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Le sujet lyrique en ventriloque. Les proses poétiques de Jean-François Dowd

Antoine Boisclair
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Article paru dans Aux frontières de l’intime: le sujet lyrique dans la poésie québécoise actuelle, sous la responsabilité de Denise Brassard et Evelyne Gagnon (2007)

Pour mieux comprendre les enjeux qui ont orienté les réflexions sur le sujet lyrique au Québec depuis les années 80, il peut être utile d’effectuer un bref retour au milieu des années 60, au moment où Jacques Brault entreprend une critique de l’éloquence, de cette parole qui «débride les passions», comme il le dit dans son texte de 1964 intitulé «Notes sur un faux dilemme»,et «ne vit que de l’inconditionnel et de la croyance». À contre-courant du lyrisme de «l’âge de la parole», il vaut la peine de le rappeler, Brault a suggéré très tôt dans son parcours de consentir à «l’habitation prosaïque du quotidien», de cultiver ce qu’il nomme, en se référant au théâtre de Bertold Brecht, une «distanciation» critique: «Je tiens pour trompeuse et mythique toute poésie qui se prétend engagée et dont la réussite n’est que l’envers de la prose»; «la littérature québécoise compte décidément trop de poéfiseurs et pas assez de prosateurs». Cette réticence envers l’éloquence, nous le savons, orientera plus tard l’auteur des Moments fragiles vers une poétique de l’humilité, du murmure et du silence: loin du désir d’affirmation identitaire dont se réclament certains poètes de la Révolution tranquille, Brault a développé une conception du sujet lyrique fondée sur le doute et la précarité, sur l’intimisme, la prose -au sens formel du terme- et le «prosaïsme», entendu comme un moyen d’atteindre «l’épiphanie du mystère quotidien». «Le poète intimiste garde la voix posée», peut-on lire dans Au fond du jardin, il mise sur le «presque rien, sur la tonalité affective d’un lyrisme tempéré jusqu’à l’effacement».

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