Colloque, 12 avril 2018
Anima(L): corporéités animales et hybrides et incarnation du référent absent dans les arts de la marionnette contemporains
De l’âne héros malgré lui de «La bataille de Stalingrad» (Rezo Gabriadze,Tbilisi) au chevaux de «War Horse» (Handspring Puppet Company, Cape Town), en passant par les animatroniques bricolées de «Savanna» d’Amit Drori(Jérusalem), la figure –plus ou moins anthropomorphisée– de l’animal est omniprésente dans le théâtre de marionnettes, qu’il soit traditionnel ou contemporain. La marionnette permet également, comme la bande dessinée, le dessin animé ou le cinéma à effets spéciaux, de donner vie à des créatures hybrides et protéiformes, qui peuvent se transformer au cours de la représentation. Pour autant, ces représentations ont-elles réellement quelque chose à dire de notre rapport aux animaux? Ne réaffirment-elles pas une dichotomie qui invisibilise le caractère animal de l’humain? La vulnérabilité des animaux en est-elle le sujet ou sert-elle uniquement de métaphore pour parler de notre propre fragilité, sans égard pour les conditions réelles d’exploitation dont nous sommes responsables à leur égard? Il est d’ailleurs notable que l’usage de produits d’origine animale (cuir, laine, colle de peau, animaux empaillés, etc.) est la norme plus que l’exception et n’est généralement pas problématisé.
Les réponses à ces questions sont évidemment multiples et diffèrent selon les artistes, mais au-delà de la seule mise en scène de notre fascination pour l’animal comme surface de projection de nos propres affects, la marionnette se révèle aussiun formidable outil pour créer de l’empathie pour le vivant. Au travers de quelques exemples –parmi lesquels la puissante performance de Banksy Sirens of the Lambs– nous étudierons comment la marionnette et l’objet marionnettisé peuvent être mis au service d’une pensée de l’émancipation animale grâce à la charge émotive dont ils sont porteurs, et parce qu’ils permettent de donner vie et présence à ce que Carol J. Adams nomme le «référent absent». [Texte de Dinaïg Stall]