Colloque, 23 avril 2014

Édouard Levé. Pratiques contemporaines et hybridation de l’expérience littéraire

Matthias Dejonghe
couverture
L’imaginaire contemporain. Figures, mythes et images, événement organisé par le Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire Figura

Non sans humour, Édouard Levé (1965-2007) constatait dans son Autoportrait datant de 2005: «Bien que j’aie publié chez lui deux livres, mon éditeur continue à me présenter comme un artiste, si j’étais comptable, en plus d’être écrivain, je me demande s’il me présenterait comme un comptable». À la décharge de Paul Otchakovsky-Laurens, puisque c’est de lui qu’il s’agit, il faut admettre que, d’Œuvres (2002) à Suicide (2008), en passant par Journal (2004) et Autoportrait donc, les textes d’Édouard Levé réservent à la littérature et à l’un de ses principaux véhicules, le livre, un sort qui justifie les réticences de l’éditeur à faire de leur auteur un écrivain. En effet, d’une part, en participant d’une forme d’écriture fragmentaire, ils renouvellent le soupçon émis par la modernité à l’encontre du concept d’œuvre, entendue comme totalité stable, génériquement identifiable et capable d’épuiser son objet; et d’autre part, dans la mesure où ils naissent de et s’inscrivent dans un contexte où l’expérience littéraire n’en finit plus de se métisser au contact d’autres pratiques sociales et artistiques (performances, interventions, lectures publiques, expositions, etc.), ils invitent à reconsidérer leur étiquetage à la lueur des rapports d’extrême proximité qu’ils entretiennent avec l’art contemporain et certains de ses procédés récurrents.

Concrètement, en se focalisant plus particulièrement sur Œuvres, catalogue d’œuvres possibles (533 entrées, assorties d’un index thématique) pensé comme un inventaire à la Perec, il s’agira d’interroger les modes d’inscription du photographique dans les textes de Levé. De fait, sans attenter de façon visible à la pureté toute abstraite du livre imprimé traditionnel et en tirant profit de l’activité imageante (Jacques Rancière) propre à la lecture, celui-ci laisse régulièrement sa pratique de la photographie interférer, in absentia, avec sa pratique de l’écriture. Dans cette perspective, on ne tentera ni de déterminer si c’est l’écrivain qui fait œuvre de photographe (ou l’inverse), ni de souligner les discontinuités et l’irréductibilité foncière du lisible et du visible; plutôt, on s’efforcera de montrer, au départ notamment des réflexions de Jacques Rancière sur ce qu’il nomme la «phrase-image», que les montages hétérogènes texte/image mobilisés par Levé interrogent le devenir contemporain de la littérature, mais aussi, plus globalement, le rapport fragilisé que nos temps entretiennent avec la réalité.

Matthias Dejonghe est diplômé en Langues et littératures françaises et romanes (UCL, Belgique) et en Écriture et analyse cinématographiques (ULB, Belgique). Après avoir consacré un mémoire de fin d’études à Antonin Artaud, il intègre en 2012, à l’occasion du lancement de la phase VII du programme IAP (Interuniversity Attraction Poles), un réseau de projets financé par la Politique scientifique fédérale belge (BELSPO) et intitulé «Literature and Media Innovations»; c’est dans ce cadre et sous la direction de Myriam Watthee-Delmotte (UCL) et de David Martens (KUL, Belgique) qu’il entreprend une thèse de doctorat portant sur le corps de l’écrivain.

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