Article d'une publication

Direct

Éric Giraud
couverture
Article paru dans Poésie, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Bouvet, Patrick (2002), Direct, Paris, Éditions de l’Olivier, 106p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project, au Labo NT2)

  

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Direct est le troisième livre d’un triptyque [In Situ (1999), Shot (2000)] portant sur le rapport à l’image et sur le traitement de l’information par les médias. Le texte part des flash infos diffusés à la télévision lors des attentats du 11 septembre 2001 à New York. Il consiste en un montage de prélèvements des énoncés journalistiques et des témoignages diffusés ce jour-là à la télévision, «remixés» et peu à peu recomposés par un travail de détournement d’auteur. Le livre est composé de trois parties se différenciant par leur mise en page. La première partie porte principalement sur les avions percutant les tours prend la forme d’énoncés découpés comme des vers, d’abord centrés en bas de page, puis justifiés en haut et à gauche de la page. La deuxième partie dissémine sur la page des témoignages d’individus ayant assisté à l’événement. La troisième partie reprend la justification en bas de page centrée de la première partie et les commentaires journalistiques sur les images de l’événement.

  

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Pas d’indication de genre sur la couverture ou la page titre. Les sites de librairie classent ce titre sous le genre «Poésie». La forme adoptée n’est pas sans lien avec la forme poétique. La «poésie» de Patrick Bouvet est à rapprocher du travail effectué par des «écrivains plasticiens», ainsi que de la poésie narrative ou de la ligne (dé)coupée. On pourrait par ailleurs faire un rapprochement intéressant avec le projet «Live Ink» de Randall Walker: «Live Ink a un impact direct sur le traitement de l’information, puisque le format lui-même devient porteur d’information.»1https://web.archive.org/web/20070821105756/http://www.ecrans.fr/Live-Ink-Une-nouvelle-etape-de-la.html [Page consultée le 3 août 2023]

   

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Travail de prélèvement d’énoncés ou d’échantillons de journalisme télé (une phrase ou parfois deux, découpées en segments courts). Citations littérales, travail de répétition ou d’insistance, détournement, insertion de commentaires de l’auteur, permutation de mots et inversion de sens, recomposition de phrases (mélanges et remixages).

  

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est centrale. Les tours jumelles sont au centre du dispositif textuel. Il est également fait référence dans des proportions plus réduites au Pentagone (p. 26, 39) et au vol United 93 (p. 10, 29) sans que ne soient cités de façon explicite le mur du Pentagone ou le vol de la compagnie aérienne.

  

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont présentés de manière on ne peut plus explicite, voire littérale, car le texte est avant tout un montage du discours journalistique «couvrant» l’événement.

Moyens de transport représentés: Les avions ayant participé à l’attaque sont constamment évoqués par la citation des commentaires journalistiques ou des commentaires d’auteur.

Moyens de communication représentés: Les médias sont le sujet principal du livre en même temps que l’attaque du 11 septembre et d’une certaine manière, le poste de télévision en particulier et l’écran deviennent un moyen de transport, le lieu d’un glissement métonymique et métaphorique. L’auteur joue du retournement des situations par détournement et inversion des termes. L’écran transforme les avions en image, «image bourrée de carburant», et dévie puis inverse l’attaque: ce sont les téléspectateurs qui sont attaqués par des images «terroristes» puis finissent par y participer: «un deuxième avion sous nos yeux terroristes». Ainsi les médias détournent les événements et les téléspectateurs. Et il est intéressant de noter que la «partie» attaquée (Les États-Unis, la culture américaine) devient par l’inversion de l’auteur l’agresseur. Il est par ailleurs fait mention d’une confusion entre la fiction et la réalité par la comparaison de l’événement au scénario d’un film-catastrophe interprété par Bruce Willis. (p. 35-37)

Il est aussi fait référence aux conversations téléphoniques entre les victimes à l’intérieur des tours et leurs proches.

   

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

L’auteur (cf. 4b. paratexte) s’enferme devant son écran de télé et enregistre douze heures durant les émissions télé à la suite de l’événement. On repère à la lecture ici et là son intervention sur les énoncés journalistiques. Il n’y a pas de personnages en tant que tel, mais l’inversion opérée par l’auteur pourrait donner aux images du système médiatique une certaine valeur de «personnage».

Le point de vue est celui du journaliste, spectateur, occidental et homme de la rue.

Les événements sont abordés d’un point de vue collectif.

   

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Il est plus fait référence au regard et aux images qu’à l’ouïe et aux sons. Référence par deux fois aux hurlements des victimes (p. 52 et p. 60).

  

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucun travail iconique.

  

Autres aspects à intégrer

N/A

   

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Il est 8h56
Depuis plusieurs heures
Maintenant
Vous regardez
Les toutes dernières images
De l’histoire

Patrick Bouvet est né en 1962. Après In Situ et Shot, Direct est le troisième volet d’un travail consacré aux médias ou plutôt aux événements tels que les médias les ancrent dans nos mémoires et les insèrent dans notre conscience de l’histoire contemporaine. « J’aime considérer mes écrits comme des installations dans une pièce sombre, dit Patrick Bouvet, une œuvre conduisant à cette forme d’expérience physique que représente le pilonnage médiatique.

   

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

«Le 11 septembre, un ami m’a prévenu par téléphone. Très vite, j’ai branché le magnétoscope et j’ai tout enregistré. Un peu par automatisme: depuis des semaines, je suis devant ma télé parce qu’après In situ et Shot, je travaille sur un troisième livre ayant pour sujet la télévision. J’enregistre des émissions, je prends tout ce qui passe et je retranscris. Ce jour-là, je suis resté devant le poste douze heures de suite, très souvent debout, dans un état de fébrilité complète. Les médias continuent de traiter l’info de la même manière, toujours plus spectaculaire. Je revois le crash du deuxième avion: toujours la même scène, vue sous tous les angles, avec parfois un écran divisé en deux, un expert et les images les plus spectaculaires qui repassent, de manière hypnotique. Par certains aspects, ça me rappelle la guerre du Golfe, il y a dix ans, qui avait déclenché chez moi l’envie d’écrire sur les médias. L’information passe en boucle, les journalistes répètent toujours les mêmes choses, des mots reviennent sans cesse. La mise en boucle a un double effet: d’un côté l’accentuation, la cristallisation de l’événement, de l’autre l’atténuation de ce même événement par une usure, un épuisement de notre émotion. J’ai l’impression d’avoir été moi-même en boucle depuis deux jours. La fébrilité commence seulement à retomber. J’ai repris mes vidéos et je les retranscris. Je regarde, je fais des arrêts sur image, j’écris. Je crois que cet événement va changer tout mon projet.»1http://www.radiofrance.fr/chaines/Franceculture2/emissions_off/multipist… [La page n’est plus accessible.]

Éléments de la notice bio-bibliographique sur le site Inventaire invention:

«Patrick Bouvet, travaille sur la déréalisation du monde à l’oeuvre quotidiennement
dans les médias»
(…) «il découpe des articles dans les journaux, des photos dans les magazines
il se met à écrire»2https://web.archive.org/web/20071012142342/http://www.inventaire-invention.com/index_auteurs/bouvet.htm [Page consultée le 3 août 2023]

«Pour en revenir aux médias, j’en suis moi-même victime, lorsque je pense sortir une phrase personnelle on s’aperçoit après coup qu’elle est contaminée.» (…) «Mon but est de me servir du langage des médias pour révéler ce qui se cache en filigrane.»3https://web.archive.org/web/20070616213700/http://www.fluctuat.net/livres/interview/patrick_bouvet.htm [Page consultée le 3 août 2023]

   

Citer la dédicace, s’il y a lieu

Aucune dédicace.

   

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Peu d’articles critiques web disponibles

   

Impact de l’œuvre

Inconnu pour le moment (09/2007)

  

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

L’œuvre souligne et interroge de manière très explicite et flagrante le processus de «déréalisation» et de fictionnalisation mis en place par les médias et le traitement de l’information.

   

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«Vous voyez / Nous sommes devant / l’Amérique / frappée / par ses propres images» p. 34

«regardez / c’est nous / sur cette vidéo amateur/ là / les spectres qui traversent / les images / depuis plusieurs heures / maintenant» p. 106

   

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Site personnel de l’auteur: https://web.archive.org/web/20061116014934/http://bouvet.patrick.free.fr/index.htm [Page consultée le 3 août 2023]

Le texte a été écrit au moment des événements et le livre est sorti six mois plus tard.

   

Couverture du livre

  • 1
    https://web.archive.org/web/20070821105756/http://www.ecrans.fr/Live-Ink-Une-nouvelle-etape-de-la.html [Page consultée le 3 août 2023]

       

    Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

    Travail de prélèvement d’énoncés ou d’échantillons de journalisme télé (une phrase ou parfois deux, découpées en segments courts). Citations littérales, travail de répétition ou d’insistance, détournement, insertion de commentaires de l’auteur, permutation de mots et inversion de sens, recomposition de phrases (mélanges et remixages).

      

    Modalités de présence du 11 septembre

    La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

    La présence du 11 septembre est centrale. Les tours jumelles sont au centre du dispositif textuel. Il est également fait référence dans des proportions plus réduites au Pentagone (p. 26, 39) et au vol United 93 (p. 10, 29) sans que ne soient cités de façon explicite le mur du Pentagone ou le vol de la compagnie aérienne.

      

    Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

    Les événements sont présentés de manière on ne peut plus explicite, voire littérale, car le texte est avant tout un montage du discours journalistique «couvrant» l’événement.

    Moyens de transport représentés: Les avions ayant participé à l’attaque sont constamment évoqués par la citation des commentaires journalistiques ou des commentaires d’auteur.

    Moyens de communication représentés: Les médias sont le sujet principal du livre en même temps que l’attaque du 11 septembre et d’une certaine manière, le poste de télévision en particulier et l’écran deviennent un moyen de transport, le lieu d’un glissement métonymique et métaphorique. L’auteur joue du retournement des situations par détournement et inversion des termes. L’écran transforme les avions en image, «image bourrée de carburant», et dévie puis inverse l’attaque: ce sont les téléspectateurs qui sont attaqués par des images «terroristes» puis finissent par y participer: «un deuxième avion sous nos yeux terroristes». Ainsi les médias détournent les événements et les téléspectateurs. Et il est intéressant de noter que la «partie» attaquée (Les États-Unis, la culture américaine) devient par l’inversion de l’auteur l’agresseur. Il est par ailleurs fait mention d’une confusion entre la fiction et la réalité par la comparaison de l’événement au scénario d’un film-catastrophe interprété par Bruce Willis. (p. 35-37)

    Il est aussi fait référence aux conversations téléphoniques entre les victimes à l’intérieur des tours et leurs proches.

       

    Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

    L’auteur (cf. 4b. paratexte) s’enferme devant son écran de télé et enregistre douze heures durant les émissions télé à la suite de l’événement. On repère à la lecture ici et là son intervention sur les énoncés journalistiques. Il n’y a pas de personnages en tant que tel, mais l’inversion opérée par l’auteur pourrait donner aux images du système médiatique une certaine valeur de «personnage».

    Le point de vue est celui du journaliste, spectateur, occidental et homme de la rue.

    Les événements sont abordés d’un point de vue collectif.

       

    Aspects médiatiques de l’œuvre

    Des sons sont-ils présents?

    Il est plus fait référence au regard et aux images qu’à l’ouïe et aux sons. Référence par deux fois aux hurlements des victimes (p. 52 et p. 60).

      

    Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

    Aucun travail iconique.

      

    Autres aspects à intégrer

    N/A

       

    Le paratexte

    Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

    Il est 8h56
    Depuis plusieurs heures
    Maintenant
    Vous regardez
    Les toutes dernières images
    De l’histoire

    Patrick Bouvet est né en 1962. Après In Situ et Shot, Direct est le troisième volet d’un travail consacré aux médias ou plutôt aux événements tels que les médias les ancrent dans nos mémoires et les insèrent dans notre conscience de l’histoire contemporaine. « J’aime considérer mes écrits comme des installations dans une pièce sombre, dit Patrick Bouvet, une œuvre conduisant à cette forme d’expérience physique que représente le pilonnage médiatique.

       

    Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

    «Le 11 septembre, un ami m’a prévenu par téléphone. Très vite, j’ai branché le magnétoscope et j’ai tout enregistré. Un peu par automatisme: depuis des semaines, je suis devant ma télé parce qu’après In situ et Shot, je travaille sur un troisième livre ayant pour sujet la télévision. J’enregistre des émissions, je prends tout ce qui passe et je retranscris. Ce jour-là, je suis resté devant le poste douze heures de suite, très souvent debout, dans un état de fébrilité complète. Les médias continuent de traiter l’info de la même manière, toujours plus spectaculaire. Je revois le crash du deuxième avion: toujours la même scène, vue sous tous les angles, avec parfois un écran divisé en deux, un expert et les images les plus spectaculaires qui repassent, de manière hypnotique. Par certains aspects, ça me rappelle la guerre du Golfe, il y a dix ans, qui avait déclenché chez moi l’envie d’écrire sur les médias. L’information passe en boucle, les journalistes répètent toujours les mêmes choses, des mots reviennent sans cesse. La mise en boucle a un double effet: d’un côté l’accentuation, la cristallisation de l’événement, de l’autre l’atténuation de ce même événement par une usure, un épuisement de notre émotion. J’ai l’impression d’avoir été moi-même en boucle depuis deux jours. La fébrilité commence seulement à retomber. J’ai repris mes vidéos et je les retranscris. Je regarde, je fais des arrêts sur image, j’écris. Je crois que cet événement va changer tout mon projet.»1http://www.radiofrance.fr/chaines/Franceculture2/emissions_off/multipist… [La page n’est plus accessible.]
  • 2
  • 3
Ce site fait partie de l'outil Encodage.