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«Santa Marta Operatica»: Corp(u)s d’histoire(s) en partage pour une réappropriation de la mémoire de l’esclavage en Caraïbe colombienne

Véronique Bénéï
couverture
Article paru dans Les mises en scène du divers. Rencontre des écritures ethnographiques et artistiques, sous la responsabilité de Francine Saillant, Nicole Lapierre, Bernard Müller et François Laplantine (2018)

(Credit : @ Véronique Bénéï)

Comment dire le politique autrement que sous la forme de traités scientifiques? Comment restituer les trames narrative, sensorielle, phénoménologique des multiples rencontres qui, à travers le travail «de terrain», participent à la coproduction de la connaissance en sciences humaines et sociales?

Inversement, comment restituer les corpus ainsi produits, au plus grand nombre et en particulier, à celles et ceux qui en ont fourni la matière première par le partage de leur quotidien, leurs expériences de vie et toutes les facettes de leur humanité, la plus heureuse comme la plus dure? Quels dispositifs sont-ils à inventer, quels soubassements artistiques permettent-ils cette restitution et avec quels étayages heuristiques?

L’exemple du projet d’opéra, en cours, fondé sur des matériaux historiographiques et ethnographiques recueillis sur l’histoire et la mémoire de l’esclavage dans la ville de Santa Marta, en Caraïbe colombienne nous permet d’entrevoir des réponses à ces questions. À travers l’enchevêtrement de différentes formes narratives, il s’agit dans cette œuvre de tisser une toile –non exhaustive– des histoires, imaginaires, représentations et réappropriations localisées d’un phénomène de l’Histoire globale, à bien des égards, fondateur de l’Amérique latine contemporaine.

Pour commencer, il me faut expliquer la double interrogation qui me porte et s’inscrit dans celles, plus larges, de ce colloque: celle de réconcilier deux univers, artistique et académique, par le biais de l’opéra et une interrogation sur le corps, depuis le travail que j’ai réalisé en Inde sur la fabrique du soi et des «senses of belonging». Et celle d’appréhender le corps non plus seulement comme objet intellectuel, mais comme activateur de méthodologie et instrument de connaissance.

Pour cela, j’ai commencé cette présentation en invitant les participants à une expérience incarnée, sensorielle, corporelle dans laquelle mobiliser leur propre corps, à la fois comme instrument de connaissance et comme levier d’imaginaire(s). Par cette mise en mouvement et en marche à travers l’espace où se tenait le colloque, la proposition initiale était de ressentir la pleine conscience de son propre corps, de ses mouvements, de sa gravité puis, progressivement, de sa propre reliance au corps des autres participants ainsi qu’à l’espace qui nous entoure. L’invitation s’est poursuivie dans l’exploration en duo de l’espace entre deux participant-e-s, chacun-e se tenant debout en face de l’autre. Prendre acte de la présence de son partenaire, en se regardant dans les yeux et, ce faisant, plonger dans l’imagination des lignées qui l’ont précédé-e, de tous ces héritages que porte cette personne qui se tient devant vous, dans et à travers son propre corps; et puis, dans le silence qui a accompagné cette traversée corpo-temporelle, demeurer avec ce ressenti le temps de cette communication, fabriquant ainsi comme un pont avec sa conclusion.

 

Contextualisation historico-raciale: Esclavage, mémoire sociale et amnésie historique à Santa Marta, Colombie

Dans la Caraïbe colombienne des XXe et XXIe siècles comme à travers toute l’Amérique latine, le discours idéologique et historique du blanqueamiento a posé les bases de la construction nationale, produisant des effets durables sur la mise en invisibilité de la contribution des noirs au projet de la nation. En Colombie, ce discours s’assortit souvent d’une posture irénique concernant l’assimilation et l’intégration des «trois races» (e.g. indigène, africaine et européenne). C’est le cas, notamment, à Santa Marta, «première» ville fondée en Tierra Firme par les Conquistadores au début du XVIe siècle.

Contrairement à sa voisine Cartagène des Indes, établie quelques années à sa suite et plus connue aujourd’hui comme patrimoine mondial de l’UNESCO, Santa Marta de nos jours compte assez peu de populations qui se reconnaissent de descendance africaine (afrodescendientes) (Bénéï, 2018a). Si Cartagena fut le lieu officiel de la traite des esclaves jusqu’en 1851, Santa Marta représente celui d’un harmonieux métissage tri-ethnique, au point de fournir un thème de l’hymne de la ville… et d’avoir effacé de la mémoire sociale la pratique historiquement avérée de l’esclavage jusqu’au milieu du XIXè siècle. Et pourtant, à différentes époques, celle-ci a supplanté sa rivale dans sa dimension esclavagiste, en termes démographiques comme économiques (Romero, 1997; Padilla, 2004; Elias Caro, 2009; Benei, 2011). Quelques années avant son abolition en 1851, le commerce et la pratique de l’esclavage alimentaient la vie économique, publique et sociale de la ville.

Cathédrale Santa Marta

Cathédrale Santa Marta

Aujourd’hui encore, le passé en rapport avec l’esclavage à Santa Marta est tour à tour occulté, oblitéré, nié, oublié. L’est tout autant le rôle joué par la race comme opérateur social et culturel fondamental, y compris depuis la Constitution multiculturelle de 1991. Cette histoire ressurgit cependant de façon impromptue, au hasard de conversations indexant des formes contemporaines de domination professionnelle et économique. Se situant toujours de manière très générale, ce discours s’inscrit dans un espace de consentement tacite sur lequel s’organise une hiérarchie sociale et économique locale encore largement reproduite en fonction de la couleur de peau (Bénéï, 2018b; Bénéï, 2016).

Cette situation présente des implications en termes de stratégies méthodologiques: comment aborder la rémanence omniprésente d’un passé qui ne se raconte pas par les mots, du moins pas ceux de l’histoire familiale ou individuelle, ni même institutionnelle ou locale? Quels dispositifs sont-ils à imaginer pour en appréhender les résurgence et permanence, dans le travail entretissé de l’histoire et de la mémoire sociale?

 

Le corps comme méthode

Jusqu’il y a peu, les actrices et acteurs du monde de la recherche ont mobilisé leurs seules capacités intellectuelles et cognitives pour observer, analyser, mesurer et réfléchir sur leurs objets et/ou leurs créations. Les sciences humaines et sociales, et l’anthropologie et la sociologie en particulier, n’ont pas échappé à cet episteme d’où sont issues toutes les méthodologies existant dans nos disciplines. Paradoxalement, les champs d’études des émotions et du corps ont acquis ces dernières années une importance considérable, tant en anthropologie qu’en sociologie politique ou encore en histoire. En cantonnant le corps et les émotions au seul statut d’objet d’études, cependant, les sciences sociales et humaines se sont privées des bénéfices de leurs propres résultats. Elles se sont également fermées à des modalités alternatives où non plus le seul intellect, sinon le corps, le cœur (en tant que siège d’émotions) et l’esprit des chercheur-e-s seraient tout entiers mis au service de leur recherche.

En plaçant notamment en son centre le corps et sa méditation en mouvement comme ressources physique, énergétique et émotionnelle, il s’agit ici de développer et affiner des perceptions et des niveaux de conscience (entendue au sens de présence à soi et au monde) qui sont aussi heuristiques et productifs dans nos milieux universitaires. La proposition que j’ai faite au commencement de cette présentation est donc, d’une certaine façon, de penser avec son propre corps, en mouvement. La forme même de cette communication est une invitation à exploration personnelle empirique, sensorielle et incarnée de nos objets, méthodes et élaborations cognitives, intellectuelles et artistiques.

C’est en effet en travaillant sur la manière dont les corps parlent et disent ce que le verbe tait, comment ils relaient, voire trahissent celui-ci, en laissant parfois jaillir à la surface du geste en mouvement ce que tait l’inconscient, individuel ou collectif, logé en ses tréfonds, que, en tant que chercheur-e-s intéressé-e-s à des méthodologies alternatives, nous pouvons parvenir, par le biais artistique, à faire émerger, donner à voir et ressentir l’incarnation du travail de la mémoire historique qui se produit en certains moments du quotidien. Sauf à adopter un postulat essentialiste, toute conception du corps engage une mise en situation, sociale et culturelle. Les sciences sociales, et notamment l’anthropologie et la sociologie à des degrés divers, sont des disciplines marquées par différentes généalogies de travaux ayant instauré le corps comme medium fondamental de socialisation, qu’il s’agisse d’une mise en discipline du type écrit par Michel Foucault ou des notions d’habitus et d’hexis corporelle développées par Pierre Bourdieu, à la suite du texte fondateur de Marcel Mauss sur les techniques du corps. Que la socialisation de tout acteur social opère largement par le biais de son corps –et quelle qu’en soit la définition sociale, culturelle, historique et politique- est à présent lieu commun. Ce qui ne l’est pas encore tout-à-fait dans les sciences sociales, c’est, d’une part, l’approche, entre autres psychanalytique, du corps comme «lieu de mémoire», à la fois individuelle, familiale, transgénérationnelle, voire ancestrale; de l’autre, l’aspect du corps en mouvement. François Laplantine insiste dans sa proposition (ce no) sur la rupture qu’a opéré Merce Cunningham par rapport à la danse classique, sur l’importance de considérer le mouvement non plus comme l’expression des émotions, mais comme leur source. Ici, je voudrais vous inviter à considérer également le corps comme un lieu d’émotions en réserve, ou plutôt, accumulées et profondément enfouies au gré d’événements familiaux, historiques et objets de transmission, lesquelles se réactivent par le mouvement du corps et dont la circulation à travers celui-ci peut s’avérer cathartique. C’est à la réappropriation phénoménologique de cette mémoire historique et sociale que j’ai voulu contribuer par le biais de cet opéra en projet.

 

Incarner le travail de la mémoire historique

Je vais donc traiter de cette question de l’incarnation du travail de la mémoire historique sous deux aspects. Premièrement, en m’inspirant des analyses de la psychanalyse Françoise Davoine sur sa propre pratique, qu’elle a partagées lors de sa conférence sur la question du trauma dans l’interprétation du passé en 2012. En ressort l’importance, dans tout travail d’interaction, de l’implication personnelle des personnes en présence, en particulier de la chercheure et, du même coup, celle d’en faire état également lors de la restitution de cette interaction, soit-elle du type d’une cure analytique ou d’un travail anthropologique. Françoise Davoine explique comment le partage –volontaire ou non– d’une information personnelle par le psychanalyste avec son ou sa patiente peut avoir un effet décisif dans la cure analytique et faire advenir une parole enfouie chez celui ou celle-ci.  De la même manière, ici, la sollicitation qui m’a souvent été faite par mes interlocuteurs à spécifier mes propres «origines raciales» et mon intérêt pour ces questions a pu, dans certains cas, engendrer une réflexion et un partage de l’intime chez ces mêmes interlocuteurs. C’est dans ce face-à-face de deux corpus d’(H)istoire(s) qu’a pu parfois surgir une élaboration cathartique. Pour en rendre compte, ceci implique des choix d’écriture, parfois un peu équilibristes: à la fois loin d’une mise en scène de soi envahissante telle qu’elle a pu se donner au cours d’un certain cultural turn il y a plusieurs décennies, tout en évitant de se camper dans la prétentieuse et toujours tenace posture de distanciation objective de l’anthropologue face à ses «anthropologisé-e-s».

Deuxièmement, au-delà de cette double rencontre de deux psychés incarnées, il s’agit bien aussi de la rencontre de deux corps, chacun porteur de son histoire, et de toutes celles qui l’a précédé. D’où la petite mise en mouvement que j’ai proposée aux participants du colloque au début de mon intervention, offrant la possibilité à chacun de «sentir» les prémisses de ce travail en cours. Car ce «corpus» est aussi, fondamentalement, un corps. Dès lors, surgit la question de la preuve incarnée: le corps comme le lieu de la mémoire et du souvenir, enfoui, non encore conscient, et pourtant déjà si évocateur. La «preuve» s’impose par le corps porteur de cette expérience vécue, advenue historiquement et généalogiquement. Lorsqu’elle n’est pas transmise oralement, cette preuve se dit par le geste dans son jaillissement spontané tant que codifié et invisibilisé.

Ainsi, un geste fréquemment rencontré lors de situations professionnelles extrêmes à Santa Marta, survenant de manière impromptue dans des partages concernant une surcharge de travail consiste à porter les deux mains à sa propre gorge, à la manière de deux fers qui l’enserrent. Souvent, l’explicitation verbale suit: «es que me tienen así, ve’!» («C’est qu’ils m’ont comme ça, tu vois?»). La première fois où j’ai été témoin de ce partage, je fus surprise, surtout eu égard au silence qui régnait sur l’histoire locale de l’esclavage. Par la suite, je l’ai rencontré dans d’autres situations, tant domestiques que professionnelles, chacune d’entre elles portant sur un surcroît de travail, une exploitation ou une domination du locuteur (plus rarement de la locutrice) par un tiers.

Or, ce geste était à la fois compris tacitement par l’interlocuteur avec lequel il était partagé, souvent dans une forme de connivence, sans jamais être explicité davantage verbalement. Le geste, tout comme l’héritage en partage, suffisait, qu’il soit conscientisé ou non. Les fois où j’ai pu évoquer ce geste avec son auteur, en effet, soit sur le moment, soit ultérieurement, c’est la discussion qui en a résulté qui a ouvert un espace de possible mise en corrélation entre le geste, et l’histoire, personnelle et familiale, de l’esclavage.

Par contraste, ce «voile de la mémoire» concernant le passé et l’expérience de l’esclavage se laissait davantage percer par un observateur extérieur. Ainsi, tant pour l’anthropologue étrangère que je suis, que pour des Colombiens «de l’intérieur» (dits Cachacos) vivant localement, ce geste était spontanément lisible comme le signe de cet héritage si fortement marqué sur la Côte («la Costa»). C’est du souci de contribuer à une réappropriation positive de leur histoire par la population locale qu’est né ce projet d’opéra.

Notes pour livret d’opéra

Notes pour livret d’opéra
(Credit : © Véronique Bénéï)

Opéra: «Un viaje de reincarnaciones. La increíble historia de Maria del Socorro quien no quería repetir la Historia1«Un voyage de réincarnations: L’incroyable histoire de Maria del Socorro qui ne voulait pas répéter l’Histoire» (ma traduction).»

Fondé sur des matériaux d’enquête et porté par une double-trame narrative ethno- et historiographique, le livret, encore en cours d’écriture, met en scène une jeune habitante de Santa Marta désireuse de connaître «son» histoire locale, afin, dit-elle, de ne pas la répéter. Au terme de plusieurs années d’enquête et tribulations diverses, Maria a grandi dans la compréhension des circonstances personnelles, familiales et sociales d’une Histoire à échelles globale et intercontinentale.

La partie de l’opéra que je souhaite partager ici et qui en signe la fin met en scène le corps, comme porteur d’histoire(s) testamentaire(s), de la traite de l’esclavage et du déracinement, Outre-Atlantique, de plusieurs dizaines de millions d’Africains2Pour des raisons que je n’ai ni le temps ni la place d’expliquer ici, je travaille beaucoup en anglais. Cette partie a été écrite dans cette langue.. Mais ce corps n’est pas seulement témoin héritier d’histoires ancestrales et objet de représentations d’un «espace d’expérience», pour reprendre la formule heuristique de Reinhart Koselleck (1990): il est aussi activateur de reconnaissance et identification identitaires dans la Colombie d’aujourd’hui, au gré des situations et expériences du quotidien, comme l’a montré de manière suggestive Elisabeth Cunin dans son approche goffmannienne (2001 et 2013). Il est ainsi moteur de revendication qui dépasse un «horizon d’attente» toujours repoussé vers un champ de représentations démultipliées des possibles, pour s’ancrer dans un présent du sensible. L’incarne ici la jeune fille samaria qui le dit, en réponse au défi lancé par son professeur d’université d’apporter la preuve de son histoire ancestrale.

Actrice pressentie pour le rôle de Maria Del Socorro devenue jeune femme

Actrice pressentie pour le rôle de Maria Del Socorro devenue jeune femme

I am my evidence

And who are you to be demanding evidence?
Who are you to doubt the hardships I have suffered?
The pain and distress, the fear and terror, the despair and abandonment, robbed from our families, snatched away from our own people, caught, kidnapped and displaced through exile for no crime of ours, crying and rebelling and submitting to life’s fate, shouting and sobbing and believing in another world, falling and rising and dancing, chanting and praying and dying, and perhaps all along, the glimpses of joy and hope in the middle of the tunnel, the faith that all of this was wanted by the cosmic forces of life, of the divine, the elements and all my ancestors knew before them?

Who are you to doubt the hardships we have all suffered?
What makes you think you did not live through this nightmare of darkness in the sea voyage that carried our maimed and tortured bodies across the oceans?
Oh, you thought you were on the other side of the story, didn’t you? The side of the winners, of those who sold us on our very land, those who colluded with the foreign merchants to come and deprive us from our birth right?
Or perhaps you were just mere passers by witnessing the ebony merchandise being uploaded aboard those ships of death? Did you feel the pain in your body?
Did you laugh at the spectacle of such unbelievable misery?
Or did you turn away in an embarrassed shuffling of weary feet?
Where was your humanity, then?

What makes you think you did not live through this nightmare of darkness?
Is it because your ancestors are ‘white’?
Is it because your family ancestry speaks of long lines of European blood come heroically trickling down the coasts of this New World?
Ancestors full of hope and devastation, of concupiscence and lust, of blind beliefs and false faith, are these your ancestors?
Ancestors receiving and trading the ebony merchandise, scrutinizing, examining, discussing and haggling over the price of precious human flesh and bones?
Ancestors working my ancestors hard to the point of exhaustion, predating on my grandmothers and whipping my grandfathers to death?
Are these the ancestors you are so proud of, glorifying and celebrating almost beatifically?

Is it because your ancestors are ‘white’?
But who is white and who isn’t? How white is white?
If you cannot show all your antecedents, if you cannot know all your pedigree, if you cannot trace all these supposedly pristine lineages back to the fold of Mother Europe, does that make you less white?
Or is how you see yourself what matters? Is it the colour of your skin?
The texture of your hair?
The shape of your eyes?
The way you speak, laugh and hold your body?
The kind of work you do, the money you earn?
How is white white?
So many years, decades, generations of being brainwashed into believing those with European blood are better, worthier beings. Negation of African roots, negation of Indigenous roots, blood mixture of history.

Who is white and who isn’t?
How do you know you are white?
How do you know I am not white?
Perhaps I have more white blood in me than you do, only my skin is darker than yours.
Perhaps I have more white blood in me than you do, only the work I do is humbler.
And perhaps you are indeed whiter than I will ever be, as you are denying the richness of your past.
You are denying that what you are, is this beautiful admixture of a new kind of being, «the Caribbean being» (el ser caribe), created by God’s will and meant for a new destiny.
But in denying this, you are also denying the reality of my experience, the experience of my ancestors, the long lines of my African ancestors that came to meet my Indigenous ancestors, and even mingled with my European ancestors, often by force.
This is the experience I am carrying in my very own body, in each and every part of my cells, my bones, and flesh.
I am my evidence.

En définitive, ce corps se dit, se réclame et se déclame au présent. À la fois porteur d’espérance et de représentations d’un monde où les différences raciales seraient d’abord célébrées pour être ensuite transcendées dans un «être caribéen» composite, il est aussi, de par sa texture phénoménologique, l’instrument premier d’un rapport au réel (Merleau-Ponty 1945). Ainsi, ce présent est un temps historique de l’immédiateté qui permet d’embrasser d’un même regard l’espace d’expérience et l’horizon d’attente en les fusionnant dans le corps même des acteurs –sociaux tant que de théâtre opératique. Abolissant les frontières temporelles, il devient là, par essence, un temps de l’art.

 

Bibliographie

Bénéï, Véronique. 2018. « Ciudadanía, visibilidad y multiculturalismo con respecto a lo afro en Santa Marta, Caribe colombiano ». Revista Ístmica, 22.

Bénéï, Véronique. 2018. Santa Marta Poética o decir de otro modo lo político: Exploraciones etnográficas en el Caribe colombiano. Santa Marta, Colombie : Editorial Unimagdalena.

Bénéï, Véronique. 2016. Santa Marta Poetica ou Dire le politique autrement: Explorations ethnographiques en Caraïbe colombienne. Paris : L’Harmattan, « L’Autre Amérique ».

Bénéï, Véronique. 2011 [Janvier-Juillet 2011]. « Olvido y memoria en Santa Marta, Colombia: El punto ciego de la esclavitud ». Clio América, Universidad del Magdalena, vol. 5, 9, p. 112-135.

Cunin, Elizabeth. 2003. Identidades a flor de piel: lo «negro» entre apariencias y pertenencias: categorías raciales y mestizaje en Cartagena (Colombia). Bogota / Lima : Instituto Colombiano de Antropología e Historia.

Cunin, Elizabeth. 2001 [Janvier 2001]. « Chicago sous les tropiques ou les vertus heuristiques du metissage ». Sociétés contemporaines, vol. 43, 3.

Elias Caro, Jorge Enrique. 2009. « Aspectos Socioeconómicos de la Esclavitud en Santa Marta durante el Siglo XIX », dans Santa Marta, del Olvido al recuerdo: Historia económica y social de más de cuatro siglos. Santa Marta : Universidad del Magdalena.

Koselleck, Reinhart. 1990. Le futur passé. Paris : Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.

Merleau-Ponty, Maurice. 1945. Phénoménologie de la perception. Paris : Gallimard, 537 p.

Padilla Pinedo, Wilfredo. 2004. « Los castigos durante la esclavitud en la Provincia de Santa Marta. 1800-1851 ». Jangwa Pana. Revista de la Universidad del Magdalena, 3, p. 62-75.

Romero Jaramillo, Dolcey. 1997. Esclavitud en la provincia de Santa Marta, 1791-1851. Santa Marta, Colombie : Instituto de Cultura y Turismo del Magdalena.

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    «Un voyage de réincarnations: L’incroyable histoire de Maria del Socorro qui ne voulait pas répéter l’Histoire» (ma traduction).
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    Pour des raisons que je n’ai ni le temps ni la place d’expliquer ici, je travaille beaucoup en anglais. Cette partie a été écrite dans cette langue.
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