Cahiers Figura, numéro 28, 2011
Poétiques et imaginaires de l’événement
Au carrefour des savoirs, au fondement de la fiction et des questionnements du contemporain, l’événement est un concept clé pour saisir notre temps et ses productions culturelles. Dans sa tension entre le particulier et le général, il dit les inquiétudes actuelles de la connaissance, aux prises avec une méfiance envers les systèmes explicatifs. L’événement rend légitime le récit: étant exceptionnel, il exige d’être raconté; mais il est aussi cette discordance potentielle, ce résidu qui résiste, qui sont la matière des perplexités narratives contemporaines. À partir de l’événement, enfin, la fiction sonde l’histoire et examine sa propre capacité à dire quelque chose du monde. Autant de perspectives littéraires, philosophiques et esthétiques convoquées par ce concept et que les articles de ce collectif invitent à explorer.
Avec des textes de René Audet, Bruno Blanckeman, Annie Dulong, Bertrand Gervais, Marie-Pascale Huglo, Paule Mackrous, Amélie Paquet, Anne Martine Parent, Nathalie Roy, Sylvano Santini, Karin Schwerdtner et Nicolas Xanthos.
Articles de la publication
À la lumière de l’événement
Au carrefour des savoirs, au fondement de la fiction, au coeur des questionnements du contemporain, l’événement est à tous égards un concept fécond pour saisir quelque chose de notre temps et de ses productions culturelles.
Mirages de l’événement
Si l’on dit communément d’un livre qu’il fait événement, si l’on pense, encore plus communément, qu’un bon nombre de livres publiés constituent des non-événements, plus litigieuse semble l’appréhension de l’événement en sa qualité littéraire -production narrative et effet de fiction.
Le temps interrompu. L’événement contemporain entre narrativité et historicité
Alors que l’événement, dans les autres textes du présent ouvrage, est parfois lié aux affects, parfois envisagé dans son effacement ou sa problématisation, dans le contexte essentiellement fictionnel et romanesque, il me paraît stimulant d’entamer une réflexion sur le rôle de l’événement en narrativité contemporaine.
Irréductibilités événementielles dans le roman d’enquête contemporain
Le narrateur du très beau roman «Missing» de Claude Ollier a ces mots sur l’événement: «Tout événement est une apothéose, un couronnement, le sacre d’un état fugace, la célébration d’un indécidable dont un des termes vient d’éclore, baptisé “logique”, où le récit se coule maintenant à l’ombre des déductions et des enchaînements dans la continuité du vrai ou du faux, sans plus.»
Désastres infinitésimaux. Affect et (dé)mesure de l’événement chez Toussaint et Lenoir
Un homme verse de l’acide chlorhydrique sur une fleur. Un autre saisit le sein d’une femme. Peut-on parler d’événements? Si peu. Et pourtant, dans l’univers romanesque où ces deux gestes prennent place, ce sont des événements, des désastres infinitésimaux, qui font irruption et perturbent irrémédiablement le cours des choses pour les personnages.
Que se passe-t-il quand il ne se passe rien? L’événement et le quotidien dans la littérature narrative contemporaine
La littérature narrative contemporaine se démarquerait par une transitivité dont l’un des traits distinctifs serait l’exploration renouvelée de l’événement comme mode du devenir. Si ce devenir engage un questionnement individuel ou collectif du monde, il implique aussi une transformation étroitement liée à la constitution du récit.
Paul Auster et la vie secrète des événements
Les événements prennent une place prépondérante dans la poétique de Paul Auster. Dans son écriture, l’anecdote prend le dessus sur la phrase; la logique des événements, les coïncidences et les contingences l’emportent sur les effets de style et les constructions savantes.
Le touriste ou celui qui préférait éviter les événements dans «Plateforme» de Michel Houellebecq
L’événement constitue une rupture imprévisible qui engendre un changement d’état dans le cours du monde quotidien. Jean-Pol Madou, dans «L’événement, l’idée et le phénomène», rappelle l’origine grecque du mot: «Tout événement est un scandale, du grec «skandalon». Pierre d’achoppement pour la pensée, car tel est bien le sens originaire de «skandalon», l’événement n,a jamais eu véritablement droit de cité en philosophie».
Géographie de l’imaginaire. «Falling Man» et le roman du 11 septembre
Dès les premiers jours, pour ne pas dire les premières heures, après les attentats du 11 septembre 2001, les écrivains furent interpellés, comme si, devant les images si fortes de cette journée, seule la littérature pouvait permettre de redonner forme et sens à l’événement.
Le prix de l’inutilité. Représentation de l’écriture uchronique chez José Saramango
Avant d’aborder mon objet principal -la mise en scène de l’écriture d’une uchronie dans «L’Histoire du siège de Lisbonne» de José Saramango-, je tiens à préciser le sens que je donnerai tout au long de ce texte à l’expression «événement historique».
Visages d’avatars. Événements esthétiques et histoire de l’art
Durant les années 2006 et 2007, les artistes Eva et Franco Mattes ont exploré les lieux populaires du monde virtuel «Second Life» à la recherche des avatars les plus fameux. Si le projet «Second Life» était d’abord annoncé par «Linden Lab» comme un lieu virtuel por la création d’un monde imaginaire, il est rapidement devenu un lieu commun de promotion pour les compagnies de toutes sortes.
«Ce n’était donc pas un faux calibre 38 ne contenant aucune balle.» Perspectives sur l’événement chez Marie-Claire Blais
Dans les quatre romans de Marie-Claire Blais qui constituent ce que j’appellerai le «cycle “Soifs”», la poétique de l’événement participe d’un jeu de reconfiguration du temps historique et actuel, selon une perspective qui évoque celle de Benjamin dans ses thèses «Sur le concept d’histoire».
De l’événement dans «Sable noir» de Chantal Chawaf
Tout un pan de la littérature française contemporaine se caractérise par la prise en compte de l’Histoire et de la mémoire, celles surtout de la période de l’Occupation et des événements de la Deuxième Guerre mondiale. Parmi les romans sur la guerre parus depuis ce que Dominique Viart conçoit comme «la vague de 1997, année de parution de “Dora Bruder”», se trouve «Sable noir» de Chantal Chawaf.