexion des vivant.es et des mort.es est fragilisée. Les mort.es ont peu de place dans le système établi et entretenu par les forces capitalistes qui se consolident à même cette exclusion. Ainsi, au sein des structures capitalistes qui délimitent, achètent, évincent, domestiquent, assignent, revendent, enrichissent et tuent, en faisant disparaître la mémoire de leurs crimes, on peut déceler ce que je nommerai ici une force de déhantise. Plus qu’une simple indifférence aux mort.es, j’entends la déhantise comme un mouvement violent de l’oubli, une absence délibérée d’attention portée aux mort.es, du passé comme du futur, ainsi qu’un refus volontaire de se mettre en mouvement sous l’impulsion de leur présence. Les résistances écoféministes participent donc, dans ce contexte, à mettre en lumière la rupture dans la nécessaire interdépendance entre les vivant.es et les mort.es, ainsi que ses conséquences. 

L’un des indices de cette déhantise est certainement la désinvolture avec laquelle les sociétés occidentales contemporaines traitent la mémoire des femmes assassinées sous prétexte de sorcellerie. L’éloignement historique des chasses aux sorcières en Europe ne devrait en effet pas faire écran à ce qui peut encore nous lier à ces femmes désignées sorcières et condamnées à mort pour cette raison même. De même que les personnes afro-descendantes et autochtones, les « sorcières » font partie des premières victimes des systèmes patriarcal, colonial et capitaliste qui, par l’exploitation de la Terre et des corps féminins et racisés, ont été constitutifs du passage à la Modernité, voire de son imposition. Les écoféminismes soutiennent ainsi qu’un des fondements de ces systèmes d’oppression est une conception hiérarchisante du vivant. Dans cette optique, les hommes cisgenres blancs, positionnés au sommet de la hiérarchie, disposent d’un droit sur tout ce qui leur est inférieur et qui, de manière corollaire, a été associé à la « nature » : les femmes et les personnes racisées, les animaux, les végétaux, les minéraux, etc. Or, les chasses aux sorcières ont accompagné les premiers développements de ces systèmes qui ont conduit à ce que nous nommons aujourd’hui la crise écologique, conséquence des abus perpétrés au nom du progrès et de la productivité. 

Dans l’essai Une guerre mondiale contre les femmes, Silvia Federici3Federici, 2021. explique que le 16e siècle, époque des grandes chasses aux sorcières en Europe, correspond aussi à la période historique des enclosures, soit la privatisation et le morcellement des terres agricoles. Les enclosures ont signé la disparition des communaux, ces terres qui, sous le régime féodal, permettaient aux petit.es paysan.nes de cultiver librement et de manière partagée ce qui leur était nécessaire pour subvenir à leurs besoins. L’apparition des enclosures représente donc, selon Federici, le premier mouvement par lequel le système capitaliste s’est développé. L’autrice avance d’ailleurs que l’histoire des sorcières est liée à l’apparition de ce système. En effet, les principales personnes visées par les accusations de sorcellerie étaient des femmes seules et souvent vieillissantes, qui n’avaient pas leur place dans cette nouvelle organisation économique axée sur la productivité. En perdant l’accès aux terres partagées qui leur permettaient de se nourrir, ces femmes pauvres, sans propriété, et qui n’étaient plus en âge d’enfanter, devenaient dangereuses aux yeux des autorités, alors que le rôle des femmes se réduisait de plus en plus à la reproduction de la force de travail, au profit de l’organisation capitaliste et patriarcale de la nouvelle société moderne. Démonisées, torturées puis brûlées, elles ont été éliminées, le sort qu’on leur réservait se révélant ainsi une forme de « dressage4Federici, 2014 [2004] : 300. » visant à montrer aux femmes qu’elles pouvaient payer de leur vie tout désir de liberté5Sur l’histoire des enclosures et l’apparition de la chasse aux sorcières, voir particulièrement l’article “La chasse aux sorcières, les enclosures et la fin des rapports de propriété collective” dans Federici, 2021 : 27-38. Federici a également développé cette thèse dans l’essai Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive (2014 [2004]).. Les chasses aux sorcières ont aussi affecté celles qui détenaient des connaissances médicales, notamment en matière de contrôle des naissances6Voir Ehrenreich et English, 2020 [1976].. Laisser aux femmes la possibilité de disposer librement de leur propre corps représentait – et représente toujours – une menace pour le maintien du système capitaliste, qui a besoin de renouveler, par la reproduction, sa force de travail.    

Les femmes jugées et condamnées pour sorcellerie sont disparues. Ces mises à mort injustes auraient dû et devraient encore aujourd’hui provoquer les mêmes sentiments de tristesse, de colère, de révolte et d’appel à la justice que font naître les crimes de masse. Au lieu de quoi, les pouvoirs religieux, et surtout politiques, à l’origine de ces massacres, continuent d’exercer une ferme emprise sur nos sociétés. Quant au pouvoir capitaliste, il s’est emballé, pourrait-on dire, surchauffant l’atmosphère, pendant que la mémoire de ces femmes a été plongée dans l’oubli. N’ont subsisté d’elles, longtemps, que l’opprobre et la misogynie par lesquels elles ont péri et qui, il faut s’en rendre compte, font encore le profit des marchand.es. La figure de vieille femme laide à la verrue sur le nez, au chapeau pointu, enfourchant son balai pour s’envoler dans le ciel nocturne en ricanant d’un air méchant, armée de ses potions, élixirs et malédictions, alimente allègrement l’économie sur laquelle reposent, pour ne nommer que ceux-là, la fête d’Halloween et le cinéma d’Hollywood7Notons également la récupération par le capitalisme de l’esthétique et des symboles liés à la sorcellerie, comme l’analyse Kristen J. Sollée dans « Hex Sells: Feminism, Capitalism & the Witch » (2017). Federici s’indigne d’ailleurs du commerce de cette image sur les sites touristiques européens où ont eu lieu les procès de sorcellerie : 

Des sites célèbres de persécutions et de procès qui ont conduit à l’exécution de dizaines de femmes exhibent à présent boutique après boutique des figurines de sorcières. Dans un style grotesque, elles reproduisent les stéréotypes créés par les chasseurs de sorcières eux-mêmes qui ont mené à la mort de milliers de femmes.8Federici, 2021 : 12. 

Du même souffle, elle constate et déplore l’absence presque totale de reconnaissance officielle du tort causé à ces femmes : 

[…] sauf rares exceptions, les gouvernements et les représentant.es européen.nes de la classe politique ou de l’Église n’ont pas reconnu l’immense crime que leurs prédécesseurs ont commis contre les femmes. Aucune « Journée de commémoration » n’a été introduite dans les calendriers d’Europe pour nous rappeler les massacres des sorcières.9Ibid. : 13.

Federici pousse ses recherches plus loin en mettant également en lumière la recrudescence des chasses aux sorcières dans les dernières décennies. Dans des pays d’Afrique notamment, soumis au pouvoir économique néocolonial de grandes multinationales, l’acquisition des territoires pour l’exploitation lucrative de ressources naturelles dépossède et appauvrit les communautés locales, fragilisant les liens qui unissent ses membres. Les jeunes hommes incapables de subvenir aux besoins de leur famille, et ne voyant pas d’avenir devant eux, s’en prennent aux femmes seules et âgées qui réussissent à gagner leur vie grâce à la culture de lopins de terre ou à la gestion de petits commerces. Considérant que ces femmes jouissent d’une aisance dont ils sont eux-mêmes privés, et les désignant comme membres inutiles de la société, ces jeunes hommes en viennent à les démoniser, à les condamner et à les tuer, et ce souvent en les brûlant, comme dans les premières chasses aux sorcières. Or, insiste Federici, les victimes de ces nouvelles chasses aux sorcières attirent très peu l’empathie des organisations internationales, et leur sort tombe dans l’indifférence et l’oubli, même au sein des mouvements féministes : 

[…] alors que de nombreuses féministes ont célébré la Décennie des Nations unies pour la femme, elles n’ont pas entendu les cris de celles qui, au cours de ces mêmes années, étaient brûlées en tant que sorcières en Afrique, et elles ne se sont pas demandé si « le pouvoir des femmes » n’était pas un vain mot quand des vieilles femmes pouvaient en toute impunité être torturées, humiliées, ridiculisées et tuées par les jeunes de leur communauté.10Ibid. : 117. Voir plus largement, sur le phénomène contemporain des chasses aux sorcières en Afrique, l’article “Chasse aux sorcières, mondialisation et solidarité féministe en Afrique aujourd’hui”, dans Federici, 2021 : 85-120.

Considérer l’histoire des sorcières, de même que l’oubli et l’indifférence dans lesquels elle a sombré, comme une déhantise – ce que je m’efforce à faire ici – révèle la justesse d’une remarque de Margrit Shildrick, dans un article consacré aux imaginaires sociaux de la mort. Elle y analyse, dans une perspective queer et féministe, le cas de la découverte des ossements de bébés dans des fosses communes situées près d’un couvent en Irlande, là où ont été envoyées au 20e siècle des femmes célibataires enceintes11Une découverte qui rappelle aussi douloureusement celle des restes d’enfants près des pensionnats pour Autochtones au Canada, comme le souligne Shildrick (2020 : 171).. Elle écrit: 

What has been publicly emerging in recent years has been a confrontation with the consequences of the Church’s policy – in collusion with the Irish State – of cleaning up the putatively shameful spectacle of illegitimate births. That alone demands a feminist response to the sociopolitical oppression of vulnerable women, and it is important to note, although I will not develop it here, that the uncared-for dead in this instance mark the exercise of patriarchal power.12Shildrick, 2020 : 171 (je souligne). 

C’est en effet cette absence de soin pour les mort.es, caractéristique des systèmes hétéropatriarcaux, capitalistes, racistes et coloniaux, et symptomatique des dynamiques de pouvoir qui mènent à la crise écologique, qui retient mon attention, et à laquelle, il me semble, une approche écoféministe peut répondre. Ce mouvement d’indifférence et d’oubli des mort.es rappelle également les écrits de Judith Butler sur la politique du deuil13Butler, 2005 et 2010. dans lesquels l’autrice remarque qu’après les attentats du 11 septembre, la mémoire des victimes américaines a été conservée et soulignée à travers de nombreux gestes de commémoration publique. Or, souligne-t-elle, qui, aux États-Unis, connaît les noms et les histoires des victimes innocentes des bombardements américains en Iraq? Les nécrologies publiques sont porteuses d’exclusion. La déhantise nous amène ainsi à constater une différence de traitement entre les mort.es, et à nous demander lesquel.les ont droit à une inscription dans le deuil collectif. Selon toute évidence, l’injustice qui a présidé et qui préside encore à la mise à mort des sorcières s’est doublée d’une injustice qui touche à la mémoire de ces mises à mort et au peu de cas qui est fait, dans nos sociétés, du meurtre des femmes dérangeant l’ordre établi. Or, la conscience de cette injustice doit être ranimée. Redonner une présence à ces mortes, dont les traces sont récupérées par le système même qui les a condamnées, pourrait compter dans la résistance à tout ce qui met actuellement en péril l’ensemble du vivant. Il est temps de prendre conscience des liens serrés que les mort.es, injustement mort.es, devraient entretenir avec les vivant.es qui se soucient du vivant.   

   

Des mort.es qui suffoquent

L’histoire de ces sorcières, oubliées au profit d’un système qui trouve sa force dans l’indifférence des sociétés occidentales face à celles qui ont été et qui sont encore torturées et atrocement tuées, se tisse en arrière-plan des Sorcières de la République. Ce roman dystopique de Chloé Delaume exemplifie la dynamique de la déhantise par laquelle se voient entre autres reliées l’histoire des femmes et celle de la crise écologique. Le récit se déroule en 2062, alors que la société française cherche à faire la lumière sur une période volontairement oubliée de l’histoire de la France. En 2020, un « Grand Blanc » avait été voté, visant à effacer la mémoire de tout ce qui s’était déroulé entre 2017 et 2020. C’est toutefois un oubli plus profond que ce roman tente de mettre au jour, un oubli qui éclipse de loin ce « Grand Blanc14Delaume, 2016 : 9 (entre autres). », du moins aux yeux de la seule témoin qui a conservé une mémoire de cette époque, la figure centrale du récit, Sibylle de Cumes. Tirée de la mythologie gréco-romaine, la Sibylle est une prophétesse reconnue pour sa capacité à voir le futur et, surtout, les malheurs à venir. Dans le roman, elle est mise en cause dans un procès en tant que seule survivante des événements qui ont eu lieu entre 2017 et 2020. Durant ces trois années, le gouvernement était formé par le Parti du cercle, parti féministe constitué sous l’influence du groupe de déesses dont fait partie la Sibylle, et qui est tenu responsable de ce qui a mené au « Grand Blanc ». Sibylle, âgée de 2913 ans, apparaît comme la grande témoin de l’histoire de la prise de pouvoir par les femmes, mais aussi, et surtout peut-être, de l’histoire de toutes les injustices commises à leur encontre. Elle révèlera ainsi l’ampleur de l’oubli dans lequel évolue la société française – et les sociétés occidentales en général –, depuis des temps aussi anciens que celui de la première déesse, Gaïa, et de la première femme, Lilith. Une amnésie qui dépasse largement les limites de ces trois années de pouvoir féministe qui ont, par ailleurs, mal tourné.

Le portrait du futur de l’« an de disgrâce 206215Comme le dit à quelques reprises la Sibylle, par exemple aux pages 92 et 148 (ibid.). » contient de fréquentes représentations de la crise écologique, particulièrement à travers des manifestations du réchauffement planétaire. Le procès se déroule au Tribunal du Grand Paris, anciennement le Stade de France, en banlieue parisienne, stade qu’on peine à climatiser en raison d’une canicule en plein mois de février16À la page 92 (id.), la Sibylle note la date, soit le 6 février 2062. Elle dit également qu’il fait 35 degrés Celcius. À la page 148, la date est le 7 février 2062, soit le lendemain. La température extérieure est de 38 degrés Celcius, et la climatisation a cessé de fonctionner.. Cette France qui subit les effets des bouleversements climatiques est également soumise, de manière extrême, aux lois du marché. Tout y est à vendre, à commencer par le spectacle de ce procès hypermédiatisé, dont on suit la diffusion télévisée. 

La scène où la Sibylle fait le récit de l’« Opération Lucidator17Delaume, 2016 : 147. » est particulièrement forte. La dynamique de la déhantise y est illustrée à travers un enchevêtrement d’images de la crise climatique, du pouvoir capitaliste et de la mort de femmes ouvrières au Bangladesh. De manière révélatrice, la résistance féministe ici mise en scène, celle des déesses de l’Olympe liguées pour donner une deuxième chance à l’humanité, fait naître une hantise. L’action des déesses, l’« Opération Lucidator », que les autorités considèrent comme un « attentat18« Néanmoins je réfute le terme d’attentat […] », se défend la Sibylle au début de son récit (ibid. : 147). », visait plutôt les habitudes de consommation occidentales dans le but de « [f]aire en sorte que les femmes se confrontent au réel, prennent conscience de leurs actes19Id. »

Dans un magasin H&M, le 12 janvier 2013, au moment des soldes de début d’année, les déesses décident de rendre présente et tangible la mort des ouvrier.ères20Et peut-être particulièrement des ouvrières, comme l’affirme la Sibylle : « Pour des marques internationales, des ateliers d’exploitation. Les corps frêles sont souvent femelles, les petites mains plongées dans le bac à colorant » (ibid. : 148) exploité.es dans les ateliers insalubres du Bangladesh, un pays englouti par les eaux et dont l’existence même semble avoir été oubliée dans la France de 206221La Sybille réfère à des images pour prouver que le Bangladesh « a existé avant que la mer ne le recouvre » (ibid. : 148).. On se souviendra que le 23 avril 2013, le Rana Plazza, un immeuble abritant des ateliers de l’industrie du textile, s’est effondré sur les travailleuses. Au total, « un millier de blessés et mille cent trente-cinq morts22Ibid. : 151. ». Ce sont ces mort.es du futur (et de notre passé récent), victimes des habitudes de surconsommation des sociétés occidentales, que la Sibylle et ses compagnes ont voulu protéger. Elles ont ainsi lancé un enchantement sur les vêtements et les bijoux du H&M afin que les étoffes et les perles deviennent hantées par les souffrances de celles qui les ont ouvrées, que leur douleur se transmette à celles qui les portent, qu’« [à] même la peau, le réel brûle23Ibid. : 154. » :

Lentement le long des hanches, les étoffes collent et mordent. […] Dans et près des cabines, des cris, des cloques; une odeur perceptible de chair en combustion. […] Dans les mains des caissières, de la fange et du plâtre s’écoulent sur le tapis qui dégorge une boue brune, grumeleuse. […] Au rayon des bracelets, les perles sont des yeux, et les pendants d’oreilles des bouches qui crient le réel, la crise écologique mondiale, les catastrophes économiques, l’épuisement des ressources humaines. […] Les cols deviennent des mains aux paumes crevées de kystes […] les mannequins pleurent du sang et des grains de maïs […] les écharpes les foulards emprisonnent les clientes, poignets chevilles, nœuds aux portants. L’âme des morts pour la mode […] prend possession des fibres.24Ibid. : 157. 

Pourtant, toute cette hantise ne laissera, au final, aucune trace. Puisque l’enquête a conclu « à l’hallucination collective25Ibid. : 158. », « la cause n’a pas été relevée, notre message jamais n’a été compris, ni entendu26Id. ». La même absence de prise en compte des mort.es précède et suit ce moment de hantise, bref instant de résistance dans l’éternelle déhantise à laquelle semble soumise l’humanité. 

Deux autres mort.es pointent également vers cette déhantise, et c’est par là que le roman rejoint le plus directement l’histoire des sorcières. Le premier décès est marqué du sceau de l’ironie. C’est celui d’un des juges de la Sibylle, coiffé d’une cagoule rappelant la figure des inquisiteurs, qui meurt étouffé par la chaleur de la canicule. Mais cette mort en appelle une autre, car le juge succombe alors qu’il est sur le point de condamner l’accusée au bûcher. Par ce jugement, c’est l’histoire qui vient de lui être racontée qu’il s’apprête à répéter. L’exécution de la prophétesse se révèle comme inscrite d’avance dans la mort de toutes ces femmes assassinées, puis oubliées, dont parle le roman. Et ainsi, le mouvement de déhantise du monde, responsable de la crise écologique, réaffirme son emprise. 

Porteuse d’une mémoire, celle de l’histoire des femmes et des violences qu’elles ont subies et subissent encore, la Sibylle résiste à la déhantise en prenant la parole et en transmettant son histoire. Toutefois, elle est bien consciente que personne ne l’écoute, car personne ne l’a jamais écoutée27Elle affirme par exemple, dès le début de son témoignage : « Comprenez : c’est dans ma nature de voir les malheurs arriver. Seulement, que voulez-vous que je vous dise, à chaque fois c’est pareil, personne ne m’écoute », Ibid. : 24).. Elle sait que son témoignage, bien qu’hypermédiatisé, n’intéresse au fond que très peu de personnes dans ce qu’est rendue la France de 2062. Et ses visions du futur lui transmettent la certitude que rien n’arrivera à sauver l’humanité. Ultime morte du roman, injustement condamnée, la Sibylle ne peut qu’espérer, même désespérée, que quelque nouvelle magie saura faire de son histoire « un nouveau commencement28Ibid. : 370. »

La fine lucidité de la Sibylle se trouve exprimée, il me semble, dès le début du roman, quand elle lance à ses juges : « Savez-vous qu’il existe, sous de nombreux parkings et zones industrielles de votre ancienne Europe, des âmes et des espoirs à l’état de fossiles qui suffoquent, dans la pierre, de ne plus vous inspirer? »29Ibid. : 32. Peut-être est-ce le sort qui l’attend : suffoquer, dans le feu du bûcher, et perdre son pouvoir d’inspirer. Ainsi ce roman fait-il sentir que la catastrophe écologique, comprise comme le résultat de l’enchevêtrement de systèmes d’oppression visant la productivité et la quête de richesses, n’est pas seulement une catastrophe qui affecte les vivant.es en précipitant leur disparition, leur extinction, c’est aussi la disparition et l’extinction des mort.es. Les mort.es du futur sont assurément un sujet d’inquiétude au regard des catastrophes à venir; iels nous hantent car nous appréhendons leurs douleurs, leurs conditions d’existence sur une terre dévastée. Mais ce qui devrait nous inquiéter autant, et ce vers quoi pointe une dystopie féministe comme Les Sorcières de la République, portée par la voix de la Sibylle, c’est que ces mort.es à venir, comme les mort.es du passé, ne parviennent pas à nous mettre en mouvement, et que notre monde se déhante.

   

Parler pour les mort.es

La figure de la Sibylle, toute fictive qu’elle soit, trace une voie pour comprendre comment les témoins, ou leurs représentations, peuvent être considéré.es comme des points de relais entre les vivant.es et les mort.es. Leurs voix sont celles qui, en nommant un réel bouleversé et injuste, se dressent contre les forces à l’origine de la crise écologique, des forces mortifères, des forces de déhantise. 

Dans une étude sur la spectralité et le témoignage dans les récits de femmes contemporains, Martine Delvaux s’appuie sur la pensée de Jacques Derrida pour faire du.de la témoin « une des figures spectrales les plus importantes30Delvaux, 2005 : 10. », et du témoignage « le genre par excellence de la hantise permanente31Ibid. : 20. ». Cette hantise, c’est la « mort qui travaille sans cesse la vie et ne se laisse pas reposer, toujours en retard sur elle-même et qui demeure dans l’horizon de la vie : mort qui survit32Ibid. : 21. ». Comme survivant.es d’une histoire qui revient toujours, qui se répète, les témoins habitent une temporalité « disjointe33Derrida, 1997 : 16. », c’est-à-dire un « présent vivant34Id. » hanté par « les fantômes de ceux qui ne sont pas encore nés ou qui sont déjà morts35Id. ». Les témoins cherchent la justice et, pour cela, leurs récits sont hantés, convoquant la mort et les fantômes du présent et du futur. Ce qu’iels racontent est souvent extrême, leurs expériences sont « liminales36Chambers, 2004 : xxvi. », pointant vers « the death-at-your-doorstep37Id. ». En cela, explique Ross Chambers, les discours des témoins opèrent une liaison entre la vie et la mort: « A discourse of extremity […] is a mediating instance that, like a ghost, makes possible, or wants to make possible, a form of contact or encounter between, on the one hand, the living […] and on the other the phenomenon of death38Id. ». Toutefois, le quotidien des personnes qui reçoivent et à qui sont adressés les témoignages est souvent très éloigné de ces expériences extrêmes. Appartenant à des cultures qui se définissent par le confort et une certaine forme de bonheur, les personnes privilégiées peuvent rester insensibles devant les discours des témoins: « […] it remains relatively easy for “unaffected” majorities […] to sleep on, more or less blissfully oblivious or indifferent to, and undisturbed by, what is nevertheless happening, or has happened to others, at the limits of their culturally blinded awareness39Ibid. : xviii. (Les italiques sont dans le texte.) ». C’est cette insensibilité et cette indifférence aux discours des témoins, mises en lumière par Chambers, et qui trouvent un écho dans la société française du futur imaginée par Delaume, que je tente de cerner à travers le concept de la déhantise.

Devant la crise écologique, les êtres détruit.es et tué.es – végétaux, animaux, humain.es – sont bien celleux qui demandent notre attention. Porter une forme de hantise, porter la mémoire des mort.es, est ce à quoi invite aussi Donna Haraway dans Staying with the Trouble40Haraway, 2016.. Elle y opère, en effet, une forme de densification de l’ontologie écoféministe en insistant spécifiquement sur l’importance de développer des relations d’intime proximité entre vivant.es et mort.es. Au temps du Chtulucène, terme qu’elle propose pour désigner notre époque, le présent se donne à penser à partir des notions d’héritages (« inheritances41Ibid. : 2. ») et de mémoire (« remembering42Id. ») et, surtout, à partir de notre condition d’êtres mortel.les. Nous sommes, humain.es et autres qu’humain.es, des créatures mortelles et terriennes qui venons du compost et qui retournerons au compost. Nous vivons, mourons et devenons ensemble, et notre défi, devant la dévastation de la Terre, est de bien le faire. Les notions de « sympoièse43Voir particulièrement, ibid., chapitre 3 : 58-98 (ou dans sa version française : Haraway, 2020 : 113-191). » et de « kin making44Voir particulièrement : ibid., chapitre 4 : 99-103 (ou dans sa version française : Haraway, 2020 : 217-232). », proposées par Haraway, marquent cette idée d’un vivre, mourir et penser par couplage, d’un faire ensemble, entre espèces, afin de s’apparenter.

Dans le récit imagé qu’elle offre du futur, imaginé entre autres avec Vinciane Desprets45Autrice de l’essai Au bonheur des morts (2015), dans lequel on trouve des cas de figures et des analyses éclairantes de la manière dont les mort.es peuvent mettre en mouvement les vivant.es., des êtres sympoïétiques forment les Communautés du compost et habitent des régions du monde fragilisées par le développement industriel et l’extraction des ressources. Les Camille, personnages principaux.ales de cette histoire, sont des êtres humain.es qui ont été couplé.es par sympoièse à des papillons monarques, lesquels sont vulnérabilisés et peut-être appelés à disparaître, en raison de la pollution qui affecte les écosystèmes se trouvant sur leur chemin de migration. La sympoièse permet à des êtres vivant.es de devenir autres en prenant soin d’un.e individu.e appartenant à une espèce en danger qu’iels aident à mieux vivre, à même leur corps, et dont iels, ce faisant, gardent une mémoire. Les êtres sympoïétiques héritent ainsi de manières diverses de vivre sur Terre. Dans les Communautés du compost, toutes sortes de sympoièses sont pratiquées. L’un.e des Camille rencontrera, au cours de ses voyages, une communauté de papillons couplés avec les esprits de mort.es, cette association permettant aux mort.es de continuer à être actif.ves et présent.es sur la Terre.

Parmi les Communautés du compost se développent également des figures qui ressemblent à celles des témoins. Haraway les nomme Speakers for the Dead, soit les porte-paroles des mort.es. Camille 5, qui vivra entre 2340 et 2425, en deviendra un.e. Sa tâche sera d’enseigner des pratiques visant à faire le deuil et à se souvenir des créatures humaines et autres qu’humaines dorénavant éteintes, l’extinction des espèces et des humain.es prenant une ampleur douloureuse au fil des générations de Camille. C’est par la description de la tâche des Speakers for the Dead que le récit d’Haraway nous ramène à l’histoire des femmes assassinées pour sorcellerie, cette histoire par laquelle il faut nous laisser hanter, qu’il faut rendre présente à notre mémoire, comme celle de tou.tes les êtres vivant.es disparu.es ou amené.es à disparaître dans l’ère des grands bouleversements que l’autrice désigne tout à la fois des termes de Plantationocène, d’Anthropocène et de Capitalocène: 

And so the fifth Camille inherited a powerful task from per’s mentor – to become a Speaker for the Dead, to bring into ongoing presence, through active memory, the lost lifeways, so that other symbiotic and sympoietic commitments would not lose heart. Crucial to the work was not to forget the stink in the air from the burning of the witches, not to forget the murders of human and nonhuman beings in the Great Catastrophes named the Plantationocene, Anthropocene, Capitalocene, « to keen and mourn for the dismembering of the world46Il s’agit d’un vers extrait d’un chant de la sorcière néopaïenne Starhawk dans Truth or Dare : Encounters with Power, Authority, and Mystery (1990: 30-31) ». Moving through mourning to represencing, to the practice of vital memory, was the work of the Speakers for the Dead.47Haraway, 2016 : 166. La traduction française proposée par Vivien García va ainsi : « Et ainsi Camille 4 transmit à Camille 5 sa lourde mission : devenir une Voix des Morts, conférer une présence continue, au moyen d’une mémoire active, aux manières de vivre perdues et insuffler du courage aux autres engagements symbiotiques et sympoïétiques. Il était pour cela essentiel de n’oublier ni cet air empesté par la chasse aux sorcières et ses bûchers ni le massacre de tant d’êtres humains et non humains dans ces Grandes Catastrophes nommées Plantationocène, Anthropocène et Capitalocène. Il fallait “lamenter et pleurer le démembrement du monde”. Vivre le deuil et redonner une présence, pratiquer une mémoire vitale, tel était le travail des Voix des Morts » (Haraway, 2020 : 344). 

Durant le grand spectacle de son procès, la Sibylle a tout d’une apparition, revêtant dans sa blancheur l’aspect habituellement donné aux fantômes : « La voici enfin. La Sibylle. Enchaînée, pieds nus, en robe blanche, pareille à ses cheveux. 194 centimètres, la longueur de ses cheveux, ça lui fait comme une petite traîne. Voyez la mousse poudreuse, une auréole de neige, un écrin de coton. »48Delaume, 2016 : 20. Avec son âge impossible, 2913 ans, on la croirait tout droit sortie du royaume des mort.es. Et c’est bien vers la mort qu’elle sera conduite à la fin, à l’instar des sorcières. Mais, jusqu’à la fin, elle parle, elle témoigne et résiste à l’indifférence des juges et du public. Elle aurait pu se contenter de raconter ce qu’on lui demandait, soit les événements qui se sont produits entre 2017 et 2020. Et pourtant, elle choisit de remonter bien au-delà, jusqu’au tout début de l’histoire des femmes. Dans son récit, le présent est ouvert au passé et marqué par la connaissance du futur, des malheurs qu’elle voit arriver. Elle parle pour les mort.es, nombreux.ses. Le génocide des sorcières, dans son histoire, n’occupe pas le devant de la scène, mais il la sous-tend et émerge chaque fois que les déesses prononcent des formules magiques, tentant de résister au patriarcat et au capitalisme. Ceux-ci sont puissants. Monsanto aura raison de Déméter, déesse des récoltes, et c’est la vision du chagrin et de la mort de Déméter qui fera comprendre à la Sibylle que rien ne sauvera l’humanité49Ibid. : 89 à 93.. Malgré tout, les longues explications qui constituent le témoignage de la Sibylle s’adressent aux vivant.es, à celleux qui pourront l’entendre : « Je remets mon histoire à qui saura en faire un nouveau commencement50Ibid. : 371. ». Sa conclusion est une sorte d’appel à l’Apocalypse. Et si ce Nouveau Commencement doit arriver, l’histoire hantée et hantante de la Sibylle, son témoignage en forme de « vital memory », contribuera sans doute à le provoquer. 

   

Bibliographie

Hache, Émilie (dir.) (2016). Reclaim. Recueil de textes écoféministes. Paris : Cambourakis, coll. Sorcières. 

Butler, Judith (2005). Vie précaire : les pouvoirs du deuil et de la violence après le 11 septembre 2001. Trad. Jérôme Rosanvallon et Jérôme Vidal. Paris : Amsterdam. 

Butler, Judith (2010). Ce qui fait une vie : essai sur la violence, la guerre et le deuil. Trad. Joëlle Marelli. Paris : La Découverte.

Chambers, Ross (2004). Untimely Interventions: AIDS Writing, Testimonial, and the Rhetoric of Haunting. Ann Arbor : University of Michigan Press.

Delaume, Chloé (2016). Les Sorcières de la République. Paris : Seuil.

Delvaux, Martine (2005). Histoires de fantômes. Spectralité et témoignage dans les récits de femmes contemporains. Montréal : Presses de l’Université de Montréal.

Derrida, Jacques (1997). Spectres de Marx. Paris : Galilée.

Despret, Vinciane (2015). Au bonheur des morts : récits de ceux qui restent. Paris : La Découverte.

Ehrenreich et English (2020) [1976]). Sorcières, sages-femmes et infirmières : une histoire des femmes et de la médecine. Montréal : Les Éditions du Remue-Ménage. 

Federici, Silvia (2014) [2004]). Caliban et la Sorcière. Trad. collectif Senonevero, revue et corrigée par Julien Guazzini. Paris : Entremonde. 

Federici, Silvia (2021). Une guerre mondiale contre les femmes. Trad. Étienne Dobenesque. Montréal : Les Éditions du remue-ménage.

Haraway, Donna J. (2016). Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene. Durham : Duke University Press.

Haraway, Donna J. (2020). Vivre avec le trouble. Trad. Vivien García. Vaulx-en-Velin: Les Éditions du monde à faire.

Shildrick, Margrit. (2020). « Queering the Social Imaginaries of the Dead », Australian Feminist Studies, 35: 104, p. 170-185. [En ligne] https://doi.org/10.1080/08164649.2020.1791690 

Sollée, Kristen J. (2017). « Hex Sells: Feminism, Capitalism & the Witch», dans Witches, Sluts, Feminists. Conjuring the Sex Positive. Berkeley: ThreeL Media, pp. 131-136.

   

Révision scientifique: Noémie Dubé

Révision linguistique: Geneviève Proulx-Masson

  • 1
    Hache, 2016 : 13.
  • 2
    Id.
  • 3
    Federici, 2021.
  • 4
    Federici, 2014 [2004] : 300.
  • 5
    Sur l’histoire des enclosures et l’apparition de la chasse aux sorcières, voir particulièrement l’article “La chasse aux sorcières, les enclosures et la fin des rapports de propriété collective” dans Federici, 2021 : 27-38. Federici a également développé cette thèse dans l’essai Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive (2014 [2004]).
  • 6
    Voir Ehrenreich et English, 2020 [1976].
  • 7
    Notons également la récupération par le capitalisme de l’esthétique et des symboles liés à la sorcellerie, comme l’analyse Kristen J. Sollée dans « Hex Sells: Feminism, Capitalism & the Witch » (2017)
  • 8
    Federici, 2021 : 12.
  • 9
    Ibid. : 13.
  • 10
    Ibid. : 117. Voir plus largement, sur le phénomène contemporain des chasses aux sorcières en Afrique, l’article “Chasse aux sorcières, mondialisation et solidarité féministe en Afrique aujourd’hui”, dans Federici, 2021 : 85-120.
  • 11
    Une découverte qui rappelle aussi douloureusement celle des restes d’enfants près des pensionnats pour Autochtones au Canada, comme le souligne Shildrick (2020 : 171).
  • 12
    Shildrick, 2020 : 171 (je souligne).
  • 13
    Butler, 2005 et 2010.
  • 14
    Delaume, 2016 : 9 (entre autres).
  • 15
    Comme le dit à quelques reprises la Sibylle, par exemple aux pages 92 et 148 (ibid.).
  • 16
    À la page 92 (id.), la Sibylle note la date, soit le 6 février 2062. Elle dit également qu’il fait 35 degrés Celcius. À la page 148, la date est le 7 février 2062, soit le lendemain. La température extérieure est de 38 degrés Celcius, et la climatisation a cessé de fonctionner.
  • 17
    Delaume, 2016 : 147.
  • 18
    « Néanmoins je réfute le terme d’attentat […] », se défend la Sibylle au début de son récit (ibid. : 147).
  • 19
    Id.
  • 20
    Et peut-être particulièrement des ouvrières, comme l’affirme la Sibylle : « Pour des marques internationales, des ateliers d’exploitation. Les corps frêles sont souvent femelles, les petites mains plongées dans le bac à colorant » (ibid. : 148)
  • 21
    La Sybille réfère à des images pour prouver que le Bangladesh « a existé avant que la mer ne le recouvre » (ibid. : 148).
  • 22
    Ibid. : 151.
  • 23
    Ibid. : 154.
  • 24
    Ibid. : 157.
  • 25
    Ibid. : 158.
  • 26
    Id.
  • 27
    Elle affirme par exemple, dès le début de son témoignage : « Comprenez : c’est dans ma nature de voir les malheurs arriver. Seulement, que voulez-vous que je vous dise, à chaque fois c’est pareil, personne ne m’écoute », Ibid. : 24).
  • 28
    Ibid. : 370.
  • 29
    Ibid. : 32.
  • 30
    Delvaux, 2005 : 10.
  • 31
    Ibid. : 20.
  • 32
    Ibid. : 21.
  • 33
    Derrida, 1997 : 16.
  • 34
    Id.
  • 35
    Id.
  • 36
    Chambers, 2004 : xxvi.
  • 37
    Id.
  • 38
    Id.
  • 39
    Ibid. : xviii. (Les italiques sont dans le texte.)
  • 40
    Haraway, 2016.
  • 41
    Ibid. : 2.
  • 42
    Id.
  • 43
    Voir particulièrement, ibid., chapitre 3 : 58-98 (ou dans sa version française : Haraway, 2020 : 113-191).
  • 44
    Voir particulièrement : ibid., chapitre 4 : 99-103 (ou dans sa version française : Haraway, 2020 : 217-232).
  • 45
    Autrice de l’essai Au bonheur des morts (2015), dans lequel on trouve des cas de figures et des analyses éclairantes de la manière dont les mort.es peuvent mettre en mouvement les vivant.es.
  • 46
    Il s’agit d’un vers extrait d’un chant de la sorcière néopaïenne Starhawk dans Truth or Dare : Encounters with Power, Authority, and Mystery (1990: 30-31)
  • 47
    Haraway, 2016 : 166. La traduction française proposée par Vivien García va ainsi : « Et ainsi Camille 4 transmit à Camille 5 sa lourde mission : devenir une Voix des Morts, conférer une présence continue, au moyen d’une mémoire active, aux manières de vivre perdues et insuffler du courage aux autres engagements symbiotiques et sympoïétiques. Il était pour cela essentiel de n’oublier ni cet air empesté par la chasse aux sorcières et ses bûchers ni le massacre de tant d’êtres humains et non humains dans ces Grandes Catastrophes nommées Plantationocène, Anthropocène et Capitalocène. Il fallait “lamenter et pleurer le démembrement du monde”. Vivre le deuil et redonner une présence, pratiquer une mémoire vitale, tel était le travail des Voix des Morts » (Haraway, 2020 : 344).
  • 48
    Delaume, 2016 : 20.
  • 49
    Ibid. : 89 à 93.
  • 50
    Ibid. : 371.
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