Entrée de carnet

Introduction à l’imaginaire intermédial du masque

Johanne Villeneuve
couverture
Article paru dans L’imaginaire intermédial du masque, sous la responsabilité de Johanne Villeneuve (2021)

Le terme «masque» recouvre un ensemble fort hétéroclite d’objets et de représentations: masque de protection médicale, de carnaval, de plongée, masque à gaz, masque de beauté, masque de théâtre, masques rituel et de cérémonie. Spontanément, il fait surgir la question du rapport au visage. Bien entendu, le masque n’est pas un média au sens institutionnel du terme (comme le cinéma, la télévision, la presse écrite, par exemple). Pourtant, le «masquage» renvoie à toutes sortes de pratiques, de croyances et de conceptions des relations humaines, le plus souvent rattachées aux domaines de l’identité, du visible et de l’invisible— des pratiques et des conceptions qui fondent parfois le social et le politique. Les masques sont au cœur d’activités humaines, de pratiques culturelles et de manifestations sociales. En outre, ils sont l’objet de multiples représentations et, en tant qu’artefact situés au carrefour de techniques diverses, ils opèrent eux-mêmes des représentations. C’est précisément le caractère protéiforme de cet objet qui intéresse nos recherches, sa polysémie et la multiplicité de ses matérialités et de ses occurrences: dans les cultures, les arts, la littérature, la pensée— et dans le discours de manière générale1Un tel projet est certainement redevable aux travaux menés depuis plusieurs années par les chercheurs burkinabè sur la poétique, la sémiotique et la langagité du masque (Millogo; N. Sanou; S. Sanou; Sissao)..

De quoi parle-t-on?

En premier lieu, il nous a fallu concevoir notre objet de recherche comme il en est d’un médium. En tant qu’artefact, le masque est une surface d’inscription, un modelage, une fabrique matérielle. La pandémie de COVID-19 nous a d’ailleurs montré que même le masque sanitaire peut littéralement devenir la surface d’inscription d’un discours: discours sur la pandémie, discours politique (cf. Fairouz Mimouni), outil rhétorique, voire comique (fig.1), et assurer la communication d’un message.

(Fig.1) Masque réutilisable en coton, en vente pendant la pandémie de Covid-19 sur le site Etsy.com

(Fig.1) Masque réutilisable en coton, en vente pendant la pandémie de Covid-19 sur le site Etsy.com
(Credit : Etsy)

Or l’étude du masque comme médium dépasse largement sa fonction de support matériel, pour autant que nous donnions au terme médium la définition suivante: tout objet, instance ou technique (sujet parlant, dispositif, appareil, etc.) qui met en relation des êtres de langage, des espaces, des temps ou des espace-temps— ou qui est cette relation (au sens d’un milieu)2Il s’agit, nous en convenons, d’une définition très large (des avions, des machines à voyager dans le temps, des prestidigitateurs, des chamans et des textes sont, de ce point de vue, des médias), mais qui a le mérite de mettre l’accent sur le processus qu’est la médiation plutôt que sur les médias institutionnalisés.. En effet, en dépit de la multiplicité des réalités qu’il recouvre, tout masque met en rapport, mais aussi en réserve, deux termes: ce qu’il ne montre pas et ce qu’il révèle; par exemple, «mon espace» et «le tien», «moi» et «l’autre». Il me préserve d’un espace tout en me permettant de m’y introduire (pensons par exemple au masque de plongée). C’est à partir de ce constat que nous avons pu explorer l’intermédialité du masque, en nous intéressant d’abord à sa dimension imaginaire, mais aussi au fait que, contrairement aux autres médias, le masque met nécessairement en place une relation qui suppose sa part de négation: m’adressant à toi masquée, je m’adresse à toi par le biais d’un objet qui est la négation partielle de cette adresse. Le masque instaure donc une relation en établissant un non-lieu, un barrage, une séparation. On pourrait aussi dire que tout masque agit à la manière d’une interface, c’est-à-dire comme une surface qui communique avec deux milieux, mais en barrant plus ou moins cette communication (Fig.2).

(Fig.2) Kit Layfield. s.d. Dessin. Tiré du site Dessein de dessin. Voir Kit Layfield sur Instagram.

(Fig.2) Kit Layfield. s.d. Dessin. Tiré du site Dessein de dessin. Voir Kit Layfield sur Instagram.
(Credit : Kit Layfield)

Pourtant, le masque est bien l’interface qui relie ces deux milieux. Il relie en barrant partiellement cette relation. Portant tous un masque à l’effigie du peintre Dali, les voleurs de la série La Casa de Papel (2017, et.al.), enfermés dans la banque avec leurs otages, cherchent d’abord à cacher leur identité, à la confondre dans la masse des otages qu’ils ont affublé du même masque (fig.3). Ils se cachent derrière leur masque, barrant toute communication de leur identité. Mais ce faisant, ils affirment, ils revendiquent, ils brillent par leur ingéniosité. Et tout en trompant les autorités qui les observent, ils n’en communiquent pas moins, de par leurs masques, un message à ceux qui les surveillent comme à ceux qui les admirent.

(Fig.3) La casa de papel. 2019-2021 [2017]. Série télévisée créée par Álex Pina pour Antena 3. Espagne, Netflix.

(Fig.3) La casa de papel. 2019-2021 [2017]. Série télévisée créée par Álex Pina pour Antena 3. Espagne, Netflix.
(Credit : Netflix)

De tels renversements sont continuellement apparus au fil de nos découvertes au sujet du masque. S’il est vrai que l’interface qu’il constitue met en relation deux espaces, il est tout aussi manifeste qu’il le fait d’abord en séparant, en oblitérant, en couvrant. Cacher ou revêtir est, pour ainsi dire, sa nature même.

Une série culturelle?

Rémy Besson propose trois référents distincts vers lesquels se tourner lorsqu’il est question de définir un média. Premièrement, écrit-il, «un média est une production culturelle singulière». (Besson: 5) On pensera à une œuvre d’art, un roman, un artefact ou une performance. S’inspirant des travaux d’André Gaudreault (2007: 145), Besson ajoute que l’on peut aussi concevoir un média comme une «série culturelle» (Besson: 5). Par exemple, le cinéma appartiendrait à une série culturelle ayant acquis à travers le temps une certaine stabilité, une spécificité et une légitimité lui conférant un degré d’autonomie qu’il n’avait pas au moment où les frères Lumière projetaient leurs vues animées en 1895. Finalement, s’appuyant sur les travaux d’Éric Méchoulan (2003: 19), Besson renvoie à un troisième référent: «Un média correspond au moyen nécessaire à une mise en relation inscrite dans un milieu.» (Besson: 5) Il cite Méchoulan:

Le médium est donc ce qui permet les échanges dans une certaine communauté à la fois comme dispositif sensible (pierre, parchemin, papier, écran cathodique sont des supports médiatiques) et comme milieu dans lequel les échanges ont lieu. (Méchoulan, 2003: 19)

En explorant l’imaginaire intermédial du masque, les participants au séminaire ont pu s’intéresser à des productions culturelles singulières: en premier lieu des artefacts, tributaires d’un «dispositif sensible» (le masque de feuilles de la communauté Bobo, par exemple (cf. Karolyne Chevalier3Les noms entre parenthèses, précédés de «cf.», réfèrent aux participants du séminaire, à leurs interventions en classe ou aux fiches qu’ils ont préparées.), mais aussi à des romans, des films, des jeux vidéo où le masque occupe une place centrale (cf. Diane Gauthier). Ils ont pu interroger certains milieux dans lesquels des échanges ont eu lieu: en l’occurrence les échanges entre un écrivain-philosophe et ses lecteurs (cf. Bianca Laliberté), la mondanité au Japon dans un roman de Mishima (cf. Marie-ÈveVallières) ou la communauté masquée des personnages de jeux vidéo (cf. Marie-Michèle Desrosiers). La plupart des fiches ont été consacrées à des cas de figure dans lesquelles pouvaient apparaître des questions intermédiales, mais à l’échelle microscopique que laissait supposer chaque cas de figure. Il est entendu que c’est à l’échelle macroscopique, soit à la faveur d’une vue d’ensemble que peut produire la mise en commun des fiches, que se pose la question de savoir si le masque peut être pensé comme un objet intermédial, voire comme une «série culturelle».

Comme nous l’avons vu avec Besson, la notion de «série culturelle» a été élaborée par André Gaudreault et Philippe Marion dans le contexte de la compréhension de la naissance du cinéma. Pour faire l’histoire de tel ou tel média en la découpant en périodes, encore faut-il, disent-ils, sélectionner les composantes «qui se sont rassemblées pour faire “naître” ce média à un moment donné». (Gaudreault, Marion, 2007: 230) Ainsi, tout média est, au moment de sa naissance, un «faisceau de convergences», un système de «paramètres mobiles» fédérés et provisoirement stabilisés, pointant vers des dispositifs et des supports. Évoquant la tâche de l’historien du cinéma, ils écrivent:

Si l’on choisit le paramètre «projection lumineuse», l’on n’obtient pas le même découpage des configurations médiatiques que si le paramètre privilégié concerne, disons, l’axe «vue animée». Ainsi, le théâtre optique d’Émile Reynaud, qui ne saurait être considéré comme partie prenante du média «cinéma», répond-il cependant aux paramètres et au mode de découpage des deux configurations que sont la «projection lumineuse» et «les vues animées». (Gaudreault, Marion, 2006: 25-26)

La série culturelle est alors pensée comme l’agrégation, dans le temps, de divers médias, au terme de laquelle un nouveau média émerge et se définit. «Il est clair que, dans l’approche de Gaudreault et Marion, une série culturelle comprend (toujours?) plusieurs médias et qu’inversement un média peut appartenir à plusieurs séries.» (Jan Baetens et. al.: 224) Mais la série demeure toujours le résultat d’un choix opéré par l’historien, sa «création» (Gaudreault, Marion, 2013: 251):

celui- ci saisit un thème, un savoir-faire culturel (un type de spectacle, un type de représentation plus ou moins lié à un dispositif, à un appareillage), dont il essaie de retracer et de comprendre le parcours identitaire à travers ses différentes mutations, par exemple: la féerie, le cirque, l’image projetée, l’image graphique, l’image animée, l’opéra. (Gaudreault, Marion, 2013: 251)

Il va de soi qu’on ne saurait reprendre cette notion de «série culturelle» à notre compte en prétendant «retracer le parcours identitaire» du masque «à travers ses mutations». On ne saurait prétendre faire l’histoire de la naissance du masque, pas plus que celui-ci n’est un média au même titre que la télévision, la radio ou Internet. On ne peut pas parler de la «naissance» ou de l’évolution du masque comme il en est d’un média qui a évolué ou qui s’est transformé dans l’histoire à la faveur d’avancées techniques, bien que des transformations matérielles et technologiques ont affecté des cas spécifiques (le masque de plongée utilisé de nos jours n’est pas celui qu’utilisaient les premiers plongeurs, et l’on peut retracer les transformations du masque au théâtre). On ne saurait davantage aborder le masque en fonction de «mutations historiques en termes de rupture» (Baetens et. al.: 227) comme c’est de cas des séries qui intéressent Gaudreault et Marion. Pourtant, il y a lieu de penser le caractère sériel du masque, cela en vertu de sa présence à travers les cultures et les époques, de ses usages et des imaginaires qu’il sollicite, sans compter la pluralité des milieux et des savoirs que cette présence convoque (sciences4Par exemple, les masques portés par les médecins pendant la peste nous informent sur la théorie des miasmes qui prévalait en Europe au XVIIe siècle., arts, cultes, etc.). En dépit de la variété de ses occurrences, de ses fonctions et de ses formes, le masque produit des suites de choses de même nature et qui sont éminemment culturelles, liées à une multitude de pratiques. Ces suites sont appelées à être documentées, décrites et investiguées. En affirmant que le masque est un médium, nous assumons qu’il assure des médiations —culturelles, sociales, artistiques, voire des pratiques— ou qu’il agit au cœur de ces médiations. En investiguant les séries culturelles auxquelles ce médium est associé (ou en considérant ce dernier comme une hypersérie), nous dégageons une perspective intermédiale comparable au travail de l’historien du cinéma décrit par Gaudreault et Marion, dans la mesure où notre investigation est d’abord et avant tout tributaire de nos choix. Mais en dépit de ce qu’elle puisse comporter des aspects historiques et anthropologiques, nous ne prétendons pas aborder cette hypersérie en tant qu’historiens, mais à la manière de prospecteurs dont le travail consiste à dénicher des occurrences pour les faire entrer dans des rapports de différenciation et de similitude, des conjectures et des rivalités où se dessinent des imaginaires culturels, sociaux et politiques. Le phénomène à observer dans une perspective intermédiale consiste alors en une variété et une pluralité d’occurrences du masque. Notre tâche est de voir comment se déploient, à partir de cet objet de prospection, des imaginaires, des pratiques, tout un milieu auquel participent également des médias (ici au sens institutionnel: le cinéma, le jeu vidéo), mais aussi, plus largement, des matérialités, des techniques (le livre, l’écriture, etc.), du langage, du sens, des sensibilités5Les auteurs qui, avec Jan Baetens, discutent de la notion de «série culturelle» établie par Gaudreault et Marion, en proposent une conception un peu différente quand ils affirment que, dans le champ littéraire, «raconter des histoires» peut être compris comme une série culturelle. Par conséquent, ils mettent l’accent sur le fait qu’une série repose sur l’action de faire quelque chose: «Une série culturelle, si on essaie de lire cette définition de manière aussi large et ouverte que possible, serait donc un certain type de faire (par exemple raconter une histoire ou essayer de reproduire la réalité) doté d’une “identité” culturelle et médiatique historiquement identifiable et qui peut prendre les formes matérielles et médiatiques les plus diverses (on peut raconter des histoires à l’aide de mots mais aussi à l’aide de sons ou d’images, tout comme on peut essayer de reproduire le réel, ou un aspect ou une partie du réel, au moyen d’instruments visuels ou verbaux, analogiques ou digitaux, concrets ou abstraits, et ainsi de suite). (Baetens, et. al.: 224).

Quatre regroupements d’occurrences

Dans le cadre de notre projet collectif, chaque participant, en constituant sa fiche, a donc prospecté. Il a déniché une ou plusieurs occurrences, a choisi de les documenter et d’en faire part au collectif, en insistant parfois sur un aspect du masque ou du masquage, en explorant un ou plusieurs médias, souvent à la faveur d’un transfert entre deux pratiques différentes, ou encore dans un milieu donné. La discussion à partir de ces fiches a permis de faire apparaître quatre manières de regrouper ces occurrences, quatre séries. Je les relève ici un peu en vrac, en dégageant quelques pistes pour une approche intermédiale, sans prétendre à l’exhaustivité.

Série 1: Le masque comme manière de penser

Certaines occurrences ont donné lieu à l’examen de la dimension épistémique du masque, notamment à travers l’idée du «masquage». Le masque relèverait en effet d’une manière de pensée: le masquage.

Le fait de masquer induit, conceptuellement parlant, des rapports entre surface et profondeur, entre voilement et dévoilement, entre le caché et le montré. Ces rapports instruisent des conceptions du savoir et de la connaissance fondées sur le régime de la visualité, un aspect propice aux études intermédiales lorsqu’elles se penchent sur la distinction entre l’écoute et la vision, entre le monde du son et celui de l’image, entre culture orale et raison graphique, entre le sens du caché et l’art du secret. Peut-on masquer sa voix comme on masque son visage? Dans le premier cas, il s’agit de modifier l’élément permettant d’identifier le locuteur, dans le second, de soustraire cet élément à la vue. Modifier n’est pas cacher. On ne peut donc prétendre masquer la voix que dans un sens métaphorique, au second degré. En empruntant une telle métaphore, on se trouve à subordonner le registre sonore à celui du visuel, à conférer à la voix des attributs qui ne sont pas les siens, voire un pouvoir qui n’est pas de son ressort puisqu’il dépend du visible et de l’invisible. On dira donc que la voix se dote de qualités imaginaires, mais néanmoins éprouvées. Le cinéma d’épouvante le sait et l’exploite depuis longtemps quand il fait parler les voix hors champ et laisse ses spectateurs dans l’impossibilité de savoir d’où ça parle. Ce que l’on ne voit pas, ce qui demeure caché dans l’ombre mais s’exprime par le son (un craquement, un murmure, une respiration, un mot) tire son pouvoir du fait d’échapper à la vue. Et c’est l’expectative —crainte ou désir— de le voir apparaître, rendu tout à coup visible, qui rend si puissante sa manifestation sonore, aussi ténue soit-elle.

Nous intéressant au masquage et à la dimension épistémique du masque, nous avons relevé trois effets présents dans diverses occurrences: un effet structurant, un effet perspectiviste et un effet paradoxal. Dans un jeu vidéo, le masquage peut avoir un effet structurant qui déborde le simple fait de faire porter un masque à un personnage, comme lorsque le jeu tout entier est mobilisé par le fait de masquer: écritures cachées, dissimulation, cryptage, rétention d’information, etc. Le joueur ne cherche pas tant à élucider le jeu qu’à interagir avec le masquage qui le structure (cf. Anthony Carrière). En faisant de la surface de jeu le mobile de cette interaction, le jeu vidéo peut alors imposer au joueur une manière de pensée autant qu’une manière de jouer: penser à la surface, sur la fine couche de l’interface. Pour peu, Nietzsche serait un amateur de jeu vidéo. L’exercice de la pensée revêt en effet chez lui l’apparence «d’une surface en deçà des surfaces», une «surface d’écriture» (cf. Bianca Laliberté). Mais dans le cas du masque nietzschéen, l’effet notoire est celui d’un perspectivisme: le masquage y est entendu comme un «défilé de masques» (Botet: 397) que revêt le philosophe quand il pense, et qui lui permet s’adopter d’autres perspectives. (cf. Bianca Laliberté) Finalement, l’effet paradoxal du masquage consiste dans le fait qu’on ne peut s’exposer masqué qu’en se montrant (cf. Caio Roberto Balieiro E Silva), et que le masque dévoile toujours qu’il y a quelque chose à cacher (cf. Yannick Ouellette-Courtemanche).

Série 2: Le masque, objet des représentations et des arts

Plusieurs occurrences ont été recensées dans des œuvres littéraires, des œuvres d’art et des jeux vidéo, le plus souvent en circulant d’une œuvre à l’autre, d’un média ou d’un support à l’autre. Représenté, figuré, médiatisé, décrit et raconté, il arrive qu’un masque produise une arborescence intertextuelle et médiatique, une profusion de versions et d’adaptations. Que l’on songe à la sérialité du masque du fantôme de l’opéra, initiée par le feuilleton de Gaston Leroux en 1909 (cf. Jobnel Pierre), ou à celui de la «mort rouge» depuis Edgar Allan Poe (cf. Diane Gauthier). La nouvelle de Poe nous rappelle d’ailleurs le lien trop souvent négligé entre le masque de carnaval et le masque sanitaire. C’est en effet en pleine épidémie que le Prince Prospero organise son bal masqué auquel la mort, forcément, s’invite. Les pratiques artistiques ont parfois pris le relais des pratiques cultuelles (le masque du mort), mais en faisant souvent du masque l’interface idéalisée entre l’art et la mort, l’objet-visage par excellence où se jouent et se déjouent les rôles sociaux —la mort frappe chacun indifféremment. Dans la littérature comme au cinéma, le bal masqué et le théâtre de l’opéra, comme le confinement ou la quarantaine lors d’une épidémie, forcent la présence des uns avec les autres, exacerbant les rivalités jusqu’à la mort. Le masque en devient le cliché, la figure reconnaissable et transmodale. Les enjeux qui traversent l’étude du masque comme objet des médias et des arts donnent en effet prise aux concepts de transmodalité (ex.: le passage du narratif au dramatique) et de transfictionnalité (la reprise d’un personnage ou le partage d’un univers fictionnel) (Saint-Gelais: 7); ils convoquent les rapports entre hypotexte et hypertexte (Genette), les questions de «transposition intermédiale» (Rajewsky, 2015; Wagner, 2016), comme, par exemple, l’adaptation d’un texte littéraire au cinéma.

Notre travail collectif sur le masque est loin de circonscrire de manière exhaustive les phénomènes visés par ces concepts. Mais nous pouvons d’emblée affirmer que le masque est générateur de personnages. Et cela, au sens fort du terme: générateur, non pas de personnes, mais de ces agents fictionnels et fantasmatiques qui tirent justement de leur masque un pouvoir sur les autres, de même qu’une aptitude à traverser les frontières sociales comme médiatiques. Le charisme ou l’aura qui caractérise le personnage masqué est à la fois intradiégétique (pensons à la manière dont les citoyens et les autorités de Gotham perçoivent Batman) (fig.4) et extradiégétique, comme en témoigne la popularité des héros masqués ou des figures masquées de la mort, leur capacité à traverser les médias et les modes (dans tous les sens du terme), les textes, les images et leurs publics, jusqu’à devenir la matrice d’une production en série: des films, des séries télé, des bandes dessinées, mais aussi des jouets et des déguisements (fig.5).

(Fig.4) New Adventures of Batman and Robin, the Boy Wonder. 1949. Série de films dite «théâtrale», réalisée par Spencer Gordon Bennet. Avec Robert Lowery dans le rôle de Batman, États-Unis. Scénario: George H. Plympton, Joseph F. Poland et Royal K. Cole d’après des personnages créés par Bob Kane.

(Fig.4) New Adventures of Batman and Robin, the Boy Wonder. 1949. Série de films dite «théâtrale», réalisée par Spencer Gordon Bennet. Avec Robert Lowery dans le rôle de Batman, États-Unis. Scénario: George H. Plympton, Joseph F. Poland et Royal K. Cole d’après des personnages créés par Bob Kane.
(Credit : Columbia Pictures)

(Fig.5) Costume Batman de Rubie’s pour bébé.

(Fig.5) Costume Batman de Rubie’s pour bébé.
(Credit : Rubie’s Costume Company)

À l’opposé de ces personnages singularisés et mythifiés par leurs masques, on retrouve les masques anonymes des figurants en série: les combattants dans Star Wars (fig.6), ou encore les gardiens dans la série Le jeu du calmar (fig.7), les premiers rappelant la sérialité militaire, les seconds, le cauchemar totalitaire. Chacun y est anonyme. Le masque vient alors redoubler et renforcer ce que la sérialité produisait déjà: l’éradication de toute individualité.

(Fig.6) ©Star Wars: the Force Awakens. 2015. J.J. Adams (réal., prod., co-scénariste). Lucasfilm, États-Unis.

(Fig.6) ©Star Wars: the Force Awakens. 2015. J.J. Adams (réal., prod., co-scénariste). Lucasfilm, États-Unis.
(Credit : Disney)

(Fig.7) ©Le jeu du calmar. Saison I. 2021. Créé par Hwang Dong-hyuk. Corée du Sud, Netflix.

(Fig.7) ©Le jeu du calmar. Saison I. 2021. Créé par Hwang Dong-hyuk. Corée du Sud, Netflix.
(Credit : Netflix)

On dit qu’un visage se cache derrière un masque; il revient alors à l’art de faire de ce masque un autre visage. Comment le fait-il? En l’autonomisant, justement, en le transformant en une nouvelle entité apte à vivre sa vie d’image sur d’autres supports, dans des dispositifs qui le pérennisent et le produisent. Mais en jouant de l’illusion optique et du déguisement, l’art peut aussi faire coïncider, de manière inusitée, les objets du quotidien (le rebut ou la chose) avec les artefacts les plus anciens ou les plus lointains. C’est ce que propose, par exemple, l’artiste Edson Chagas, avec le masque de son Oikonomos6Oikonomos désigne, en grec ancien, celui qui s’occupait des affaires de la maisonnée. Le terme vient de oiko, la maison, et de nomos, la règle ou la loi. Au sujet de l’œuvre de Chagas, voir Kunsthaus, 2020. (2011), un banal sac de plastique qui recouvre la tête d’un homme à chemise blanche (fig.8) mais qui rappelle un masque traditionnel grec ou africain. Ou l’artiste Marie Rime, lorsqu’elle détourne l’usage de pièces de puzzles et de cartes à jouer pour en faire des masques faussement (ou véritablement?) exotiques (fig.9-10). Les masques s’émancipent alors de la sérialité, mais aussi de leur fonction d’objet et d’image, pour jouer pleinement leur rôle d’agent-médiateur, allant parfois jusqu’à moquer le regard du média en le retournant vers lui-même, comme ce masque créé l’artiste béninois Calixte Dakpogan (fig.11). Fait de bobines photographiques récupérées, celui-ci n’a du masque traditionnel que l’apparence. Exposé, mis à la disposition de la photographie comme le sont habituellement les objets d’un musée ou d’une galerie, il renvoie au photographe qui le saisit les restes matériels de son propre regard. Il se fait à la fois masque, bouclier et miroir7Sur ces trois objets médiateurs et la notion de «réciprocité du regard», on consultera Athanassopoulos, 2012..

(Fig.8) ©Edson Chagas. 2011. OIKONOMOS. Courtoisie de l’artiste et de APALAZZOGALLERY.

(Fig.8) ©Edson Chagas. 2011. OIKONOMOS. Courtoisie de l’artiste et de APALAZZOGALLERY.
(Credit : Edson Chagas)

(Fig.9) ©Marie Rime. s.d. Masques. Masque et photographie. Suisse. En ligne. https://collectiftextile.com/marie-rime/

(Fig.9) ©Marie Rime. s.d. Masques. Masque et photographie. Suisse. En ligne. https://collectiftextile.com/marie-rime/
(Credit : Marie Rime)

(Fig.10) ©Marie Rime. s.d. Masques. Masque et photographie. Suisse. En ligne. https://collectiftextile.com/marie-rime/

(Fig.10) ©Marie Rime. s.d. Masques. Masque et photographie. Suisse. En ligne. https://collectiftextile.com/marie-rime/
(Credit : Marie Rime)

(Fig.11) ©Calixte Dakpogan. 2011. Photographe. République du Bénin.

(Fig.11) ©Calixte Dakpogan. 2011. Photographe. République du Bénin.
(Credit : Calixte Dakpogan)

Série 3: Pouvoirs de l’interface (protéger, cacher, séparer, révéler)

Certaines occurrences du masque ont donc permis de l’appréhender en fonction de ce qu’il peut faire, de ce qu’il produit. En tant qu’interface, un masque démontre un certain pouvoir, voire une capacité à représenter et à communiquer cette représentation. Par exemple, les masques au Burkina Faso «représentent des esprits de la brousse ou des esprits prenant la forme d’animaux.» (Sissao, 2019) Ils le font en vertu de propriétés et de caractéristiques particulières, de pouvoirs qui leur sont conférés. C’est ce que des théoriciens de l’intermédialité appellent la médiativité du média (Besson: 12; Gaudreault et Groensteen: 48; Marion: 79; Gaudreault et Marion, 2006), soit l’ensemble des «paramètres qui définissent le potentiel expressif et communicationnel développé par le média». (Gaudreault et Marion, 2006: 25) Si nous appliquons ce concept au masque, nous dirions que sa médiativité concerne les «configurations sémiotiques internes» que le masque «sollicite et […] les dispositifs communicationnels et relationnels qu’il est capable de mettre en place». (Gaudreault et Groensteen: 12). Quels sont ces dispositifs et de quel ordre est cette capacité? Ils sont assurément différents de ceux qui sont associés aux médias institutionnalisés.

(Fig.12) La mort qui tue (1913) Affiche du 3e film adapté de la série Fantômas par Louis Feuillade, d’après le roman de Pierre Souvestre et Marcel Allain. France, Films Gaumont Cinéma.

(Fig.12) La mort qui tue (1913) Affiche du 3e film adapté de la série Fantômas par Louis Feuillade, d’après le roman de Pierre Souvestre et Marcel Allain. France, Films Gaumont Cinéma.
(Credit : Films Gaumont Cinéma)

(Fig.13) The Mark of Zorro (1920) Affiche du film réalisé par Fred Niblo, avec Douglas Fairbank. États-Unis, Douglas Fairbanks Pictures Corporation, United Artists. D’après le récit The Curse of Capistrano de Johnston McCulley (1919).

(Fig.13) The Mark of Zorro (1920) Affiche du film réalisé par Fred Niblo, avec Douglas Fairbank. États-Unis, Douglas Fairbanks Pictures Corporation, United Artists. D’après le récit The Curse of Capistrano de Johnston McCulley (1919).
(Credit : United Artists)

Les masques ont des pouvoirs, ou sont générateurs de pouvoirs au sens d’une capacité à faire quelque chose, à la manière des gestes. Aussi ont-ils pour fonction de préserver (les masques mortuaires, les masques de beauté), de protéger (les masques sanitaires, les masques à gaz), de cacher (le loup au bal masqué, le masque du bandit ou du justicier, celui de Fantomas ou de Zorro) (fig.12-13), et leur attribue-t-on un pouvoir de métamorphose (le «masque de la métamorphose» des Kwakwaka’wakws de l’Ile de Vancouver) (fig.14). En l’oblitérant, un masque altère inévitablement le visage humain (Christen: 49); pire encore, quand il renvoie à l’absence de visage, à l’infiguration (fig. 15) ou à la défiguration, d’où le trouble, voire l’effroi qu’il est susceptible de créer (cf. Laurence Gascon). Ces paramètres (ou gestes, pour emprunter un terme courant dans les études intermédiales)— préserver, protéger, cacher, métamorphoser —définissent la médiativité du masque.

(Fig.14) «Le masque de la métamorphose.» s.d. Beau Dick (artiste). Musée canadien de l’histoire.

(Fig.14) «Le masque de la métamorphose.» s.d. Beau Dick (artiste). Musée canadien de l’histoire.
(Credit : Musée canadien de l’histoire)

(Fig.15) L’homme sans visage. 1975 (1973) Jacques Champreux (création) et Georges Franju (réal.). France: Série en huit épisodes, TF1.

(Fig.15) L’homme sans visage. 1975 (1973) Jacques Champreux (création) et Georges Franju (réal.). France: Série en huit épisodes, TF1.
(Credit : TF1)

Le masque se fait aussi marqueur d’étrangeté, d’altérité et d’inadéquation. Il sépare, voire repousse. La cagoule du bourreau, souvent destinée à effrayer, désigne la mise au ban de celui qui la porte, en efface l’identité mais aussi l’humanité (cf. Gabriel Lagacé-Courteau). Elle sépare l’exécuteur du reste de la société. Le masque a donc le pouvoir de créer une distance sociale ou de séparer la communauté de ses déchets (cf. Karolyne Chevalier; Millogo, 1999). Mais à l’inverse, il lui arrive de réunir la communauté autour de réjouissances, de fêtes, procédant dès lors du ludique, du carnaval ou de la plaisanterie (Sissao, 2019), accentuant ou se jouant des hiérarchies et des clivages sociaux (cf. Ouambeï Garbyan). Il permet parfois de parer aux inadéquations sociales, comme nous l’enseignent les liens maintes fois tissés entre le masque et la persona. Destiné à oblitérer le visage, le masque en fournit parfois un autre, un masque social, construit dans le regard de l’autre et pour lui (cf. Marie-Ève Vallières), vaste domaine des apparences, de la séduction, des déguisements, de l’identité et de la codification des normes de la sociabilité (cf. Marie-Ève Vallières). Alors le masque personnalise; il est ce qui se présente à autrui, ce qu’il fait croire, ce que l’on tient pour visage, ce qui porte une voix pour entrer en relation. Chaque personne est alors réputée posséder une une pluralité de visages, comme autant de «moi», «toute une série de personnages qui s’actualisent selon les contextes et les publics» et qui correspondent à «sa voix propre», écrit David Le Breton: «Si la persona est un masque, n’oublions pas que ce dernier sert à porter la voix, à se faire connaître per sona, c’est-à-dire par les sons prononcés.» (Le Breton: 36) Et comme le remarque Martine De Gaudemar: «Le terme de personnage met bien l’accent sur une distance possible entre soi, la personne qu’on est d’une part, et d’autre part la place dans les relations sociales, un personnage qui serait aussi extérieur que le masque ou les brodequins de l’acteur.» (58)

Le masque est révélateur, car, comme le souligne Yannick Ouellette-Courtemanche en se référant aux propos de Giorgio Agamben, dans sa version dite «classique», il «rend inopérant le visage, va le désoeuvrer, mais en cela, il en montre ou en expose quelque chose même de plus vrai». (cf. Ouellette-Courtemanche; Agamben, 2013) Le masque n’est pas que vu. Il fait donc voir, et fait voir le vrai en cachant la vérité.

En outre, il est commun de penser qu’une fois masqué, une fois notre identité mise au secret, le monde qui nous entoure se révèle tel qu’il est quand nous n’y sommes pas. Robert Benayoun rappelle aussi que, pour les surréalistes,

le costume et le masque faisaient parler [le] quotidien parce qu’ils leur procuraient la sensation de se fondre dans l’anonymat, mais aussi parce qu’ils rendaient possible l’expérience de se glisser dans des consciences fictives. (Christen: 49; voir Benayoun)

C’est là la toute-puissance imaginée par l’enfant et qui le conduit au fantasme d’invisibilité (mon regard est d’autant plus puissant et révélateur qu’il échappe à autrui). On en trouve d’ailleurs l’expression dans le mythe platonicien de l’Anneau de Gygès8Allégorie qui raconte l’histoire de Gygès qui trouve un anneau qui le rend invisible et, par la même occasion, au-delà de la morale. Voir Platon, La République, Livre II.. Voyeurisme et panoptisme en sont les débouchés naturels. Tout narrateur omniscient, dans un roman, n’avance-t-il pas masqué, c’est-à-dire sans jamais se faire voir? La mort en fait tout autant quand elle se présente au bal dans l’allégorie du Masque de la mort rouge d’Edgar Allan Poe (cf. Diane Gauthier). Ce faisant, elle allégorise la jouissance des participants au bal, eux aussi masqués et qui, se croyant à l’abri de la mort en ce moment de pandémie, ne savent pas qu’ils sont en train de danser avec elle. Le prix d’une telle mascarade est en effet bientôt révélé: à force de jouer à ne pas être celui que l’on est, on n’est plus. Et la mort masquée n’est toujours que la mort de celui qui la démasque. La révélation tient alors, paradoxalement, à la capacité du masque à produire un miroir, rien ne tenant plus sous la surface que l’image miroitée de celui qui défie la mort et s’y abyme. L’allégorie, ici celle de la mort masquée, rejoint le trope shakespearien de la vie comme un théâtre ou comme un livre. Pour peu, on donnerait au masque de la Mort rouge le surnom de deepfake, ce terme qui désigne de nos jours des procédés de manipulation par les algorithmes (cf. Yannick Ouellette-Courtemanche).

Or la présence du masque, dans ces allégories, nous élève à un autre niveau quant à son pouvoir de révélation: ce ne sont plus seulement les artefacts qui ont ce pouvoir, mais les dispositifs qui les mettent en scène (représentations, romans, cérémonies, fêtes). Si le Masque de la mort rouge allégorise au milieu du Bal en tant que personnage, il affecte tout entière la stratégie narrative de la nouvelle: le personnage jette son masque au moment où la narration dévoile sa chute, l’un et l’autre se confondant, comme si l’autorité de la mort et l’autorité narrative partageaient le même masque.

De même que la présence du masque dans des allégories témoigne du pouvoir de révélation des dispositifs qui le mettent en scène, l’examen d’une forme particulière de masque peut aussi nous permettre d’interroger nos conceptions du temps historique. C’est ce que nous suggère la perdurance de certains masques dans l’imaginaire occidental en imposant cette fois la figure de l’anachronie.

L’anachronie se définit comme «l’inadaptation d’une personne à une époque» (Daudet: 135), ou désigne une chose en rupture avec son temps (Fleck, 2011; Rancière: 53-68). Plus précisément,

[i]l y a des modes de connexion que nous pouvons appeler positivement des anachronies: des événements, des notions, des significations qui prennent le temps à rebours, qui font circuler du sens d’une manière qui échappe à toute contemporanéité, à toute identité du temps avec «lui-même». Une anachronie, c’est un mot, un événement, une séquence signifiante sortis de «leur» temps, doués du même coup de la capacité de définir des aiguillages temporels inédits, d’assurer le saut ou la connexion d’une ligne de temporalité à une autre. (Rancière: 67-68)

Il arrive qu’un masque définisse de tels aiguillages temporels, en «sortant de son temps» pour investir indistinctement le passé comme le présent. La résurgence du masque dans l’image que l’on se fait aujourd’hui du bourreau d’autrefois en est un cas de figure particulièrement riche (cf. Gabriel Lagacé-Courteau). Il arrive aux masques d’échapper à toute contemporanéité en révélant la connexion entre l’ailleurs, le passé le plus lointain, et l’art le plus actuel, comme si l’objet sortait du temps et de l’espace pour le désarticuler, sous la pression, par exemple, d’une intuition artistique— comme l’ont imaginé des artistes, tel Picasso. (LucasRatton, 2017) Pour eux, l’anachronie n’est alors pas le produit d’un artefact en particulier, mais ce que révèle le masque dans son rapport au temps —historique comme mémoriel ou fantasmé; ce qu’il fait au présent et au passé, au proche et au lointain, en les reconnectant ou en les renversant.

Finalement, le pouvoir de révélation du masque devient parfois pédagogie— apprentissage, entraînement et initiation. C’est le cas du masque neutre au théâtre (cf. Jules Valiquette; Doumergue, 2019) (fig.16) En 1921, nous dit Jules Valiquette, Jacques Copeau fonde un théâtre à Paris dans lequel il réintroduit le masque, non sans espérer «inverser la conception occidentale du masque comme faux visage et illusion trompeuse» (cf. Jules Valiquette). Guy Freixe qualifie le face à face avec le masque oriental «d’expérience révélatrice» (Freixe: 114). Au théâtre, selon la pédagogie de Jacques Lecoq, le masque neutre «demande à l’élève de faire disparaître sa personne au profit d’un être générique qui est neutre, donc sans passé ni conflit, sans contexte ni passion.» (cf. Jules Valiquette) Apprendre, de manière transitoire, à se défaire de soi, est au cœur de cette pédagogie. Le masque se trouve alors dans l’exacte position interfaciale, intermédiaire et transitoire, du médium.

(Fig.16) Masque neutre créé par Amleto Sartori pour l’école Internationale de théâtre de Jacques Lecoq au début des années 1950.

(Fig.16) Masque neutre créé par Amleto Sartori pour l’école Internationale de théâtre de Jacques Lecoq au début des années 1950.
(Credit : Amleto Sartori)

Cette pédagogie ne concerne pas que les masques au théâtre, elle est à l’œuvre dans l’ésotérisme et l’exotérisme que Louis Millogo (2007) identifie à certaines médiations du masque africain, plus particulièrement dans le cas des masques burkinabè. (cf. Karolyne Chevalier) Dans ce cas, la pratique des masques suppose l’impossibilité d’échapper à leur signification collective; leur «manifestation» est « un spectacle, un message public » que partagent les initiés comme les non-initiés (Millogo, 2007: 327). Mais, précise Millogo, le masque burkinabè «s’attache aussi à la notion de secret, à l’initiation caractérisée comme pratique réservée» (328), d’où le double mouvement dont il est l’interface, vers l’intérieur du secret et vers l’extérieur d’un espace public («pratique citoyenne et religieuse commune») (327). Le masque y est porteur de savoirs.

Série 4 : Facteur d’incorporation

Finalement, si nous choisissons de regrouper différentes occurrences en fonction du rapport entre le masque et le corps, nous voyons comment différentes traditions ou pratiques du masque tendent à lui reconnaître un sens extensif: «Les masques se prolongent en «des codes aussi variés que le cri, la gestualité, le mouvement, l’énoncé chorégraphique» (N. Sanou, 2019: 4) D’un point de vue intermédial, cette extension mérite d’être entendue relativement à la question de l’oralité (Zumthor), c’est-à-dire à l’indissociabilité du geste et de la parole— du corps et de la voix. La médialité du médium y est un continuum, favorisant les mélanges, l’intégration du corps par le masque. Le Kaba Ngondo, un vêtement d’abord créé par les colonisateurs pour les femmes du peuple Sawa au Cameroun, mais que se sont réapproprié ces dernières, a pour première fonction de masquer le corps féminin (cf. Ouambeï Garbyan). Masque et vêtement sont confondus à la faveur d’une seule et même fonction, puis d’une expressivité commune, revendiquée par les femmes. Ce continuum est particulièrement courant en Afrique, où le masque prolonge le costume. (cf. Ouambeï Garbyan) Au Burkina, les masques servent à agir le corps; le corps est le support du masque et se confond avec lui (cf. Karolyne Chevalier), d’où son aspect fusionnel. Mais dans sa dimension sociale, confirmant son caractère collectif, comme le rappelle Millogo, «l’énonciation du discours des masques est un acte participatif [dont] le texte final produit une propriété collective» (2007: 327).

Ce facteur d’incorporation conduit à penser le masque comme «art total» (Millogo, 1988), un concept protéiforme s’il en est, dont les résonnances intermédiales font écho, tant aux pratiques collectives africaines qu’aux projets élaborés par des artistes européens au XIXe siècle, notamment l’idée d’une fusion entre le texte, la danse et la musique par l’opéra, plutôt qu’une plate coexistence entre eux. Le Wagnérisme (la Gesamtkunstwerk) inspirera aussi les artistes visuels au XXe siècle (Kandinsky, Mondrian). Ce que l’on pourrait appeler «l’école camerounaise» de l’intermédialité (Guiyoba, Ngueu) s’apppuie, justement, sur l’idée d’une unité retrouvée. La thèse de Guiyoba est que la fin des grands récits correspond à un désir de retourner à la primauté, à «l’unité originelle des choses» par une «réunion des arts» (Guiyoba: 248). Le retour que nous avons fait sur le masque comme facteur d’incorporation dans certaines cultures africaines nous permet de distinguer, dans cette «réunion des arts», la place privilégiée qu’occupent le corps et, avec lui, l’oralité, dans une telle conception de l’intermédialité. La «fusion des arts» y prend un autre sens, ici revendicateur de traditions.

D’autres occurrences du masque, qui renvoient à l’incorporation et au mélange, nous invitent à penser ses effets métamorphiques et intégrateurs. Le masque finit parfois par se substituer à ce qu’il oblitère (cf. Marie-Ève Vallières); comme le disait Jacques Lecoq alors qu’il travaillait à saisir l’art du masque dans la commedia dell’arte: «Sous un masque, le visage disparaît et l’on voit le corps.» (Lecoq: 49) Le corps ne devient-il pas alors visage? (cf. Jules Valiquette). La peinture, le cinéma et les jeux vidéo ont souvent exploité cet imaginaire du mélange et de la substitution, tantôt trouble, tantôt amusant, imaginaire de la fusion entre le masque et le corps, entre le visage et le masque (fig.17), entre la fabrique et l’être.

(Fig.17) Francis Bacon. 1969. Three Studies for Portraits (including self-portrait). Huile sur canevas. Photographiés à l’été 1969. ©The Estate of Francis Bacon. DACS 2018.

(Fig.17) Francis Bacon. 1969. Three Studies for Portraits (including self-portrait). Huile sur canevas. Photographiés à l’été 1969. ©The Estate of Francis Bacon. DACS 2018.
(Credit : The Estate of Francis Bacon. DACS 2018)

Les «masques fusionnels» forment d’ailleurs une catégorie de masques vidéoludiques dans la typologie proposée par Marie-Michèle Desrosiers dans ce carnet. Ce sont des masques qui font corps avec les personnages, rendant indistincte la plastique du visage et celle du masque. S’intéressant à l’omniprésence de la capuche dans le jeu vidéo Assassin’s Creed II, Anthony Carrière remarque que celle-ci tend à «devenir visage» pour s’étendre au personnage tout entier et «participe[r] d’emblée», selon les mots de Sébastien Genvo, à «l’ethos ludique de l’œuvre» (Genvo, 2013: 17): elle est un «marqueur de jouabilité, consolidant chez le joueur le fait qu’il incarne un personnage» (cf. Anthony Carrière).

Sur un tout autre registre, Laurence Gascon revient sur le cinéma de Georges Franju afin d’investiguer l’hybridation entre la greffe, la défiguration et le masque, une hybridation qui efface le visage, mais pour le confondre avec le masque. En revoyant les Yeux sans visage (1960), on ne peut s’empêcher de ressaisir la question de l’incorporation par le masque à la lumière d’une histoire des techniques de la reconstitution ou de la réparation des corps. Mais «contrairement au cyborg, les figures des films de Franju ne sont jamais délivrées de leur chair périssable par la technique»; ce sont des «corps exposés dans la vulnérabilité de leur peau» (cf. Laurence Gascon), des visages trahis par la vulnérabilité de leur regard, et qui «illustrent la violence de leur instrumentalisation.» (cf. Laurence Gascon) Il y aurait encore une fiche à produire sur les masques à gaz, comme ceux portés par les soldats dans une des eaux-fortes réalisées par Otto Dix (fig.18) (Lucarelli, 2012), autres masques indécidables, substituts de visages qu’on ne voit plus et qui paraissent aller au-devant de leur destin de gueule cassée9Au cours de notre séminaire, l’étude que Karine Chevalier (2018) a consacrée aux gueules cassées de la guerre nous a été fort précieuse. ou de cadavres —figures de crânes en guise de masque.

(Fig.18) Otto Dix. 1924. Assaut sous les gaz. Eau-forte tirée du recueil Der Krieg (La Guerre) constitué de cinq albums. L’Historial de la Grande Guerre à Péronne, dans la Somme, détient un des rares coffrets complets de cette série de cinquante eaux-fortes, les autodafés des nazis ayant détruit la presque totalité des 70 exemplaires édités à Berlin par Karl Nierendorf en 1924.

(Fig.18) Otto Dix. 1924. Assaut sous les gaz. Eau-forte tirée du recueil Der Krieg (La Guerre) constitué de cinq albums. L’Historial de la Grande Guerre à Péronne, dans la Somme, détient un des rares coffrets complets de cette série de cinquante eaux-fortes, les autodafés des nazis ayant détruit la presque totalité des 70 exemplaires édités à Berlin par Karl Nierendorf en 1924.

Une vision radicalement opposée à celle que proposait récemment une exposition scolaire sur les «poilus sortis de l’enfer», un «exercice artistique et mémoriel», réalisé par des élèves de l’école Dolto de Notre Dame d’Oé, en France, dans le cadre du Centenaire du 11 novembre. Ici, aucun mélange, aucune confusion n’est possible. Des masques colorés et vivifiants sont apposés sur des visages que l’on devine massacrés, rendant manifestes les gestes attentionnés des petites mains qui les ont fabriqués. (fig.19)

(Fig.19) «La tranchée des Gueules Cassées… Exercice artistique et mémoriel des élèves de l’école Dolto (classe de Mme Briand) sur les poilus sortie de l’enfer». 2018. Notre Dame d’Oé.

(Fig.19) «La tranchée des Gueules Cassées… Exercice artistique et mémoriel des élèves de l’école Dolto (classe de Mme Briand) sur les poilus sortie de l’enfer». 2018. Notre Dame d’Oé.

Appel à contribution

Il s’agit moins, à ce stade, d’établir le cadre strict d’une approche intermédiale du masque que de favoriser une communauté de pensée autour d’enjeux et de questions toujours renouvelables visant à la définir. Ce chantier demeure donc en activité. À ce titre, le présent carnet se veut ouvert à d’autres contributions, dont certaines à venir de la part des participants au séminaire, et d’autres venant de chercheurs qui voudront bien le bonifier.

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The Mark of Zorro. 1920. Fred Niblo (réal.) États-Unis, Douglas Fairbanks Pictures Corporation, United Artists.

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    Un tel projet est certainement redevable aux travaux menés depuis plusieurs années par les chercheurs burkinabè sur la poétique, la sémiotique et la langagité du masque (Millogo; N. Sanou; S. Sanou; Sissao).
  • 2
    Il s’agit, nous en convenons, d’une définition très large (des avions, des machines à voyager dans le temps, des prestidigitateurs, des chamans et des textes sont, de ce point de vue, des médias), mais qui a le mérite de mettre l’accent sur le processus qu’est la médiation plutôt que sur les médias institutionnalisés.
  • 3
    Les noms entre parenthèses, précédés de «cf.», réfèrent aux participants du séminaire, à leurs interventions en classe ou aux fiches qu’ils ont préparées.
  • 4
    Par exemple, les masques portés par les médecins pendant la peste nous informent sur la théorie des miasmes qui prévalait en Europe au XVIIe siècle.
  • 5
    Les auteurs qui, avec Jan Baetens, discutent de la notion de «série culturelle» établie par Gaudreault et Marion, en proposent une conception un peu différente quand ils affirment que, dans le champ littéraire, «raconter des histoires» peut être compris comme une série culturelle. Par conséquent, ils mettent l’accent sur le fait qu’une série repose sur l’action de faire quelque chose: «Une série culturelle, si on essaie de lire cette définition de manière aussi large et ouverte que possible, serait donc un certain type de faire (par exemple raconter une histoire ou essayer de reproduire la réalité) doté d’une “identité” culturelle et médiatique historiquement identifiable et qui peut prendre les formes matérielles et médiatiques les plus diverses (on peut raconter des histoires à l’aide de mots mais aussi à l’aide de sons ou d’images, tout comme on peut essayer de reproduire le réel, ou un aspect ou une partie du réel, au moyen d’instruments visuels ou verbaux, analogiques ou digitaux, concrets ou abstraits, et ainsi de suite). (Baetens, et. al.: 224)
  • 6
    Oikonomos désigne, en grec ancien, celui qui s’occupait des affaires de la maisonnée. Le terme vient de oiko, la maison, et de nomos, la règle ou la loi. Au sujet de l’œuvre de Chagas, voir Kunsthaus, 2020.
  • 7
    Sur ces trois objets médiateurs et la notion de «réciprocité du regard», on consultera Athanassopoulos, 2012.
  • 8
    Allégorie qui raconte l’histoire de Gygès qui trouve un anneau qui le rend invisible et, par la même occasion, au-delà de la morale. Voir Platon, La République, Livre II.
  • 9
    Au cours de notre séminaire, l’étude que Karine Chevalier (2018) a consacrée aux gueules cassées de la guerre nous a été fort précieuse.
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