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Les subjectivités à l’ère du numérique: exploration des formes de vies créatives

Coline Sénac
couverture
Article paru dans Enquêtes sémiotiques sur nos formes de vie, sous la responsabilité de Sylvano Santini (2021)

(Credit : Coline Sénac)

We are conditioned by conditions we condition.
We, the created creators, shape tools that shape us.
We live by our crafts and conditions. It is hard to look them in the face.
Peters, 2015: 51

Préambule

Nous sommes aujourd’hui le 12 novembre 2020, il est 12 h 50. Nous venons de publier sur Instagram une de mes œuvres artistiques, indexée par les hashtags #artistquebec #artoftheday #realart. Le temps passe silencieusement, sans que notre téléphone émette un son de notification, ce qui nous fait rapidement regretter le choix de cette date pour la publication. On espérait que les internautes profiteraient de leur pause-repas pour visiter notre vitrine sur Instagram, mais sans doute qu’ils et elles sont déjà, à l’heure qu’il est, de retour au travail. On aurait dû la publier comme d’habitude le dimanche soir, durant ce fameux moment où les internautes se perdent sur les réseaux sociaux pour éviter de penser à la semaine de travail qui les attend le lendemain.

On est stressé(e), maintenant: cela fait vingt minutes qu’on attend ce signe annonciateur, cette mention j’aime qui atteste la valeur de notre travail; notre cellulaire nous adresse finalement une seule notification, celle de cette amie fidèle qui aime systématiquement mes créations sans même les regarder, uniquement pour témoigner de son affection pour ma personne. Parfois, on se demande même si cette amie n’est pas un bot informatique à son nom, ayant pour fonction d’augmenter ma visibilité sur la plateforme en contrepartie d’une publication régulière d’images artistiques.

Avoir un compte sur Instagram semblait pourtant nécessaire si nous voulions nous promouvoir en tant qu’artiste(s) visuelle(s). Cependant, depuis qu’on a une page à notre nom, on se sent davantage comme une productrice de contenu médiatique que comme une réelle artiste, puisque notre rôle semble être dorénavant de cacher le vide omniprésent derrière les images artistiques qu’on publie.

Aussi étrange que cela puisse paraître, plus on réussit à remplir ce vide par des images –peu importe lesquelles, en fin de compte–, plus on est récompensé(e) par les réseaux sociaux eux-mêmes, qui nous accordent une plus grande audience d’utilisateurs et d’utilisatrices venant de partout et de nulle part en même temps. De fait, les réseaux sociaux semblent incarner un réseau de récompense, parfois même une véritable roue de la Fortune, pour quiconque réussit à capter pendant suffisamment longtemps l’attention des internautes de passage qui visitent les plateformes numériques aussi rapidement qu’ils et elles s’en éclipsent. En échange, on doit réussir à les captiver, et surtout, à leur donner l’illusion que ces plateformes reflètent avec panache notre monde réel.

Manifestement, cette illusion opère à merveille: les internautes continuent de revenir et d’aimer n’importe quel contenu qu’on publie, tant qu’ils et elles peuvent y apercevoir l’image d’un(e) artiste en plein essor, promue partout sur les réseaux sociaux. Ils et elles remplissent alors un espace délimité par les contours de notre publication, en offrant gracieusement leurs j’aime, en prenant quelques secondes pour écrire un court commentaire, ou même en déposant une image fixe ou mouvante, comme un émoji ou un mème.

Mais quelle est la réelle signification de ces témoignages d’affection? Sont-ils une manière de nous rémunérer de façon symbolique pour le divertissement qu’on offre, ou sont-ils une réelle façon de reconnaître notre existence en tant qu’artiste(s)? De plus, quelle valeur donner à ces témoignages, en tant qu’artiste? Les internautes aiment-ils notre publication pour l’esthétique de son image ou, plus simplement, pour l’accessibilité de son contenu?

Créer un mycélium de sens à partir de ces gestes d’humanités

Depuis l’invention des nouvelles technologies, nous assistons à de nouveaux phénomènes dans le monde des arts, comme la démocratisation du statut d’artiste, la professionnalisation des activités artistiques et la valorisation de l’art dans la vie des individus; cela explique pourquoi des millions d’internautes publient sur les réseaux sociaux un ensemble de contenus créatifs tels que des photographies sur Instagram, des home stagings sur Pinterest, des créations artisanales sur Etsy ou des publications poétiques sur Facebook.

Nous constatons que ces internautes utilisent ces plateformes pour produire et promouvoir librement leurs propres créations artistiques, mais qu’ils et elles sont rapidement contraint(e)s de répondre à une logique capitaliste, d’adopter une vision productiviste de l’art et de privilégier la performance de soi chaque fois qu’ils et elles publient sur ces plateformes numériques. Ces variations de comportements entre leur vie physique et celle en ligne soulèvent une question fondamentale: quels sont les impacts du numérique sur la transformation des subjectivités et de leurs formes de vies créatives? Par cette question, nous cherchons à mieux cerner les transformations majeures que ces nouvelles technologies opèrent sur le plan de la subjectivité des artistes au regard de la relation qu’ils et elles entretiennent avec leurs formes de vies créatives en ligne.

Dans le cadre de notre recherche, nous entendons, par artistes, les individus amateurs et professionnels qui font la promotion de leurs créations artistiques et qui mettent de l’avant leur créativité sur les plateformes numériques (Facebook, Instagram, Twitter, Etsy, YouTube, etc.). De cette manière, nous pouvons défendre l’idée (similaire à celle de Franck Leibovici) que ces artistes créent des formes de «vies créatives» en ligne, que nous définissons comme un «ensemble de pratiques, de gestes, de positionnements relatifs à la production ou à la promotion d’une œuvre artistique» (Leibovici, 2012: 4). Par cet éclairage porté sur les formes de vies créatives en ligne, notre but est de mettre en lumière les influences, tant techniques que sémiotiques, des nouvelles technologies sur les modes d’existence en ligne des artistes.

Pour mener à bien notre exploration autour de ces formes de vie, nous allons produire plusieurs fragments se composant d’un texte argumentatif et, parfois, d’un schéma illustratif, dans le but de mieux saisir, illustrer et expliquer le rôle que joue le numérique dans les transformations actuelles des subjectivités et des formes de vies créatives qui leur sont associées. L’objectif de cette étude par fragments est de produire un «mycélium de sens1La métaphore du «mycélium de sens» évoque l’idée que la compréhension d’un phénomène s’acquiert à partir d’une ramification de sens, à l’image des filaments souterrains sur lesquels les champignons croissent.» (Citton, 2012) autour de ce phénomène jusqu’alors inexploré: le fait que des gestes artistiques empreints d’humanité se transforment, au contact de ces technologies, en mécanismes essentiellement techniques.

L’expression des subjectivités sur Internet: comment penser l’influence du numérique sur nos formes de vies créatives?

S’abonner à de nouvelles pages sur Facebook, répondre à des commentaires depuis son site web personnel ou son compte YouTube, attribuer un cœur à des publications d’internautes qui vous suivent sur Instagram sont des activités qui font partie de la vie quotidienne d’un(e) artiste ayant l’habitude de partager ses créations en ligne. À première vue, la particularité des plateformes numériques semble être d’offrir des espaces aux artistes pour qu’ils et elles puissent promouvoir leurs arts et partager, en un certain sens, leur subjectivité de façon à développer des liens sociaux et créatifs avec d’autres internautes et artistes, et à recevoir en retour une reconnaissance, autant monétaire que symbolique, pour leur travail artistique.

L’extension de nos corps en numérique

Les formes de vies créatives publiées par les artistes dans ces espaces numériques représentent ce que Gilles Deleuze et Félix Guattari nomment des traces de «projectiles», soit des traces vivantes cherchant à atteindre des cibles en affectant des corps, en l’occurrence ceux des internautes qui les contemplent en ligne (1980: 498). Les traces de ces projectiles marquant progressivement les murs d’Internet –ces fameux walls– indiquent la présence des artistes et de leur désir de tapisser l’entièreté de la toile numérique de leurs créations. Avec le temps, les espaces numériques se transforment alors en un tableau fidèle de la vie subjective et créative des artistes, selon la manière dont ils et elles cherchent à y figurer. À force d’y regarder leur propre reflet, leur corps s’étend dans cet espace de vie numérique, à l’image d’une deuxième peau.

Il est possible de penser cette liminalité des corps à partir du parallélisme entre le corps et l’esprit postulé par Spinoza (1661). Ce parallélisme pourrait se concevoir ainsi, à notre époque: les représentations du numérique constituent le corps des internautes, tout comme ces derniers, à l’inverse, constituent ces premiers. L’espace numérique pourrait donc être pensé comme l’extension du corps des artistes, selon la formule suivante: tout ce qui arrive dans le corps se produit en même temps dans ses extensions numériques, et vice-versa. Ce parallélisme a l’avantage de prendre pour principe la parfaite réciprocité entre les deux instances, sans domination ou priorité de l’une sur l’autre, puisque les deux participent au même titre et avec la même force à l’expressivité des artistes.

Suivant cette logique, nous considérons que l’extension du corps des internautes dans cet espace numérique implique également une extension de leur capacité à s’émouvoir dans le monde –ce que Spinoza qualifie de «sentiments d’affect». Dans L’éthique, il définit ces sentiments comme «les affections du corps par lesquelles la puissance d’agir de ce corps même est augmentée ou diminuée, secondée ou réduite» (1661: 282). Selon cette définition, l’affect est non seulement un sentiment, mais aussi un mouvement qui fait osciller les capacités d’agir et de penser en fonction de la connaissance que les individus ont des causes extérieures qui les déterminent en tant qu’humains. Donc, si Spinoza vivait à l’ère d’Internet, il affirmerait que les internautes, en s’affectant mutuellement, augmentent ou diminuent leur capacité d’agir et de penser au sein des espaces numériques. Toutefois, s’il observait certains comportements que les gens ont sur Internet, Spinoza constaterait qu’ils ne comprennent pas la dynamique qui s’établit entre eux et Internet, croyant sans doute avoir le contrôle sur ce qui s’y passe et interprétant de manière partielle, c’est-à-dire sans vraiment saisir complètement toutes les causes qui déterminent le réseau et les effets qui en découlent.

L’illusion de la liberté: les limites sémiotiques du numérique

Nous constatons, contrairement à nos premières observations, que ces espaces numériques proposent en réalité des conditions sémiotiques ayant tendance à restreindre ou à augmenter la capacité de penser ou d’agir des internautes et artistes, bien souvent en fonction de raisons qui sont inconnues de ceux et celles-ci. Si nous devions le formuler en termes spinozistes, nous dirions que cette machine technologique diminue radicalement leur capacité d’agir et de penser, au point qu’ils et elles peuvent éprouver de la tristesse, du fait qu’ils et elles sont incapables de comprendre les causes qui les déterminent et les effets sémiotiques qu’ils et elles produisent réellement en ligne.

La machine technologique tend, d’une part, à réduire la sémiose des internautes à des textes, des icônes et des images prédéfinies (j’aime, émojis, GIF, mèmes) qui constituent un ensemble de modes formatés d’expression extrêmement limité, comparativement aux différents moyens d’expression par lesquels les artistes laissent vagabonder leur créativité. À cause de cela, ils et elles sont contraint(e)s d’exprimer leurs humeurs, leurs pensées et leurs émotions à l’aide d’un nombre restreint de signes iconiques: des bonhommes sourires figés, des mains au pouce levé ou baissé, des fleurs, de la nourriture, des drapeaux du monde entier, etc. Pour Lazzarato (2006), la machine propose, par la manipulation de ces signes, une sémiotique signifiante tendant à limiter la constitution du sujet qui est présenté au sein de ces espaces numériques. Cette sémiotique réduit les qualités essentielles d’une subjectivité à des archétypes d’ores et déjà fixés par la machine, de sorte que le sujet puisse être catégorisé et classé selon différents profils prédéfinis.

Les gestes et les actions des internautes sont restreints, d’autre part, par les modalités mêmes d’expression qui sont préétablies par la machine et qui les condamnent à se conformer à un cadre sémiotique préétabli: un format fixe d’images, une indexation stricte des contenus, ou encore un référencement défini des profils. Pour Guattari (1969, 1987), ces gestes et ces actions initialement humains sont ensuite conditionnés par la machine pour opérer d’une certaine manière et indépendamment de tout contenu qu’ils pourraient recevoir. Cette opération se fait de manière «asignifiante» puisque les gestes et actions deviennent des formes purement expressives (émotion, mouvement, rythme, etc.). La machine technologique facilite ainsi la capture des formes de vie.

Cela dit, les conditions sémiotiques étant prédéterminées par cette machine technologique ne sont en réalité jamais connues des internautes, c’est pourquoi ils et elles ignorent souvent la cause des événements se produisant suite à la publication de leurs créations en ligne. Pourtant, d’après les informations d’ores et déjà partagées au grand public, comme dans le récent documentaire The Social Dilemma (2020), nous savons que la machine technologique agit à l’avantage de certain(e)s internautes, en fonction de leur fréquence de publication et de leurs comportements sur les réseaux, puisque les algorithmes leur offrent, sans même qu’ils et elles en aient nécessairement conscience, un meilleur référencement sur les moteurs de recherche, une visibilité plus importante sur les réseaux sociaux ou de la publicité à moindre coût sur les applications mobiles.

Ainsi, les plateformes numériques n’ont pas comme fonction première d’assurer que cet espace sémiotique permette aux artistes d’exprimer librement leur subjectivité et d’agir de manière entièrement libre. Elles seraient plutôt programmées pour établir les conditions d’inscription et de circulation des créations en ligne, au risque toutefois que leurs paramètres limitent les artistes ou, inversement, les avantagent dans leur puissance de penser, d’agir et, finalement, de créer. C’est ce que Guattari appelait l’asservissement machinique: on pose des gestes de manière automatique, c’est-à-dire sans vraiment avoir conscience de la raison pour laquelle on les pose ou de leurs effets. On les pose tout simplement parce que c’est de cette manière que la machine fonctionne et s’alimente. C’est pourquoi nous allons nous questionner, dans un prochain fragment plus critique, sur les coulisses de cette machine technologique qui exerce, en fait, un contrôle sur les modes d’existence des artistes, en régissant de manière purement sémiotique leur expression subjective et, plus largement, leurs formes de vies créatives.

L’art en ligne: les technologies détruisent-elles nos formes de vies créatives et subjectives?

Dans nos sociétés dorénavant informatisées à l’échelle globale, la technologie s’infiltre entièrement dans la vie des artistes, à l’image d’une machine étendant ses tentacules pour les envelopper jusqu’à l’asphyxie, quitte à ce qu’ils et elles soient progressivement évacué(e)s de leur propre vie. Bien qu’elle soit légèrement fantasque, cette métaphore figure le fait étrange que les artistes peuvent se sentir dépossédé(e)s de leur vie sitôt qu’ils et elles s’inscrivent dans ces machines tentaculaires ayant le pouvoir de contrôler leurs espaces numériques de vie au moyen d’un système considéré comme «sémiocapitaliste» (Berardi, 2015; Guattari, 2011; Lazzarato, 2006).

Dans ce fragment, nous cherchons à saisir comment le sémiocapitalisme –défini par Berardi (2015) comme la transmission des valeurs capitalistes par le biais de signes– crée des rapports d’asservissement entre les artistes et la machine, en transformant l’humanité des premier(ère)s en un composé sémiocapitaliste. Cet assujettissement limite ceux et celles-ci autant dans la saisie et l’expression de leur subjectivité que dans les relations qu’ils et elles entretiennent avec leurs propres formes de vies créatives.

La subjectivité dans un système sémiocapitaliste

Comme nous l’avons mentionné dans le précédent fragment, la machine sémiotique parvient à réguler les modes d’expression des artistes au sein de ces sphères numériques en formatant leur individualité par un processus de subjectivation qui doit les conduire à répondre à une certaine logique sémiocapitaliste. Genosko explique précisément ce processus de la façon suivante:

La subjectivité ainsi conçue est un processus machinique fait de coupures et de connexions; elle n’est pas un point, elle n’est pas intérieure, elle ne correspond ni à l’esprit ni à une personne. La subjectivité est extérieure, projetée par centrifugation, hors du centre consacré de l’individualité présumée souveraine et de l’égo. (2019: s. p.)

Les subjectivités incarnées par ces machines technologiques deviennent alors un alliage entre l’individualité qu’elles sont censées représenter et le mode de subjectivation préétabli par les machines technologiques, s’élaborant à partir de la transposition d’éléments subjectifs et créatifs en données informatiques. Cet alliage représente alors pour la machine la sujétion idéale d’un artiste: s’il fallait l’imaginer dans la vie réelle, ce serait un individu toujours souriant, se percevant en tant que branding et mettant de l’avant, par la publication de photos, de directs (lives) ou encore d’actualités (storys), la production de milliers de tableaux disponibles à la vente. Il faut savoir toutefois que ce processus est complexe à observer à partir d’une perspective humaine, car il est déterminé à la fois par les comportements des internautes et par les procédés sémiotiques élaborés par la machine.

Nous pouvons toutefois identifier plusieurs actions qui subjectivent les artistes quand ils et elles choisissent de répondre à ce qu’on leur demande de faire , comme la publication d’un contenu artistique (cas 1 et 2 dans le schéma), la promotion d’une photo de profil (cas 3 et 4) ou le «repartage» d’une publication avec un contenu créatif (cas 5).

Les processus de subjectivation

Les processus de subjectivation

Nous constatons que les artistes acceptant de poser ses actions se conforment, au fil du temps, aux normes capitalistes véhiculées par les machines technologiques, en réalisant parfois qu’elles les valorisent en obtenant une plus grande visibilité ou en augmentant leur réputation en ligne.

Cela étant dit, ces processus de subjectivation impliquent aussi que les artistes se détachent progressivement de leur subjectivité et se laissent ainsi contrôler ou, pour le dire plus exactement, déterminer par la machine, alors qu’il semblait que la fonction première de celle-ci était d’exposer leur singularité d’artistes. C’est que la relation que les internautes entretiennent finalement avec cette machine les amène à reproduire des gestes de façon mécanique2Les gestes sont limités par les opérations que commande la machine et sont purement expressifs puisqu’ils émanent d’opérations qui ne sont rattachées à aucun contenu –des opérations asignifiantes ou machiniques, comme lorsqu’on sort son téléphone de sa poche par simple habitude, et non parce qu’on en a véritablement besoin. Ces habitudes impulsives sont des gestes purement expressifs, non nécessaires, asignifiants, sans destination, sans contenu. Or, ce sont bien ces gestes impulsifs que la machine capitaliste veut s’approprier pour arriver à leur donner une valeur marchande. Si on comprend cela, on comprend bien ce que signifie le sémiocapitalisme. et à ne développer qu’une vision partielle et marchande de leurs créations, au risque de faire de la création pour servir les intérêts de la machine plutôt que les leurs. Car en acceptant ces normes de régulation sémiotique, les artistes se retrouvent en fait plongé(e)s dans un ensemble machinique structurant les rouages d’un système sémiocapitaliste au sein duquel leurs créations artistiques sont pensées uniquement en termes de sémiomarchandises (en tant qu’objets immatériels, services virtuels ou données numériques). La sémiomarchandise est une marchandise que les internautes consomment impulsivement et affectivement; l’artiste cherche donc à diriger cette impulsivité vers ses créations non pas pour qu’elles soient contemplées pour elles-mêmes, mais dans le but platement pragmatique de comptabiliser les clics impulsifs et de les rentabiliser.

Le modus operandi du sémiocapitalisme

La machine technologique a comme principale fonction de formater l’ensemble des manifestations humaines enregistrées sur ces plateformes numériques, dans le but de leur attribuer une valeur économique par leur réduction à l’état de marchandises dans un système sémiocapitaliste. La machine opère donc un décodage et une déterritorialisation qui consistent, selon Deleuze et Guattari (1972), à anonymiser, à décontextualiser et à réindexer les formes de vie, notamment celles qualifiées de «créatives», pour les transformer en flux économiques. La machine est donc programmée pour accumuler le plus de formes créatives possible et, finalement, pour exploiter le capital humain disponible dans les espaces numériques, de façon à renouveler le système sémiocapitaliste. Deleuze et Guattari (1972) avaient déjà parfaitement cette accumulation, bien avant l’invention des plateformes numériques et du terme même de sémiocapitaliste: «[L]e décodage et la déterritorialisation des flux définissent le processus même du capitalisme, c’est-à-dire son essence, sa tendance et sa limite externe.» (382)

Nous comprenons ainsi que la machine technologique donne l’illusion aux artistes de promouvoir, sans contrainte et en toute liberté, leurs formes de vies créatives, alors qu’elle les récupère pour les formater en tant que sémiomarchandises afin de perpétuer le système sémiocapitaliste. Connaissant mieux les impacts du sémiocapitalisme sur la subjectivité des artistes et sur leurs créations, il sera plus facile, dans le prochain fragment, de considérer les conséquences de cette sémiotique sur le métier d’artiste.

L’impact du sémiocapitalisme sur l’activité artistique: entrepreneur(euse) de soi ou travailleur(euse) aliéné(e)?

Les artistes sont désormais visibles sur toutes les plateformes, et donc partout sur Internet: ils et elles vendent des tableaux sur Etsy, proposent leurs services en tant que consultant(e)s sur Google et organisent des concours pour offrir leurs goodies sur les réseaux sociaux. La forte tendance à la professionnalisation parmi les artistes publiant sur les plateformes numériques témoigne de l’influence cruciale du sémiocapitalisme sur les métiers des arts en ligne.

Faisant écho à ces modes de subjectivation, Pierre-Michel Menger (2009) considère que le travail artistique incarne depuis peu l’un des archétypes de ces nouvelles formes d’organisation du travail, au sens où on y retrouve les mutations les plus significatives du marché actuel de l’emploi: un haut degré d’engagement exigé dans l’activité, une grande autonomie, une certaine flexibilité et une acceptation des gratifications non monétaires. Pour souscrire davantage à cette logique de marché (sémio)capitaliste, les artistes sont même prêt(e)s à adopter des statuts atypiques comme celui d’autoentrepreneur(euse) ou d’artiste à temps partiel.

L’exacerbation de l’art réduit à une telle logique capitaliste a d’ores et déjà été critiquée par des artistes sous le mode de l’ironie ou de l’humour, par exemple par Piero Manzoni, qui a vendu, au début des années 1960, des conserves contenant 30 grammes de sa propre merde au prix de 30 grammes d’or (fixé en fonction du cours boursier), dans l’espoir qu’un jour sa merde vaille plus cher que l’or (Heinich, 1998, 26). Cependant, le problème, dans les circonstances actuelles, est que cette machine technologique renforce la logique (sémio)capitaliste d’ores et déjà présente dans plusieurs secteurs de l’emploi, en plus d’exacerber les inégalités parmi les artistes en ligne en participant indirectement à la concurrence déjà très présente dans le domaine des arts. Comme le sémiocapitalisme valorise davantage ceux et celles qui se conforment aux modes de subjectivation et aux règles normatives de la publication répétée de contenu numérique, le système de promotion des arts en ligne s’établit clairement sur le principe de privilégier certaine(s) artistes non pas en fonction de la qualité de leurs œuvres, mais de leur potentiel (sémio)capitaliste.

La «managérialisation» du travail artistique

D’un point de vue sémiotique, la machine technologique aurait tendance à créer l’illusion que les espaces numériques peuvent incarner les décors de leurs accomplissements professionnels. À force d’utiliser les plateformes numériques, les gestes des internautes peuvent devenir systématiquement pensés, leurs actions, automatiquement calculées, et leurs instants, nécessairement comptés. Le rapport mécanisé entre leurs gestes, actions et conceptions du temps est précisé dans le schéma ci-dessous, qui illustre bien les procédures à suivre pour devenir un(e) artiste de référence en ligne.

Artiste: mode d’emploi

Artiste: mode d’emploi

Le constat est d’ailleurs flagrant: plus les artistes se soucient des rétroactions de la machine, plus ils et elles finissent par gérer leurs activités de façon managériale, en pensant la production de leurs œuvres de manière stratégique et prédictive en fonction du gain financier qu’ils et elles peuvent en tirer. En optimisant ainsi leurs créations, les artistes choisissent de privilégier, parfois malgré eux et elles, la quantité à la qualité, et donc le principe selon lequel c’est principalement le nombre qui donne un sens à leurs activités artistiques. Mais que faisons-nous du sens de la création?

Dès lors, ce qui change profondément pour ces artistes consiste principalement à affronter la difficulté de créer du sens à partir d’une démarche artistique où les œuvres perdent leur signification et, par suite, leur singularité, lorsqu’elles sont uniquement destinées à la vente ou à la promotion des avatars numériques de leurs créateurs(rice)s.

L’autoentrepreneuriat: le sémiocapitalisme à son paroxysme

Parmi l’ensemble des activités professionnelles qu’il est possible d’exercer en tant qu’artiste, l’autoentrepreneuriat est l’une des plus problématiques puisqu’elle implique que les artistes s’aliènent et s’exploitent eux et elles-mêmes en utilisant de façon mécanique et répétée cette machine technologique qui leur fournit, en échange, un espace pour promouvoir leurs productions artistiques. Pour répondre à leurs objectifs commerciaux, les artistes autoentrepreneur(e)s sont souvent incité(e)s à souscrire aux normes sémiocapitalistes, et donc à accepter de participer activement à la captation de leur singularité et à la réduction de leurs œuvres à l’état de sémiomarchandises, s’ils et elles veulent effectivement tirer un gain financier de leurs créations et, de ce fait, de leur propre exploitation.

Après un examen minutieux de cette forme d’emploi, nous considérons que l’autoentrepreneuriat pousse l’industrie de l’art à son plus grand paradoxe, car les artistes, comme l’indique si bien Lazzarato (2006), deviennent à la fois maître(sse)s et esclaves de leurs activités artistiques, en devant entretenir un double discours et une double logique afin de garantir leurs productions artistiques. Ils et elles doivent adopter des postures incompatibles –être un sujet d’énonciation en tant qu’autoentrepreneur(e) et, de façon simultanée, un sujet d’énoncé en tant qu’artiste–, en plus de devoir s’attribuer des mandats contradictoires, à savoir une maximisation de la production des ressources immatérielles par l’exploitation maximale de leurs fonctions cognitives pour assurer la création incessante de sémiomarchandises.

Les autoentrepreneur(e)s portent ainsi la subjectivation et l’exploitation du sémiocapitalisme à son paroxysme, puisqu’ils et elles reproduisent les processus de subjectivation et d’exploitation de manière autonome, sans qu’une intervention de la machine soit nécessaire. Les artistes sont finalement incité(e)s à s’aliéner eux et elles-mêmes: plus ils et elles développent leurs capacités intellectuelles pour accroître leur subjectivation et rester concurrentiel(le)s sur le marché en ligne, plus ils et elles contribuent à l’exploitation de leurs facultés cognitives et créatives.

Le sémiocapitalisme entraîne ainsi l’asservissement des artistes par la machine, mais aussi, et de manière moins apparente, celui de leur propre subjectivité par leurs fameuses extensions numériques qui se matérialisent en une chose située entre l’humain subjectivé et la machine possédant une certaine volonté. La machine et ses procédés sémiocapitalistes instaurent donc, à force d’être utilisés par les artistes, les conditions et les instruments de la mise à mort de leur subjectivité en tant qu’artistes, alors qu’elles sont pourtant essentielles pour développer leur créativité et les singulariser dans le domaine des arts.

La libre expression de la subjectivité: un autre monde est-il possible?

Libération des affects, standardisation des préférences, formatage des subjectivités: les espaces numériques sont autant des lieux propices à une expression plurielle des subjectivités que des sphères où la liberté est plus restreinte que jamais par la tendance de ces sémiotiques (a)signifiantes à réduire le plus possible les modalités d’expression subjective en ligne. Suite à cette démonstration en plusieurs fragments, nous pouvons affirmer que le sémiocapitalisme exerce une pression telle sur les artistes qu’ils et elles se transforment, sous la couche de leur deuxième peau, en êtres essentiellement techniques et, finalement, en machines profondément subjectivées.

L’impact du numérique sur la subjectivité et la création artistique est profond. Il provient de ces flux machiniques sémiocapitalistes, en apparence immatériels et infinis, qui marquent de manière ontologique les modes d’existence de ces artistes. En fait, ceux-ci modulent le sens qu’ils et elles attribuent à leurs formes de vies créatives par une succession de rétroactions avec les flux machiniques, ce qui leur permet de faire corps avec ces flux et, par extension, de rejoindre les personnes qui consultent leurs pages. Ce processus complexe soulève la question suivante: comment peut-on envisager l’existence d’une certaine forme de liberté au sein de ces espaces numériques si une part de la subjectivité de l’artiste est déterminée par la machine sémiocapitaliste?

Pour le poser théoriquement en nous inspirant de Guattari (2011: 173), on dirait qu’il est impossible pour les subjectivités de se libérer politiquement lorsqu’elles utilisent cette machine technologique, car leur corps demeure assujetti à ces agencements sémiotiques qui les condamnent, qu’elles le veuillent ou non, à être gouvernées par une intelligence algorithmique. Pourtant, nous nous refusons à un tel pessimisme: une émancipation des subjectivités pourrait tout à fait s’envisager si leur corps, qui est déjà l’extension de cette machine technologique, devenait en même temps l’«extension du domaine de la lutte» qui, pour détourner le titre du roman de Michel Houellebecq, les invite à «se dépouiller des œuvres des ténèbres et [à] revêtir les armes de la lumière» (1994: 5).

Lutter contre la machine

Bien que la machine technologique paraisse difficile à dépasser, elle n’est pourtant pas infaillible lorsque nous connaissons les causes qui nous déterminent et les effets que nous produisons lorsque nous interagissons elle, car nous devons lutter contre ces causes et effets; bref, si nous reconnaissons notre place dans le long enchaînement causal que sont les opérations machiniques, nous serons mieux à même de combattre la machine. La principale fonction de la machine est de se réapproprier les formes de vies créatives pour assurer la circulation constante d’un flux sémiotique relançant sans cesse le système sémiocapitaliste et assurant le maintien de la valeur des sémiomarchandises. Cependant, les flux sont simplement des modes de continuité basés sur le principe de la transformation d’un nombre infini d’objets et de sujets numériques emportés dans des mouvements de duplication, de vectorisation ou de sérialisation à des fins de reproduction technique, comme aurait pu l’affirmer Walter Benjamin (2012 [1935]).

Après examen critique de ce processus, nous constatons que le sémiocapitalisme repose principalement sur une double opération sémiotique: la transformation et le maintien des formes de vie en flux et en stases. En ce sens, le sémiocapitalisme ne détruit pas entièrement la dimension vitale de ces formes; autrement dit, il les transforme en flux sans pour autant les dénaturer complètement quand elles se solidifient en stases. D’où le fait que les objets et les sujets ne sont jamais modifiés dans un sens purement machinique –et donc entièrement autre qu’humain– au moment où ils sont incorporés dans la machine. Comme le résume Frédéric Neyrat, le système sémiocapitaliste fonctionne ainsi: «[R]ien ne change, ou tout change, c’est tout comme.» (2009: 4)

À notre avis, c’est dans les interstices de ce processus sémiocapitaliste que réside l’émancipation de ces subjectivités prisonnières de la machine technologique. Cette marge de liberté se situerait non pas dans la vaste étendue des territoires sémiotiques offerts en surface aux artistes, mais plutôt dans l’infime extension de leur corps qui se déploie dans la profondeur de ces territoires numériques où les objets et les sujets se déterritorialisent. Ce faisant, ils perdent leur contenu et deviennent, sémiotiquement parlant, une pure substance expressive qui coule dans les veines des artistes, dont certain(e)s font dorénavant corps avec la machine.

Pour lutter contre ce processus machinique, les artistes doivent plonger au cœur de cette substance sémiotique et toucher les frontières entre leur corps et ses mutations numériques, situées à la lisière entre l’humain et la machine et au sein desquelles il existe toujours un sens qui exprime leur humanité. Certes, l’hybridation est un moyen sémiocapitaliste de renforcer la saisie des modes de subjectivation par l’accumulation d’éléments présubjectifs et préindividuels initialement rattachés à la singularité des artistes, mais elle possède, en fait, un potentiel révolutionnaire pour les artistes souhaitant y instancier l’empreinte fondamentalement humaine de leur subjectivité actuelle.

Habiter à nouveau les formes de vies humaines

La dimension humaine, qui réside toujours en chacun des sujets et des objets déterritorialisés, permettrait finalement aux artistes de retrouver les significations associées aux formes de vies qu’ils et elles ont éparpillées parmi ces espaces numériques. De façon similaire à Giorgio Agamben, nous croyons qu’une émancipation peut être rendue possible grâce au plein potentiel de vie qu’incarnent ces formes créatives à travers lesquelles les artistes pourraient se détacher de leur asservissement à la machine technologique. Agamben précise:

Tous les modes, les actes et les processus du vivre ne sont jamais simplement des faits, mais toujours et avant tout des possibilités de vie, toujours et avant tout des puissances. Tout comportement et toute forme du vivre humain ne sont jamais prescrits par une vocation biologique spécifique, ni assignés par une nécessité quelconque, mais, bien qu’habituels, répétés et socialement obligatoires, ils conservent toujours le caractère d’une possibilité, autrement dit, ils mettent toujours en jeu le vivre même. (2002 [1993]: 13-14)

Si on reprend les termes d’Agamben, ces formes de vies créatives conservent toujours un potentiel de vie humaine et incarnent, de ce fait, une possibilité pour les artistes de se réapproprier leur empreinte d’humanité au sein même des espaces numériques.

Cette réappropriation n’est possible que si les artistes habitent à nouveau complètement les formes de vie présentes parmi ces espaces numériques, en redonnant pleinement sens à leurs œuvres créatives et en réaffirmant leur puissance d’agir en tant que subjectivités. De cette manière, ces artistes pourraient accorder une dimension existentielle profonde autant à leurs œuvres qu’à leur subjectivité, comme l’affirme si bien Nicolas Bourriaud (2009 [1999]), ce qui contribuerait à la lutte contre les actuelles et futures sujétions à la machine technologique.

Le schéma ci-dessous, inspiré de celui présenté par Marion Colas-Blaise (2012), montre que les formes de vie véhiculent un monde de sens possibles, oscillant entre l’activité de l’humain et celle de la machine. Malgré donc la rétroaction de cette dernière, les internautes doivent parvenir à réattribuer un sens vital à leur existence en tant qu’artistes, afin qu’ils et elles retrouvent l’importance de produire du sens avec leurs formes de vies créatives.

Schéma d’oscillation de la forme de vie

Schéma d’oscillation de la forme de vie

En priorisant la vitalité de leurs vies créatives, les artistes réussiraient finalement à retrouver cette subjectivité dont ils et elles sont maître(sse)s souverain(e)s et à dépasser ces mécanismes sémiocapitalistes intégrant leur corps au fonctionnement même de la machine. Par ce choix essentiel et vital, ces artistes parviendraient à faire vivre les œuvres qu’ils et elles projettent dans le monde et à retrouver leurs modes d’existence en tant qu’artistes –et, plus fondamentalement, en tant qu’humains.

 

Bibliographie

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Spinoza, Baruch. 1677. Éthique. Paris : Flammarion, « GF », 382 p.

  • 1
    La métaphore du «mycélium de sens» évoque l’idée que la compréhension d’un phénomène s’acquiert à partir d’une ramification de sens, à l’image des filaments souterrains sur lesquels les champignons croissent.
  • 2
    Les gestes sont limités par les opérations que commande la machine et sont purement expressifs puisqu’ils émanent d’opérations qui ne sont rattachées à aucun contenu –des opérations asignifiantes ou machiniques, comme lorsqu’on sort son téléphone de sa poche par simple habitude, et non parce qu’on en a véritablement besoin. Ces habitudes impulsives sont des gestes purement expressifs, non nécessaires, asignifiants, sans destination, sans contenu. Or, ce sont bien ces gestes impulsifs que la machine capitaliste veut s’approprier pour arriver à leur donner une valeur marchande. Si on comprend cela, on comprend bien ce que signifie le sémiocapitalisme.
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