Colloque, 23 février 2018
Meme colloque
Suivant les speed colloques #culturemobile et Imaginaires de Google, le Meme Colloque entend poursuivre les réflexions autour des phénomènes de la culture numérique et les pratiques qui en émergent. Grâce à sa formule conviviale et rythmée, le speed colloque incitera les participant.e.s à échanger et à discuter sur les enjeux artistiques, culturels, politiques et éthiques des pratiques associées à la création, à la diffusion et à la réception des memes.
Depuis le développement de la culture numérique, le meme et l’Internet semblent indissociables tant les aspects de viralité et de remix en sont des qualités intrinsèques et partagées. Nous invitons la communauté à réfléchir à l’histoire du meme, à son évolution et ses significations multiples selon les disciplines. Dans le cadre de ce speed colloque, la répétition, la variation, et la transmission sont autant de notions significatives quant à l’étude du meme qui méritent d’être explorées.
Communications de l’événement
Sérialité du meme, faire le pont entre memetique et «spreadable media»
«L’objet de ma présentation sera d’allier le concept de meme tel que initié par Richard Dawkins avec la notion de spreadable media, telle que théorisée par Henry Jenkins.
En premier lieu, il nous faudra expliquer comment le spreadable media (actuellement dans une phase de complexification) tend à devenir de plus en plus narratif, que ce soit par la concaténation d’images ou dans la démultiplication des appels référentiels faits au sein de la même image. Nous utiliserons des exemples issus de la scène de memes québécois (Dessine Bandé) ainsi que l’appel de communications du colloque même.
Par la suite, nous partagerons quelques observations sur le fait que le spreadable media actuel comporte plusieurs caractéristiques communes avec la bande dessinée. Pour prouver ceci, nous nous concentrerons sur les travaux de Scott McCloud notamment Understanding Comics.
Pour finir, nous prendrons cette idée de spreadable media narratif pour ensuite venir le comparer avec la notion de memeplex, telle que théorisée par Susan Blackmore. Ceci nous permettra de conclure en tissant des liens, tel que promis, entre le spreadable media et la memetique.»
«Memes from the future»: nouveau paradigme encyclopédique
«Par ses procédés de répétitions, de formatage et d’auto référentialité, les mèmes constituent un exemple parlant du fonctionnement de l’encyclopédie (telle qu’Umberto Eco la conceptualise), de ses différents usages servant à l’actualisation de contenus narratifs et des processus menant à la formation d’habitudes de lecture. Les compétences encyclopédiques à l’ère du paradigme de la convergence (Henry Jenkins) s’acquièrent alors moins sous la forme de l’éducation traditionnelle que sous celle de l’expérience participative. L’objectif de ma communication sera de présenter comment les modalités d’actualisation des mèmes exemplifient la contamination mutuelle des différentes sphères culturelles qui s’opère par l’intermédiaire d’objets nécessitant une compétence encyclopédique développée et diversifiée.»
Qui archive les memes?
«La production et la consommation de memes sont à l’image de la culture de la vitesse et de l’instantané définissant le 21e siècle. En effet, les memes sont généralement produits dans une optique de consommation et de diffusion ultra-rapide, voire instantanée. Le cycle rapide d’apparition de nouveaux formats de memes ainsi que leur rapide obsolescence favorise d’ailleurs un pareil rythme de production effréné. Finalement, comme bon nombre de memes sont produits en réponse à des événements d’actualité, ceux-ci sont rapidement abandonnés à mesure que leur pertinence s’amenuise.
Ce mode de production, fondé sur l’instantanéité et la production effrénée de contenu, n’offre qu’une faible pérennité à la production mémétique. C’est cet aspect du monde des memes que je compte explorer dans ma communication afin d’explorer le volet archivistique des memes et répondre à la question: “qui archive les memes”?»
frankie et alex – black lake – super now: l’esthétique vaporwave comme meme
«Ma communication portera sur le roman web lo-fi de la poétesse Maude Veilleux qui s’intitule frankie et alex – black lake – super now. Le but de ma présentation est de faire des liens entre ce roman web et l’esthétique vaporwave. […] Je vais tenter de répondre à la question qu’on m’a posé lors de la sortie du roman: est-ce que c’est une oeuvre vaporwave?»
Objet Perdu, projet d’exploration autour de la Mème-Poésie
«Objet Perdu est un projet d’exploration autour de la “Mème-Poésie”, se déroulant principalement sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook, où le web agit à la fois comme cadre, influençant la forme, que comme plateforme de diffusion.
Ce projet souhaite réfléchir à l’influence des réseaux sociaux sur la méthode d’écriture de la poésie ainsi que sa forme. Né d’un besoin d’exploration, Objet Perdu est un projet qui se glisse entre la poésie et le mème. De prime abord deux opposés, ceux-ci semblent pourtant se rejoindre par endroits; la poésie étant avant tout la création d’une vision personnelle, traduite de façon libre et intime en créant ses propres références (spiral intérieur/observer), tandis que le mème est tout au contraire un outil/objet pour communiquer rapidement avec les autres un état, un souvenir ou une observation de façon référentielle, d’une culture partagée (flèche/communiquer). La rencontre entre l’esthétique mème, au visage anonyme, et les textes personnels de Jean-Simon Leduc donnent naissance à l’impression d’une intimité partagée, tout en soulignant le “gap” flagrant entre la culture populaire web et l’individu.»
Rire de tout et de tout le monde. Le cas Polandball
«Polandball est une représentation visuelle humoristique de stéréotypes nationaux, sous forme de bandes dessinées minimalistes. Les nations y sont représentées par des balles arborant les couleurs des différents drapeaux, et les blagues se font aux dépens de tous. À une ère où la durée de vie moyenne d’un meme n’est que de quelques mois, voire quelques semaines, le phénomène Polandball est une exception qui dure depuis 2009. Centrées principalement autour de pages sur Reddit et Facebook, ces bandes dessinées sont des memes comme l’entend Richard Dawkins dans son ouvrage The Selfish Gene. Parmi les caractéristiques de ce format bien particulier, on retrouve entre autres sa création autour de communautés plus ou moins strictement modérées, la simplicité du dessin permettant un accès à tous ceux ayant une idée valable, un style d’humour qui n’épargne personne et où la blague a le dessus sur la fierté nationale, ainsi que la création d’un méta-langage propre à ces bandes dessinées.»
Drake Love: remix iconographiques
«Témoignant d’une conscience de son public et des paramètres de la viralité, Drake est plus qu’un excellent rappeur canadien. Avec un réseau de récits, de mythes et d’icônes qu’il développe à son image, Drake pratique une démarche lucide de la meme-ification de sa persona comme stratégie de marchandisation de soi.
La première partie de cet exposé évoquera cette nouvelle forme de narrativisation du soi, dans laquelle Drake participe à une écriture de nouveaux codes et de récits pour la culture populaire contemporaine – une écriture ouverte à contributions, attestant d’une nouvelle configuration interdépendante de la relation entre célébrité et public.
Dans la seconde partie, je présenterai mon travail d’exploration dans l’univers narratif de Drake. Multimédias, mes propres meme-iques se réapproprient des éléments de l’iconographie de Drake et les réarticulent à de nouveaux contextes. Jouant avec les formes, cette démarche à la fois sémiologique et fanatique vu et finalement déconstruire ce qui constitue l’image – dans tous les sens du terme.»
Trump et les memes
«Si Barack Obama nous avait habitués à une pensée complexe, à des discours mûris et à une posture empreinte de dignité, son successeur à la Maison-Blanche a tôt fait de casser le moule et de tout remplacer par une vulgarité sans bornes et une pensée en menus morceaux sans queue ni tête. Trump parle par phrases tronquées. Il parle par images. Il multiplie les raccourcis, les associations de surface, les bons mots. En fait, il raffole des bons mots, autant dire qu’il a les meilleurs mots. “I know words”, dit il, “I have the best words”. Impossible avec de telles déclarations de résister à l’envie de les reprendre, de les transformer, de leur associer des images et les transmettre.»
La nature du meme et la menace de la normification. Le meme, élitiste ou démocratique?
«À l’origine plutôt apolitique, le meme s’est rapidement présenté sous des couleurs plus engagées dans sa courte mais tumultueuse histoire. Le but de sa présentation est d’aborder le meme politique sous deux angles, à savoir son caractère démocratique ou élitiste, et son orientation progressive ou réactionnaire. Sans prétendre qu’il existerait une sorte d’essence du meme, nous verrons si ses caractéristiques l’amènent à pencher d’un côté ou de l’autre.
Tout d’abord, nous verrons le constat fréquemment fait selon lequel le meme serait inhéremment élitiste en raison de la dynamique Normie Meme c. Dank Meme. Sans renier tout à fait ce constat, j’examinerai un contre-argument potentiel, et j’en profiterai pour me questionner au sujet des rôles respectifs des créateurs et des consommateurs de memes dans la formation de l’identité du meme.
Enfin, dans la seconde partie, peut-être plus descriptive, je tenterai d’évaluer qui, de la droite ou de la gauche, a le mieux su tirer profit du médium memesque.»
Phénomènes de la tension praxéologique présente dans les memes socialistes
«Les pages de memes socialistes1 La plus populaire étant Sassy Socialist Memes, qui dépasse le million de personnes abonnées. ont de particulier qu’elles ont une orientation politique claire: détruire le capitalisme pour instaurer le communisme. Notre présentation propose d’analyser la tension praxéologique qui prend forme dans ces memes marxistes, laquelle réside dans l’opposition entre une volonté affirmée de détruire le capitalisme et l’absence de pratique claire pour y arriver. Cette tension se manifeste surtout dans deux aspects spécifiques de la diffusion mémique de ces pages. En premier lieu, une certaine ironie se dégage de cet antagonisme. Le sujet du meme communiste sera tantôt présenté comme un fier membre de l’avant-garde prolétarienne, tantôt comme un adolescent2 L’usage du masculin n’est pas fortuit. edgy, consommateur de memes. De même, une absence de propositions concrètes pour mener à la victoire du socialisme amène un flou dans la représentation de la révolution dans les memes. Celle-ci est ainsi souvent montrée comme un putsch, ce qui va en opposition avec toutes les doctrines marxistes traditionnelles3C’est-à-dire le trotskisme, le marxisme-léninisme et le maoïsme, mais aussi le guévarisme, le conseillisme et l’hoxhaïsme, pour ne nommer que ces courants.»
- 1La plus populaire étant Sassy Socialist Memes, qui dépasse le million de personnes abonnées.
- 2L’usage du masculin n’est pas fortuit.
- 3C’est-à-dire le trotskisme, le marxisme-léninisme et le maoïsme, mais aussi le guévarisme, le conseillisme et l’hoxhaïsme, pour ne nommer que ces courants
Identité numérique et meme Internet: entre narcissisme de vie et narcissisme de mort
«La plupart des spécialistes du meme Internet (L. Shifman, R. L. Milner, M. Pronovost, Heidi E. Huntington) s’intéressent essentiellement à ses dimensions politiques et participatives. Nous aimerions en aborder ici la production et la circulation dans une perspective cette fois plus subjective, c’est-à-dire comme relevant d’un sujet et l’engendrant tout à la fois. Alors qu’une certaine doxa ne cesse d’insister sur l’idée qu’un narcissisme éhonté définirait nos identités numériques – phénomène que les divers dispositifs d’autoreprésentation mis à notre disposition par le Web 2.0 ne feraient qu’amplifier –, nos recherches tâchent d’insister sur la complexité inhérente à toute représentation de soi rendue possible par Internet, tiraillée entre narcissisme “de vie” et narcissisme “de mort” (André Green). Pour ce faire, nous réfèrerons à des “influenceurs” tels Marc Fitt et Cath Bastien d’une part, à Mr Left Hand et The Mermaid Lagoon de l’autre.»
Les memes féministes comme loci de subversion des normes du genre
«Les mèmes féministes sur Instagram ont connu une popularité grandissante dans les dernières années. La présente communication a pour but de démontrer que les mèmes féministes sur Instagram consistent des loci important de subversion des normes du genre et de promotion du féminisme intersectionnel à travers la mémétique en ligne (Davidson, 2012; Jouxtel, 2013). En mobilisant les théories de la performativité (Butler, 1990; 2004) et de la performance de soi (Goffman, 1956), nous analyserons les discours de genre, dévoilant les rapports de pouvoir qui en sont toujours imbues (Foucault, 1976). L’analyse se porte sur des comptes Instagram choisis pour leur grand nombre d’abonnés et pour leur auto-identification comme féministes. Ces créatrices de mèmes promeuvent la valeur du personnel comme étant politique. Elles ont construit un phénomène niche mais qui a pour but de rendre inclusive la mémétique, par une allégeance au féminisme intersectionnel (Crenshaw, 1990; Yuval-Davis, 2006).»
L’être-en-ligne, se donner une voix sur Internet
«L’arrivée du meme style instagram a redéfini la notion du “Personal is political”. On y a vu naître un genre de contenu ultra-spécifique et personnel souvent sous la forme d’histoires courtes (voir @gothshakira ou @bigsis666). Ces publications à nature politique (de par l’identité de leurs créateurs) sont devenues des tremplins pour des conversations sur l’être-une-femme-au-21e-siècle, ou l’être-racisé-dans-le-monde-occidental, etc. Cependant, elles étaient presque exclusivement en anglais. En tant que créateur de contenu/ de meme issu de Montréal, la question se pose: comment intégrer des discussions à propos de genre, classe et race dans un contexte québécois et francophone par le biais de média alternatifs comme les memes?»
Les memes et l’argent. Trajectoire lunaire du dogecoin
«Si l’année 2017 à vu s’accélérer la prise de conscience du grand public quant à l’existence des cryptomonnaies et des technologies du blockchain, le champ de la cryptoéconomie se développe activement depuis maintenant près d’une décennie. Après la création du premier bitcoin en 2009, une pléthore d’altcoins clonés sur le code-source du bitcoin font leur apparition. Parmis eux, le dogecoin émerge sur les forums cryptographiques en décembre 2013 et poursuit depuis une trajectoire surprenante, soutenu par une communauté dévouée. Atteignant lors de sa première année d’existence une capitalisation de 60 millions de dollars, le taux du dogecoin grimpe depuis de manière exponentielle pour atteindre début 2018 une valeur totale d’un milliard de dollars, soit une hausse de plus de 1500% depuis sa création, au plus grand étonnement de ses créateurs. Cette communication se propose de revenir sur l’histoire de ce memecoin à l’effigie du chien Shiba Inu et d’explorer les différentes iniatives de financement collaboratif des dogecoiners, tel que le sponsor de l’équipe jamaïcaine de bobsled en 2014, la construction d’un puit au Kenya avec l’initiative Doge4Water ou encore l’envoi sur la lune d’une pièce d’or à l’effigie du doge, prévu pour 2019. Ce cas d’étude d’un meme devenu monnaie d’échange liquide et quantifiable offre une perspective unique sur l’étrange rencontre entre la culture Internet et la culture Wall Street.»
D’art à meme. Quelques réflexions sur la circulation et la transformation de photographies d’oeuvres éphémères en ligne
«Cette communication présentera brièvement les cas des photographies des performances de l’artiste Karen Elaine Spencer intitulées Bread Head (2003) et Bread Bed (2003-2004-2005), devenues des memes ayant beaucoup circulés sur Reddit, et celles de “Meme Snippets” (2012) de Rémi Beaupré, qui ont également beaucoup été réutilisées en ligne. Il s’agira d’abord de mettre ces cas d’étude de circulations et de transformations dans le contexte du projet de recherche “Art et site”, dirigé par Suzanne Paquet à l’UdeM. Ce projet tente de cerner les réciprocités entre site et site, en ligne et hors ligne, en étudiant la circulation de photographies d’art. Après la présentation de certains éléments méthodologiques et à l’aide de descriptions de trajectoires d’œuvres hors ligne dans l’univers en ligne, par la photographie, je chercherai à cerner les dynamiques de visibilités qui se forment à travers la diversité des réemplois et les spécificités du meme.»
Un Cabinet d’Amateur de memes: le Classical Art meme et la désacralisation de l’art classique
«Les Classical art memes sont des memes constitués à partir d’images que les internautes puisent dans un corpus de peinture classique et qu’ils réinterprètent en y accolant des sous-textes descriptifs, des collages Photoshop, des phylactères ou des cartels fictifs de nature humoristique.
Il s’agira de montrer que le Classical art meme répond à la logique générale d’une culture du meme mais qu’il possède aussi certaines caractéristiques propres qui relèvent d’un principe de désacralisation. L’œuvre d’art classique étant généralement un objet auratique préhensible uniquement dans sa dimension scopique, le Classical art meme brise cet aspect, déjà reconduit par le processus de pixellisation, en enjoignant les internautes à toucher, déchirer, manipuler ou barbouiller la toile d’origine.
Le Classical Art Meme rapatrie aussi cette culture picturale dans le présent en la projetant dans ce qui peut nous être proche et familier. Nous comptons donc montrer comment il incarne un bouleversement spatial et temporel de l’histoire de l’art et de l’espace muséal.»