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Construction de l’identité arabe américaine

Chloé Tazartez
couverture
Article paru dans Essais, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: Parrs, Alexandra (2005), Construction de l’identité arabe américaine. Entre invisibilité et mise en scène stratégique, Paris, L’Harmattan, 132p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Problématique principale et thèses

Cette étude sociologique est une présentation d’un travail de thèse en cours sur la construction de l’identité arabe américaine par la population américaine d’origines arabes à l’époque contemporaine. L’auteur présente sa démarche dans l’introduction: elle base ses premières conclusions sur une série d’entretiens qu’elle a menés jusqu’en mars 2003 avec des personnes qui revendiquent leur identité arabo-américaine, ou bien des personnes qui au moins utilisent le terme. Elle rappelle la première source d’ambiguïté: l’absence de catégorie ethnique dans le formulaire de recensement: les populations d’origines arabes ont le choix entre cocher la case «blanc» ou bien la case «autre». Lors des entretiens qu’elle a menés, elle a constaté que plusieurs d’entre eux oscillent de la catégorie «blanc» à la catégorie «autre». Cette ambiguïté permet aux membres de cette communauté soit de se considérer comme Américains ou bien comme Arabes Américains.

Le champ de recherche de l’auteur s’est limité à la population de la ville de New York à cause de la forte concentration de population arabo-américaine, la multiplicité des communautés ethniques qui se côtoient et le fait que la ville a été touchée directement par les attentats du 11 septembre 2001, attentants dont l’impact sur la construction de l’identité de cette communauté a été fort.

La thèse principale de l’auteur est qu’à partir du flottement terminologique concernant cette population, elle s’est elle-même définie de manière flottante, cherchant parfois à se fondre dans la masse en s’assimilant le plus possible à la population blanche, parfois en s’affirmant comme communauté ethnique à part, possédant ses propres caractéristiques et les revendiquant comme traits identitaires. Les témoignages des personnes interrogées révèlent un double discours: celui de l’appartenance nationale (Syrien, Libanais, Egyptien, Marocain…) face au discours pan-arabe. Ce double discours tend à disparaître au profit d’une identité pan-arabe qui prend pour point de ralliement les questions politiques liées notamment aux conflits israélo-palestiniens.

Les membres de la communauté arabo-américaine revendiquent moins une reconnaissance sociale qu’une reconnaissance politique, revendication qui s’est intensifiée depuis le début des conflits avec Israël, et en particulier après la défaite de 1967. Les associations qui luttent pour la reconnaissance de l’identité arabo-américaine revendiquent un droit d’expression politique et n’axent pas leurs discours sur les aspects sociaux, étant moins sujets aux discriminations de cet ordre que les populations latino-américaine et afro-américaine, puisqu’ils peuvent entrer dans la catégorie des «Blancs».

D’autre part, ils tentent de faire éclater les stéréotypes qui les concernent, notamment en dévoilant l’identité arabo-américaine de certaines personnalités qui ne la revendiquent pas, se considérant tout simplement comme américaines. Depuis le 11 septembre 2001), ces associations dénoncent les préjugés à l’égard de cette communauté vue comme un foyer de terroristes arriérés.

Cependant, la culture arabe fait l’objet d’une sorte de fascination qui résulte d’aspects plus culturels que politiques: la nourriture, la musique, le cinéma, la danse. Les décorations «arabes» sont très en vogue dans certains bars et cafés et les restaurants libanais se multiplient.

Place des événements dans l’œuvre

Les attentats du 11 septembre 2001 ont sapé tout le travail de reconnaissance de l’identité arabe américaine que la communauté avait entamé. En effet, les stéréotypes commençaient à s’estomper lorsque les attentats ont eu lieu et depuis, les Arabes Américains ont été stigmatisés et assimilés d’une part avec le terrorisme, d’autre part avec l’islamisme, comme le souligne l’auteur à propos des études sur la violence et la criminalité menées aux États-Unis. Celles-ci donnaient peu d’informations concernant la population arabo-américaine, montrant que ce n’était pas une communauté qui intéressait les autorités. Après le 11 septembre, on remarque que les crimes contre des Arabes Américains ont augmenté, mais qu’en plus, la communauté est beaucoup surveillée, considérée comme suspecte, potentiellement dangereuse:

«Depuis le 11 septembre, non seulement les attaques contre les Arabe Américains ont augmenté, mais les organismes officiels, au lieu de protéger les Arabe Américains, ont renforcé leur surveillance de ce groupe pouvant potentiellement poser des problèmes.» (p.91)

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«Ils [les Arabes Américains] basent cependant leurs actions d’activisme politique sur les relations entre les États-Unis et les pays arabes, ce qui renforce, aux yeux des Américains, une perception d’extranéité. En effet, comment être un Arabe Américain alors qu’arabe et américain sont pratiquement deux termes antinomiques, sur le plant politique mais aussi symbolique. Les «problèmes» entre Arabes et Américains se fondent d’une part sur des événements réels relevant de la géopolitique: relations à Israël, guerre en Irak et 11 septembre 2001, mais également, d’une manière plus générale sur l’antinomie entre arabe et américain ou plus précisément entre Occident et Orient, modernité et archaïsme.» (p.80)

Noter toute autre information pertinente à l’œuvre

N/A

Table des matieres

Introduction

  • Christa
  • Une construction identitaire
  • New York
  • Méthodologie

Première Partie – Américains à trait d’union

  • Au pays de l’«hyphen»: Le poids des mots
  • Arabes et Arabes Américains: changement de frontière ethnique
  • Tenue de combat
  • La catégorisation ethno-raciale: Historique de la catégorisation ethno-raciale
  • Les Arabes Américains et la catégorisation ethno-raciale
  • Situation actuelle
  • Intérêt stratégique

Deuxième Partie – Dimensions de la construction identitaire

  • Dimension politique: Les deux vagues migratoires et la naissance de l’activisme politique arabe américain
  • Stratégies de l’activisme politique: prôner les différences ou les similarités?
  • Paradoxes de la construction politique
  • Dimension sociale: Une si bonne intégration sociale
  • Au-delà de l’image
  • Dimension culturelle: Culture et construction identitaire
  • Face externe de la frontière

Conclusions

  • Être américain à trait d’union
  • Une construction identitaire
  • Bibliographie

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

«Cet ouvrage, basé sur une étude sociologique menée dans la ville de New York, tente de répondre à la question de savoir qui sont les Arabes Américains. Les paradoxes concernant ce «groupe ethnique» sont nombreux : groupe perçu comme dangereux, redouté et fascinant à la fois, mais également particulièrement difficile à définir. Qui sont en effet les Arabes Américains? Comment définir un Arabe Américain, si on ne peut mettre en avant ni la religion, ni la nationalité, ni même le continent d’origine, ni la langue, ni l’histoire?

Le groupe est présent et invisible dans l’imaginaire commun; mais la mise en scène et la recherche d’invisibilité sont aussi les stratégies mises en œuvre à l’intérieur du groupe, au niveau politique, social et culturel.

En revenant sur des aspects de la scène sociale américaine, comme la catégorisation ethno-raciale, l’hyphenatisation, ou le lobbyisme ethnique, l’ouvrage analyse la construction identitaire d’un groupe qui doit faire face à ses complexités internes et lutter contre les stéréotypes dont il est affublé.»

Dédicace

«À ma mère, Bob et Walter, pour leur patience et leur soutien
À Annie Benveniste, pour ses conseils éclairés»

Entrevues

Je n’ai pas trouvé d’entrevues.

Impact de l’œuvre

L’impact m’est inconnu.

Pistes d’analyse

Ce court essai sur l’identité arabo-américaine nous permet de voir quelle image la société américaine a de cette communauté et de la comparer d’une part avec l’image que revendiquent les Arabes Américains, d’autre part avec celle qui se construit à travers les fictions liées aux attentats du 11 septembre.
L’identité se définit notamment à travers le regard d’autrui et c’est sur quoi se base la conclusion de cet essai: l’identité arabo-américaine cherche à s’affirmer à travers une position défensive qui tend à se renforcer depuis les attentats du 11 septembre 2001. La nécessité de la définir se fait sentir face à l’image, au discours que le groupe dominant construit sur cette communauté. Il s’agit soit de se fondre dans la masse et de s’intégrer le plus possible en niant l’identité arabo-américaine en se disant simplement Américain, puisqu’officiellement c’est possible; soit d’affirmer ses caractéristiques ethniques surtout par des traits culturels plus que religieux, permettant par la suite une revendication politique.

Cette étude permet de dégager des aspects des stéréotypes et de l’image que la communauté souhaite se construire, pour ensuite utiliser ces aspects dans l’analyse des personnages des œuvres  de fictions liées aux attentats. L’auteur regroupe ces aspects sous trois catégories : le religieux qui nourrit plus le stéréotype mais n’est pas principalement utilisé par la communauté pour se définir, le culturel plus utilisé par la communauté, et le politique, qui se regroupe autour de la question du conflit israélo-palestinien. Ces caractéristiques sont valables pour la partie de la communauté qui revendique ses particularités ethniques et cherche une reconnaissance officielle, mais ce portrait est également à mettre en parallèle avec l’autre partie de la communauté qui est volontairement absente de cette étude, et qui est totalement intégrée, cherchant plus l’invisibilité et considérant la visibilité comme dangereuse. Trois profils se dégagent donc de cette courte étude: le stéréotype de l’Arabe musulman, arriéré et terroriste, l’Arabe Américain hyphenisé, c’est-à-dire qui revendique à la fois une culture arabe et américaine qui construisent son identité et lui accordent une place indépendante légitime dans la société américaine, et l’Arabe Américain intégré, qui se dit Américain en supprimant l’aspect arabe de son identification.

Couverture du livre

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