Colloque, 3 juin 2021
Comment filouter l’Histoire: Louise Erdrich et la mémoire en pagaille
En 1985, Kenneth Lincoln publiait aux États-Unis Native American Renaissance qui s’est imposé depuis (malgré des critiques) pour désigner le renouveau de la littérature autochtone. Il voyait alors dans House Made of Dawn de Navarre Scott Momaday, qui remporte le prix Pulitzer en 1969, son point de départ. Cette renaissance concerne une nouvelle génération de romanciers et romancières, de poètes, mais aussi la redécouverte d’une culture orale marginalisée et la volonté de lui redonner une place dans la trame culturelle et l’histoire américaine. Florence Delay et Jacques Roubaud en auront donné un échantillon en France avec Partition rouge en 1988. Les écrivains autochtones se sont aussi inspirés de cette culture passée pour revenir sur une histoire largement tragique. Jean-François Chassay s’intéresse à ce sujet dans l’œuvre de la romancière Louise Erdrich, autrice de plus d’une vingtaine d’ouvrages depuis le début des années 1980. Elle revisite, de l’intérieur, des pans de l’histoire autochtone (ojibway, plus précisément). Elle trace les contours d’un monde oublié à travers des personnages qui rendent compte d’une grande hybridation culturelle, ainsi qu’une généalogie fictive qui propose un imaginaire de la filiation. Surtout, en s’appuyant notamment sur une histoire orale, elle présente dans certains romans des scènes qui expliquent ou modifient radicalement des événements qui ont eu lieu dans des romans antérieurs.