11 septembre mon amour

Julie Bramond
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Lang, Luc. 2005. 11 septembre mon amour, Paris: Le Livre de Poche, 249p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

  

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

L’œuvre de Lang débute par une section intitulée «Les voix». L’auteur évoque toutes ces personnes victimes du 11 septembre qui, quelques minutes avant de mourir, appellent leur famille ou laissent des messages sur le répondeur de leurs proches. La parole est aussi donnée à ceux qui ont reçu ces appels, ceux qui ont été les derniers interlocuteurs des victimes. L’auteur énumère ensuite sur quatre pages les noms de certaines victimes, leur âge, ainsi que l’endroit de leur décès. C’est seulement après ces deux sections, par analepse, que le narrateur débute son récit, sur la route 93 vers les réserves indiennes. Luc a rendez-vous dans une réserve chez Ee-Nees-Too-Wah-See, avec qui il souhaite partager des éléments de la culture Flathead et Blackfeet. C’est chez lui que Luc est témoin, le lendemain, des événements du 11 septembre, au moment du petit déjeuner, devant la télévision. L’incrédulité fait rapidement place à l’horreur au moment où les tours s’effondrent, puis à une certaine fascination pour ces images qui montrent en boucle les attentats. Luc décide de partir de la maison de Ee-Nees-Too-Wah-See, comprenant que ses recherches sur les cultures indiennes sont remises en cause par ce qui vient de se passer. Il se remet en route afin de rejoindre des amis. Durant tout le trajet, il se perd dans des digressions et dresse un portrait de l’Amérique avec ses 4 x 4, ses hamburgers mais surtout ce 11 septembre. Luc est très critique quant aux réactions des Américains qui parlent du 11 septembre comme d’un Pearl Harbour, et rappelle que si un parallèle doit être fait, en ce qui concerne la mort de civils, ce devrait être avec le génocide indien ou encore avec Nagasaki et Hiroshima. Il remet en cause, de la même manière, les médias tant américains que français et fait de l’ironie avec «Double V Bouche et sa bande» qui, selon lui, veulent «diriger la planète». Loin de toute démagogie, c’est par des propos parfois très durs, mais réalistes, que Luc Lang parvient à écrire le 11 septembre, aussi bien sur le plan géopolitique que social, entre critique d’une société et hommage aux victimes.

      

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman

     

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Le narrateur unique de l’œuvre oscille entre diverses modalités: autobiographie, documentaire et témoignage. Le narrateur adopte diverses positions en fonction du sujet traité mais conserve une approche réaliste et contemporaine.

     

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est à la fois générique et particularisée car si les événements sont abordés de manière générale à certains moments, certains passages sont consacrés à des objets particuliers: les tours, le Pentagone, les vols 93, 11 et 175.

     

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Le point de vue est contemporain, voire immédiat, puisque le narrateur suit les événements en regardant la télévision. Son attitude face aux événements est très critique, il développe une argumentation autour des médias américains et français. Il semble relativiser puisqu’il compare le 11 septembre à d’autres événements historiques ayant fait un grand nombre de morts civils (comme Hiroshima et Nagasaki, et le génocide indien) en s’étonnant, voire s’insurgeant, contre le fait que ces derniers aient été rapidement oubliés et n’aient pas généré d’émotion aussi vive.

      

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le narrateur et les personnages du récit restent des témoins lointains du 11 septembre. Ils n’ont aucun lien avec les événements si ce n’est que l’un des amis du narrateur a perdu un collègue dans l’un des vols détournés.

     

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

La dimension sonore est omniprésente dans l’œuvre. La première section intitulée «Les voix» est consacrée à ceux qui sont conscient de leur mort imminente, ceux qui appellent leur famille et tentent par tous les moyens de laisser un message aux leurs. Le narrateur évoque ensuite les noms des victimes énumérés à la radio, et à la télévision lors des premières messes du souvenir.

      

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Une partie du texte est consacrée à l’énumération écrite des noms des victimes du 11 septembre. Cette énumération constitue une section à elle seule, intitulée «Les noms». Le narrateur détourne aussi l’orthographe d’un certain nombre de mots afin de leur donner une dimension sonore en les écrivant de façon phonétique: «Double V Bouche», «You Esse Eïe», «Kesski», «Konsépaki». Il mêle français et anglais dans le texte, fait de nombreux jeux de mots, adopte souvent des phrases courtes, voire nominales.

     

Autres aspects à intégrer

N/A

     

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Le 11 septembre 2001, Luc Lang voyage au fin fond du Montana, sur les traces des Indiens Blackfeet. C’est là, dans la réserve où des amis l’ont accueilli, qu’il découvre à la télévision les images des Twin Towers percutées par les avions.

L’horreur des attentats va d’abord laisser loin derrière elle les rêveries et les questions du voyageur, bouleversant tous ses projets d’écriture et son regard même sur le monde. Cependant, peu à peu, c’est un récit sur deux plans qui va s’édifier, s’imposer. L’actualité, bien sûr, avec les voix pathétiques des victimes retrouvées sur les messageries des portables, l’absurdité des images qui défilent en boucle, le visage décomposé du Président apprenant ce qui vient d’arriver…

Mais aussi l’Amérique. L’Amérique d’avant, celle du génocide indien, d’Hiroshima, du Viêtnam. L’Amérique d’aujourd’hui, ses hamburgers, ses 4 x 4, ses dollars, ses prédicateurs et ses intellectuels. Une Amérique terrifiée,… sa riposte.

Romancier, lauréat notamment du Goncourt des lycéens, Luc Lang relève ici un défi majeur: se placer face à l’événement, sans faux-semblant, sans recul. Et défier, avec lui, la littérature elle-même.

     

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

N/A

     

Citer la dédicace, s’il y a lieu

À Hugo, Jason, Judith, Ulysse, à leur enfance.

     

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

     

Impact de l’œuvre

Impact inconnu

     

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Il semble que le but de l’auteur soit justement de «défictionnaliser» et démystifier les événements du 11 septembre. Sa position très critique face aux politiques et aux médias lui permet d’avoir beaucoup de recul. Il met précisément en avant ces processus de mythification, de fictionnalisation voire de virtualisation des événements que mettent en place les médias et les politiques, mais sans minimiser la gravité du 11 septembre. S’il évoque souvent de manière humoristique «Double V Bouche et sa petite bande qui veulent conquérir la planète», il donne néanmoins aux victimes civiles une place essentielle.

      

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

«Jamais un drame collectif ne fut ainsi vécu et parlé, au présent, individuellement, indivisiblement, dans l’absolue solitude qui met chacun face à sa propre mort. Jamais encore la technique des images et des sons n’a de la sorte pu délier, défaire, éparpiller, atomiser la tragédie collective en l’addition sans fin de tragédies singulières, pour venir ensuite nous traquer, nous interpeller dans l’intimité de notre vie et de notre temps, afin que nous éprouvions ces tragédies singulières comme autant d’accidents personnels.»

(p. 247-248)

     

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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