Colloque, 17 juin 2016

Du féminisme et de la pop

Sandrine Galand
couverture
Imaginaires, théories et pratiques de la culture populaire contemporaine, événement organisé par Samuel Archibald, Megan Bédard, Jean-Michel Berthiaume, Fanie Demeule, Antonio Dominguez Leiva, Sarah Grenier-Millette, Mathieu Li-Goyette et Philippe St-Germain

«Après le long backlash des années 1980 et 1990, on remarque une résurgence graduelle du féminisme dans le discours contemporain, plus particulièrement dans les diverses sphères de la culture pop. On assiste véritablement à une fashionisation et une peoplisation du féminisme, et, par la force des choses, à l’apparition d’un nouveau paradigme: le popular feminism, ou féminisme populaire, c’est-à-dire un féminisme qui flirtent étroitement avec les notions de vedettariat, mais aussi de capital et de mise en spectacle. Nous sommes devant un féminisme qui se capitalise lui-même et cette récupération marchande crée une rupture avec les valeurs démocratiques et communautaires de la pensée féministe traditionnelle.

Tout en situant ma communication par rapport à l’ensemble des manifestations participant du popular feminism, je me pencherai sur un pan bien précis formé d’écrits intimistes ayant remporté un certain succès de vente et étant produits par des femmes médiatiques contemporaines telles que Tina Fey, Amy Poehler, Lena Dunham, Mindy Kaling, Amy Schumer. Ces femmes ont plusieurs choses en commun: elles sont riches; elles sont célèbres; elles sont majoritairement blanches; elles s’affichent toutes féministes. Et –surtout– elles écrivent. Au sein de ce corpus oscillant entre l’autobiographie, l’essai et le journal se retrouve un élément omniprésent et fédérateur: le corps. Dans un premier temps, je poserai l’hypothèse que l’attendu de ces textes sera lentement démonté par la place –démesurée– et le traitement –décomplexé– laissés au corps des auteures. Comme si la mise en marché du féminisme pouvait servir de renversement (Agamben, Chambers, de Certeau) à même la structure qui tente de le domestiquer (Foucault).

Dans un second temps, j’examinerai le réseau que ces femmes tissent entre elles. S’intéressant aux mêmes enjeux, elles en viennent à s’interpeller, à se reporter l’une à l’autre. Certaines sont d’ailleurs camarades dans la vie. Ces relations, plus qu’un simple compagnonnage, forment un réseautage. Si chacune d’elles semble incarner la quintessence de l’individu parlant pour soi et pour son propre succès, leur camaraderie, leur manière de s’apostropher dans leurs écrits et la conscience qu’elles montrent des productions de l’une et de l’autre annoncent qu’elles font front commun; qu’elles ne parlent plus seules, mais plutôt toutes en même temps. En comprenant ce réseau comme une réappropriation féministe de la figure du boy’s club, je me questionnerai à savoir s’il constitue le lieu d’un nouveau type d’accumulation de capital; un capital de pouvoir, cette fois. Car la notion de pouvoir et la notion de réseau s’entrelacent de façon très étroite: faire partie d’un réseau, c’est posséder un pouvoir. Celui, bien particulier, du lien. Du groupe.»

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