Colloque, 2 juin 2021

Nos fantômes et nos vies. Littérature et théâtre aux prises avec l’amnésie sociale (Didier Eribon et Edouard Louis)

Delphine Edy
couverture
Des amnésies mémorables. La mise en texte et en images de l’oubli collectif, événement organisé par Pauline Hachette, Elvina Le Poul et Bernabé Wesley

En souscrivant à la proposition de Stanislas Nordey d’écrire pour le théâtre, Édouard Louis choisit de revenir à la figure paternelle, déjà au cœur de son premier roman En finir avec Eddy Bellegueule (2014). Raconter sa nécessaire fuite du milieu de son enfance s’apparentait alors à une tentative de «faire mémoire» pour mieux comprendre les raisons de son départ. Quatre ans plus tard, l’auteur emprunte une voie à la fois complémentaire et paradoxale, puisque, dans Qui a tué mon père, il prend le chemin du retour et cherche à retrouver son père en dépassant la simple relation filiale pour faire entendre la voix de ce «père […] privé de la possibilité de raconter sa propre vie» (p.10). Édouard Louis devient à la fois le porte-voix de cette figure paternelle invisible et celui de la communauté des ouvriers du Nord de la France, réduits au silence et à l’oubli. En écrivant «l’histoire [du] corps» (p.84) de son père, il réussit à reconfigurer la mémoire collective en partant des oubliés, de ceux sur lesquels on n’écrit pas et engage un nécessaire combat politique et littéraire, celui de la «littérature de confrontation». Choisir de faire sortir de l’oubli ceux qui ont été abandonnés par les responsables politiques, c’est aussi s’inscrire dans la démarche engagée par Didier Eribon avec Retour à Reims (2009): dépasser la simple chronique personnelle pour interroger les mécanismes de domination et d’oblitération conduisant à l’oubli.

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