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Bons baisers de New York

Patrick Tillard
couverture
Article paru dans Bandes dessinées et romans graphiques, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Spiegelman, Art (2003), Bons baisers de New York, Paris, Flammarion, Paris, 111p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Art Spiegelman relate dans ce petit livre, qui est aussi un passionnant catalogue de ses illustrations, sa participation comme dessinateur de 1993 à 2002 au New Yorker, «le plus distingué des magazines américains». Le texte de Spiegelman narre les aléas d’une collaboration complexe, entre affrontements, estimes, brouilles, entre un dessinateur intransigeant et une non moins têtue rédactrice en chef, Tina Brown.

Le parcours de Spiegelman intrigue. Venu de la presse alternative, créateur de la revue de bandes dessinées Raw, prix Pulitzer avec Maus, un survivant raconte, Spiegelman raconte comment, influencé par Mad magazine, il se trouve confronté en tant qu’employé à une institution culturelle et politique qu’il veut modifier. Il n’aura de cesse pendant sa collaboration avec le New Yorker de tenter de transgresser les codes en vigueur dans ce temple du parfait bon goût journalistique. La plupart des dessins de couvertures publiés démontrent sans conteste son talent et un sens aigu de la provocation intelligente. Son talent culmine avec la couverture consacrée aux attentats du 11 septembre 2001.

La préface de Paul Auster n’ajoute pas grand chose au livre mais elle confirme que Spiegelman a franchit une frontière et rejoint l’institution et la jet set, laissant loin derrière la presse alternative. Les quelques couvertures plus sages qui ont suivi le départ du New Yorker de Tina Brown démontre d’ailleurs qu’une relation conflictuelle peut générer un élan créatif fécond.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Il s’agit d’un article qui s’inspire du genre journalistique.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Article à consonance journalistique et illustrations. Narrateur unique.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 9/11 est générique.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont présentés de façon explicite. Art Spiegelman expose son vécu direct des attentats et leurs répercussions immédiates sur sa famille.

Moyens de transport représentés: Aucun moyen de transport n’est représenté.

Moyens de communication représentés: L’ensemble du livre est une présentation du quotidien d’un magazine américain, du mode de vie journalistique et de ses enjeux. En ce sens, le lecteur pourra y lire une critique des médias mais aussi l’exigence de leur liberté de ton et de critique malgré les pressions, d’où qu’elles viennent.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le point de vue sur les événements est ici celui d’un observateur, d’un intellectuel en vue de New York mais aussi celui d’un père de famille, d’un quasi voisin des tours (Spiegelman habite à moins de deux kilomètres des tours).

Les événements sont abordés d’un point de vue individuel.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucun travail iconique sur le texte.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

«Art Spiegelman est une quadruple menace, unique en son genre: c’est un artiste qui dessine et peint, un caméléon qui peut parodier et embellir tous les styles picturaux, un écrivain qui s’exprime avec des phrases vivantes et acérées, et un provocateur qui a un don pour l’humour le plus sauvage et le plus ravageur. Mêlez tous ces talents, mettez-les au service d’une profonde conscience politique, et vous aurez un homme capable de marquer fortement le monde. C’est précisément ce que, pendant dix ans, Art Spiegelman a fait au New Yorker.» — Extrait de la préface de Paul Auster

Biographie de l’auteur présentée sur le rabat de couverture:
Art Spiegelman est un des auteurs cultes de la BD underground qui ont redonné vie à la BD américaine dans les années soixante et 70. Dans les années quatre-vingt, il a cofondé Raw, magazine de BD d’avant-garde de renommée mondiale, avec sa femme Françoise Mouly. Il est l’auteur de MAUS : un survivant raconte (Flammarion, 1987), best-seller mondial traduit dans plus de vingt langues et distingué par de nombreux prix parmi lesquels un Prix Pulitzer spécial décerné en 1992. Pendant dix ans l’illustrateur le plus célèbre de l’underground américain a collaboré au magazine le plus respecté de l’intelligentsia new-yorkaise. Dans Bons baisers de New York, Art Spiegelman raconte les années qui ont fait de lui l’illustrateur le plus controversé du New Yorker en 78 ans d’existence. Des émeutes raciales de Brooklyn à l’élection de George Bush en passant par l’affaire Monica Lewinsky ou les attentats du World Trade Center, cet ouvrage nous plonge dans la vie sociale, culturelle et politique américaine vue à travers les débats qui ont agité la rédaction du prestigieux magazine. C’est aussi pour Spiegelman l’occasion de revenir sur sa carrière, de parler de ses multiples influences et de rendre hommage à ses maîtres dans une série de planches inédites en France

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

Citer la dédicace, s’il y a lieu

N/A

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Impact de l’œuvre

Inconnu.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Nous avons, avec ce livre et son principal rédacteur, Art Spiegelman, une approche des réactions aux événements de 2001 d’un secteur culturel intéressant : les intellectuels américains de gauche qui s’opposent à la guerre en Irak et dont l’idéologie se situe loin de celle des conservateurs américains. La précision graphique de Spiegelman, qui plus est immédiate, est donc significative.

Au milieu de cette sorte d’écroulement du monde sécurisé américain (et peut-être encore plus new-yorkais), l’artiste travaille à réorganiser ses valeurs sans se dédire. Les fragments refaçonnés et réorganisés d’un univers blessé, telle que la genèse du dessin final le raconte (p. 80 à 83), sont aussi une tentative pour ne pas sombrer dans le flux des prises de positions simplificatrices ou dans le trauma. Pour Spiegelman, il fallait rendre hommage aux disparus sans pour autant sentir son moi aspiré vers les ténèbres de la haine ou du chaos de la pensée et y perdre son autonomie.

Avec l’illustration du 24 septembre 2001, Spiegelman perd son ironie caustique et laisse réapparaître une sensibilité lucide déjà omniprésente dans Maus. Ici, le but visé est symbolique: une couverture de magazine doit rassembler, elle doit présenter un message simple et fort. La composition de cette illustration ressemble à un semblant de thérapie qui détermine les éléments narratifs, où souvenir et deuil permutent et s’identifient sur le théâtre d’une scène primitive intérieure rejouée. Sur cette scène se retrouvent deuil, souffrance, souvenirs, perte, pétrification, mais subsiste au centre de l’image un arrière-plan silencieux et pourtant présent. Cet hommage inextricable aux morts et aux vivants, à une humanité résiliente, oblige, même dans une atmosphère raréfiée, à se remettre en mouvement et à commémorer le souvenir mais aussi la vie. Car qui sont ceux qui se souviennent?

Dans les diverses strates de constitution du mythe, la presse à son tour participe de façon majeure à son circuit. La valeur symbolique de ce deuil illustré par Spiegelman efface les frontières et les interprétations idéologiques immédiates. Elle diffuse la puissance véritable du mythe, son moteur dans les formes de l’imaginaire: «la tension du symbole vers un dépassement indéfini de son propre contenu (Jean-Pierre Vernant, Mythe et société en Grèce ancienne, Paris, La découverte, 2004 [1974], p.)»

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«Chaque fois que je marchais vers le nord, dans les heures et les jours qui ont suivi, je me retournais comme vers La Mecque, pour voir si mes deux tours manquaient toujours à l’appel.» (p.82)

«De quel semblant de vie jouit un souvenir?» (p.80)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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Couverture du livre

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