Adorno, Theodor W. 1962. Philosophie de la nouvelle musique. Paris : Gallimard.
Article ReMix
Pour une immersion non transparente
L’expérience de l’immersion se caractérise par une rencontre entre deux mondes: le monde dans lequel on évolue habituellement et le monde dans lequel on s’immerge momentanément, souvent à l’aide d’un dispositif. Aux perceptions/actions du monde habituel correspondent des perceptions/actions propres au monde de l’immersion. On aurait pu penser que plus les premières sont proches des secondes, plus l’immersion serait bonne. Une immersion aisée et transparente semblerait alors préférable. Toutefois, la spécificité de l’expérience de l’immersion venant de la rencontre entre deux mondes, il faut que ces deux mondes diffèrent suffisamment pour qu’il y ait expérience esthétique. C’est en proposant une description cognitive et phénoménologique de l’immersion que cet article défend l’idée selon laquelle une immersion non transparente est une condition nécessaire pour qu’il y ait une expérience esthétique de l’immersion.
Même en connaissant préalablement le synopsis du film Time Out réalisé par Andrew Niccol, on se laisse facilement surprendre au moment où l’on apprend, dès les premières minutes à l’écran, que la jolie jeune femme présente le matin dans la cuisine n’est pas la petite amie, mais la mère de Will Salas, jeune homme présent à ses côtés. En effet, les deux acteurs ont plus ou moins le même âge apparent et, aujourd’hui, on est habitué à avoir au cinéma une distribution des rôles tentant de faciliter l’identification entre l’acteur et le personnage. Time Out, malgré les apparences, ne déroge pas à la règle, il ne s’agit pas d’un retour à la tragédie grecque dans laquelle le comédien et le personnage pouvaient être très différents, il s’agit au contraire de respecter la cohérence interne du monde fictionnel: dans ce film, les êtres humains sont modifiés afin que, passé le cap des 25 ans, leur apparence physique ne soit pas altérée par le vieillissement. Dès lors, ce film ne compte que des acteurs pouvant avoir l’air d’être âgés de 25 ans maximum. Si ceci est rapidement intégré par le spectateur de Time Out, il n’anticipe pas pour autant toutes les ressources scénaristiques possibles. Autrement dit, pendant un certain temps, l’univers fictionnel n’est pas clairement accessible au spectateur: il a compris certaines lois du monde fictionnel –on gagne du temps de vie en travaillant, on en dépense, on peut en prêter; le temps de ce monde est analogue à l’argent dans le monde du spectateur-, mais le spectateur ne parvient pas à anticiper le comportement des personnages. Il est semblable au joueur d’échec qui connaît les règles, mais qui, par manque d’habitude, ne connaît pas les tactiques usuelles. Ce n’est que progressivement qu’il va intégrer les règles du jeu, qu’il va considérer telle action cohérente relativement au monde dans lequel il se projette. Ce n’est que progressivement que le spectateur peut s’immerger dans le film.
L’immersion dont il s’agit n’est pas à comprendre au sens où le monde réel serait inhibé, ni au sens où l’acteur s’effacerait au profit du personnage: le spectateur peut avoir froid pendant la projection, peut être content de voir Justin Timberlake à l’écran, il peut aussi se réjouir de voir ce film, dans cette salle, avec cette personne, après ce repas. Ces diverses émotions et pensées peuvent arriver pendant qu’il y a immersion, sans forcément l’empêcher ou la restreindre. Dire qu’être en immersion dans un univers nécessite la stricte mise entre parenthèses du monde dans lequel on se trouve physiquement équivaudrait à dire que le spectateur devant une image dont il parvient à identifier le représenté oublierait alors nécessairement l’existence de son monde au profit de l’univers représenté. La non-pertinence de la seconde assertion révèle celle de la première; la relation au fondement de l’immersion est en effet structurellement identique à celle mettant en jeu une image. Une conscience de la frontière de la représentation ne rend heureusement pas impossible l’identification, par le spectateur, de ce qui est représenté. Ce point est précisément celui sur lequel insiste Kant pour distinguer la tromperie et l’illusion. Alors que la tromperie est le fait de prendre, par exemple, une image d’une chose pour la chose même, l’illusion est le «leurre qui subsiste, même quand on sait que l’objet supposé n’existe pas» (Kant, 2001: 51). Et ce savoir, dans la mesure où il est nécessaire à l’illusion, ne peut pas la fragiliser. L’immersion ne semble pas avoir à enrober totalement l’individu, elle ne doit pas lui faire croire réel ce qui ne l’est pas, elle est une rencontre incongrue entre ce qui est su et ce qui est perçu. En ce sens, l’immersion a bien plus à voir avec l’illusion qu’avec la tromperie.
Il est compréhensible que la notion d’immersion semble davantage mettre l’accent sur l’immédiateté d’une expérience privée de savoir, une expérience privée de distinction entre présentation et représentation, une expérience qui enrobe totalement l’être: le terme «immersion» est en effet emprunté au vocabulaire courant désignant le fait qu’un objet s’enfonce dans un fluide, et le sous-marin qui s’immerge dans l’eau n’a évidemment rien à voir avec la frontière de la représentation. Toutefois, on dit d’une chose qu’elle est immergée dans un fluide, en opposition à une situation tacitement considérée comme plus commune, dans laquelle la chose ne serait pas immergée. L’immersion advient dès lors relativement à une configuration habituelle, comme la représentation advient relativement à la présentation. Ainsi, ce présent article veut mettre l’accent sur cette relation entre une configuration habituelle et une configuration immersive afin de réfuter les idées trop hâtives selon lesquelles une bonne immersion 1) serait une immersion dans laquelle l’individu n’aurait pas l’impression de frontière entre la configuration habituelle et celle de l’immersion, 2) serait une immersion aisée dans laquelle on entrerait facilement, 3) devrait minimiser les décalages induits par le dispositif nécessaire à l’immersion. S’il est vrai que les tendances suivent ces idées et prônent une immersion transparente, il faut noter que, d’un certain côté, des libertés sont prises. Sinon, on ne ferait pas de science-fiction et les mères n’auraient pas le même âge apparent que leur fils. D’un autre côté, au contraire, c’est, semble-t-il, ce qui motive les dispositifs vidéoludiques comme Kinect, de la console de jeux vidéos Xbox 3601Ce dispositif permet de jouer à la console sans aucune manette, les mouvements du joueur étant idéalement ceux de son personnage., permettant de communiquer ses propres mouvements à son avatar, ou encore ce qui motive le cinéma 3D –comme si un monde peuplé d’êtres bleus avait besoin d’un semblant de tridimensionnalité pour paraître vraisemblable. Qu’il soit techniquement tenté, car possible, de faire en sorte que l’expérience immersive soit la plus proche de l’expérience réelle est compréhensible, mais c’est une autre chose de considérer qu’une telle approche débouche sur une bonne immersion: «bonne» au nom de quoi?
L’immersion est un état du sujet, dynamique ou statique, mais un état dépourvu de valeur: l’immersion n’est pas absolument bonne ou mauvaise. L’immersion dont a besoin l’agent immobilier souhaitant faire une visite virtuelle d’un bien à vendre n’est pas nécessairement la même que celle requise au cinéma par un nanar ou par un blockbuster; et le dispositif ne peut pas se passer de l’attitude du spectateur pour appréhender les types d’immersion pertinents. Ainsi, différents types d’immersion existent, sans qu’il y en ait dans l’absolu des bons et des mauvais, de même qu’il n’y a pas de bonnes et de mauvaises façons de faire des images: l’image d’un dictionnaire illustré n’a pas le même statut que l’image à velléité artistique. Cette comparaison n’est pas anodine: la relation entre l’immersion et la représentation est très étroite et il est surprenant de voir que dans un monde où la juste et fidèle imitation figurative ne fait plus norme, nombreux sont ceux qui tentent paradoxalement de créer des dispositifs permettant une immersion juste et fidèle. Puisqu’une image n’a pas toujours à être la plus fidèle possible pour être une bonne image, on pourrait penser qu’il en serait de même pour un dispositif immersif. Le problème de ce type d’immersion est qu’elle tente de minimiser la nécessaire frontière –même poreuse– distinguant présentation et représentation. Or, la frontière est nécessaire dans la mesure où l’immersion n’est pas une façon d’être pleinement dans un monde différent. Être en immersion, c’est être capable d’accéder à un univers proposé, c’est rendre cet univers accessible à soi, non croire y être au-delà de tout discernement. Une question a sans doute été trop rarement traitée dans les écrits sur l’immersion, celle de comprendre comment cet univers différent dans lequel on s’immergerait est proposé. La question semble en effet ne pas poser problème: un livre à lire, un casque de réalité virtuelle ou encore une règle de jeu suffisent. Cependant, la proposition de l’univers indique une position de l’individu; une approche centrée sur le dispositif, sans la prise en compte de la position du sujet, ne suffit pas. S’il fallait proposer une définition de l’état immersif axée sur ce point, on pourrait dire que l’immersion est une capacité à se rendre disponible à l’univers proposé, sans la nécessité d’une démarche consciente décryptant le dispositif par lequel l’univers est proposé. Une telle proposition de définition part du principe qu’il y a un dispositif auquel il faut s’habituer et qui ne va pas de soi dans les premiers temps. Ce dispositif modifie l’accessibilité à l’univers en associant d’une nouvelle manière les comportements du sujet aux réalités objectives, et réciproquement. La liste de ces équivalences constitue un code.
Cet article se propose in fine de nuancer les hypothèses selon lesquelles plus le code est facile à décrypter, autrement dit plus le code est transparent, plus l’immersion est de bonne qualité. Certes, plus on met du temps à s’adapter et à s’habituer au code, moins l’immersion est aisée et facile, mais plus elle est intense. L’immersion a une dynamique semblable à celle d’un rocher que l’on souhaite mouvoir: plus le rocher est léger, plus facilement on le met en mouvement, plus facilement on l’arrête; plus le rocher est lourd, plus le mouvement dure, plus il est intense. Aussi, plus l’immersion est intense, plus on y est lové, et moins il est facile d’en sortir, donc plus l’expérience du monde immergé sera apte à s’entrechoquer avec l’expérience de l’immersion et à perdurer une fois l’expérience achevée.
L’expérience de l’immersion nécessite un code qui ne doit pas être évident, mais qui doit devenir naturel
a) L’existence d’un code non évident n’empêche pas l’immersion
La définition de l’immersion proposée ci-dessus s’inspire fortement de l’article écrit par Malika Auvray, Julien Lefèvre, Charles Lenay et John Kevin O’Regan, qui précise dès les premières lignes que «ce que nous appelons classiquement “immersion” signifie simplement être à un monde d’action et de perception nouveau, rendu possible par un dispositif technique. Être immergé dans un espace signifie localiser objets et événements relativement à un point de vue appartenant à cet espace» (2005: 94). L’exemple paradigmatique pris par les auteurs de l’article est celui du contrôle au joystick d’un avatar de jeu vidéo. La notion de code est ici assez limpide: appuyer sur tel bouton code pour telle action, envoyer une boule de feu, par exemple. Il n’y a rien d’évident venant relier l’action faite dans le monde réel et l’action accomplie dans le monde vidéoludique. Cet écart spécifique à l’expérience de l’immersion peut être nommé un «écart immersif». L’«écart immersif» n’est donc pas ce qu’il y a entre le monde de l’immersion et ce qui reste du monde réel –par exemple le fait que le spectateur assis à l’avant soit perçu pendant que l’on regarde un film au cinéma–, mais est le différentiel qu’apporte le dispositif permettant l’immersion. Dans le monde sans immersion, un geste aurait eu une conséquence, il en a une autre dans le monde de l’immersion. Pour s’immerger, il faut combler cet écart; afin de le combler, il y a un code symbolique à apprendre, dans un premier temps. Bien entendu, la jouabilité est d’autant plus aisée que le code se devine et ressemble à d’autres jeux semblables, ou tout du moins s’acquiert rapidement. Peut-être que les simulations de vol en hélicoptère ont eu particulièrement de succès parce que le code s’effaçait presque totalement par rapport à d’autres jeux –conduire un hélicoptère se fait en effet avec un levier de pas cyclique semblable à un joystick–, mais cette thèse postule étrangement que les joueurs de jeux de simulation de vol en hélicoptère en auraient déjà piloté un. De même, le tir se fait souvent en appuyant sur un bouton, mais peu de joueurs ont déjà tiré avant de jouer à des jeux de tir. Le succès de ces jeux ne s’explique donc pas par l’envie de retrouver dans le jeu les sensations déjà connues dans l’expérience réelle. Et s’il est vrai qu’il y a une tendance dans l’univers des jeux vidéos à minimiser le code, les nombreux jeux de combat, comme Street Fighter ou Mortal Kombat, requièrent, pour exécuter les commandes, un doigté qui n’a absolument rien à voir avec l’action induite à l’écran. Un coup de pied retourné ou un uppercut –sans parler du lancer d’une boule de feu jaillissant du fond de la gorge– ne s’effectuent pas dans la vraie vie en bougeant les doigts. Il y a très souvent une distinction fondamentale entre l’action accomplie dans le monde réel et son impact dans le monde virtuel; autrement dit, l’écart immersif est très rarement nul.
b) Un écart immersif presque nul ne permet pas une expérience de l’immersion
L’exemple du contrôle au joystick d’un avatar sous-entend que l’immersion se caractérise par la mise en place d’une association entre des actions dans un monde et les actions correspondantes dans un autre monde. Cette association est une contrainte inhérente au matériau2La notion de «contrainte du matériau», ainsi que celle de libération des contraintes du matériau, qui suit, sont celles qu’Adorno forge notamment dans Philosophie de la nouvelle musique et Théorie esthétique. des expériences immersives. Deux éventualités s’offrent alors: soit la contrainte est minimisée, soit elle est exploitée pour s’en libérer. Le choix est important, car deux manières très différentes de concevoir l’immersion en découlent; il s’agit plus précisément de deux immersions différentes. Le fait de minimiser l’écart immersif ne cherche pas tant à proposer une expérience de l’immersion qu’une expérience de l’univers dans lequel il y a immersion; minimiser l’écart immersif est équivalent à maximiser la ressemblance formelle entre les actions et les moyens de perception de chacun des deux univers, habituel et immersif. Ce type d’immersion permet, par exemple, de répondre aux désirs de personnes souhaitant expérimenter des situations qu’elles ne peuvent vivre ou encore de permettre des simulations les préparant à de semblables situations extrêmes. L’expérience immersive souhaitée n’a dès lors «pas de prétention esthétique particulière» (Morizot, 2003: 111), au-delà éventuellement de l’expérience de l’univers dans lequel il y a immersion: utiliser un casque de réalité virtuelle pour se promener sur l’Acropole a des prétentions esthétiques tentant de reproduire celles de l’Acropole, et qui ne sont pas propres au dispositif virtuel utilisé. Suivant l’analogie entre la représentation bidimensionnelle et l’immersion, Dominic Lopes propose dans Understanding Pictures une distinction conceptuelle entre des images sans prétention esthétique –images de dictionnaire illustré, par exemple– et les autres. Il nomme les premières des «images démotiques» (1996: 111). On pourrait parler, de même, d’immersion démotique. Dans ces cas, il est compréhensible de chercher à minimiser l’écart immersif entre les entrées et les sorties du dispositif nécessaire à l’immersion: si l’expérience veut renseigner ou simuler fidèlement, le code peut viser la transparence. Parallèlement, il n’y a pas de raison a priori pour que les cas d’immersion non démotique visent une telle minimisation. On pourrait même avoir tendance à penser que plus l’écart immersif est important, plus l’expérience de l’immersion est forte. En effet, un écart conséquent permettrait l’expérience d’un univers certes vraisemblable, mais d’un univers découvert à partir de moyens de perception et d’action différents de ceux couramment utilisés. C’est en cela que l’expérience immersive non démotique est spécifique: elle donne l’illusion d’un monde comme le monde habituel, mais qui ne cherche pas à en être le simulacre. Le monde est autre, mais aurait pu être ainsi. Il est vraisemblable, car c’est un monde qui est devenu accessible à l’individu dès lors immergé3«Il faut adopter les impossibilités vraisemblables, plutôt que les choses possibles qui seraient improbables», conseille Aristote au chapitre XXIV de la Poétique. La vraisemblance est une condition nécessaire de l’accessibilité au monde.. En d’autres termes, l’expérience de l’immersion a ceci de spécifique qu’elle est une expérience de la contingence.
c) L’habitude permet de se dispenser du décryptage d’un code
Certes, plus l’écart immersif est important, plus l’expérience est intense, mais un écart trop radical peut aussi empêcher l’avènement de l’immersion: c’est une chose d’être immergé, c’en est une autre de s’immerger. Le mouvement faisant passer d’un état de non-immersion à un état d’immersion passe par une habituation au code. Il n’est pas question d’avoir en permanence à l’esprit que telle action sur le joystick code équivaut à telle action dans le monde virtuel; au contraire, «nous oublions ainsi que nous sommes en train de manipuler un joystick, une manette ou les touches d’un clavier au profit de l’impression d’avancer, tourner, sauter dans l’espace du jeu» (Auvray et al., 2005: 94). Cette habituation ne nécessite pas un code minimisé, mais du temps; de même concernant un autre exemple pris par Auvray, Lefèvre, Lenay et O’Regan, celui d’un individu qui localise les objets à l’aide de sa canne. Il n’est pas nécessaire que l’individu soit aveugle, il est d’ailleurs théoriquement plus économique de considérer un individu voyant pourvu d’une canne pour éviter les problèmes liés à la perception singulière du monde par l’aveugle: c’est en effet le sens du toucher qui est ici intéressant, davantage que le sens absent de la vue. La canne modifie la façon de toucher les objets; ce n’est pas la main qui touche, c’est la canne. L’individu ressent la canne vibrer dans sa main en fonction des objets rencontrés par la hampe de la canne ou par son extrémité. Telle vibration code –cette fois-ci avec une pertinence physique– pour tel choc, telle autre pour tel autre. Le début peut être imprécis, on ne sait pas encore ce que «signifie» cette sensation au creux de la main, puis, avec un peu de temps, on se repère plus aisément, plus facilement: on s’est habitué au dispositif, on s’est habitué au code. Traitant précisément de «l’exploration des objets avec un bâton», Merleau-Ponty note que cette situation laisse la place à deux théories différentes quant au rapport au code:
Quand le bâton devient un instrument familier, le monde des objets tactiles recule, il ne commence plus à l’épiderme de la main, mais au bout du bâton. On est tenté de dire qu’à travers les sensations produites par la pression du bâton sur la main, l’aveugle construit le bâton et ses différentes positions, puisque celles-ci, à leur tour, médiatisent un objet à la seconde puissance, l’objet externe. La perception serait toujours une lecture des mêmes données sensibles, elle se ferait seulement de plus en plus vite, sur des signes de plus en plus ténus. Mais l’habitude ne consiste pas à interpréter les pressions du bâton sur la main comme des signes de certaines positions du bâton, et celles-ci comme des signes d’un objet extérieur, puisqu’elle nous dispense de le faire. Les pressions sur la main et le bâton ne sont plus données, le bâton n’est plus un objet que l’aveugle percevrait, mais un instrument avec lequel il perçoit. (1945: 177-178. L’auteur souligne.)
L’immersion ne passe donc pas par l’efficacité dans le décryptage d’un code, mais par le fait que le code s’oublie, tant les associations nouvelles et éventuellement forcées sont devenues naturelles. Il ne s’agit pas d’une perception qui transite par un dispositif, mais d’une expérience d’adaptation à un dispositif, en ce sens que c’est le sujet qui s’adapte au dispositif pour percevoir avec lui au lieu de le percevoir. On comprend ainsi qu’aucune expérience spécifiquement immersive n’est possible dans les cas où c’est au contraire le dispositif qui seul s’adapte au sujet, jusqu’à faire tendre vers zéro l’écart immersif. Pour se faire oublier, le dispositif doit devenir semblable au corps propre de l’individu. Merleau-Ponty qualifie le bâton d’«appendice» et d’«extension de la synthèse corporelle» (Merleau-Ponty, 1945: 178); autrement dit, le dispositif initialement externe doit être intégré par le sujet jusqu’à appartenir à son corps propre au lieu de le prolonger. On comprend très bien que le bâton puisse, à la manière d’une prothèse, prolonger le sens du toucher, mais cette conceptualisation devrait se généraliser aussi bien au joystick qu’à l’écran du jeu vidéo et à l’image en général. Le sens du toucher se donnant spécifiquement comme un sens d’une perception de contact –contrairement au sens de la vue, par exemple, qui est intégré comme une perception à distance–, la notion de prothèse semble plus adaptée lorsqu’elle est mise en relation avec le sens du toucher. Toutefois, l’image est au sens de la vue ce que le bâton est au sens du toucher: tous les deux sont des intermédiaires qui permettent de percevoir. Ainsi, comme le commente Jacques Morizot au sujet de l’ouvrage cité de Dominic Lopes, «les images sont des “prothèses visuelles” qui, du fait de leur transparence, représentent le monde à travers leurs propriétés visuelles et contribuent dans une certaine mesure à élargir la perception que nous avons du monde» (2003: 115). Cette remarque permet de penser l’expérience de l’image, et sans doute de la représentation en général, comme un cas particulier d’immersion. On comprend dès lors que, s’il est vrai que l’immersion nécessite un dispositif, celui-ci n’a pas à être lourd et contraignant. Il doit uniquement permettre un monde d’action et de perception nouveau.
Le processus d’adaptation nécessaire à l’immersion induit une dynamique temporellement persistante
a) Le monde de l’immersion est rendu accessible par une modification subjective de la perception
Le spectateur immergé dans Time Out semble être confronté à deux univers: l’univers habituel de la salle de cinéma, qui relève de la présentation, et l’univers du film, qui est représenté visuellement à l’écran et rendu audible par les haut-parleurs. Le monde dans lequel on s’immerge semble apparemment coupé du monde habituel. Certes, deux espaces distincts sont mis en jeu, mais leur distinction est en fonction de la perception de l’individu. Autrement dit, l’espace n’est pas défini objectivement. Il n’est donc pas besoin d’un univers réel opposé à un univers virtuel pour qu’il y ait immersion; il suffit de modifier la perception que l’individu a du monde. L’exemple de la canne permettant l’exploration tactile des objets exemplifie le cas d’une immersion en situation réelle. Le jeu vidéo est plus ambigu à cause de la manette de commande, qui permet dans certains cas une action identique dans les deux mondes: le joystick n’est plus une prothèse lors d’un simulateur de vol en hélicoptère, par exemple, ce qui a pour conséquence de rendre l’espace de l’immersion hybride4Sur l’hétérogénéité de l’espace, voir Trentini (2011: 83).. Aussi, une théorie de l’immersion ne peut se passer d’une prise en compte du mécanisme de perception. Contrairement à ce que pensaient les empiristes Locke et Berkeley, la perception ne semble pas faite d’une accumulation de sensations sans aucun rétrocontrôle descendant5Voir notamment Berkeley (1970) et Locke (1972).. Les sensations sont reconsidérées en fonction des situations et des occurrences et semblent davantage être –comme le proposait déjà la psychologie de la forme– les parties d’un tout préalablement perçu que, à l’opposé, les constituants réductionnistes d’un tout émergent. Toutefois, les empiristes intègrent dans leur conception de la perception une notion fondamentale, celle d’association: par répétition, par habituation, des sensations sont associées à d’autres; à force d’entendre tel son au moment où est vue telle image, on construit la notion de causalité en liant ces deux sensations. Ainsi, la vision d’un individu s’apprêtant à frapper sur un tambour annonce l’audition d’un son particulier6Pour une synthèse éclairante de ces questions sur la philosophie de la perception, se reporter à Barbaras (2009: 13-26).. Or, l’association est plastique et peut heureusement s’adapter, suivant le contexte. Les mêmes stimuli peuvent par conséquent donner lieu à des perceptions différentes. Autrement dit, la perception n’est pas celle des stimuli ou des sensations, mais celle de ce qui est associé à ces stimuli ou ces sensations. Comme l’écrit Bergson, «ce que nous voyons, ce sont des conventions interposées entre l’objet et nous; ce que nous voyons, ce sont des signes conventionnels qui nous permettent de reconnaître l’objet et de le distinguer pratiquement d’un autre, pour la commodité de la vie» (2002: 118). Nous voyons des étiquettes parce que la perception, avant de permettre de connaître le monde, permet d’agir dans le monde (Bergson, 2004: 24). Nous voyons un réel codé. Survie oblige, la perception s’adapte. Les conséquences pour l’immersion d’une telle conception de la perception sont essentielles. Premièrement, la notion de code posée précédemment dans le cas de l’immersion semble déjà être présente lors de l’évolution de l’individu dans le monde habituel, et l’expérience de l’immersion modifie ce code. Deuxièmement, les capteurs sensitifs sont certes les mêmes, mais, les associations changeant, la perception change, et donc le monde perçu aussi. C’est la modification des étiquettes induite par l’adaptation par habituation de la perception qui donne l’impression à l’individu d’évoluer dans un monde nouveau.
b) l’immersion en situation réelle montre bien que le dispositif ne s’adapte pas à l’individu sans que l’individu n’ait à s’adapter à son tour
Le dispositif ne permet pas immédiatement de modifier la perception, la modification est médiate: si on peut avoir tendance à penser que le dispositif technique s’adapte à l’individu, il ne faut pas négliger la part fondamentale, dans l’expérience de l’immersion, de l’individu qui s’adapte au dispositif en modifiant sa perception. Le rôle du dispositif est donc d’impulser une modification dans les associations entre stimuli/sensations et étiquettes. Il s’agit bien «d’impulser» la modification subjective de la perception, et non uniquement de la rendre possible. L’individu est suffisamment plastique, il a une faculté adaptative suffisante pour parvenir à enclencher lui-même la modification. Dès lors, le dispositif s’avère superflu. Sans joystick, sans bâton, sans image, sans livre, sans casque de réalité virtuelle, une immersion est possible à partir du moment où les étiquettes collées sur les objets changent. Il suffit, par exemple, d’associer «ennemis» aux individus vêtus de bleu, «alliés» à ceux portant, comme soi, du rouge, et à se laisser aller dans une partie de paint ball. Au début, c’est un code à déchiffrer, aucune association n’est faite, il y a un décryptage à faire, et il nécessite une démarche consciente, parce que, pour reprendre le propos de Merleau-Ponty, aucune habitude n’est encore venue dispenser l’interprétation des signes «rouge» et «bleu». Progressivement, la perception change: l’arbre est avant tout perçu comme «bouclier» et non plus comme «arbre». Les éléments du monde sont perçus d’un nouveau point de vue, le monde réel perd alors sa coloration habituelle; on est en immersion en situation réelle. La particularité de l’immersion en situation réelle semble résider dans l’absence de prothèse: rien d’extérieur ne vient augmenter le corps propre, on n’est pas en immersion avec un objet, on est immédiatement en immersion avec une nouvelle association intégrée subjectivement sans impulsion objective. La prothèse de l’immersion en situation réelle serait alors plutôt une «endo-prothèse», comme une prothèse, mais émanant du sujet lui-même, par l’intégration, par exemple, d’une règle de jeu. Alors que la perception assistée d’une exo-prothèse donne souvent une perception du monde inconsistante, qui ne devient consistante que par la modification subjective de la perception, l’immersion non assistée repose, quant à elle, uniquement sur l’inclination à l’immersion du sujet. Certes, parfois l’empathie liée à la perception d’autres individus apparemment déjà en immersion vient induire l’adaptation de la perception, mais le simple fait qu’il en faille un premier ou qu’une immersion en situation réelle soit possible individuellement témoigne de l’inclination humaine à modifier les étiquettes collées sur les choses: peut-être que si l’enfant est si prompt à jouer avec un bout de bois, qu’il perçoit désormais comme une épée alors que l’instant d’avant c’était un râteau, l’instant d’après une baguette magique, c’est parce que sa perception des étiquettes mises entre lui et le monde n’est pas encore fortement stabilisée. Il n’a pas besoin «de mettre le feu à toutes les conventions» (Bergson, 2002: 118), il n’a pas besoin de modifier ses associations. Autrement dit, étant détaché des contraintes agentives de la vie, l’enfant n’a pas encore formé de monde habituel. Dès lors, aucune perception n’est plus légitime qu’une autre, et il navigue sans encombre d’une association à une nouvelle. Au contraire, alors que la perception s’est figée, du temps est nécessaire pour permettre une nouvelle adaptation, pour parvenir à identifier telle personne vêtue de rouge comme un allié, tout comme pour trouver normal le fait que la mère de Will Salas ait le même âge apparent que son fils. Ainsi, les actions n’ont pas le même impact si elles se situent au début d’un livre ou plus en aval; une lecture préalable est nécessaire pour avoir le cœur qui frémit lorsque Aurélien danse avec Bérénice au Lulli’s, dans le roman de Louis Aragon. Ce temps est nécessaire, parce que le monde représenté est autre que le monde habituel: la différence se situe parfois sur le plan des lois physiques, biologiques ou sociales, parfois simplement en ce qui concerne la présence de personnages inconnus avec lesquels on doit entrer en sympathie. Pour être en immersion, l’individu doit s’adapter. Cette adaptation requiert du temps.
c) l’expérience de l’immersion n’est pas tant l’expérience d’un monde que l’expérience d’une rencontre entre deux mondes
Le temps nécessaire pour adapter sa perception à l’écart immersif n’est pas à considérer comme un défaut, il n’affaiblit en aucun cas l’expérience immersive. Non seulement il la permet, mais il l’enrichit dans la mesure où il rend possibles les situations pour lesquelles l’habitude ne s’est pas encore installée. L’individu prend alors conscience de l’expérience qu’il entame. L’inadaptation facilite en effet la déviation de l’attention qui, portée auparavant et habituellement vers le monde extérieur, vient se poser pour au moins un instant sur ses propres facultés de perception, parce que celles-ci ne parviennent pas à rendre compte de la cohérence du monde alors proposé. Bien entendu, ces moments réfléchissants peuvent survenir aussi par la suite, au moment où l’immersion a lieu, c’est-à-dire lorsque l’habitude dispense d’interpréter les signes. Mais s’ils peuvent survenir ensuite, c’est peut-être parce que les deux mondes ont été préalablement mis en relation par l’expérience de l’inadaptation: à partir du moment où l’expérience immersive n’évacue pas totalement l’écart immersif, il persiste toujours une étrangeté, qui garantit la possibilité d’un jugement réfléchissant, d’une prise de conscience de l’expérience qui est en train d’être vécue. Dans le prolongement de la thèse kantienne définissant le jugement de goût par son caractère réfléchissant7Kant (1995 [1790]), voir notamment § 9 concernant le beau et § 27 concernant le sublime., il semblerait que l’expérience esthétique advienne par la prise de conscience de la flexibilité de sa perception. Sans aucun doute, l’expérience de l’immersion, en franchissant l’écart immersif, exemplifie cette thèse. Une autre richesse apportée par le temps nécessaire à l’état d’immersion se situe non plus en amont, mais en aval de l’expérience: puisque l’immersion est un état d’adaptation subjective de la perception, qui advient par habituation, l’état ne disparaît pas brusquement une fois sortie du contexte. La perception adaptée peut au moins sporadiquement persister. C’est pour ces raisons qu’il semble pertinent de comparer l’adaptation de l’immersion à un gros rocher que l’on souhaite mettre en mouvement: plus l’individu va mettre de temps à s’adapter au code afin de l’oublier, plus sa perception sera modifié; plus il aura fallu de temps pour que l’adaptation se fasse, plus elle sera longue à se défaire. La notion physique rendant compte de cette propriété est l’inertie, qui est liée à la difficulté de modifier le vecteur mouvement d’un mobile. Un petit caillou a une faible inertie, en ce sens qu’on le met facilement en mouvement et qu’on stoppe aussi facilement ce mouvement; c’est l’inverse pour le gros rocher. En tant que mouvement, l’immersion est douée d’inertie. Cette propriété est importante, parce que, sans le concept d’inertie, on pourrait s’attendre à un comportement tout autre. En effet, il aurait pu être légitime de penser que, si un mouvement était dur à s’installer, il serait facile à arrêter; comme si «mouvement» s’opposait à «repos». Or, l’inertie permet de comprendre que l’opposition se situe davantage entre «facilité à modifier le mouvement» et «difficulté à modifier le mouvement». Par conséquent, une immersion stable, qui ne se laisse pas perturber par de petites perturbations, est une immersion qui s’est installée lentement. Elle est persistante. C’est alors que l’évolution dans le monde habituel peut prendre la coloration du monde dans lequel on s’est préalablement immergé. Un habitué des jeux de rôle sur ordinateur voudra ainsi sauvegarder sa vie avant d’aller demander une augmentation à son supérieur hiérarchique, ou peut-être qu’il voudra charger une partie après avoir appris une mauvaise nouvelle. Ces exemples paraissent peut-être triviaux, mais ils témoignent de la dynamique propre à l’immersion. Et logiquement, plus l’écart immersif est important, plus les rencontres entre le monde habituel et le monde de l’immersion sont incongrues et ont dès lors des chances d’accéder à la conscience réflexive. Ces rencontres entre mondes ont souvent été mises en avant pour rendre compte d’une expérience esthétique dans les cas de représentations picturales, donc plus généralement dans les cas d’immersion8Voir, par exemple, Gombrich (2002 [1960]), Tisseron (2005: 131-145), Trentini (2011: 289-301).. Ainsi, une expérience de l’immersion est une expérience esthétique dans la mesure où la rencontre de deux mondes différents, différents relativement aux moyens de perception mis en jeu, induit un jugement réfléchissant permettant au sujet de prendre conscience de la flexibilité de sa perception. Cette caractéristique vient de la dynamique de l’immersion, fondamentalement persistante à partir du moment où le dispositif régulant l’immersion et son code ne cherchent pas à être les plus transparents possible.
Conclusion
Peut-être est-ce pour prolonger ces jeux de l’enfance, ou pour fuir un monde habituel apparemment figé, mais l’immersion en situation réelle rend manifeste cette tendance humaine, non pas de rêver, non pas d’expérimenter en faux ce qu’on ne peut pas faire en vrai, mais bien plutôt de faire l’expérience de la contingence de la perception du monde. Comme écrit précédemment, l’expérience de l’immersion a ceci de spécifique qu’elle est une expérience de la contingence. Elle est un moyen par lequel on accède à un monde peut-être impossible dans le monde habituel, mais vraisemblable malgré tout. Un monde régi par des lois spécifiques et cohérentes entre elles n’a donc pas nécessairement à ressembler formellement au monde habituel. Il ne doit lui ressembler que dans sa vraisemblance, en ce sens que, si on mettait de côté tout ce qui est, mais qui aurait pu ne pas être –autrement dit ce qui est contingent–, ce monde aurait été possible.
Expérimenter la contingence n’est pas qu’une expérience métaphysique, elle en est aussi une pratique. C’est parce qu’il y a préalablement eu immersion dans l’univers proposé par Time Out que le film peut être perçu comme une dystopie, à l’image de celles fréquemment présentes dans les contes philosophiques du Siècle des lumières. L’immersion n’est bel et bien qu’un outil auquel on peut attribuer plusieurs rôles. Il n’y a pas dans l’absolu de bonnes immersions; il faut préalablement définir des enjeux, des intentions ou des attentes. S’il est tentant d’exploiter les ressources esthétiques de l’expérience immersive, ce n’est certainement pas en faisant de l’immersion une expérience transparente qui se confondrait avec l’expérience habituelle.
Bibliographie
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Tisseron, Serge (dir.). 2005. Dossier « La réalité de l’expérience de fiction ». L’Homme, no 175-176, p. 131-145.
Trentini, Bruno. 2011. « La représentation en question: immersions et émersions picturales », dans Esthétique, complexité, modélisation et expérimentation. Éditions du CNRS, p. 289-301.
Trentini, Bruno. 2011. « Les perceptions complexes: entre esthétique et sciences cognitives », dans Les sciences cognitives, vers un dépassement des frontières disciplinaires. Presses universitaires de Grenoble, p. 73-85.
- 1Ce dispositif permet de jouer à la console sans aucune manette, les mouvements du joueur étant idéalement ceux de son personnage.
- 2La notion de «contrainte du matériau», ainsi que celle de libération des contraintes du matériau, qui suit, sont celles qu’Adorno forge notamment dans Philosophie de la nouvelle musique et Théorie esthétique.
- 3«Il faut adopter les impossibilités vraisemblables, plutôt que les choses possibles qui seraient improbables», conseille Aristote au chapitre XXIV de la Poétique. La vraisemblance est une condition nécessaire de l’accessibilité au monde.
- 4Sur l’hétérogénéité de l’espace, voir Trentini (2011: 83).
- 5Voir notamment Berkeley (1970) et Locke (1972).
- 6Pour une synthèse éclairante de ces questions sur la philosophie de la perception, se reporter à Barbaras (2009: 13-26).
- 7Kant (1995 [1790]), voir notamment § 9 concernant le beau et § 27 concernant le sublime.
- 8Voir, par exemple, Gombrich (2002 [1960]), Tisseron (2005: 131-145), Trentini (2011: 289-301).