Carnets de recherche, 2019

Imaginaires du Jardin

Rachel Bouvet
Noémie Dubé
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Une introduction de Rachel Bouvet et Noémie Dubé

Ce carnet réunit les travaux réalisés dans le cadre du groupe de recherche sur l’imaginaire botanique de l’année 2018-2019, travaux présentés dans le cadre des deux journées d’études consacrées aux différentes approches du jardin. Entre histoire, art, jeu vidéo, littérature et cinéma, la figure du jardin revêt des formes changeantes et inattendues tout comme les plantes qui y grandissent. Les articles regroupés dans ce carnet mettent en évidence les usages multiples de ce lieu: transmission de connaissances, lieu mémoriel, conservatoire des espèces végétales, espace nourricier, ludique, artistique…Pour saisir cette mouvance végétale, les représentations choisies entremêlent les formes, hybrident les démarches artistiques traditionnelles pour arriver à des objets hors du commun, à cheval entre illustration et écriture, œuvres vidéo-ludiques et journal de bord, glanage et collage. Face à cette pluralité des fonctions et des créations, les approches théoriques se doivent donc de répondre par la pluridisciplinarité, allongeant leurs racines de la littérature vers la botanique, l’architecture de paysage, la sémiotique, etc. afin de mieux comprendre la manière dont le végétal s’immisce et croît dans l’humus fertile des différentes formes de production culturelles.

À travers les ramifications de ces textes, une volonté de modifier le regard que nous portons sur le végétal, de remettre en question notre vision utilitaire de ce règne, se profile. Au fil des réflexions, la friche autrefois dévalorisée devient un haut lieu de la biodiversité, le jardin s’anime, dépassant les limites qui lui sont habituellement assignées. Profondément ancrée dans la réflexion écologique contemporaine, cette figure donne naissance à un vaste chantier de recherche dont les enjeux touchent à la fois les domaines agro-alimentaire, politique et esthétique et nous invite à explorer davantage la place fondamentale qu’occupe le jardin dans nos imaginaires.

Articles de la publication

Noémie Dubé

De la friche au jardin: Parcours d’une résilience dans «Le Pays où les arbres n’ont pas d’ombre» de Katrina Kalda

Que reste-t-il de la nature luxuriante dans un monde soumis à la production industrielle sans limite et sans égard pour le vivant? Comment survivre dans un environnement où tout, de l’air que l’on respire à l’eau que l’on boit, en passant par la nourriture que l’on mange, est empoisonné par la pollution? Est-il possible, dans ce système axé sur l’utilisation à outrance de l’ensemble des ressources, humaines comme naturelles, de développer un projet qui serait en harmonie avec le monde non-humain?

Ariel Rondeau

Évolution des jardins du Québec: vecteurs sociaux et artistiques

Dans son livre «Des jardins oubliés 1860-1960», Alexander Reford, historien et directeur des Jardins de Métis, déboulonne le mythe que l’horticulture au Québec aurait seulement véritablement pris forme à partir des Floralies internationales de Montréal en 1980 (Reford, 1999: vii). Quoiqu’il s’agisse d’un événement marquant, en réalité le jardin se manifeste sur le territoire québécois depuis déjà nombre de siècles. De nos jours, plusieurs de ces jardins anciens ont cependant disparu.

David Paquette-Bélanger

Le glanage dans la nature et la lecture. Parcours des «Chemins de sable» de Jean-Pierre Issenhuth

Glaner, c’est ramasser après la moisson. C’est aussi cueillir et recueillir, récolter ce qui souvent est oublié, grappiller, butiner et attraper au passage, un fruit comme une impression. Le glanage relève d’abord du geste sensible qu’il importe de découper en étapes cycliques, pour mieux les observer: celle du regard, en premier lieu, qui ne gagne rien à embrasser le champ dans son entièreté. Il ne serait alors perçu que comme immensité vide où plus aucune trace de légume ne subsiste: un horizon de terre retournée et de sillons dévastés. Ce que voient tous les regards, sauf ceux du glaneur et de la glaneuse. Le leur est précis : la tête doit être basse, les yeux posés au sol, sur le bout des bottes ou à quelques mètres tout au plus devant soi.

Megan Bédard

Pour une méthodologie de recherche botanique: voyages à Stardew Valley

Parmi tous les jeux de simulation agricole qui se multiplient et prennent de l’ampleur depuis la fin des années 20001, mon choix, pour faire l’expérience des jardins vidéoludiques, s’est arrêté sur le jeu indépendant Stardew Valley, développé par Eric Barone (ConcernedApe) et lancé par Chucklefish le 26 février 2016.

Megan Bédard

La médiation du jardin: modélisation et cartographie

Puisqu’ils mettent le travail de la terre au centre de leur jouabilité, les jeux de simulation agricole offrent la possibilité aux joueuses et aux joueurs de créer leurs propres jardins virtuels. Dans Stardew Valley, le travail est régi par le cycle des jours, des saisons, des changements météorologiques, du temps de croissance des plants. Dans ce cas, le jardin virtuel peut être pensé comme une modélisation des jardins réels.

Megan Bédard

Retourner à Stardew Valley: Ecomimésis et politique du jardin vidéoludique

Le paysage est ouvert, saisi par le regard en un instant, lointain, illimité. Le jardin est clos et se dévoile par fragments. Sa configuration est celle du parcours. Dans l’espace du jardin, l’œil est attiré par le détail.

Pascale Laplante-Dubé

Là où la fin rencontre le commencement: le jardin en ruines de la fiction apocalyptique «Le jardin de Winter» de Valerie Fritsch

La réflexion qui suit surgit au confluent de mes activités de recherche et de création, en plus d’être modelée par deux expériences écartées dans le temps et l’espace, et pourtant fondamentalement complémentaires. La première relève d’un intérêt croissant pour l’imaginaire géographique, c’est-à-dire pour «l’ensemble des représentations, images, symboles ou mythes porteurs de sens par lesquels une société (ou un sujet) se projette dans l’espace» (Dupuy et Puyo, 2014: 12), et plus particulièrement pour ces représentations textuelles d’un monde après la fin, où la nature, loin d’être inféodée à l’être humain, devient plutôt actrice à part entière.

Gaëlle Jan

«Le caractère de la bruyère», une composition florale de Philippe Delerm

Philippe Delerm, professeur de lettres et écrivain français auteur de romans, nouvelles, récits et poèmes de littérature générale et de littérature jeunesse, publie des ouvrages dès 1983 mais c’est un recueil de poèmes en prose, La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, qui le fait connaître du grand public en 1997. Amoureux des mots et des jeux de la langue, il nourrit son écriture d’instants du quotidien et insuffle un art de vivre.

Alice Gevaert

Le jardin de Mary Reynolds: Réflexions horticoles dans le film «Dare To Be Wild» de Vivienne de Courcy

Il est parfois nécessaire que quelqu’un rende visible le végétal pour que nous y portions attention, pour que nous ayons envie de le préserver dans son état sauvage. Un bon exemple d’une telle initiative peut être retrouvé dans l’histoire du parc national de la vallée de Yosemite mentionnée par Bénédicte Ramade dans son questionnement sur l’art écologique, qui montre que les premières pressions exercées sur les décideurs politiques en faveur de la protection de sites naturels ont commencé, dès 1861, grâce à une série de clichés pris par le photographe Carleton Watkins dans la vallée de Yosemite.

Marion Gingras-Gagné

Gelée de groseilles et végétation envahissante. La mémoire du jardin et des plantes dans «Le goût des pépins de pomme» de Katharina Hagena

Pour Michel Baridon, le jardin est à la fois une œuvre d’art et un héritage, une nature en mouvement et un lieu impérissable. Son caractère à la fois fixe et fluctuant fait de lui un espace paradoxal, une fête de l’éphémère qui triomphe du temps alors qu’il est la forme d’art qui semble la plus assujettie à son passage (1998: 5). En s’inscrivant dans la longévité, le jardin est celui qui voit passer le temps, il est le pilier autour duquel se succèdent générations et évènements, il est, malgré son caractère incessamment mouvant, un témoin.

Roxane Maiorana

Mettre du beurre dans les épinards: pratiques du jardin dans un monde dystopique

Dans le roman «Le Potager», Caroline, la protagoniste, participe à un projet de quartier consistant à construire un potager afin d’y planter légumes et fruits qui serviront à nourrir le voisinage. Loin d’être une activité de plein-air ou un loisir de centre communautaire, il s’agit avant tout de pouvoir s’approvisionner en produits frais. Depuis plusieurs mois, une épidémie d’un virus mortel inconnu confine la population chez elle. Les magasins fermant peu à peu, par épuisement des stocks non renouvelés et surtout par manque de personnel malade, voire décédé, l’État se trouve obligé de fournir les denrées nécessaires à la survie des différentes villes.

Alizée Goulet

Entre création et transmission, le végétal et l’écriture comme vecteurs de partage dans «Comment faire une danseuse avec un coquelicot» de Mona Thomas

Dans «Comment faire une danseuse avec un coquelicot», de Mona Thomas, le jardin est présenté comme un lieu du multiple où se rencontrent végétaux, animaux et humains. Dans son enceinte, l’entretien des plantes est pratiqué à travers différents gestes: installer des tuteurs, planter, arracher, arroser, traquer les limaces, tailler, cueillir, confectionner des bouquets, surveiller les mauvaises herbes.

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