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Ressentir les structures de la grève étudiante québécoise de 2012 à l’Université Concordia. La place des émotions, des styles émotionnels et de la réflexivité émotionnelle

Nadia Hausfather
couverture
Article paru dans Recherches actuelles, sous la responsabilité de Revue FéminÉtudes (2024)

Cet article est une version traduite de « Feeling the structures of Québec’s 2012 student strike at Concordia University: The place of emotions, emotional styles, and emotional reflexivity », paru en version originale anglaise dans le volume 40 de la revue Emotion, Space and Society1Hausfather, Nadia. 2021. Feeling the structures of Québec’s 2012 student strike at Concordia University: The place of emotions, emotional styles, and emotional reflexivity. Emotion, Space and Society, 40, [En ligne] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1755458621000475?casa_token=JWy2o64r1R4AAAAA:OBGk4QtKx6g80ErRgmfVC6a1Fox8TYYNzb4XSn1FAk-97wi7Ce6bsLFKk1mERlRvnc0wWMuvDKY, qui a été financé par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC).

    

Beaucoup de couloirs où j’ai circulé pendant la durée de mon diplôme étaient […] imprégnés de ces souvenirs [de grève] qui étaient assez affreux ! Et […] j’ai vécu des moments vraiment préférés de la grève qui étaient supers ! Mais les moments négatifs rendent vraiment difficile d’y retourner […] Je me sens toujours mal dans cet espace. 

– Alex, étudiante en géographie à l’Université Concordia2Des extraits originaux de certains entretiens cités dans cet article peuvent être écoutés ou visionnés sur mon site : https://activistemotions.net/.

  

En 2012, les étudiant.e.s de la province de Québec ont voté en faveur d’une grève illimitée contre les augmentations de 75 % des frais de scolarité proposées par le gouvernement provincial. Ils et elles ont ainsi battu le record provincial de la plus longue et de la plus importante grève étudiante générale illimitée. À son apogée, des centaines de milliers d’étudiant.e.s ont cessé leurs activités académiques et sont descendu.e.s dans les rues. La répression gouvernementale a suscité une mobilisation populaire encore plus large avec des manifestations et des actions directes extraordinairement nombreuses et populeuses qui ont attiré l’attention des médias internationaux. Le rôle des associations ou syndicats3J’utilise indifféremment les termes « association étudiante » et « syndicat étudiant » (student union) pour désigner un groupement (parfois appelé student government dans la littérature scientifique anglophone) représentant toutes et tous les étudiant.e.s, plutôt qu’un syndicat représentant les employé.e.s étudiant.e.s, un club étudiant ou un groupe d’intérêt. étudiant.e.s et la capacité de leurs membres à décider collectivement d’aller en grève ont souvent été ignorés dans l’imaginaire qui s’est développé autour de ce « Printemps érable4« Printemps érable » (jeu de mots avec « Printemps arabe ») est couramment utilisé pour désigner la grève et le mouvement populaire de 2012 (voir Ancelovici et Dupuis- Déri, 2014 : 8). ». Depuis les années soixante, de nombreuses associations étudiantes au Québec ont intégré l’idée de l’étudiant.e comme « jeune travailleur.euse intellectuel.le » et la stratégie du « syndicalisme de combat » des syndicats radicaux. Par le biais de la démocratie directe, ces derniers prônent la nécessité de construire un rapport de force pour obtenir des concessions par des actions directes qui contribuent à l’escalade des moyens de pression jusqu’à la grève générale illimitée5La logique derrière la grève est que si un grand nombre d’étudiant.e.s à travers la province cesse indéfiniment ses activités académiques, il y a un risque, pour le gouvernement, de devoir prolonger ou annuler le semestre, ce qui le pousse à négocier avec les étudiant.e.s afin d’éviter des conséquences financières et logistiques (par exemple des contrats additionnels pour les chargé.e.s de cours et l’entrée tardive des étudiant.e.s sur le marché du travail). (Lacoursière, 2007 ; Mehreen et Thomson, 2016). Au-delà du Québec, cependant, les syndicats étudiants ont rarement reçu autant d’attention que les manifestations étudiantes (Brooks, 2017). La littérature sur les syndicats étudiants suggèrent qu’ils peuvent conduire à l’activisme étudiant (Ibid), bien que ce ne soit pas toujours le cas. Certaines études sur les mouvements de protestation, de grève ou d’occupation initiés par les étudiant.e.s négligent les syndicats étudiants (par exemple Fiet, 2011 ; Rhoads et Mina, 2001 ; Rheingans et Hollands, 2013), malgré leur apport potentiel (Klemenčič et Yun Park, 2018). Depuis 2012, les chercheur.euse.s ont élaboré davantage sur cet apport dans le contexte québécois. Par exemple, Rushdia Mehreen et Ryan Thomson (2016) distinguent l’efficacité du mouvement étudiant québécois en fonction de ses structures, notamment des associations stables de plus petite taille représentant tous.tes les étudiant.e.s d’une unité donnée et procédant à des décisions collectives lors des assemblées générales6Ces décisions locales ont ensuite été coordonnées au niveau provincial (voir aussi Mehreen et al., 2014).. Cet article appuie et complémente les analyses de Mehreen et Thomson par une étude de cas approfondie de la géographie émotionnelle de telles structures et de l’établissement d’enseignement à laquelle elles étaient rattachées. 

La littérature des dernières décennies portant sur la géographie émotionnelle des mouvements sociaux a exploré comment les espaces et les lieux7Considérant que la conceptualisation de Lefebvre (1991) de « l’espace » (space en anglais) social est similaire à la notion de « lieu » (place en anglais) de Tuan (1977), j’utiliserai ici les deux termes de manière interchangeable. peuvent façonner les émotions et les affects des mouvements et des militant.e.s (voir, par exemple, Arenas, 2015 ; Cass et Walker, 2009), et, vice versa, comment les affects/émotions peuvent façonner les espaces/lieux (par exemple, Brown et Pickerill, 2009 ; Bosco, 2007). Pourtant, une grande partie des recherches s’est concentrée sur la militance autonome (par exemple, Clough, 2012 ; Wilkinson, 2009) en soulignant l’importance d’étudier les « nouveaux espaces d’activisme » au-delà du lieu de travail formel (Hardy et al., 2008), le « flou par-delà les espaces et les lieux de militantisme ‘traditionnels’ et normalisés » (Askins, 2009 : 8, je traduis). Leur approche néglige toutefois les structures et les lieux plus traditionnels qui, pendant la grève de 2012, ont eu une importance significative et des conséquences émotionnelles. Par exemple8L’exploration de Spiegel (2015) des « pratiques sociales affectivement spatialisées » de 2012 se concentre également sur les mobilisations de rue., en conceptualisant les conflits sur les campus comme étant de nature interpersonnelle plutôt qu’institutionnelle et en se concentrant sur la ville comme lieu de l’affectivité de la grève étudiante de 2012, Alexia Bhéreur-Lagounaris et ses collègues (2015) esquivent la relation des étudiant.e.s à leur établissement d’enseignement, soit le lieu où ils et elles participaient à leurs associations étudiantes et d’où la grève et la solidarité étudiantes ont émergé (Mehreen et Thomson, 2016).

Empruntant à l’approche matérialiste d’Andrea Muehlebach (2017) quant à la solidarité des travailleur.euse.s post-industriel.le.s, je propose, pour bien comprendre la grève étudiante québécoise de 2012, de mettre l’accent sur la géographie émotionnelle des structures militantes du « lieu de travail » traditionnel (ici « lieu d’études »), tout en mettant en lumière d’éventuels points communs avec des formes autonomes de militantisme. Plus précisément, je suggère que la proximité physique et le sentiment d’appartenance des étudiant.e.s au département de géographie de Concordia et à ses structures syndicales étudiantes, ainsi que leurs attentes à l’égard des acteur.rice.s universitaires, ont contribué à leurs émotions particulièrement déroutantes et désespérantes et à leur style émotionnel durant la grève. À la fin de cet article, je montre également comment les expériences de réflexivité émotionnelle différaient en fonction des positionnalités des militant.e.s étudiant.e.s. Ce faisant, je confirme l’affirmation de Rheingans et Hollands (2013) selon laquelle l’établissement d’enseignement est un espace physique politique qui peut être à la fois source d’empowerment et de disempowerment pour les étudiant.e.s qui l’occupent. Selon ces chercheur.euse.s, puisque cet espace ne correspond ni à la catégorie d’espace politique « traditionnel » ni à celle d’espace politique « nouveau », il est parfois ignoré par les chercheur.euse.s. En examinant comment l’université est devenue un lieu affectant les expériences émotionnelles des participant.e.s à la grève, à l’instar d’Arenas (2015), j’illustre comment l’espace (ses matérialités ou les rencontres fréquentes des étudiant.e.s avec ses surfaces physiques et symboliques) a influencé les émotions et les motivations tout au long de la lutte. Si Arenas a analysé l’espace de la rue, ici j’analyse plutôt les couloirs, les salles de classe, les portes d’entrée. Cependant, tout comme Arenas, je soutiens que les géographies émotionnelles « sont le produit d’articulations générées par les pratiques de lutte et pas nécessairement celles qui poussent les individus à lutter en premier lieu » (2015 : 1134, je traduis9Sauf mention contraire, toutes les traductions sont de moi). À la lumière des possibilités ouvertes par les structures organisationnelles et physiques de l’université, à l’intérieur d’un mouvement influencé par des structures syndicales, je cherche à combler certaines lacunes dans la littérature au sujet de la géographie émotionnelle. J’espère ainsi contribuer à un compte rendu géographique et historique plus complet des processus et des impacts émotionnels de la grève de 2012, et à alimenter les débats qui, au sein du mouvement étudiant, opposent les militantismes autonomes à ceux ancrés dans des structures ou des institutions.

   

1. Méthodes, définitions

Militante étudiante à l’Université Concordia avant, pendant et après la grève de 2012, j’ai été motivée à entreprendre des recherches doctorales sur ce sujet dans le cadre du programme en Humanités. N’étant pas moi-même étudiante en géographie, j’avais néanmoins eu connaissance, à titre de témoin ou de participante, des expériences de piquetage difficiles mais efficaces des étudiant·e·s de géographie. Parmi les 30 participant.e.s dont les voix ont été incluses dans ma recherche doctorale sur les grèves étudiantes au Québec, huit ont parlé de leur implication dans la grève des étudiant.e.s de premier cycle en géographie en 2012 à l’Université Concordia : c’est sur les expériences de ces huit personnes que porte cet article. Alex était impliquée dans l’organisation de cette grève depuis plus longtemps que la plupart des autres étudiant.e.s en géographie. Tony, quant à lui, ne s’est impliqué qu’après que la grève ait commencé, offrant une perspective différente10Toutes et tous les participant.e.s mentionné.e.s dans cet article ont accepté que leur vrai prénom soit utilisé, à l’exception de Tony, qui est un pseudonyme. . J’ai également observé et pris des notes de terrain lors d’une réunion d’ancien.ne.s grévistes en géographie. Deux participant·e·s avaient déjà été interviewé·e·s par une autre étudiante, Leila Ayad, et m’ont donné accès à leurs entretiens –notamment Shaun, un étudiant en géographie au cycle supérieur qui aidait souvent les étudiant.e.s de premier cycle à faire du piquetage. J’ai également inclus le matériel écrit de deux participantes : les journaux intimes électroniques de Keara, dont certains regorgeaient de références académiques et de prises de conscience théoriques ; et le zine d’Alex, une version abrégée de sa thèse de spécialisation de premier cycle qui faisait référence à des entretiens portant sur la grève de 2012. Étant donné que ces participant.e.s avaient souvent développé leurs propres analyses de la dynamique émotionnelle de la grève, j’ai essayé d’utiliser le plus possible leurs propres mots ; je demeure toutefois la seule responsable des erreurs éventuelles.

Si les voix des participant.e.s constituent le matériau premier de cet article, je ne me centrerai pas exclusivement sur la dimension personnelle et cognitive que le terme « émotion » – ou « géographie émotionnelle » (par opposition à « géographie affective ») – peut impliquer (Pile, 2010). Je cherche à éviter les distinctions rigides et problématiques entre affect, sentiment et émotion (Ibid.), tout en gardant l’œil ouvert sur les expériences diverses et communes des participant.e.s. Pour y parvenir, la définition de l’émotion proposée par Askins me semble particulièrement utile. Askins envisage l’émotion comme « à la fois un sentiment physique et une entreprise consciente de construction de sens entourant ce sentiment », un processus qui est « incarné et socialement construit (et déconstruit et reconstruit dans des processus fluides, pluriels et émergents). » (2009 : 9)

   

2. Émotions déroutantes et désespérantes dans un lieu familier

Dès l’automne 2011, Alex était motivée à organiser des assemblées dans son département « pour suivre ce qui se passait dans les universités francophones [au Québec] » où circulaient « des rumeurs de grève ». Suite à une assemblée de discussion informelle, l’Association des étudiant.e.s de premier cycle en géographie (GUSS11Le Geography Undergraduate Student Society (GUSS) regroupe les étudiant.e.s du programme en environnement humain, l’un des deux programmes de baccalauréat du Département de géographie, urbanisme et environnement à l’Université Concordia.) a tenu une assemblée générale le 29 février : trente-huit étudiant.e.s membres de la GUSS ont voté à la quasi-unanimité « une grève illimitée dans les deux (2) jours ouvrables à la condition que le nombre d’étudiant.e.s avec un mandat de grève au niveau provincial atteigne 50 000 et inclut 3 associations étudiantes au sein de l’Université Concordia » (GUSS, 201212Cette motion était inspirée par celle adoptée par les étudiant.e.s aux cycles supérieurs en géographie quelques semaines plus tôt (GEOGRADS, 2012).). L’assemblée a aussi voté que les étudiant.e.s devraient « s’engager à participer activement au maintien des lignes de piquetage13L’idée derrière le piquetage aux abords des salles de cours était d’empêcher effectivement la tenue des cours, conformément à la décision de grève votée par l’association étudiante, afin que les étudiant.e.s ne soient pas pénalisé.e.s individuellement pour leur absence et puissent également participer aux manifestations/actions de rue visant à exercer plus de pression sur le gouvernement. ». Comme la plupart des associations étudiantes ayant des mandats de grève dans la province, les étudiant.e.s en géographie ont voté pour la tenue d’assemblées hebdomadaires visant à décider de la reconduction de la grève. Les étudiant.e.s ont également voté d’« assurer la liaison avec le corps enseignant au sein du département de Géographie et environnement dans le but de minimiser tout impact négatif potentiel de la grève sur les étudiant.e.s14Dès le 7 mars, une déclaration circulait en soutien aux étudiant.e.s de la part de certain.e.s membres du corps du département : https : //geographyonstrike.wordpress.com/2012/03/08/faculty-statement-from-geography-planning-environment/ .». Malgré de tels efforts, les membres de la faculté et de l’établissement d’enseignement ont affecté leurs expériences émotionnelles de manière inattendue une fois la grève commencée. Alex s’est soudainement retrouvée à faire du piquetage tous les jours et évoque ce qui suit :

Des situations vraiment inconfortables en compagnie de personnes avec qui j’avais été à l’université pendant trois ans, avec des enseignant.e.s que je respectais et peut-être même que j’admirais avant ça, et qui ont vraiment fait ressortir des aspects horribles des gens! 

Alors que certain.e.s enseignant.e.s15Dans cet article, j’utilise le terme « corps enseignant » ou « enseignant.e.s » pour me référer aux professeur.e.s et aux chargé.e.s de cours. essayaient d’apaiser les tensions afin d’éviter que des étudiant.e.s soient blessé.e.s sur les lignes de piquetage, plusieurs « ont simplement agi de manière si horrible pendant ces moments, où ils encourageaient en fait […] surtout les grands gars […] les étudiants agressifs [opposés à la grève] », explique Alex. Un enseignant en particulier a dit aux étudiant.e.s qui voulaient entrer en classe que « s’ils manquaient ce cours, ils allaient échouer » et il « les a poussé.e.s à un état colérique, puis a dit : ‘Je vais m’en aller, et quand je serai de retour, je veux que cette ligne [de piquetage] soit disparue.’ » Alex constate : « C’était vraiment effrayant. » Shaun se souvient quant à lui d’une enseignante qui, sur une ligne de piquetage, l’a appelé avec colère « l’ennemi ». Il n’était « pas habitué à ce que les enseignant.e.s soient si… si agressif.ve.s! »

Pour Tony, le point culminant de la déception à l’égard du département et de l’administration universitaire a été l’avis du 23 mars indiquant que l’université imposerait des sanctions, en vertu de son Code des droits et responsabilités, contre les étudiant.e.s qui bloqueraient ou perturberaient les cours ou les installations universitaires. L’avis encourageait également les étudiant.e.s et enseignant.e.s à contacter la sécurité de l’université16L’avis réfute les décisions démocratiques de maintes associations telles que le GUSS en évoquant « une minorité de manifestant.e.s qui refusent de respecter les droits d’autrui ». Voir : https://www.concordia.ca/cunews/main/stories/2012/03/23/notice-obstruction-of-campus-facilities-and-classrooms.html. Cet avis a été « comme un coup de poing dans l’estomac » se souvient Tony qui, par la suite, n’a pas pu manger pendant des jours. L’incident le plus choquant pour lui a eu lieu autour de cette période, alors qu’il était une des huit personnes qui piquetaient à l’entrée de la salle de classe d’un chargé de cours qui était par ailleurs doctorant. Tony raconte : « Nous avons dit très poliment ‘désolé.e.s monsieur, nous ne vous laisserons pas passer.’ » La directrice du département est alors arrivée et a commencé à photographier les grévistes pour pouvoir porter plainte contre eux et elles. Tony l’a entendue dire au chargé de cours : « N’oubliez pas que c’est nous qui payons, qui signons vos chèques de paie. » Ensuite, avec le soutien des gardes de sécurité, la directrice « a gardé [sa] main sur l’épaule [du chargé de cours] jusqu’à ce qu’il soit dans la salle de classe ». Tony était « absolument abasourdi que ça arrive dans… une institution d’enseignement supérieur ! […] C’était de l’intimidation. » Tony ajoute : « Je m’attendais au moins à un peu de […] décence, à ce qu’[on] ne crie pas après les étudiant.e.s. »

Les souvenirs d’Alex, Shaun et Tony reflètent les expériences de surprise, de choc, de peur et de déception liées au cadre universitaire –son non-respect des étudiant.e.s et de leurs processus démocratiques— et à l’intimidation et l’abus de la part de certain.e.s étudiant.e.s et enseignant.e.s. À ce sujet, Keara écrit dans son journal : 

Je me souviens que ce soir-là, après l’excitation de la journée, j’ai pleuré.

J’ai pleuré de frustration et d’isolement : parce que nous étions raillé.e.s et méprisé.e.s comme des imbéciles immatures, des rêveur.euse.s idiot.e.s […]

J’ai pleuré d’épuisement : parce que jour après jour devant les portes des salles de classe, nous étions accueilli.e.s avec hostilité et rage, poussé.e.s et bousculé.e.s, traité.e.s de voleur.euse.s par les gens à côté desquel.le.s je dois maintenant m’asseoir [dans mes cours].

Tony explique que les étudiant.e.s opposé.e.s à la grève se tenaient derrière les enseignant.e.s en engueulant les grévistes. « Ce genre d’abus, où il fallait tenir sa position encore et encore » a fait en sorte que, vers la fin de la grève, « il y avait des jours où le simple fait d’entrer dans le bâtiment […] donnait la nausée » à Tony. 

    

3. Styles émotionnels en milieu universitaire anglophone 

Si ces étudiant.e.s en géographie devaient affronter la colère des enseignant.e.s et des autres étudiant.e.s, je suggère que leurs expériences ont pu être compliquées davantage par leur tendance – influencé par l’espace universitaire – à adopter un « style émotionnel » réprimant leur propre colère et les laissant passifs face aux abus subis. Le concept de « style émotionnel » ressemble à celui de « l’habitus émotionnel » de Deborah Gould  qu’elle définit comme une sorte de modèle émotionnel « du quoi et du comment ressentir, conférant à certains sentiments et modes d’expression une qualité naturelle et axiomatique et rendant d’autres états sentimentaux inintelligibles en ces termes » (2009 : 34). Pour Gould, l’expérience non consciente et non cognitive de l’incarnation émotionnelle des forces sociales aide à expliquer comment les gens pourraient perpétuer des « règles émotionnelles » qui ne correspondent pas nécessairement à leur conception idéologique du monde, ce qu’ils et elles ne réaliseraient qu’avec le recul. Tout en m’appuyant sur le terme de Gould, je préfère celui de « style émotionnel » qui « laisse entendre un degré plus élevé de fluidité » et une pluralité de styles émotionnels au sein d’un même contexte (Gammerl, 2012 : 163). Ce dernier terme permet ainsi de tenir compte des différences qui pourraient exister au sein de l’habitus du mouvement étudiant provincial, en fonction de chaque campus, département ou individu. À titre d’exemple d’une telle variation individuelle, lorsque j’ai mentionné à Alex l’idée d’un style émotionnel qui évitait la colère sur les lignes de piquetage, elle n’était pas d’accord. Il est possible qu’elle n’ait pas été consciente de cette tendance ou qu’elle n’ait jamais personnellement ressenti cette forme d’évitement. Je préfère également « style émotionnel » à « communauté émotionnelle » de Barbara Rosenwein (2006). Le premier conceptualise la façon dont les communautés « ne sont pas antérieures à, mais se forment en même temps qu’un style émotionnel spécifique, les deux étant étayés par des schémas d’exclusion et d’inclusion continuellement réitérés » (Gammerl, 2012 : 164). Par exemple, se sentir inclus.e dans la communauté universitaire en tant qu’étudiant.e peut s’accompagner d’un sentiment d’exclusion suscité par la décision de soutenir la grève17Et, comme je l’aborderai dans la dernière section de cet article, un sentiment d’exclusion fondé sur leurs diverses positionnalités.. Le terme « style émotionnel » permet ainsi de décrire des tendances émotionnelles qui ne sont pas essentialisées mais plutôt malléables et dépendantes du contexte.

Je propose que ces étudiant.e.s en géographie, en partie à cause de leur contexte universitaire, adoptaient un style émotionnel caractérisé par la répression de leur colère sur les lignes de piquetage, où, selon Tony, les grévistes essayaient toujours de « maintenir un discours de niveau académique ». Il ajoute : « Mon style était d’essayer de ne pas mettre les gens en colère [et …] en quelque sorte de laisser leurs mots glisser sur moi, rentrer par une oreille et sortir par l’autre. On ne l’enregistre pas ». Similairement, voilà comment Shaun, lui, explique la perspective des grévistes : 

Il y avait cette idée que […] si vous montriez juste les très bonnes raisons pour lesquelles l’augmentation des frais de scolarité était mauvaise et pour lesquelles nous étions en grève, alors les gens à l’autre bout… comprendraient! […] J’ai souvent entendu des grévistes exprimer leur frustration en disant : « On donne de bons arguments et ils sont quand-même en colère contre nous! »

Keara écrit dans son journal de manière critique par rapport à la répression de la colère : 

Sur les attentes de la colère :
Sois patiente !
Sois généreuse !
Sois ouverte, sois à l’écoute !
Qu’on me dit, encore et encore.
La ligne de piquetage crée de l’espace pour, est un lieu pour :
Éduquer et informer, dialoguer et discuter [les caractères gras sont dans l’original]18Dans sa version originale anglaise:
On requests made of anger:
Be patient!
Be generous!
Be open, be listening!
I am told, over and over.
The picket line creates space to, is a place to:
Educate and inform, dialogue and discuss [bold in original].
.

La répression de la colère durant les activités de piquetage, malgré que ce soit parmi les actions de grève les plus exigeantes sur le plan émotionnel, s’explique peut-être par la façon dont les établissements d’enseignement anglo-saxons occidentaux, à l’intérieur d’une culture capitaliste et patriarcale, ont banni l’émotion (Boler, 1999). Keara fait justement ce constat lorsqu’elle oppose la culture universitaire dépourvue d’émotions à celle de la grève au cours de laquelle « l’émotion déborde dans les couloirs et les trottoirs construits pour être vides de sentiments ». Les propos de Shaun font écho à ceux de Keara : « Le milieu universitaire n’est pas fait pour les émotions, c’est fait pour la raison. » Compte tenu du lien perçu entre l’enseignement supérieur et le statut de classe moyenne, l’affirmation d’Arlie Hochschild (1983) — selon laquelle les familles de la classe moyenne sont plus sujettes à la gestion émotionnelle que les familles de la classe ouvrière — pourrait fournir une explication de cette répression de la colère de la part des grévistes19Faisant écho à cette idée, le syndicat des chargé.e.s de cours de l’Université Concordia (CUPFA) a écrit pendant la grève : « Des émotions et une confusion accrues ne feront que détériorer les relations et, en fin de compte, nuire aux objectifs que les étudiant.e.s tentent d’atteindre. » Voir : https://cupfa.org/cupfa-responds-to-joint-csugsa-statement-march-5-2012/. 

Le refus d’exprimer publiquement la colère sur les lignes de piquetage pourrait également s’expliquer par la dynamique émotionnellement déroutante des grèves générales étudiantes qui peuvent entraîner la confrontation gênante et inattendue entre des étudiant.e.s, enseignant.e.s, directeur.rice.s de département et administrateur.rice.s de l’université. Autrement dit, lors d’une grève générale étudiante, divers.e.s acteur.rice.s universitaires peuvent se retrouver dans l’espace du conflit même s’ils et elles ne sont pas la cible principale de la colère et des revendications étudiantes. D’autant plus que, dans ce cas particulier, l’Université Concordia – ses enseignant.e.s et ses étudiant.e.s ainsi que leurs syndicats respectifs, et ses administrateur.rice.s – n’était ni familière avec le modus operandi des grèves étudiantes générales illimitées ni préparée dans la même mesure que les institutions qui y avaient déjà été confrontées20Par exemple, l’administration de l’Université Concordia et la CUPFA ont refusé d’utiliser le mot « grève » (voir https : //cupfa.org/response-to-student-class-boycott/ ). En outre –contrairement à certaines universités francophones dans lesquelles un organe académique (ressemblant au Sénat de l’université Concordia) a prolongé le semestre pour remplacer une partie du temps de cours perdu– au Sénat universitaire à Concordia des représentant.e.s enseignant.e.s et de syndicats enseignants/étudiants (à l’échelle de l’université) ont refusé de proposer une prolongation du semestre (pour les départements dont les étudiant.e.s avaient voté en faveur de la grève), un refus qui a coïncidé avec celui du prévôt (https://www.concordia.ca/cunews/main/stories/2012/03/09/information-for-students-regarding-protest-action.html).. Par exemple, les enseignant.e.s de l’Université Concordia recevaient parfois des messages incongrus de la part de leurs supérieur.e.s et des syndicats au sujet de leurs options face aux lignes de piquetage21À titre d’exemple de message incongru de la part des supérieur.e.s des enseignant.e.s, Tony explique que, initialement, un directeur de département avait envoyé une « note très dure disant que la grève n’était pas démocratique », mais que, ensuite, dans un courriel subséquent, ce même directeur avait écrit quelque chose comme « je ne peux rien faire, c’était démocratique ». Pour ce qui est des syndicats (d’étudiants et d’enseignant.e.s), les deux syndicats étudiants (CSU et GSA) à l’échelle universitaire ont contredit publiquement les décisions démocratiques de certaines associations étudiantes départementales : Tandis que le GUSS avait décidé de faire respecter ses lignes de piquetage, le CSU et le GSA ont déclaré que les étudiant.e.s laisseraient les enseignant.e.s entrer en classe, laissant entendre que les piqueteur.euse.s étaient des étudiant.e.s délinquant.e.s responsables des affrontements. Ainsi, ce message du CSU et du GSA a encouragé les membres du CUPFA à briser les lignes de piquetage (voir https://cupfa.org/cupfa-responds-to-joint-csugsa-statement-march-5-2012/ et https : //cupfa.org/response-to-student-class-boycott/ ).. Les grévistes n’étaient pas non plus préparés à des dynamiques de pouvoir aussi complexes à l’intérieur de l’université ni à un tel antagonisme impliquant administrateur.rice.s, agent.e.s de sécurité, directeur.rice.s de département et surtout enseignant.e.s – que certain.e.s estimaient beaucoup – et étudiant.e.s opposé.e.es à la grève envers qui les grévistes pouvaient ressentir de l’empathie en même temps que de la déception. Par exemple, Alex s’est sentie inconfortable (« awkward feelings ») en apprenant que « certain.e.s [étudiant.e.s] étaient […] bouleversé.e.s par la grève et par les lignes de piquetage et le blocage des cours, car c’étaient des personnes pauvres qui essayaient simplement de passer à travers leurs études universitaires ». Pour Shaun, l’absence de colère envers les étudiant.e.s opposé.e.s à la grève était intériorisée, même lorsque ces dernier.ère.s le maltraitaient : « J’ai tellement essayé de les comprendre que je n’ai pas laissé surgir ma colère. » 

La colère de Shaun était « dirigée davantage vers l’administration [et son] utilisation de la sécurité, et la violence policière ». De même, Tony exprime de la colère contre l’administration. Il raconte :  

J’ai fait mes examens finaux après avoir manqué les trois quarts de mon temps de cours et l’université ne s’est occupée de rien […] C’est ce qui a été le plus insultant […] Notre temps de cours ne signifie pratiquement rien pour l’université tant qu’elle […] garde les gens sur la chaîne de production […] Il n’y a pas de mots pour dire à quel point c’est décevant.

Cette frustration exprimée par Tony fait écho à celle d’un pompier en grève, dans l’étude de Brunsden et Hill, qui sentait que, pour les employeur.euse.s, tout n’était qu’« un grand jeu » (a big game) (2009 : 106). Ce qui a fait que tout cela en valait la peine pour Tony, c’est que les grévistes sont « devenu.e.s comme une famille géante ». La prochaine étape de mon argumentaire porte ainsi sur le développement d’un sentiment d’appartenance parmi les grévistes du département de géographie de l’Université Concordia, qui s’est réaffirmé par un style émotionnel marqué par le soutien mutuel au-delà des lignes de piquetage.

4. Appartenance et réflexivité émotionnelle au département de géographie

Nira Yuval-Davis (2011) décrit l’appartenance comme le sentiment de « se sentir chez soi », une définition qui intègre les propos de Tony comparant les piqueteurs à « une famille géante ». L’appartenance peut aussi être conçue comme une relation dialectique et évolutive avec le lieu, comme le note Tilley : 

[L]es gens puisent régulièrement dans leur connaissance du paysage et des lieux dans lesquels ils et elles agissent pour donner sens, confiance et importance à leur vie. Le lieu agit dialectiquement pour créer les gens qui sont de ce lieu. Ces qualités de lieux et de paysages fomentent un sentiment d’appartenance et d’enracinement et une familiarité, provenant non seulement d’un savoir, mais d’une préoccupation qui assure une sécurité ontologique. Elles donnent lieu à un pouvoir d’agir et à un pouvoir relationnel à la fois libérateur et productif (1994 : 26 [les italiques sont les miennes]).

En effet, les étudiant.e.s ont exprimé un sentiment d’appartenance et de familiarité à leur département en accordant sens et importance à leurs pairs, leurs enseignant.e.s et la discipline elle-même qui, comme l’explique Alex, contient « beaucoup d’analyses à propos des systèmes de pouvoir ». C’est pour cette raison, toujours selon Alex, que « les gens étaient peut-être plus critiques… que dans d’autres départements. » Quant à Tony, s’il s’est d’abord abstenu lors des assemblées générales du GUSS, c’est son sentiment d’appartenance à la géographie comme discipline qui l’a finalement poussé à voter en faveur de la grève. Il s’est senti interpelé par les propos d’une étudiante aux cycles supérieurs au sujet du démantèlement des départements de géographie ailleurs. Tony explique :« Ce n’était pas une lutte de classe, du moins pas encore. C’était ‘Nous nous battons pour l’avenir de notre département’ ». Tony précise qu’il luttait pour que d’autres aient la chance d’étudier la géographie et de nouer des « liens plus profonds » comme lui-même avait pu le faire dans son programme étant donné que les étudiant.e.s étaient « tous et toutes écologistes ». Ce sentiment d’appartenance était particulièrement fort pour lui lors des manifestations, qui étaient « le point culminant [de chaque] mois [de grève] ». Il raconte : « Nous nous sommes clairement identifiés comme GUSS [et…] nous avions des affiches drôles et bizarres liées à la géographie que personne d’autre ne comprenait mais que nous trouvions vraiment drôles » – par exemple une carte du Canada avec un grand carré rouge22Le carré rouge est le symbole du mouvement de grève étudiante au Québec. sur la province de Québec qui disait : « Mettre notre marque sur le paysage canadien ». 

Ce n’est pas seulement la symbolique qui importe pour l’appartenance, mais la « création d’une identification à son environnement social, relationnel et matériel » (May, 2011 : 368) basée sur le sens qu’on lui accorde « en s’y déplaçant et en s’y engageant » (371). En effet, certain.e.s étudiant.e.s ont laissé entendre qu’un sentiment d’appartenance était né du fait de se déplacer physiquement et de s’engager avec d’autres étudiant.e.s en géographie dans des lieux particuliers de l’université ou du département (salles de cours, corridors) avant et pendant la grève, tel que j’illustrerai plus loin.

Je soutiens que ce sentiment d’appartenance permettait un style émotionnel particulier qui impliquait, au-delà des lignes de piquetage, un certain degré de « réflexivité émotionnelle » chez les grévistes qui, à son tour, renforçait leur sentiment d’appartenance. La « réflexivité émotionnelle » est un concept employé par Debra King (2005) pour décrire le travail nécessaire aux militant.e.s pour faire face à la dissonance émotionnelle et ainsi maintenir leur identité militante. Puisque « le processus de cadrage dominant est constamment renforcé », les militant.e.s intériorisent des émotions associées aux idéologies et valeurs dominantes et peuvent ainsi ressentir une dissonance émotionnelle lorsqu’ils et elles s’opposent à ces idéologies et à ces valeurs. En faisant preuve de réflexivité émotionnelle, les militant.e.s analysent comment leurs émotions affectent leur pensée. Ils et elles problématisent leurs émotions « d’une manière qui n’est pas alignée avec les règles de cadrage dominantes ». Ils et elles réfléchissent à leurs émotions, les ressentent et les expriment. Pour King, ces compétences de réflexivité émotionnelle se développent grâce à « une culture émotionnelle de soutien » (2005, 154), potentiellement dans une communauté militante de « co-counseling » extérieure au mouvement social. Les éléments évoqués par King ne s’appliquent pas tous aux étudiant.e.s grévistes qui, par exemple, ne s’engageaient pas dans le cadre spécifique du co-counseling. Si Keara et Shaun réfléchissaient aux règles dominantes concernant les émotions à l’université, il n’était pas clair que cela ait été discuté en groupe. Toutefois, des indices de la présence d’une réflexivité émotionnelle et d’une culture émotionnelle de soutien en relation avec le sentiment d’appartenance décrit ci-haut sont visibles dans ce qui suit. 

Par exemple, certain.e.s participant.e.s se souviennent d’assemblées générales ou de réunions plus informelles où les sentiments (à propos de leurs expériences de grève ou à propos de nouvelles idées) étaient ouvertement partagés. Alex raconte que les assemblées étaient puissantes car « c’était assez petit pour que vous connaissiez à peu près tout le monde dans la salle […] vous les aviez vus … dans toutes vos classes [de géographie ; les italiques sont les miennes]. » Dans les mots d’Alex, les étudiant.e.s se sentaient donc assez en sécurité pour dire : 

« Je ne comprends pas pourquoi la hausse des frais de scolarité est une mauvaise idée. » Les gens se sentaient suffisamment en sécurité pour l’admettre !… Et pour en parler. Donc c’était incroyable […] de voir comment un espace positif, ou un espace fait pour ça, peut changer comment les gens se sentent à propos de quelque chose. 

Un tel espace engendrait un sentiment de sécurité pour « poser des questions, aborder des sujets, être en désaccord », explique Alex. Elle souligne aussi que le président de l’assemblée « avait un style de facilitation enraciné dans la politique anti-oppressive », ce qui « était primordial pour une grève aussi radicale et progressiste que celle [du département] de géographie, parce que [cette] assemblée était un environnement où les gens ne se sentaient pas attaqué.e.s ou opprimé.e.s par des choses qu’ils ne comprenaient pas, ni manipulé.e.s par des gens qui connaissaient mieux les règles. »23Alex fait la comparaison avec les « règles de séance de Robert » (Robert’s Rules of Order), utilisées par diverses associations étudiantes sur le campus de l’Université Concordia. Alex mentionne de nouveau un processus présentant une certaine ressemblance avec le travail de réflexivité émotionnelle susmentionné : 

Les gens se mettaient vraiment en colère et ensuite nous étions comme « ça va, dites ce que vous avez à dire, il y a de la place pour que vous parliez de ces choses » et les gens se calmaient tout simplement […] Dans ces moments, je me souviens de m’être sentie… vraiment pleine d’espoir par rapport au fait que nous étions en train de construire quelque chose qui en valait la peine.

Alex est d’avis qu’un tel processus a rendu les étudiant.e.s contre la grève moins agressif.ve.s contre les grévistes sur les lignes de piquetage :

Je pense que c’est en partie parce qu’ils avaient passé tout ce temps dans la pièce en discutant avec ces gens ! Et qu’il y avait une connexion émotionnelle, un lien personnel entre les gens pour qu’ils ne se sentent simplement pas à l’aise… d’être super agressif.ve.s. [les italiques sont les miennes]

En effet, Arenas souligne à quel point « les aspects matériels et collectifs des protestations sociales sont essentiels pour générer […] l’affect et une socialité émotionnelle. » (2015 : 1134) Néanmoins, c’est « la conception matérialiste de la solidarité » (2017 : 100) de Muehlebach qui cerne encore mieux la dynamique du travail organisé dans un espace fixe et clos, ce qui s’apparente davantage à l’expérience de ces étudiant.e.s en géographie au sein de leur établissement. Muehlebach rend compte « des corps et de l’expérience corporelle, du rythme et du refrain, ainsi que de l’environnement bâti et des infrastructures qui permettent de générer proximité, coordination et ressemblance à travers la différence. » (Ibid.) Les témoignages d’Alex ci-haut montrent comment ces proximités, cette coordination et cette ressemblance (émotionnelles) à travers la différence ont été encouragées par : l’expérience commune en présentiel au sein de leur département et son environnement bâti (avoir suivi des cours ensemble, se retrouver dans la même salle lors de l’assemblée) ; le rythme et le refrain et les infrastructures de leur assemblée d’association étudiante à l’échelle départementale (en contraste avec le syndicat étudiant plus large à l’échelle universitaire) ; et, j’ajouterai, le sentiment d’appartenance connexe. Muehlebach relève que Marx « a spécifiquement décrit la solidarité des travailleurs » comme un processus émergeant de « l’assemblée et du rassemblement communs des travailleur.euse.s communistes alors qu’ils et elles fumaient, buvaient et mangeaient ensemble » (2017 : 99)24Dans la même veine, Chatterton (2008, paraphrasé dans Clough, 2012 :1670) soutient que « le changement social dépend de la création d’un espace de connexion émotionnelle permettant que les militant.e.s atteignent le sentiment d’empowerment qui sous-tend les actions de résistance », mais il n’aborde pas explicitement l’espace physique des structures institutionnelles.. Dans le cas de ces étudiant.e.s en géographie, les tous premiers points « d’assemblée commune » étaient leurs cours (avant la grève) ; puis, c’est devenu l’assemblée générale ; puis, une fois la grève commencée, c’étaient les lignes de piquetage et les réunions régulières pour partager leurs expériences de la grève. Shaun rapporte qu’en voyant et en soutenant régulièrement d’autres étudiant.e.s en géographie (sur les lignes de piquetage ou lors de réunions durant la grève) il « ressentait un sentiment très fort de solidarité ». Il se souvient qu’un grand groupe d’étudiant.e.s en géographie « a commandé une pizza et s’est assis » et il relate : « Nous avons parlé de ce que nous ressentions après [une] semaine qui avait été vraiment intense ». Il ajoute : « Je sentais la responsabilité de participer aux côtés d’autres personnes qui se mettaient dans ces positions dures à occuper ». 

En effet, pour Marx et Engels, poursuit Muehlebach, la solidarité est « générée à partir de cette assemblée tangible, et reflétée dans et sur les ‘corps endurcis’ des travailleur.euse.s » (Marx et Engels, 1978 [1844] cités dans Muehlebach : 99). On peut ainsi considérer l’assemblée tangible d’étudiant.e.s dont les corps sont « endurcis » par le piquetage quotidien – ou si on reprend les mots de Shaun, placés dans des « positions dures ». Shaun met l’accent sur le sacrifice commun des autres autour de lui, en particulier les étudiant.e.s de premier cycle qui étaient à l’université pour la première fois : « Si ce n’était pas d’eux… qui faisaient ça avec moi, je ne pourrais pas le faire. » De manière similaire, Tony lie son sentiment d’appartenance et de solidarité à une expérience commune de piquetage stressante : « Nous sommes passé.e.s à travers les un.e.s grâce aux autres ». Il explique : « Si jamais nous avions une demi-heure de pause, nous faisions une prise de pouls [check-in], nous nous assoyions en cercle en nous demandant ‘Comment vas-tu aujourd’hui ?’» Lors de ces prises de pouls, raconte Tony, « tu savais que les gens là voulaient vraiment une réponse, pas un ‘ça va’ ». Il continue : « nous avions tou.te.s été sur les lignes de piquetage ensemble » et donc « nous savions tous.tes que nous étions stressé.e.s ». En effet, si le sentiment d’appartenance et l’expérience commune d’un lieu ont nourri le sentiment de solidarité, je soutiens qu’ils ont également nourri un style émotionnel ouvert à la réflexivité émotionnelle, laquelle a, à son tour, renforcé le sentiment d’appartenance et de solidarité avec les camarades piqueteur.euse.s. Par exemple, Shaun raconte ceci à propos d’une de ces réunions : 

Je me sentais vraiment inspiré par… toutes les personnes qui m’entouraient […] qui étaient dans une situation de vulnérabilité, à la fois physique dans certains cas, mais aussi émotionnelle, [qui] aurait pu causer des répercussions académiques, c’est assez grave surtout quand c’est ton premier diplôme et cela semble si important […] Pour moi, sacrifier ça… c’est une prise de position assez sérieuse […] et voir tout le monde là-bas parler de ce qu’ils et elles ressentaient et […] essayer vraiment de… faire preuve de soutien!

Shaun explique que le septième étage de l’édifice Hall de l’Université Concordia est devenu non seulement leur « quartier général » de grève, mais « un espace pour les gens… qui ont pu exprimer leurs frustrations, parler de ce qu’ils et elles ressentaient, décompresser, pleurer, rire… ou se ressourcer ou se remotiver! »

Malgré la « culture émotionnelle de soutien » (King 2005) et le sentiment d’appartenance de ces étudiant.e.s, c’était parfois insuffisant considérant les circonstances difficiles. Shaun raconte : « Dans beaucoup de cas, j’ai réprimé mes émotions pour essayer de pouvoir faire quelque chose qui était vraiment difficile à faire [le piquetage] ». Il ajoute :

Je ne pense pas que j’ai… trouvé un moyen de… me défouler ou d’exprimer ça en dehors de cet espace [la grève étudiante]. Je pense qu’il y a certains moments au cours desquels on… je dois quitter, on doit sortir et faire autre chose et en parler et se défouler, et ne pas toujours être dans la situation.

L’expérience de Shaun confirme la suggestion de King (2005) selon laquelle la réflexivité émotionnelle peut être particulièrement utile en dehors de l’espace principal du groupe militant. Quant à Keara, sa colère, réprimée sur les lignes de piquetage, semble avoir trouvé un exutoire dans les manifestations, tel que décrit dans ses journaux intimes :

Être tenue de toujours garder son calme, de rester cool et en contrôle, d’éviter les éclats de colère intenses qu’ils et elles [ceux et celles contre la grève] signaleraient en pleurnichant Danger! Nous sommes menacé.e.s! alors que nous faisons face à leur provocation constante par des poussées et des bousculades, des insultes déplacées, n’est tout simplement pas possible.

Il arrive donc un moment où ma colère et ma frustration ne peuvent être contenues, où j’ai des griffes acérées et une mâchoire rugissante, où j’ai besoin de la libération de pieds bougeant rapidement, de mers d’épaules chantantes m’entourant, d’un orchestre de cacophonie ; nous nous réunissons dans la colère. [souligné dans l’original]

Ces expériences soulèvent la question suivante : est-ce que leur style émotionnel a encouragé ces étudiant.e.s à gérer leur colère sans toutefois remettre en question son rapport aux idéologies dominantes et sans l’évacuer suffisamment, sauf dans l’euphorie des émotions collectives des grandes manifestations (Collins, 2001)? Suivant la thèse de Gould (2009) sur le mouvement ACT UP, je me demande si l’apaisement partielle de la colère grâce à la catharsis collective opérée par les manifestations n’a pas contribué à masquer le désespoir qui a persisté après la grève en raison des expériences émotionnelles déroutantes dans l’espace universitaire. 

    

5. Désir d’affinité dans le lieu d’appartenance

Pour certain.e.s de ces étudiant.e.s, des dynamiques de pouvoir décevantes n’ont pas seulement été vécues en rapport avec les acteur.rice.s universitaires, mais aussi au sein du groupe d’étudiant.e.s les plus dévoué.e.s à la grève. Keara, une femme queer racialisée, a fait l’expérience des teintes intersectionnelles du pouvoir au sein même des assemblées générales de grève. Des membres du GUSS n’étaient pas ouvert.e.s à adopter une proposition reconnaissant que l’augmentation des frais de scolarité affecte davantage les femmes et les personnes racialisées. Alex se souvient également de « commentaires vraiment nuls de la part de gars blancs de la classe moyenne ou supérieure [leur] disant que cette [proposition] n’était pas vraiment pertinente », ce qui la plongeait dans « la colère… la déception, la frustration. » Confronter les privilèges de ses camarades lui a rappelé sa jeunesse en tant que femme queer issue d’un milieu socio-économique marginalisé. Dans son zine25Son zine s’intitule « Quel genre d’allié.e.s sont-ils et elles ? Réflexions sur le pouvoir et la politique dans le cadre de la grève étudiante de 2012 à l’Université Concordia »., Alex souligne une autre manière dont les privilèges se sont manifestés : plusieurs personnes (souvent des hommes blancs) ont voté pour la grève sans s’engager à faire du piquetage, sacrifiant ainsi « le corps et la santé mentale de ceux et celles qui faisaient du piquetage », ceux et celles « avec le plus en jeu et le plus à perdre (les femmes, les queers, les personnes racialisées, les pauvres). » Ces dernier.ère.s ont ainsi été « continuellement rendu.e.s vulnérables à la fois aux agressions manifestes de ceux et celles qu’ils et elles empêchaient d’entrer en classe, ainsi qu’aux agent.e.s de sécurité et aux enseignant.e.s envoyé.e.s pour les intimider, et éventuellement par les mesures disciplinaires prises par l’administration universitaire par la suite ». De plus, « c’étaient souvent des grands hommes (ou des groupes d’hommes) qui cherchaient spécifiquement des femmes pour les intimider ou les harceler afin de briser les lignes de piquetage », et qui étaient « racistes, homophobes et sexistes et qui faisaient et disaient n’importe quoi pour s’en prendre aux grévistes qui les bloquaient. » Ces moments, se souvient Alex, étaient « évidemment très intenses et en quelque sorte traumatisants » et elle a « ressenti tellement de rage ». Elle écrit : 

J’ai me suis faite traiter de fif et de gouine par des camarades de cours alors que je m’interposais entre eux et elles et leur classe. Ils et elles m’ont dit […] qu’ils et elles découvriraient où j’habitais et me tueraient. Je suis devenue terrifiée à l’idée d’être seule dans les escaliers ou dans d’autres recoins sombres du campus, surtout avec mon carré rouge. Ensuite, comme tant d’autres, j’ai dû m’asseoir à côté de ces mêmes personnes et passer des examens et terminer tous mes travaux scolaires comme une bonne étudiante responsable, comme si mes cours n’avaient pas été bloqués depuis 8 semaines.

Vers le mois d’avril, alors que les lignes de piquetage du GUSS ont cessé26Le GUSS a voté pour continuer symboliquement la grève, sans bloquer les examens., Alex a commencé à s’impliquer dans The Glitter Dogs, un groupe affinitaire anticapitaliste composé uniquement de personnes ne s’identifiant pas au genre masculin. Ce groupe est devenu « crucial émotionnellement » pour Alex tout au long et au-delà de la grève. Elle a pris conscience de l’importance « de s’organiser avec d’autres personnes queers » et d’avoir des groupes ou des espaces pour « traiter des émotions ou des traumatismes, ou simplement se soutenir mutuellement », ce que ne reconnaissent pas les manarchistes27Terme familier en anglais pour désigner un anarchiste masculiniste.. L’expérience d’Alex montre les limites de la réflexivité émotionnelle du groupe de géographie, mais aussi l’insuffisance des groupes affinitaires. Malgré son appartenance aux Glitter Dogs, Alex écrit : « S’attaquer aux conséquences de ce mouvement a été extrêmement difficile ». Elle explique que ceux et celles qui étaient « ancré.e.s dans cette grève ont été essentiellement laissé.e.s à eux-elles-mêmes pour ‘faire face’ aux conséquences de [leur] implication dans ce mouvement. »

    

6. Conclusion

J’ai suggéré dans cet article que l’espace/lieu du campus a grandement affecté les expériences émotionnelles de ces étudiant.e.s de géographie pendant la grève de 2012. L’université est le lieu où les associations étudiantes ont été formées et les assemblées générales convoquées, les lignes de piquetage tracées, les réunions de soutien organisées, les agent.e.s de sécurité appelés, les examens finaux tenus, l’intégrité professorale et administrative déconstruite, les attentes de l’académie déçues. Contrastant avec la plupart des grèves de travail, de multiples lignes de piquetage serpentaient l’espace universitaire, faisant de la salle de classe elle-même une des lignes de front du conflit. Les divers.e.s acteur.rice.s universitaires pouvaient ainsi être pris.e.s de manière inattendue dans l’espace émotionnellement intense des actions de piquetage quotidiennes.

Néanmoins, les effets émotionnels associés à un tel contexte ont aussi été des sentiments d’appartenance, d’admiration, de solidarité et même de plaisir qui ont permis une réflexivité émotionnelle qui les nourrissait en retour, suggérant que le syndicalisme étudiant détient un potentiel affectif similaire au militantisme autonome, quoiqu’avec des avantages et des inconvénients émotionnels distincts. Cet article commence ainsi à combler un angle mort de la « géographie émotionnelle » en abordant l’identité sociale au-delà du genre (Meier, 2012). Il aborde également le manque relatif d’attention de la géographie émotionnelle aux formes organisationnelles du militantisme dans différents espaces/lieux et par des « acteur.rice.s positionné.e.s différemment » (voir Clough, 2012 : 4-5). Par exemple, il illustre la pertinence, l’importance et l’efficacité émotionnelles des structures organisationnelles institutionnelles (plus petites et plus décentralisées) liées à l’identité étudiante, en dépit des critiques des groupements autonomes du Québec depuis le mouvement Printemps 2015 (voir Mehreen et Gray-Donald, 2015).

Si l’université/le département et ses structures étudiantes ont constitué une force, il faut aussi prêter attention au désespoir considérable qui a résulté de l’implication en ces lieux, particulièrement pour ceux et celles déjà marginalisé.e.s. La grève a donc reproduit différentes expériences d’exclusion au sein d’un même groupe et d’un même style émotionnel, confirmant la complexité du phénomène d’appartenance (Lahdsemaki et al., 2016), son caractère politique (Yuval-Davis, 2011), et la sévérité potentielle du burnout résultant du militantisme étudiant pour ceux et celles qui naviguent de « multiples explorations d’identités minoritaires » (Vaccaro et Mena, 2011 : 339). Reconnaissant les intersections entre émotion et pouvoir dans les milieux militants, Srivastava (2006 : 55) prévient que l’approche Let’s Talk, commune aux groupes émotionnellement ouverts, doit être poursuivie avec prudence en considérant « les relations historiques de pouvoir qui suscitent la résistance émotionnelle » aux discussions sur la marginalisation (telles que celles évoquées par Keara et Alex). King (2005) note quant à elle que la réflexivité émotionnelle peut être particulièrement efficace lorsqu’elle permet de mettre les individus au défi de comprendre comment ils et elles participent à la reproduction des oppressions. À ce propos, les expériences de ces étudiant.e.s confirment l’importance de questionner « les multiples significations et pratiques de la réflexivité émotionnelle » (Brown et Pickerill, 2009 : 33) en suggérant que celles-ci, qu’elles soient logées dans les structures du lieu principal de résistance ou au sein des groupes affinitaires en dehors d’un tel lieu, peuvent être utiles pour aborder les émotions et privilèges. Alex suggère dans son zine que ceux et celles qui ont des privilèges pourraient les reconnaître et s’impliquer davantage dans le partage du fardeau émotionnel que les étudiant.e.s les plus marginalisé.e.s ont porté seul.e.s pendant la grève. Pour les grèves futures (et pour ceux et celles encore affecté.e.s par les grèves passées), de possibles avenues à envisager en lien avec les considérations évoquées incluent donc : le recours à des groupes externes pour faciliter la réflexivité émotionnelle28Par exemple le groupe Politics & Care, basé à Montréal et créé lors de la grève de 2012. Voir : https://briarpatchmagazine.com/articles/view/be-careful-with-each-other. ; l’établissement de communautés de co-counseling (telles que proposées par King) ; la mise en place de rencontres régulières entre grévistes pendant et au-delà de la grève, adoptant une culture émotionnelle de soutien, ainsi que la constitution de groupes affinitaires ; la tenue d’assemblées générales étudiantes au niveau départemental animées selon la politique anti-oppressive, comme le mentionne Alex, qui prennent au sérieux la charge émotionnelle et la logistique équitables lors des lignes de piquetage ; et l’inclusion active, de la part des associations étudiantes, des voix et des identités marginales (Mehreen & Thomson : 117) ainsi que des émotions.

En effet, ma tentative de documenter les géographies émotionnelles qui ont à la fois nourri et affamé les expériences des grévistes est en partie motivée par l’espoir de réduire la probabilité que des agressions et traumatismes similaires se reproduisent dans les couloirs de nos établissements d’enseignement. Dans cette lignée, de futures recherches pourraient s’intéresser aux réponses des administrateur.rice.s et des enseignant.e.s29Une investigation plus complète de la réponse de ces acteur.rice.s est au centre de ma recherche postdoctorale actuelle et dépasse le cadre de cet article. Je ne mentionnerai donc que quelques éléments à ce sujet. En septembre 2012, sous la pression interne et publique, l’administration de l’Université Concordia a annulé ses sanctions contre les étudiant.e.s et, bien que lors de la grève étudiante de 2015, l’université ait déclaré vouloir tirer une leçon de 2012 en ayant un dialogue ouvert et en annulant une journée de cours, elle a à nouveau inculpé les étudiant.e.s en vertu du Code. Voir : https://www.concordia.ca/cunews/main/stories/2015/03/24/faq-students-strike.html et https://ricochet.media/en/985/is-concordia-university-targeting-student-leaders. La même année, la CUPFA a quant à elle commencé à utiliser le mot « grève » et a conseillé à ses membres de pécher par excès de tolérance et de sécurité lors des grèves étudiantes, critiquant clairement la politique de l’administration qui sanctionnait les étudiant.e.s (voir : https : // cupfa. org/wp-content/uploads/2015/10/CUPFAPressReleaseOct1015.pdf ). face aux grèves étudiantes en fonction de leur vision de la pédagogie et de la mission universitaire. De telles recherches pourraient explorer comment la conception de plus en plus néolibérale de l’université anglophone influence les réactions des enseignant.e.s et des administrateur.rice.s aux émotions intenses (Askins et Blazek, 2017) qui surviennent pendant les grèves étudiantes. Elles pourraient ainsi étudier « ce que les émotions font déjà » (Ibid. : 1099) à nos pratiques académiques et si, comment ou pourquoi ce modus operandi diffère de celui des institutions francophones dans la même province.

Entre temps, les administrateur.rice.s, les syndicats des enseignant.e.s et des étudiant.e.s à l’échelle de l’université30Voir les notes de bas de page 17 et 18 pour des exemples sur la façon dont les syndicats étudiants à l’échelle universitaire, le CSU et le GSA, ont ignoré ou contredit les décisions et besoins des associations étudiantes départementales telles que le GUSS, confondant ainsi le syndicat des chargé.e.s de cours (CUPFA). et certain.e.s enseignant.e.s de l’Université Concordia doivent reconnaître leur rôle et responsabilité dans les expériences émotionnelles difficiles et parfois traumatisantes documentées ci-dessus ainsi que leurs actions qui en ont essentiellement fait des allié.e.s du gouvernement. Plus particulièrement, les syndicats des enseignant.e.s pourraient réfléchir à des mesures à mettre en œuvre dans ce genre de situation, en s’inspirant par exemple des conventions collectives, des communiqués, des demandes de prolongation avec heures supplémentaires rémunérées pour les chargé.e.s de cours et autres modalités des syndicats enseignants dans les universités à plus longue tradition de grèves étudiantes. De telles alliances interuniversitaires pourraient mener à des réflexions collectives sur l’héritage pédagogique et culturel des grèves étudiantes au Québec et favoriser une solidarité syndicale cohérente dans ces situations.

Finalement, lors de l’organisation de futures grèves, les étudiant.e.s – en particulier dans les établissements sans antécédents de grèves – devraient considérer l’importance de se préparer émotionnellement aux dynamiques déroutantes qui peuvent émerger entre les divers.e.s acteur.rice.s au sein de leur département et établissement d’enseignement. Si Clough souligne comment « l’État agit sur les émotions des militant.e.s afin de désamorcer leurs tactiques, d’inhiber le recrutement de nouveaux membres et de limiter la capacité des mouvements à maintenir leur momentum » (2012 : 1671), ce constat est plus difficile à imaginer en ce qui concerne l’université. Néanmoins, considérant que d’excellent.e.s étudiant.e.s comme Alex avaient du mal à seulement contempler le retour dans l’espace universitaire, ce constat devrait être pris au sérieux par les grévistes.

   

Remerciements

Sincères remerciements aux éditrices dédiées de FéminÉtudes pour leurs révisions méticuleuses, aux éditeur.rice.s et aux pairs examinateur.rice.s de la version originale de cet article (publiée dans Emotion, Space and Society), à tous et toutes les participant.e.s à ma recherche, à Rushdia Mehreen et Kiley pour avoir initié la réunion commémorative de grève en 2014, à Leila Ayad de m’avoir donné accès à ses entretiens de recherche, à ma directrice et mes directeurs de thèse doctorale et à mon directeur de stage postdoctoral.

   

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Yuval-Davis, N., 2011. Politics of Belonging: Intersectional Contestations. Sage, London. 

    

Révision scientifique et linguistique: Maude Agin-Blais et Geneviève Proulx-Masson

  • 1
    Hausfather, Nadia. 2021. Feeling the structures of Québec’s 2012 student strike at Concordia University: The place of emotions, emotional styles, and emotional reflexivity. Emotion, Space and Society, 40, [En ligne] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1755458621000475?casa_token=JWy2o64r1R4AAAAA:OBGk4QtKx6g80ErRgmfVC6a1Fox8TYYNzb4XSn1FAk-97wi7Ce6bsLFKk1mERlRvnc0wWMuvDKY
  • 2
    Des extraits originaux de certains entretiens cités dans cet article peuvent être écoutés ou visionnés sur mon site : https://activistemotions.net/.
  • 3
    J’utilise indifféremment les termes « association étudiante » et « syndicat étudiant » (student union) pour désigner un groupement (parfois appelé student government dans la littérature scientifique anglophone) représentant toutes et tous les étudiant.e.s, plutôt qu’un syndicat représentant les employé.e.s étudiant.e.s, un club étudiant ou un groupe d’intérêt.
  • 4
    « Printemps érable » (jeu de mots avec « Printemps arabe ») est couramment utilisé pour désigner la grève et le mouvement populaire de 2012 (voir Ancelovici et Dupuis- Déri, 2014 : 8).
  • 5
    La logique derrière la grève est que si un grand nombre d’étudiant.e.s à travers la province cesse indéfiniment ses activités académiques, il y a un risque, pour le gouvernement, de devoir prolonger ou annuler le semestre, ce qui le pousse à négocier avec les étudiant.e.s afin d’éviter des conséquences financières et logistiques (par exemple des contrats additionnels pour les chargé.e.s de cours et l’entrée tardive des étudiant.e.s sur le marché du travail).
  • 6
    Ces décisions locales ont ensuite été coordonnées au niveau provincial (voir aussi Mehreen et al., 2014).
  • 7
    Considérant que la conceptualisation de Lefebvre (1991) de « l’espace » (space en anglais) social est similaire à la notion de « lieu » (place en anglais) de Tuan (1977), j’utiliserai ici les deux termes de manière interchangeable.
  • 8
    L’exploration de Spiegel (2015) des « pratiques sociales affectivement spatialisées » de 2012 se concentre également sur les mobilisations de rue.
  • 9
    Sauf mention contraire, toutes les traductions sont de moi
  • 10
    Toutes et tous les participant.e.s mentionné.e.s dans cet article ont accepté que leur vrai prénom soit utilisé, à l’exception de Tony, qui est un pseudonyme.
  • 11
    Le Geography Undergraduate Student Society (GUSS) regroupe les étudiant.e.s du programme en environnement humain, l’un des deux programmes de baccalauréat du Département de géographie, urbanisme et environnement à l’Université Concordia.
  • 12
    Cette motion était inspirée par celle adoptée par les étudiant.e.s aux cycles supérieurs en géographie quelques semaines plus tôt (GEOGRADS, 2012).
  • 13
    L’idée derrière le piquetage aux abords des salles de cours était d’empêcher effectivement la tenue des cours, conformément à la décision de grève votée par l’association étudiante, afin que les étudiant.e.s ne soient pas pénalisé.e.s individuellement pour leur absence et puissent également participer aux manifestations/actions de rue visant à exercer plus de pression sur le gouvernement.
  • 14
    Dès le 7 mars, une déclaration circulait en soutien aux étudiant.e.s de la part de certain.e.s membres du corps du département : https : //geographyonstrike.wordpress.com/2012/03/08/faculty-statement-from-geography-planning-environment/ .
  • 15
    Dans cet article, j’utilise le terme « corps enseignant » ou « enseignant.e.s » pour me référer aux professeur.e.s et aux chargé.e.s de cours.
  • 16
    L’avis réfute les décisions démocratiques de maintes associations telles que le GUSS en évoquant « une minorité de manifestant.e.s qui refusent de respecter les droits d’autrui ». Voir : https://www.concordia.ca/cunews/main/stories/2012/03/23/notice-obstruction-of-campus-facilities-and-classrooms.html
  • 17
    Et, comme je l’aborderai dans la dernière section de cet article, un sentiment d’exclusion fondé sur leurs diverses positionnalités.
  • 18
    Dans sa version originale anglaise:
    On requests made of anger:
    Be patient!
    Be generous!
    Be open, be listening!
    I am told, over and over.
    The picket line creates space to, is a place to:
    Educate and inform, dialogue and discuss [bold in original].
  • 19
    Faisant écho à cette idée, le syndicat des chargé.e.s de cours de l’Université Concordia (CUPFA) a écrit pendant la grève : « Des émotions et une confusion accrues ne feront que détériorer les relations et, en fin de compte, nuire aux objectifs que les étudiant.e.s tentent d’atteindre. » Voir : https://cupfa.org/cupfa-responds-to-joint-csugsa-statement-march-5-2012/
  • 20
    Par exemple, l’administration de l’Université Concordia et la CUPFA ont refusé d’utiliser le mot « grève » (voir https : //cupfa.org/response-to-student-class-boycott/ ). En outre –contrairement à certaines universités francophones dans lesquelles un organe académique (ressemblant au Sénat de l’université Concordia) a prolongé le semestre pour remplacer une partie du temps de cours perdu– au Sénat universitaire à Concordia des représentant.e.s enseignant.e.s et de syndicats enseignants/étudiants (à l’échelle de l’université) ont refusé de proposer une prolongation du semestre (pour les départements dont les étudiant.e.s avaient voté en faveur de la grève), un refus qui a coïncidé avec celui du prévôt (https://www.concordia.ca/cunews/main/stories/2012/03/09/information-for-students-regarding-protest-action.html).
  • 21
    À titre d’exemple de message incongru de la part des supérieur.e.s des enseignant.e.s, Tony explique que, initialement, un directeur de département avait envoyé une « note très dure disant que la grève n’était pas démocratique », mais que, ensuite, dans un courriel subséquent, ce même directeur avait écrit quelque chose comme « je ne peux rien faire, c’était démocratique ». Pour ce qui est des syndicats (d’étudiants et d’enseignant.e.s), les deux syndicats étudiants (CSU et GSA) à l’échelle universitaire ont contredit publiquement les décisions démocratiques de certaines associations étudiantes départementales : Tandis que le GUSS avait décidé de faire respecter ses lignes de piquetage, le CSU et le GSA ont déclaré que les étudiant.e.s laisseraient les enseignant.e.s entrer en classe, laissant entendre que les piqueteur.euse.s étaient des étudiant.e.s délinquant.e.s responsables des affrontements. Ainsi, ce message du CSU et du GSA a encouragé les membres du CUPFA à briser les lignes de piquetage (voir https://cupfa.org/cupfa-responds-to-joint-csugsa-statement-march-5-2012/ et https : //cupfa.org/response-to-student-class-boycott/ ).
  • 22
    Le carré rouge est le symbole du mouvement de grève étudiante au Québec.
  • 23
    Alex fait la comparaison avec les « règles de séance de Robert » (Robert’s Rules of Order), utilisées par diverses associations étudiantes sur le campus de l’Université Concordia.
  • 24
    Dans la même veine, Chatterton (2008, paraphrasé dans Clough, 2012 :1670) soutient que « le changement social dépend de la création d’un espace de connexion émotionnelle permettant que les militant.e.s atteignent le sentiment d’empowerment qui sous-tend les actions de résistance », mais il n’aborde pas explicitement l’espace physique des structures institutionnelles.
  • 25
    Son zine s’intitule « Quel genre d’allié.e.s sont-ils et elles ? Réflexions sur le pouvoir et la politique dans le cadre de la grève étudiante de 2012 à l’Université Concordia ».
  • 26
    Le GUSS a voté pour continuer symboliquement la grève, sans bloquer les examens.
  • 27
    Terme familier en anglais pour désigner un anarchiste masculiniste.
  • 28
    Par exemple le groupe Politics & Care, basé à Montréal et créé lors de la grève de 2012. Voir : https://briarpatchmagazine.com/articles/view/be-careful-with-each-other.
  • 29
    Une investigation plus complète de la réponse de ces acteur.rice.s est au centre de ma recherche postdoctorale actuelle et dépasse le cadre de cet article. Je ne mentionnerai donc que quelques éléments à ce sujet. En septembre 2012, sous la pression interne et publique, l’administration de l’Université Concordia a annulé ses sanctions contre les étudiant.e.s et, bien que lors de la grève étudiante de 2015, l’université ait déclaré vouloir tirer une leçon de 2012 en ayant un dialogue ouvert et en annulant une journée de cours, elle a à nouveau inculpé les étudiant.e.s en vertu du Code. Voir : https://www.concordia.ca/cunews/main/stories/2015/03/24/faq-students-strike.html et https://ricochet.media/en/985/is-concordia-university-targeting-student-leaders. La même année, la CUPFA a quant à elle commencé à utiliser le mot « grève » et a conseillé à ses membres de pécher par excès de tolérance et de sécurité lors des grèves étudiantes, critiquant clairement la politique de l’administration qui sanctionnait les étudiant.e.s (voir : https : // cupfa. org/wp-content/uploads/2015/10/CUPFAPressReleaseOct1015.pdf ).
  • 30
    Voir les notes de bas de page 17 et 18 pour des exemples sur la façon dont les syndicats étudiants à l’échelle universitaire, le CSU et le GSA, ont ignoré ou contredit les décisions et besoins des associations étudiantes départementales telles que le GUSS, confondant ainsi le syndicat des chargé.e.s de cours (CUPFA).
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