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«Sa voix allait remplacer la kalachnikov» Quand les terroristes parleront comme nous, il n’y aura plus de guerre?

Chantal White
couverture
Article paru dans Quelques échos littéraires du 11 septembre 2001, sous la responsabilité de Jimmy Thibeault (2023)

  

En janvier 2019, les journaux américains et canadiens annonçaient la capture récente, par les forces démocratiques syriennes, de Mohammed Khalifa, un citoyen canadien qui avait prêté sa voix aux vidéos de recrutement de l’État islamique. Amarnath Amarasingam, un chercheur canadien qui étudie la radicalisation à l’Institut pour le dialogue stratégique, avait été l’un des premiers à soupçonner l’identité canadienne du narrateur de The Flames of War (2016). Il dit ne pas avoir été pris au sérieux lorsqu’il soutenait que cette voix qui vantait les mérites de l’organisation terroriste et qui, au nom de cette même organisation, revendiquait la responsabilité des attentats de Paris, «sonnait comme les gens avec qui il avait grandi à Toronto». Il était en effet sans doute difficile pour plusieurs de concilier la familiarité de cet accent avec l’image qu’ils se faisaient du terroriste, fondamentalement et irrémédiablement étranger. Et pourtant, Amarasingam avait raison; cet «autre» sonnait comme nous, précisément parce qu’il était nous. Cette insistance sur la familiarité du terroriste qu’on aurait pu côtoyer dans la cour d’école ou sur les patinoires extérieures, «the terrorist next door», ressort particulièrement dans la description que les journaux font de lui avant sa radicalisation.

Né en Arabie saoudite, de parents éthiopiens, Khalifa grandit à Toronto, où s’installe sa famille alors qu’il n’a que huit ans. Avant d’aller rejoindre les rangs du groupe djihadiste Muhajireen Wal Ansar à partir de la Turquie, Khalifa, qui avait complété une formation collégiale en informatique, travaillait pour une compagnie affiliée à IBM. Ce jeune informaticien, qui aurait très bien pu occuper un cubicule dans une des nombreuses tours à bureaux du centre-ville torontois, aurait lui-même été radicalisé à distance en visionnant des vidéos de recrutement sur YouTube, semblables à celles dont il allait plus tard faire la narration.

La terreur particulière qu’inspire Khalifa et ce qui motive les journalistes canadiens et américains à se rendre jusqu’en Syrie pour chercher à le rencontrer, c’est justement qu’il ne ressemble pas à l’image convenue que l’on se fait du terroriste qui nous est complètement étranger. En fait, Khalifa, comme d’autres terroristes domestiques, nous confronte à l’échec des politiques d’intégration que plusieurs pays ont mises en place dans la foulée des attentats du 11 septembre dans l’espoir d’amener l’autre à s’identifier à nous. Depuis l’effondrement du World Trade Center par un beau matin d’automne à New York, la menace terroriste s’est déplacée. Le terroriste n’est plus l’autre qui vit au loin, c’est plutôt l’autre qui, malgré son altérité, vit parmi nous (Ceyhan 2001, 118-119). Dans plusieurs pays européens et nord-américains, les politiques d’intégration qui ont vu le jour, et les débats de société qui ont cours depuis les attentats du 11 septembre, ciblent les immigrants et leurs différences, d’abord religieuses, mais aussi linguistiques.

Selon Rachad Antonius, Micheline Labelle et François Rocher, depuis les attentats du 11 septembre, les politiques d’immigration canadiennes ont pris un virage résolument plus sécuritaire et ce sont d’abord et avant tout les lois en matière d’immigration, plutôt que les lois du code pénal, qui ont pris acte de cette nouvelle menace terroriste: «Les lois sur l’immigration ont été utilisées pour répondre à la menace du terrorisme, plutôt que les dispositions prévues dans le droit pénal avec l’adoption de la loi anti-terroriste1«Immigration laws have been used to respond to the threat of terrorism, rather than the provisions set out in criminal law by the adoption of the anti-terrorist law.»» (Antonius, Labelle et Rocher 2007, 194. Je traduis.) Ils s’appuient sur les travaux du juriste canadien Kent Roach pour dire que les lois canadiennes anti-terrorismes adoptées dans la foulée des attentats du 11 septembre ont été dans une large mesure purement symboliques dans la lutte contre le terrorisme, «alors que les lois en matière d’immigration ont été utilisées à des fins pratiques de contrôle des frontières et des personnes migrantes, dans un effort pour endiguer le flot des réfugiés et des immigrants, perçus comme l’une des nouvelles menaces dans l’ère post onze septembre» (Antonius, Labelle et Rocher 2007, 194-195. Je traduis.)2«while immigration laws have been used for the practical end of controlling borders and migrants, attempting to keep out refugees and illegal immigrants, who have been perceived as one of the new threats in post-9/11 era.» Dans un livre paru en 2009, ces auteurs analysent comment le virage entrepris par l’État canadien et l’État québécois au lendemain du 11-Septembre a été perçu et vécu par les immigrants d’origine arabo-musulmane, particulièrement ciblés par ces nouvelles politiques en matière d’immigration et de gestion de la diversité (Labelle, Rocher et Antonius 2009).

Depuis la Révolution tranquille, le Québec a négocié une série d’ententes avec le gouvernement fédéral lui permettant d’exercer un plus grand contrôle dans le domaine de l’immigration. Par exemple, l’Accord Québec-Canada, conclu en 1991, «vise, entre autres, à préserver le poids démographique du Québec au sein du Canada et à assurer une intégration des immigrants dans la province respectueuse de son caractère distinct» (Accord Gagnon-Tremblay-McDougall 1991, article 2). En vertu de cet accord, les services d’accueil et d’intégration linguistique et culturelle offerts aux résidents permanents présents dans la province tombent sous la responsabilité du gouvernement du Québec (Accord Gagnon-Tremblay-McDougall 1991, article 24). Force est de constater que depuis le début des années 2000, le Québec a traversé une série de crises qui ont forcé les Québécois à s’interroger sur leur approche face à la diversité. Cependant, à travers toutes ces crises, de la crise des accommodements raisonnables à partir de 2006, à l’adoption très controversée sous le bâillon de la Loi sur la laïcité de l’État à l’été 2019, en passant par les débats entourant le projet de Charte des valeurs québécoises présenté par le gouvernement de Pauline Marois en 2013, le rôle que devra jouer le français dans le processus d’intégration des immigrants et dans l’élaboration d’un nouveau Québec pluriel est demeuré incontesté. Par exemple, à l’été 2019, l’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État a rapidement et largement éclipsé, dans la couverture médiatique, la réforme de l’immigration présentée dans le projet de loi 9 qui concernait, entre autres, les nouvelles exigences linguistiques pour les immigrants qui demandaient la résidence permanente à partir de la province de Québec. Pourtant, ces deux projets portés par le député de la circonscription de Borduas, Simon Jolin-Barrette, ministre à l’époque de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, faisait partie d’une seule et même stratégie de gestion de la diversité pour le gouvernement de la Coalition avenir Québec, au pouvoir depuis octobre 2018.

Afin de mieux comprendre comment le rôle du français comme langue publique commune est envisagé dans cette politique de gestion de la diversité, je m’intéresse aux discours politiques et médiatiques récents portant sur la francisation des immigrants au Québec. À partir d’une analyse du discours critique (Fairclough 2013; Johnstone 2018, 43-67) de la couverture médiatique de deux dossiers touchant de près la question des exigences linguistiques pour les immigrants souhaitant s’établir au Québec et d’une comparaison avec des discours similaires qui ont cours en Europe sur la langue que parlent les immigrants, je tente de dégager comment les événements du 11 septembre 2001 ont infléchi le discours sur la nécessaire francisation des immigrants. M’inspirant des travaux de Rachelle Vessey (2016), je compare la couverture médiatique dans les journaux francophones et anglophones pour essayer de dégager, dans la comparaison, les idéologies linguistiques qui sous-tendent le cadrage de cette question par les journalistes francophones et anglophones. Comprises comme les idées et les a priori qui circulent sur les langues et les variétés de langue et qui, à leur tour, influencent la perception que les locuteurs se font de ces langues et de ceux qui les parlent et leurs propres pratiques linguistiques, les idéologies linguistiques sont souvent intériorisées et rarement remises en question à l’intérieur d’une même communauté linguistique (Schieffelin, Woolard et Kroskrity 1998). C’est dans la confrontation et le contraste qu’elles apparaissent plus clairement (Makihara et Schieffelin 2001; Schieffelin et Makihara 2021). À l’instar de Rachelle Vessey, j’estime que la comparaison de la presse anglophone avec la presse francophone au Canada nous permet d’examiner le rôle que jouent les idéologies langagières dans le discours médiatique pour voir comment ces idéologies influencent l’imagination collective de l’État-nation (Vessey 2016, 18). Au cœur de l’analyse médiatique se trouvent deux dossiers qui touchaient de près la question des exigences linguistiques pour les immigrants souhaitant s’établir au Québec, soit la décision, à la fin du mois de janvier 2019, par le gouvernement canadien de ne pas soumettre au débat dans la Chambre des communes le projet de loi C-421, déposé par le Bloc québécois. Ce projet de loi concernait le seuil de compétences minimales en français pour l’obtention de la citoyenneté pour les immigrants résidant au Québec. Je me pencherai aussi sur l’adoption de la réforme de l’immigration, le projet de loi 9, sous le bâillon à l’été 2019.

   

Pourquoi s’intéresser à ces discours à la lueur du 11-Septembre

Selon Deborah Cameron, les discours que l’on tient sur la langue, et son rôle dans la société, méritent l’attention des linguistes puisqu’ils sont, comme le dit Cameron, autant une partie intégrale de l’activité linguistique humaine que le sont les voyelles dans le système phonétique (1995, 1). Selon elle, les formes que prend cette activité normative sur la langue sont étroitement liées au contexte sociohistorique et expriment certaines préoccupations ou angoisses qui dépassent le cadre strictement linguistique. L’intervention sur la langue devient dès lors une tentative d’intervention sur l’ordre du monde.

Dans son article intitulé «The one, the many, and the Other: Representing multi- and mono-lingualism in post-9/11 verbal hygiene» (2013), Cameron s’intéresse aux angoisses qu’expriment les discours politiques récents sur les langues que parlent les immigrants en Grande-Bretagne. Selon elle, l’apparition de cette préoccupation, qui semble transcender les divisions politiques dans un pays où la question linguistique n’avait guère été soulevée auparavant, s’explique par une volonté de surmonter les divisions et les tensions culturelles qu’entraîne l’immigration en imposant une unité par la langue. Ainsi, dans ces discours, la langue commune est représentée comme garante de la cohésion, une panacée qui permet d’écarter, on l’espère, la menace du terrorisme domestique.

Dans la même veine, à partir d’une analyse des discours politiques qui ont accompagné l’entrée en vigueur de ces politiques depuis les émeutes raciales de 20013Entre les mois de mai et de juillet 2001, les villes de Oldham, Burnley et Branford, au nord de l’Angleterre, ont été secouées par de violents affrontements entre jeunes d’origine asiatique et extrémistes de droite. Les émeutes d’Oldham, les premières survenues en mai 2001, sont décrites comme les pires émeutes à caractère ethnique à avoir ébranlé le Royaume-Uni depuis 1985, éclipsant momentanément les violences en Irlande du Nord. et les attentats sur le métro de Londres4Le 7 juillet 2005, quatre attentats suicides touchent les transports publics de Londres et font 56 morts et 784 blessés. Perpétrés par des citoyens britanniques ordinaires et partiellement revendiqués par Al Qaeda, ces attentats ont été les plus meurtriers à Londres depuis la Deuxième Guerre mondiale. et qui visaient à en légitimer la pertinence, Adrian Blackledge révèle comment les langues parlées par les immigrants en sont venues à être représentées comme une menace pour la cohésion nationale. Il note d’ailleurs qu’en 2007, le gouvernement britannique envisageait d’exiger que les immigrants qui demandaient l’admission sur le territoire dans le cadre du programme de réunification familiale réussissent un test de compétence en anglais. Loin de décourager les gens de rejoindre leurs proches au Royaume-Uni, cette nouvelle politique se voulait, dans le discours officiel, «une façon d’aider les nouveaux arrivants à mieux s’intégrer et ainsi contribuer à la cohésion de la communauté qu’ils allaient rejoindre» (Blackledge 2009, 1145Blackledge cite ici un rapport de consultation du gouvernement britannique paru en 2007, intitulé Marriage visas: Pre-entry English requirement for spouses. Je reproduis ici la citation complète en version originale: «The aim in requiring spouses to demonstrate some ability in the English language is not to deter people from joining their loved ones; it is to help facilitate their integration and contribute to the cohesion of the community they will join» (2007, paragraphe 3.1).). Comme le souligne Blackledge, cette affirmation part de la prémisse que les problèmes de «cohésion» au sein du Royaume-Uni étaient liés au manque de maîtrise de l’anglais des immigrants admis dans le cadre du programme de réunification familiale (Blackledge 2009, 114).

La Grande-Bretagne n’est pas la seule à chercher à écarter la menace du terrorisme domestique en imposant sa langue aux immigrants qui souhaitent s’y établir. Depuis les attentats du 11 septembre, plusieurs pays européens ont pris des mesures pour faire de la maîtrise de la langue une condition d’accès au territoire, de séjour ou de citoyenneté (Extramiana et Van Avermaet 2010, 9-10; Beacco et al 2017). Extra, Spotti et Van Avermaet, qui notent le resserrement des politiques d’immigration dans plusieurs pays européens autour de critères linguistiques, affirment que, dans certains cas, ces politiques peuvent être adoptées en réponse à la menace du terrorisme islamique et s’inscrire dans un discours qui mise sur la peur que peuvent ressentir les citoyens de devenir un jour la cible d’attentats terroristes. Selon eux, ces politiques s’appuient sur la conception traditionnelle de l’État-nation, fondée sur le principe d’une langue, d’une identité et de normes sociétales et de valeurs culturelles partagées (Extra, Spotti, et Van Avermaet 2009, 34). Dans plusieurs cas, l’apprentissage de la langue du pays d’accueil par l’immigrant est perçu comme un indicateur de sa volonté de s’assimiler dans cette société (Métraux 2017, 19), une volonté qui évidemment, selon cette logique, ferait défaut au terroriste interne.

   

La situation particulière du Québec – un débat qui ne date pas d’hier

Dans le discours politique et médiatique au Québec, les langues que parlent les immigrants ne sont pas une préoccupation récente qui remonte uniquement aux attentats du 11 septembre. Selon plusieurs, la Charte de la langue française, adoptée en 1977, qui fait du français «la langue publique commune» dans la province de Québec, avait à l’origine l’objectif d’attirer davantage d’immigrants dans le groupe francophone en rehaussant le prestige de la langue française (Kymlicka 2001, 286). Ainsi, deux aspects fort controversés de la Charte de la langue française, à savoir l’article 58 sur les langues de l’affichage commercial et les dispositions du chapitre XIII concernant l’accès à l’école publique en anglais pour les enfants d’immigrants, ciblaient plus particulièrement les immigrants qui, avant l’entrée en vigueur de la loi, avaient tendance à adopter l’anglais, la langue majoritaire du Canada. En matière de gestion de la diversité, le Québec se targue de promouvoir une politique d’interculturalisme, qu’il oppose au multiculturalisme canadien et à la politique assimilationniste du melting pot américain. Néanmoins, l’interculturalisme, qui fait du français le point de ralliement autour duquel les différents groupes culturels peuvent s’unir pour redéfinir les bases d’une identité québécoise plurielle, n’a pas encore, en dépit d’un projet de loi déposé en ce sens le 30 octobre 2019, de statut légal (Rocher, Labelle, Field et Icart 2007, 47; Baillargeon 2021), une situation que déploraient déjà Gérard Bouchard et Charles Taylor dans leur rapport Fonder l’avenir: Le temps de la conciliation (Bouchard et Taylor 2008, 269) et qui, plus de dix ans après la commission sur les accommodements raisonnables, manque toujours pour encadrer et guider l’approche du gouvernement québécois dans le dossier de l’immigration (Baillargeon et Gervais 2017)6Dominique Anglade, à l’époque où elle aspirait devenir cheffe du Parti libéral québécois, avait d’ailleurs annoncé, lors d’un point de presse faisant suite aux rencontres de l’aile jeunesse du PLQ, le dimanche 11 août 2019, qu’elle ferait d’une loi sur l’interculturalisme un de ses dossiers prioritaires..

Contrairement à l’exemple de la Grande-Bretagne sur lequel s’appuient les analyses de Cameron et Blackledge, ce qui précède devrait suffire à montrer que les discours sur la langue et l’identité de la nation québécoise sont des discours qui circulaient déjà bien avant les attentats du 11 septembre. Cependant, Cameron reconnaît que «on ne peut pas supposer que la même préoccupation linguistique aura la même signification symbolique en tout temps et en tout lieu» (Cameron 2013, 62. Je traduis.)7«it cannot be assumed that the same linguistic preoccupation will have the same symbolic meaning in every time and place.»

Mon hypothèse de départ pour cette contribution est que le même discours de préoccupation sur la langue des immigrants voudrait dire autre chose aujourd’hui qu’au moment de l’entrée en vigueur de la Loi 101. La peur suscitée par les attentats terroristes du 11 septembre et, plus récemment, les cas de terrorisme dit «domestique» ou intérieur au Canada, notamment dans la province voisine (qu’on pense à l’arrestation du groupe des 18 à Toronto en 2006), apportent de nouvelles justifications ou de nouveaux arguments pour que des changements soient apportés aux lois qui font du français la langue publique commune. Ici, l’apprentissage du français par les immigrants est compris dans une politique de «gestion de la diversité» qui vise l’intégration de l’immigrant à la société québécoise par le biais de la langue. Le spectre des «deux solitudes» est réinterprété comme celui «des solitudes multiples» qui ne se rejoindront que par l’entremise d’une langue commune, seule capable de surmonter les différences culturelles et de bâtir des ponts entre les différents groupes. Au Québec, comme ailleurs où on a promulgué des lois faisant de la langue du pays d’accueil une condition de séjour8Winnett, Robert. 2008. «Britain ‘a soft touch for home grown terrorists’». The Telegraph, 15 février 2008. En ligne. L’article fait référence à un rapport présenté par le Royal United Service Institute. Le rapport et sa condamnation des politiques multiculturelles en Angleterre avait fait les manchettes de plusieurs quotidiens en février 2008., les politiques multiculturelles sont pointées du doigts et accusées de prêter le flanc au terrorisme (Dib 2019).

  

Une langue commune à tous et pour tous – Mieux réussir la francisation des néo‑Québécois

À l’origine, les nouvelles mesures que cherche à mettre en place le gouvernement de François Legault, avaient d’abord été mises de l’avant dans le rapport de la députée d’Iberville, Claire Samson, déposé en novembre 2016, alors que celle-ci était la porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de culture et de communications pour la protection et la promotion de la langue française. Le rapport Samson s’ouvre sur un constat de crise en matière de francisation des nouveaux arrivants au Québec. On peut y lire que «l’augmentation drastique des seuils d’immigration combinée à une réduction des ressources consacrées à la francisation a produit des effets déplorables» (Samson 2016, 2). Dans le rapport, le gouvernement du Québec est pointé du doigt et accusé de négligence dans le dossier de la francisation «depuis une quinzaine d’années». Si ce laisser-aller semble remonter aux attentats du 11 septembre en 2001, ce sont plus particulièrement les politiques mises en place depuis l’arrivée au pouvoir des libéraux en 2003 qui sont en cause. On semble d’ailleurs passer sous silence l’intermède des péquistes de Pauline Marois de 2012 à 2014. Samson s’inquiète du fait que le taux de transfert des allophones vers le français (50%) soit insuffisant pour compenser la baisse démographique observée dans la population francophone de la province. Selon elle, le manque de ressources déployées pour assurer la réussite de cette francisation explique ces faibles taux sous les gouvernements libéraux de Jean Charest puis de Philippe Couillard. Elle s’indigne aussi d’un laisser-aller dans le dossier de la francisation et estime que le gouvernement libéral n’a pas réussi à convaincre les immigrants de la nécessité de maîtriser le français pour vivre au Québec en leur proposant des services dans les deux langues officielles du pays plutôt qu’uniquement en français.

Dans le rapport, le français est présenté «comme le cœur et l’âme de l’identité québécoise […], ciment de notre cohésion sociale» (Samson 2016, 16). Le terme «cohésion» est aussi celui qui est invoqué dans les discours analysés par Cameron (2013) et Blackledge (2009) en Grande-Bretagne. On estime que «son statut de langue officielle est essentiel à l’inclusion de tous les citoyens à une même société québécoise» (Samson 2016, 16). En outre, la députée Samson considère que pour les immigrants, la francisation «devrait être considérée comme une opportunité formidable, un véritable passeport pour une intégration réussie à la société québécoise» (2016, 1). Il est clair pour la députée que la maîtrise du français est la clef de voûte de l’intégration des nouveaux arrivants et d’ailleurs, dans son rapport, elle propose de renommer le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, le ministère de l’Immigration et de la Francisation «de manière à exprimer clairement sa mission principale, c’est-à-dire intégrer les nouveaux arrivants à la société québécoise et à la majorité francophone» (Samson 2016, 8-9. Je souligne.)9Au Québec, à l’heure actuelle, ce ministère s’appelle maintenant Immigration, Francisation et Intégration..

Pour Samson, «l’accès à la connaissance du français au Québec doit s’élever au statut de droit pour les immigrants et de devoir pour l’État» (2016, 7). À cet effet, elle envisage d’augmenter les allocations remises aux immigrants en échange d’une présence régulière à temps plein aux cours de français. En vertu du projet proposé par la Coalition avenir Québec, les cours de francisation offerts aux immigrants passeraient sous contrôle gouvernemental qui aurait la responsabilité d’en assurer l’uniformité. À la fin de son parcours en francisation, la personne immigrante se verrait remettre un certificat d’attestation qui aurait valeur légale et serait exigé pour l’obtention d’un certificat régulier de sélection du Québec aux immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés (Samson 2016, 14).

À l’instar du modèle adopté en Flandre, les cours de francisation envisagés par la députée Samson auraient trois composantes: linguistique, culturelle, et professionnelle. Comme le font remarquer Hambye et Lucchini, la Belgique, comme le Québec a, depuis la fin des années 80, délaissé le terme «immigration», au profit du terme «interculturalité», une tendance interprétée par ces deux auteurs comme un:

signe d’une prise de conscience quant au nouveau statut des personnes d’origine étrangère: les autorités ne sont plus face à des «bras» venus soutenir l’essor industriel, mais face à des individus et à des citoyens. (Hambye et Lucchini 2005, § 5)

À l’image du Canada, où les deux communautés linguistiques officielles n’ont pas accordé la même importance à la langue qu’adopteraient les immigrants, les deux communautés linguistiques officielles en Belgique ont elles aussi eu des approches très différentes à la question de l’intégration linguistique des immigrants (Hambye 2009; Hambye et Lucchini 2005). Comme le Québec, la Flandre, plus que la partie wallone, a instauré des mesures visant à assurer l’acquisition du néerlandais par les immigrants. Le parcours d’intégration civique inburgeringstraject, obligatoire pour tous les immigrants non européens qui ne sont plus d’âge scolaire, instauré depuis 2004, vise à assurer l’intégration des immigrants dans la société flamande par l’apprentissage de la langue commune. En Flandre, comme c’est le cas pour le français au Québec,

[l]es politiques d’intégration linguistique […] sont profondément marquées par le rôle central que joue la langue dans la définition d’une identité collective flamande. L’idéologie dominante en Flandre place en effet le partage d’une même langue au cœur de l’appartenance à une communauté et fait de la connaissance du néerlandais une des conditions d’une intégration citoyenneté [sic.] effective. (Hambye et Lucchini 2005, §7).

Selon Hambye et Lucchini, le site Web du parcours d’intégration citoyenne met l’accent sur la nécessité des immigrants de maîtriser le néerlandais pour accéder au marché du travail. Aussi, les cours de néerlandais, comme les cours de français qu’envisage le projet de la Coalition avenir Québec, s’accompagnent d’une orientation culturelle et d’une orientation professionnelle. En 2005, on pouvait lire, sur le site Web du programme:

La plupart des nouveaux arrivants sont désireux de trouver un emploi le plus rapidement possible. Ils considèrent les cours de néerlandais comme un outil essentiel à cet égard. Ces cours sont également essentiels pour faciliter la communication avec leur nouvel environnement. (Hambye et Lucchini 2005, NBP 11. Je traduis.)10«Most newcomers are anxious to find employment as soon as possible. They regard Dutch-language lessons as a vital tool in this respect. They are also key to facilitating their communication with their new environment.»

Parallèlement, dans le projet caquiste, l’acculturation des immigrants passerait nécessairement par la francisation. D’ailleurs, le projet mis de l’avant dans le rapport Samson tire sa légitimité du précédent européen. On y note que plusieurs États européens ont, au cours de la dernière décennie, adopté des législations relatives «à la maîtrise de la langue du pays d’accueil comme conditions d’entrée sur le territoire, de résidence permanente et d’acquisition de la nationalité» (Samson 2016, 12).

  

L’exemple européen dont s’inspirent les politiques de la CAQ: l’intégration linguistique en question

En effet, en Europe, on parle de plus en plus «d’intégration linguistique» des immigrants. S’appuyant sur une enquête menée en collaboration avec ALTE (Association of Language Testers in Europe), Claire Extramania et Piet Van Avermaet notent la montée en flèche de ces politiques qui lient l’acquisition de la nationalité à la maîtrise de la langue nationale, de quatre pays sur quatorze en 2002 à onze pays sur dix-huit, cinq ans plus tard (2010, 10). C’est d’ailleurs devant la montée de cette exigence, particulièrement dans les pays de l’Europe de l’Ouest (Extramiana et Van Avermaet 2010), que le Conseil de l’Europe organisait au printemps 2016 un colloque sur L’Intégration linguistique des migrants adultes. En France, on a entériné ce concept de l’intégration linguistique en nommant un référentiel devant servir aux cours de francisation Le français langue d’intégration. Ainsi, aux acronymes déjà connus de FLE et FLS s’ajoute maintenant, non sans une certaine controverse, le dernier né, FLI, ce qui pousse certains chercheurs à s’interroger sur le sens que revêt ce nouveau terme qui tend à s’imposer et surtout à réfléchir à sa portée idéologique.

Au cœur du problème, selon Maude Vadot, c’est la nature polysémique du mot «intégration», qui change de sens en fonction des disciplines dans lesquelles il est invoqué:

On doit ainsi différencier ses usages en sociologie, discipline qui prétend caractériser et objectiver le réel, de ses usages en politique, qui visent à définir des objectifs et des obligations, donc possède un caractère plus directement normatif. (2016, 3)

Ainsi, si en sciences sociales le terme décrit un processus observable, dans le discours politique il s’agit davantage d’un projet ou d’un impératif. À partir d’une étude du paratexte de ce référentiel qui représente essentiellement une commande institutionnelle, Maude Vadot démontre que ce qui est visé par l’État français dans la formation linguistique offerte aux personnes migrantes va au-delà de sa simple insertion «dans la société d’accueil par le travail, les relations interpersonnelles et les échanges du quotidien,» puisque le terme intégration implique aussi «de surcroît une adhésion aux valeurs partagées par la communauté» (2016, 11).

Comme le terme «interculturalisme» qui ne fait pas encore partie d’une politique officielle au Québec, le terme «intégration», plus qu’assimilation ou insertion, implique une double transformation, à la fois de la part de l’individu qui s’intègre, mais aussi de la part de la société qui intègre. Selon Anne-Sophie Calinon, «dans le champ sociologique, cette notion décrit le processus bidirectionnel d’entrée d’un individu, ou d’un groupe de migrants, dans une société d’installation et les transformations que cela entraîne dans cette dernière» (2013, 28). Peut-être est-ce ce dernier aspect qui explique sa popularité croissante, voire son ubiquité dans les discours institutionnels et politiques où il tend, selon Célina Dispas, à éclipser le terme moins «politiquement correct» d’assimilation (2003). Si «intégration» est effectivement la saveur du mois —on connaît déjà les termes intégration économique, intégration culturelle, intégration sociale— l’apparition relativement récente du construit «intégration linguistique», qui semble dériver du même processus de création lexicale, inquiète certains linguistes. Selon Anne-Sophie Calinon, contrairement aux autres termes formés en combinant un adjectif au substantif intégration, dans le terme «intégration linguistique» les «deux éléments constituants n’entretiennent pas le même type de relation» (2013, 30). En effet, comme l’illustre Calinon, lorsqu’on parle d’une intégration économique, on comprend «une intégration dans une économie, à une économie/on intègre une économie, une économie intègre» (2013, 29. Je souligne.), alors que «intégration linguistique correspond à un référent intégration «par». Plus loin, elle précise que:

[s]émantiquement, «intégration linguistique» ne désigne pas l’intégration «dans une langue», mais bien le processus d’intégration à toutes (ou à une partie de) ces instances (culturelles, sociales, professionnelles, etc.) grâce à/au moyen de/par l’intermédiaire d’une langue. (2013, 30)

Lorsque Samson, dans son rapport, fait de la maîtrise du français le passeport d’une intégration réussie (2016, 1), elle semble elle aussi adhérer à l’idée que l’intégration de l’immigrant se fait par la maîtrise de la langue. C’est beaucoup exiger d’un code linguistique. Pour Calinon, le terme intégration linguistique est trompeur puisqu’une langue ne peut pas intégrer comme le font les individus d’une société, ou le milieu professionnel:

Intégration linguistique demande l’ouverture non pas d’une langue, mais d’une communauté linguistique au partage et à l’exercice d’une langue commune… La forme complexe intégration linguistique relève d’une construction grammaticale abusive qui entraîne des utilisations au mieux hasardeuses et au pire fausses et illusoires, attribuant à la langue une fonction qu’elle ne peut, de fait, assumer. (Calinon 2013, 30)

À la limite, l’apprentissage de la langue ne saurait être qu’une étape dans le processus d’intégration de l’immigrant. Encore faut-il que la société, le monde socioprofessionnel, la culture d’accueil soient prêts à l’accueillir et à lui faire une place une fois cette condition linguistique remplie. Or, souvent, comme le révèle Calinon, dans le discours politique et institutionnel, «l’intégration linguistique» se mesure en termes de maîtrise d’une compétence linguistique et c’est à l’orée de cette intégration linguistique que l’on mesure l’intégration générale de la personne migrante (2013, 32). En contexte européen, «la connaissance de la langue du pays d’accueil permet d’apprécier la volonté d’intégration des étrangers non ressortissants d’États de l’Union européenne» (Extramiana 2012, 6. Je souligne.). La volonté exprimée dans le rapport Samson de renommer le ministère de l’Immigration, de l’Inclusion et de la Diversité «ministère de l’Immigration et de la Francisation» (2016, 9) illustre bien comment la francisation était comprise comme la fin du processus d’intégration des immigrants à la société québécoise11On ne peut que souhaiter que l’ajout du mot «Intégration» dans le nom actuel du ministère témoigne d’une meilleure compréhension de la complexité du processus d’intégration..

    

Première tentative: le projet de loi C-421

Entrée au pouvoir en octobre 2018 au terme d’une élection qui a rompu avec «un demi-siècle d’alternance entre le Parti libéral et le Parti québécois» (Messier 2018), la Coalition avenir Québec ne perdra pas de temps à mettre son plan d’intégration linguistique des immigrants à exécution. Pendant que son ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Simon Jolin-Barrette, travaillait en coulisses à l’élaboration des projets de loi 8 et 21, François Legault suivait de près le sort que le gouvernement fédéral allait réserver au projet de loi C-421, porté par le Bloc québécois, visant à faire de la maîtrise du français une condition pour l’obtention de la citoyenneté pour les immigrants souhaitant s’établir au Québec. Le gouvernement libéral, par l’entremise d’un comité composé majoritairement de députés libéraux, avait estimé que le projet de loi était inconstitutionnel et avait refusé de le soumettre aux débats. Lorsque le Bloc a fait appel de cette décision auprès de l’ensemble des parlementaires, ceux-ci ont à leur tour choisi de rejeter le vote sur le projet de loi dans une procédure de vote secret, qui est décrite partout comme «rarissime» (Aubry 2019; Marcil 2019; Presse canadienne 2019b). La couverture de cette nouvelle dans les journaux francophones insiste sur trois éléments centraux:

  • L’argument d’anti-constitutionnalité invoqué par les libéraux,
  • L’attitude du fédéral par rapport au Québec,
  • L’importance de la langue commune dans le processus d’intégration.

Déjà au moment du dépôt du projet de loi en novembre 2018, on rapporte que les libéraux se sont servis en décembre de leur majorité en comité parlementaire pour tuer le projet dans l’œuf parce qu’ils le jugeaient inconstitutionnel. Plusieurs journaux précisent cependant que ce jugement allait «à l’encontre de l’avis du légiste Philippe Dufresne, chargé de conseiller la Chambre sur ce genre de questions juridiques» (Presse canadienne 2019a). Cependant, à y regarder de plus près, on constate que l’avis du légiste exprimé lors de la rencontre du comité de procédure de la Chambre, rapporté dans le Nouvelliste de Trois-Rivières n’est pas non plus le feu vert auquel certains prétendent:

En fin de compte, que déciderait un tribunal? C’est dur à dire (…) le fait que le français est une langue minoritaire au Canada, mais majoritaire au Québec est-il pertinent? Là encore, il y aurait des arguments des deux côtés. (Presse canadienne 2019a, 11)

Le Devoir se fait plus nuancé. Même s’il note qu’aucun député libéral n’ait été en mesure «de citer l’article précis que violerait le projet de loi C-421», il rapporte l’argument du ministère fédéral de l’Immigration «que la charte canadienne des droits et libertés reconnaît l’égalité du français et de l’anglais à titre de langues officielles» (Vastel 2019), un avis que partage Pierre Foucher, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa, estimant que le projet de loi C-421 contredit la Loi sur les langues officielles (Vastel 2019). Si la plupart des journaux insistent sur l’avis du conseiller juridique, Mario Beaulieu, dans un blogue publié dans le Huffington Post, s’interroge sur la pertinence de l’argument constitutionnel pour une nation qui aspire à l’indépendance: «Le système fédéral fait qu’une autre nation prend des décisions cruciales à notre place. Seule l’indépendance permettrait assurément de faire du français la véritable langue publique commune et d’en assurer l’avenir.» (Beaulieu 2019)

Mario Beaulieu a d’ailleurs interprété le refus du gouvernement libéral de se pencher sur la proposition comme témoignant d’un sentiment de haine envers le Québec français, propos repris par le Nouvelliste de Trois-Rivières (Presse canadienne 2019a) et Le Devoir (Vastel 2019). En outre, il accuse les libéraux de «vouloir se montrer en grands défenseurs de l’unité canadienne au Canada anglais à neuf mois des élections fédérales» (Vastel 2019). Dans son article de blogue, Beaulieu établit un parallèle entre la loi qu’il propose et celle qui existe déjà à l’échelle du Canada où la maîtrise d’une des deux langues officielles du pays est exigée:

En vertu de la loi canadienne, la connaissance d’une des langues officielles, l’anglais ou le français est obligatoire pour obtenir la citoyenneté. Le Bloc québécois a déposé le projet de loi C-421 pour qu’au Québec, la connaissance du français soit obligatoire. Il s’agit d’une mesure qui va dans le sens des engagements du gouvernement du Québec et rien n’est plus logique, car la Charte de la langue française vise à faire du français la langue officielle et commune du Québec, seul État majoritairement francophone en Amérique. (Beaulieu 2019)

Dans cet acte performatif, on met le Québec sur un pied d’égalité avec le Canada, mais il s’agit d’un faux parallèle puisque le Québec n’est pas un État et, même s’il y a la Charte de la langue française au niveau provincial, tout ce qui est du ressort du fédéral doit quand même respecter la Loi sur les langues officielles. Les journaux rapportent les réactions des élus du Bloc qui semblent tous refléter la position de Mario Beaulieu à savoir que la proposition fait consensus au Québec et «qu’on veut simplement intégrer les nouveaux arrivants en s’assurant qu’ils connaissent le français» (Vastel 2019). Dans les propos de Beaulieu, l’intégration est conditionnelle à la maîtrise de la langue commune et c’est d’ailleurs le Québec qui intègre et non pas les immigrants qui s’intègrent à la société québécoise. La voix des Mille-Îles cite Simon Marcil, député de Mirabel, qui affirme que «les nouveaux arrivants ont besoin d’une connaissance minimale de notre langue commune pour qu’on puisse se parler et pour qu’ils puissent s’approprier notre culture» (Marcil 2019. Je souligne.). Les mêmes propos (exactement la même citation) seront attribués à Monique Pauzé, la députée de Repentigny par Hebdo Rive-Nord (Presse canadienne 2019b). Le français est donc présenté comme la porte d’entrée vers la culture. On est loin, dans les propos des députés du Bloc, de l’idée d’un échange ou d’un partage à partir de la langue. Au contraire, ici la langue française est le convoi par lequel passe la culture québécoise. Si tous les députés semblent reprendre le qualificatif «minimale» pour définir le seuil de compétence, dans la couverture des journaux, on ne précise pas ce qu’entend le Bloc par une «connaissance suffisante du français» et l’expression est souvent placée entre guillemets.

La question du seuil de compétence nécessaire pose problème également dans le contexte européen, où l’utilisation du cadre européen commun de référence (CECR) pour les langues afin d’établir les seuils de compétence minimale nécessaires à l’obtention d’un statut ou d’un autre fait sourciller plusieurs linguistes qui y voient une perversion de l’idée de départ. Comme l’indique Rosemarie Tracy, à l’origine, le CECR qui établit six différents niveaux de compétence pour les différentes langues européennes, niveaux repris notamment dans les tests du DELF/DALF (diplôme d’études en langue française et diplôme approfondi de langue française), avait été conçu pour favoriser la mobilité et les échanges au sein de l’Union européenne en encourageant le plurilinguisme de ses citoyens (Tracy 2017, 45). Ainsi, il n’est guère surprenant que plusieurs s’inquiètent maintenant de voir cet instrument utilisé à des fins de contrôle de l’immigration. La contribution de Tracy va encore plus loin puisqu’elle s’interroge sur la question de l’évaluation des compétences, dont plus précisément la difficulté d’établir un étalon ou un seuil de compétences à des fins d’immigration et la pertinence des compétences linguistiques dans le processus d’intégration. S’appuyant sur une citation de McNamara, Tracy rappelle qu’un test de langue n’est valable que si la théorie de la langue sur laquelle il repose est solide. Or, selon Tracy, le CECR ne repose sur aucune théorie linguistique explicite (2017, 52). Plus spécifiquement, le CECR n’évalue qu’une infime portion de ce qu’on pourrait comprendre comme la compétence dans une langue et selon elle, ne saurait prédire le succès d’un immigrant au sein de sa société d’accueil:

Si notre mesure des compétences linguistiques peut être corrélée avec un certain nombre de traits personnels, tels que la motivation, le talent pour les jeux de rôle, la prise de risque, la musicalité et bien d’autres, les compétences linguistiques ne peuvent pas indiquer qui, en fin de compte, sera un citoyen loyal, respectera le Code de la route et paiera ses impôts. (Tracy 2017, 54. Je traduis.)12«While our measurement of linguistic proficiency may correlate with a number of personal traits, such as motivation, a talent for role-play, risk taking, musicality and many others, linguistic competence cannot indicate who will, in the end, be a loyal citizen, observe traffic laws and pay taxes.»

Cependant, souvent dans la logique des partis au pouvoir, le partage d’une même langue assure une plus grande cohésion au sein d’une nation composée de gens d’origines diverses et permet, comme le veut la vision interculturelle, aux différentes parties de négocier leurs différences.

  

L’adoption de la réforme de l’immigration (le projet de loi 9) et de la Loi sur la laïcité de l’État (projet de loi 21) sous le bâillon

Tout juste avant les vacances des parlementaires à l’Assemblée nationale du Québec en juin 2019, la CAQ, déçue par le barrage des libéraux fédéraux sur le projet de loi C-421, revient à la charge en invoquant le bâillon pour faire passer deux projets controversés, soit le projet de loi 9 sur l’immigration13Projet de loi 9 : Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes, présenté par Simon Jolin-Barrette à la 42e législature, session 1 (http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-9-42-1.html) et le projet de loi 21 sur la laïcité de l’État, tous deux portés par Simon Jolin‑Barrette. Partout décrit comme une procédure parlementaire rarissime, le bâillon permet de limiter la durée des débats et de forcer le vote. Simon Jolin-Barrette avait justifié le recours à la mesure parlementaire en invoquant les manœuvres d’obstruction systématiques de la part des libéraux qui, selon lui, avaient ralenti l’étude des deux projets de loi. De son côté, Legault maintenait qu’un long débat sur la question de la laïcité pourrait poser des risques pour la cohésion sociale.

Dans la couverture par la presse anglophone de l’adoption de ces deux projets de loi, force est de constater que c’est essentiellement le deuxième projet de loi sur la laïcité qui retient l’attention. Rappelons que le projet de loi voulait interdire le port de tout signe religieux visible pour les employés du secteur public (les enseignants, les policiers, les procureurs de la Couronne et les gardiens de prison). La plupart des articles abordent en long et en large les réactions des autres parlementaires qui en particulier déplorent l’ajout d’amendements de dernière minute visant à mettre en place des dispositifs pour s’assurer que la loi est respectée. Certains, s’inspirant peut-être du surnom donné aux inspecteurs de l’Office québécois de la langue française chargés de veiller à l’application de la loi 101, craignent la création d’une «police de la laïcité» (Shingler 2019). Les parallèles avec la Charte de la langue française ne s’arrêtent pas là. La Montreal Gazette rapporte les propos de Pierre Arcand, le chef intérimaire du Parti libéral qui rappelait à Legault qu’en 1977, sous René Lévesque, on avait débattu de la Charte pendant tout un été (Authier 2019b).

Dans la couverture des journaux anglophones, l’adoption sous le bâillon du projet de loi 9 est souvent mentionnée presque comme une parenthèse, et ce, même s’il s’agit du premier projet de loi adopté pendant cette session marathon et que le résultat du vote de 62 voix contre 42 était plus serré que pour le projet sur la laïcité qui l’a emporté à 73 voix contre 35. La presse anglophone insiste d’abord et avant tout sur le rejet de 18 000 dossiers d’immigration en attente (parfois depuis des mois ou des années) qui devront maintenant être resoumis à partir de la nouvelle plateforme Arrima, que certains journalistes, à l’instar de Jolin-Barrette, ont surnommé le «tinder de l’immigration», qui vise, comme le projet de loi à «accroître la prospérité socio-économique du Québec, et répondre adéquatement aux besoins du marché» (Jolin-Barrette 2019). On mentionne aussi au passage les deux tests auxquels devront se soumettre les candidats à l’immigration, à savoir un test de compétence en français et un test des valeurs. Ce sont ces trois aspects qui expliquent, selon les journalistes, ce en quoi le projet de loi est controversé. Dans certains journaux, on insiste davantage sur le test des valeurs québécoises, dont la mention s’accompagne d’une mise à distance discursive: «so-called Quebec values test» (Canadian Press 2019a et b). Un article de CBC News n’aborde que le test des valeurs sans mentionner le test de compétences en français (CBC Radio 201914«The legislation also sets out the framework for a yet-to-be-determined “values test” that applicants would have to pass and will allow the government to cancel approximately 16,000 applications for permanent residency that were already in process.»). C’est aussi sur la question des valeurs que Legault semble insister lorsqu’il défend sa décision d’avoir imposé le bâillon pour précipiter le vote sur le projet de loi 9 avant les vacances: «Je pense qu’en tant que premier ministre du Québec, j’ai la responsabilité de défendre les valeurs québécoises devant le reste du Canada.» (Leavitt 2019. Je traduis.)15«I think as premier of Quebec, it’s my responsibility to defend Quebec values in front of the rest of Canada.»

Dans la presse francophone, on s’attarde aussi sur ces trois aspects jugés les plus controversés de la Réforme de l’immigration qui n’y est pas autant éclipsée par la Loi sur la laïcité de l’État. En effet, contrairement à la presse anglophone, il est possible de trouver des articles qui portent essentiellement sur le projet de loi 9, sans que celui-ci serve de prétexte pour aborder la Loi sur la laïcité de l’État. Il y est surtout question du flou entourant le test des valeurs qui avait fait l’objet de débats houleux, particulièrement entre le Parti libéral et la CAQ avant l’imposition du bâillon. Certains articles plus polémiques, comme celui du chercheur en sciences sociales André Jacob paru dans l’Aut’ journal près d’un an plus tôt, évoquent la difficulté de définir des valeurs québécoises, d’autant plus que ces valeurs devront déterminer le sort de personnes installées au Québec depuis trois ans:

Peut-on vraiment imposer un examen sur un quelconque répertoire de valeurs imprécises, non négociables et surtout déterminantes pour l’avenir de personnes qui pourraient être expulsés [sic] même après trois ans au Québec. (Jacob 2018)

Les propos de Jacob viennent rejoindre ceux de Sergio Martinez, publiés dans le Montreal Times, qui insistent sur la nature changeante des valeurs d’une société et sur la difficulté de les fixer dans un test:

Le danger est qu’en érigeant certaines valeurs comme celles de la société, en fait, le gouvernement ne ferait que reconnaître les valeurs actuelles, qui ne sont pas forcément valables pour toujours. (Martinez 2019. Je traduis.)16«The danger is that by setting certain values as the ones of society, in fact, the government would only be recognizing the current values, which may not necessarily be valid forever.»

En revanche, dans la couverture de la presse francophone, la question du test de compétences en français ne semble pas faire l’objet des mêmes réserves, bien qu’on le mentionne.

Ce qui me paraît intéressant, c’est la place qu’occupent ces deux tests dans les discussions sur l’adoption du projet de loi 9 sur l’immigration. Le Hamilton Spectator ira même jusqu’à titrer «Le Québec adopte un projet de loi prévoyant un test de valeurs et de langue» (Canadian Press 2019b. Je traduis.)17Le titre en anglais porte à confusion: «Quebec passes bill calling for language values test.» Pourtant, comme le précise Jocelyne Richter de la Presse canadienne:

Les fameux tests de français et de valeurs promis par le gouvernement n’apparaissent pas comme tels dans le projet de loi, qui vise cependant à fournir au Québec les bases légales pour aller en ce sens dans un deuxième temps par voie réglementaire. (Richter 2019a)

Tout au plus, le projet de loi 9 prépare le terrain pour mettre en place ces nouvelles exigences. La plupart des journaux anglophones écrivent «the bill creates a legal framework that allows the government to impose a French/values test» (CBC Radio 2019; Sevunts 2019; Canadian Press 2019a; 2019b; Shingler et Montpetit 2019), mais seul le Waterloo Region Record publiera la précision de Giuseppe Valiante, du Canadian Press: «Le projet de loi 9 n’incluait pas de règles spécifiques concernant le test de langue française promis et le gouvernement ne les a pas encore annoncées» (Valiante 2019. Je traduis.)18«Bill 9 didn’t include specific regulations about the promised French language test and the government has yet to announce them.» Cette question des conditions à l’immigration avait pourtant été au cœur de la soixantaine d’heures d’étude du projet de loi, l’opposition cherchant en vain à avoir des précisions sur la nature, le contenu, les objectifs et l’impact de ces tests.

Même si ce sont surtout ces tests et les enjeux qui y sont liés, à savoir la langue commune et les valeurs de la société québécoise, qui semblent avoir retenu l’attention des journalistes francophones, et dans une moindre mesure celle des journalistes anglophones, ceux-ci dépendent d’une décision du gouvernement fédéral. C’est donc dire qu’en dépit de toute l’encre qui coule, ce n’est pas du tout clair que le Québec arrivera à en faire une condition19Pour l’instant, le Ministère de l’Immigration, Francisation et Intégration exige le TEFAQ (test d’évaluation de français adapté au Québec) pour l’admission à certains de ses programmes d’immigration. En ce qui concerne cette exigence, le gouvernement du Québec se fait plutôt vague, précisant que «votre connaissance du français peut être prise en compte si vous souhaitez immigrer au Québec de façon permanente. La connaissance du français peut aussi être exigée dans certains programmes d’immigration si vous souhaitez passer d’un statut temporaire à permanent» (Gouvernement du Québec 2022. Je souligne.). Le TEFAQ est également reconnu par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour une demande de citoyenneté. En revanche, pour devenir membre d’un ordre professionnel au Québec, l’examen de français de l’Office québécois de la langue française est exigé..

   

Annonce de 70 millions par année pour financer la francisation

En attendant, le gouvernement Legault va de l’avant avec des mesures pour encourager la francisation des immigrants en annonçant au début du mois de juillet 2019 un financement additionnel de 70 millions de dollars par an, ce qui porte à 170 millions le budget pour le service de francisation (Corriveau 2019). C’est ce que Robert Dutrisac, dans son éditorial, appelle la stratégie de la carotte avant le bâton (Dutrisac 2019, A6), en renflouant notamment les allocations octroyées aux immigrants pour leur permettre de suivre des cours de francisation. Dans les journaux francophones, la plupart des articles saluent l’annonce en rappelant le laxisme des gouvernements précédents et le rapport accablant de la vérificatrice générale en 2017 sur le nombre d’inscriptions aux cours de francisation et sur les taux alarmants d’abandon. Presque tous insistent sur le rôle du français dans l’intégration (et l’inclusion) de la personne migrante comme le fait Tania Longpré, doctorante et enseignante en francisation des immigrants, dans un texte d’opinion dans lequel elle décrit la francisation des nouveaux arrivants comme « la pierre angulaire de leur intégration économique et culturelle » (2019, A6). Elle rappelle que la compétence culturelle est «liée à l’apprentissage d’une nouvelle langue» ce qui «fera en sorte que plus d’immigrants se sentiront chez eux au Québec, partageant une langue et une culture avec leurs nouveaux compatriotes» (Longpré 2019, A6). Le français est aussi perçu comme facilitant l’accès au marché du travail.

Même si la couverture de l’annonce d’investissement supplémentaire est largement élogieuse, quelques voix dissonantes s’élèvent, dont celle de Claire Samson, à l’origine du rapport de 2016 de la Coalition avenir Québec, qui estime que les mesures annoncées ne vont pas suffisamment loin et que la francisation devrait être obligatoire et non pas sur une base volontaire (Richter 2019b). Confronté à cette question, Legault «souffle le chaud et le froid», selon Jocelyne Richter de la Presse canadienne, affirmant que «les cours vont être disponibles, les tests de français, obligatoires» (Richter 2019c). Les journalistes en profitent tout de même pour réitérer qu’avant «d’aller de l’avant, le Québec devra cependant négocier avec le gouvernement fédéral les conditions qu’il souhaite imposer aux nouveaux arrivants pour obtenir le statut de résident permanent, une compétence fédérale» (Richter 2019c). Pour Samson, la situation presse puisqu’elle estime que l’avenir du français au Québec est menacé à très court terme; elle parle d’une quinzaine d’années (Richter 2019b).

   

La «fausse» promesse d’une langue en partage – ces terroristes qui «sonnent» comme nous

Au-delà du critère démographique et de la nécessité de maintenir le même poids démographique au sein de la fédération canadienne, à quoi renvoie ce désir d’une langue en partage? Dans l’esprit de beaucoup, l’apprentissage d’une langue implique l’identification à la communauté qui la parle. Or, rien n’oblige à ce que l’immigrant qui apprend et maîtrise la langue française choisisse de s’y identifier ou même choisisse de s’intégrer à la majorité francophone – c’est d’ailleurs la faille que révèle la propension de beaucoup de jeunes issus de l’immigration de choisir de poursuivre leurs études postsecondaires en anglais au cégep une fois le passage obligé par le système public francophone complété.

L’apprentissage d’une langue ne garantit pas que l’on s’y identifie, encore moins qu’on s’identifie à la communauté linguistique qui la parle ou que par son apprentissage, on apprenne et adopte aussi la culture des autres qui la parlent. C’est en fait la grande contradiction au cœur des discours en Angleterre sur la langue des immigrants. Les responsables des attentats sur le métro de Londres n’étaient pas, comme le laissaient entendre les discours politiques, cloîtrés dans des enclaves linguistiques, complètement coupés du reste de leurs concitoyens britanniques. Au contraire, non seulement ils parlaient anglais, mais ils le faisaient avec l’accent régional du Yorkshire (Cameron 2013, 70). Ce constat avait quelque chose de fondamentalement troublant pour ceux qui voulaient voir en eux l’incarnation d’une altérité fondamentale et insurmontable.

Plus près de nous, la nouvelle de la capture en janvier 2019 de Mohammed Khalifa, la voix canadienne derrière les vidéos de recrutement en anglais de l’État islamique venait à son tour ébranler l’idéologie du monolinguisme étatique comme garant de sa cohésion sociale. Au début de l’année 2019, cette nouvelle a fait l’objet d’un article du New York Times repris par la presse canadienne, surtout anglophone, notamment le Toronto Star qui l’a repris mot à mot, puis d’un reportage d’une journaliste de Radio-Canada, Marie-Ève Bédard qui a rencontré Khalifa en Syrie où il est détenu depuis sa capture. À lire la description journalistique de la rencontre avec celui que le New York Times décrivait avant sa capture comme «l’évangéliste anonyme du groupe terroriste auprès d’Américains et d’autres anglophones désireux de s’informer sur son idéologie toxique» (Callimachi 2019. Je traduis.)20«the terrorist’s group faceless evangelist to Americans and other English speakers seeking to learn about its toxic ideology», on a presque l’impression que les journalistes sont déçus de découvrir l’homme derrière la voix. Tous les articles s’attardent sur la stature peu imposante de Khalifa qu’on décrit comme un homme d’apparence frêle, ou «un petit homme mince» (Callimachi 2019. Je traduis.)21«A thin diminutive man», dont la voix posée ne laisse pas trahir d’émotion. C’est un peu comme si les journalistes venaient de repousser le rideau derrière lequel se cache un magicien d’Oz décevant. Et pour cause, tous les articles insistent sur le rôle qu’a pu jouer Khalifa dans la stratégie de recrutement de Daesh et l’efficacité de sa voix et de son accent pour rallier les anglophones à la cause de l’État islamique. C’est Radio-Canada qui ira jusqu’à comparer la voix de Khalifa à une kalachnikov: «sa voix allait remplacer la kalachnikov» (Bédard 2019). En fait, l’efficacité de la voix à l’accent nord-américain de Khalifa est aussi illustrée par l’histoire de sa propre radicalisation. En effet, Khalifa dit avoir été convaincu de la nécessité du jihad en écoutant les sermons en ligne en anglais d’Anwar al-Awlaki, aussi mentionné par Cameron comme responsable de la radicalisation des responsables de l’attentat terroriste sur le métro de Londres (Cameron 2013, 73). Si la langue dans laquelle s’exprimait Anwar al-Awlaki rendait la cause accessible pour Khalifa, c’est, selon le New York Times, l’accent de combattants anglo-britanniques djihadistes, montrés sur Youtube en action sur le front syrien, qui lui a permis de s’y reconnaître. Rukmini Callimachi, journaliste au New York Times, insiste sur le fait que la représentation de cette diversité dans les vidéos de recrutement était voulue: «Ils étaient particulièrement désireux de trouver des personnes de différentes nationalités afin de souligner la portée internationale du groupe» (Callimachi 2019. Je traduis.)22«They were especially keen to find people from different nationalities to underscore the group’s global reach.» Dans la couverture reprise par La Presse on insiste sur l’impact de cette voix à l’accent nord-américain sur la stratégie de recrutement. On rapporte d’ailleurs les propos d’un professeur émérite au Collège militaire royal du Canada, Houchang Hassan Yari, voulant que «certains individus exposés à l’endoctrinement de l’EI se soient sans doute sentis “plus interpellés par un message glorifiant la défense d’une cause dans leur langue”» (Groguhé 2019, 16. Je souligne.).  Dans les propos de Houchang Hassan Yari, la langue est présentée comme le principal point de convergence qui a permis à l’État islamique de rejoindre des gens au-delà de ses frontières traditionnelles:

La vaste majorité des étrangers qui sont allés combattre ne parlait pas arabe, ne comprenait pas complètement la cause et n’avait pas de connaissance profonde de l’islam, souligne Houchang Hassan-Yari. La langue était le véhicule par excellence, un trait d’union. (Groguhé 2019, 16. Je souligne.)

Pour Amarnath Amarasingam, dont les propos sont rapportés par Marie-Ève Bédard, Khalifa aurait joué un rôle de passeur culturel au sein de l’organisation. Non seulement il a livré le message de l’État islamique, mais il l’a aussi présenté de sorte à rejoindre un public occidental:

[Khalifa] et quelques autres au sein de la structure des médias avaient une compréhension privilégiée de ce que l’auditoire cible occidental voulait entendre, ce qui allait marcher auprès d’eux. Je ne pense pas qu’il ait été impliqué dans les meurtres, mais je pense qu’il rédigeait les scénarios, qu’il jouait un rôle important dans l’organisation. (Bédard 2019)

Dans la couverture médiatique, il apparaît clair que le superpouvoir de Khalifa, ce qui faisait de ce petit homme, d’apparence pourtant frêle, un guerrier à la fois redoutable et indispensable pour l’État islamique, c’était sa voix qui lui permettait de faire le trait d’union entre les membres de son organisation et ceux qu’ils souhaitaient rejoindre en Occident. Dans un retour sur la formule utilisée plus tôt, Radio-Canada révèle que peu de temps avant sa capture, «Khalifa avait choisi de troquer le micro pour les armes» (Bédard 2019). Néanmoins, Khalifa, qui dans ses vidéos avait toujours «vanté le courage des combattants prêts à mourir pour le califat» (Bédard 2019) avait été contraint de déposer les armes et de se rendre une fois encerclé:

Lorsqu’il a été capturé [en décembre 2018], M. Khalifa a déclaré qu’il avait cessé de travailler pour le service des médias et avait pris une Kalachnikov pour défendre l’État islamique. Les vidéos qu’il avait narrées étaient pleines de bravade, sa voix représentant un groupe qui avait juré de ne jamais baisser les bras. Mais après plus de six années de résistance sur le front de la guerre, M. Khalifa a déclaré qu’il a fait quelque chose qu’il n’aurait jamais cru possible. «J’étais épuisé et à court de munitions», a-t-il dit. «Ils me demandaient sans cesse de me rendre, alors j’ai déposé mon arme». (Callimachi 2019. Je traduis.)23«By the time he was apprehended last month, Mr Khalifa said he had stopped working for the media unit and had picked up a Kalashnikov rifle to defend the Islamic state. The videos he had narrated were full of bravado, his voice representing a group that had vowed never to give up. But after more than six defiant years in the battle zone, Mr Khalifa said, he did something that he never thought possible. “I was exhausted. My ammo was gone,” he said. “They kept calling on me to surrender so I threw down my weapon”.»

Cette description de la chute peu glorieuse du guerrier dès qu’il est confronté aux réalités du champ de bataille révèle une fois de plus la force d’une langue et d’un accent en partage. Un atout remarquable dans la stratégie de recrutement du département des médias de Daesh, Mohammed Khalifa, privé de son porte-voix, devient un poltron embarrassant.

   

* * *

Cette idéologie d’une langue en partage pouvant agir comme «trait d’union» entre groupes à la base éloignés et qui explique la menace que représente Khalifa pour l’Occident est aussi au cœur de l’interculturalisme québécois. En effet, c’est ce même pouvoir d’une langue en partage qui est censé désamorcer les tensions internes au sein de la société composite et faciliter un vivre-ensemble harmonieux. Dans leur article respectif, Hambye et Blackledge rappellent tous deux que cette confiance que les gouvernements flamand et britannique placent dans la capacité d’une langue à unir un peuple remonte à l’idéologie traditionnelle de l’État-nation. Selon Blackledge, les nouvelles exigences linguistiques apparaissent à l’heure même où la mondialisation et les mouvements de population viennent ébranler les conceptions traditionnelles de l’État-nation. Philippe Hambye souligne qu’en Belgique, ce sont les Flamands qui se sentent les plus menacés par la mondialisation «parce qu’elle affaiblit le pouvoir de l’État à construire son propre marché linguistique sur lequel toute la logique nationaliste du groupe minorisé est construite» (2009, 43). Plus loin, Hambye rappelle que les communautés linguistiques minorisées peinent «à se détacher de l’idéologie nationaliste qui associe langue, nation et territoire après l’avoir durablement épousée» (2009, 44). Or, les travaux d’Heller nous rappellent que ce sont ces mêmes discours faisant de l’homogénéité linguistique, culturelle et identitaire le garant de la cohésion nationale qui sont à la base de leur propre oppression (Heller 2006).

L’analyse comparée de la couverture des mesures prévues par la réforme de l’immigration montre que, même du côté anglophone, ces mesures sont loin d’être aussi controversées que la Loi sur la laïcité ou le test des valeurs québécoises. Elles ne sont guère évoquées et lorsqu’elles le sont, la discussion s’oriente généralement sur les outils de mesure de l’intégration linguistique ou sur les seuils de compétence linguistique exigés. Comme chez les francophones, l’idéologie de l’État-nation ne semble pas être remise en question. Tout au plus, du côté anglophone, on rappelle au Québec que les critères de sélection pour l’immigration sont du ressort fédéral. D’ailleurs, le sort réservé au fédéral au projet de loi C‑421 n’est nullement mentionné dans les journaux anglophones.

Au Québec, il s’avère difficile de s’interroger sur la portée idéologique et la pertinence des exigences linguistiques en matière d’immigration puisque celles-ci s’accompagnent généralement d’un discours sur la langue menacée qui en justifie la légitimité. Néanmoins, comme l’ont démontré Alexandre Duchêne et Monica Heller, au-delà des chiffres souvent alarmants qui prédisent la mort ou la disparition d’une communauté linguistique, il s’avère important de s’interroger sur les contextes sociaux, politiques et économiques dans lesquels ces discours se déploient (2008). Dans le programme de francisation des immigrants de la Coalition avenir Québec, les mesures visant à assurer l’intégration linguistique des immigrants apparaissent d’autant plus suspectes qu’elles sont assorties d’autres mesures ciblant en particulier les minorités religieuses. C’est ce qui explique la pertinence de s’intéresser à ces discours sur la nécessaire francisation des immigrants qui s’inscrivent dans une peur renouvelée de l’autre dans l’après 11-Septembre.

    

Bibliographie

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  • 1
    «Immigration laws have been used to respond to the threat of terrorism, rather than the provisions set out in criminal law by the adoption of the anti-terrorist law.»
  • 2
    «while immigration laws have been used for the practical end of controlling borders and migrants, attempting to keep out refugees and illegal immigrants, who have been perceived as one of the new threats in post-9/11 era.»
  • 3
    Entre les mois de mai et de juillet 2001, les villes de Oldham, Burnley et Branford, au nord de l’Angleterre, ont été secouées par de violents affrontements entre jeunes d’origine asiatique et extrémistes de droite. Les émeutes d’Oldham, les premières survenues en mai 2001, sont décrites comme les pires émeutes à caractère ethnique à avoir ébranlé le Royaume-Uni depuis 1985, éclipsant momentanément les violences en Irlande du Nord.
  • 4
    Le 7 juillet 2005, quatre attentats suicides touchent les transports publics de Londres et font 56 morts et 784 blessés. Perpétrés par des citoyens britanniques ordinaires et partiellement revendiqués par Al Qaeda, ces attentats ont été les plus meurtriers à Londres depuis la Deuxième Guerre mondiale.
  • 5
    Blackledge cite ici un rapport de consultation du gouvernement britannique paru en 2007, intitulé Marriage visas: Pre-entry English requirement for spouses. Je reproduis ici la citation complète en version originale: «The aim in requiring spouses to demonstrate some ability in the English language is not to deter people from joining their loved ones; it is to help facilitate their integration and contribute to the cohesion of the community they will join» (2007, paragraphe 3.1).
  • 6
    Dominique Anglade, à l’époque où elle aspirait devenir cheffe du Parti libéral québécois, avait d’ailleurs annoncé, lors d’un point de presse faisant suite aux rencontres de l’aile jeunesse du PLQ, le dimanche 11 août 2019, qu’elle ferait d’une loi sur l’interculturalisme un de ses dossiers prioritaires.
  • 7
    «it cannot be assumed that the same linguistic preoccupation will have the same symbolic meaning in every time and place.»
  • 8
    Winnett, Robert. 2008. «Britain ‘a soft touch for home grown terrorists’». The Telegraph, 15 février 2008. En ligne. L’article fait référence à un rapport présenté par le Royal United Service Institute. Le rapport et sa condamnation des politiques multiculturelles en Angleterre avait fait les manchettes de plusieurs quotidiens en février 2008.
  • 9
    Au Québec, à l’heure actuelle, ce ministère s’appelle maintenant Immigration, Francisation et Intégration.
  • 10
    «Most newcomers are anxious to find employment as soon as possible. They regard Dutch-language lessons as a vital tool in this respect. They are also key to facilitating their communication with their new environment.»
  • 11
    On ne peut que souhaiter que l’ajout du mot «Intégration» dans le nom actuel du ministère témoigne d’une meilleure compréhension de la complexité du processus d’intégration.
  • 12
    «While our measurement of linguistic proficiency may correlate with a number of personal traits, such as motivation, a talent for role-play, risk taking, musicality and many others, linguistic competence cannot indicate who will, in the end, be a loyal citizen, observe traffic laws and pay taxes.»
  • 13
    Projet de loi 9 : Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes, présenté par Simon Jolin-Barrette à la 42e législature, session 1 (http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-9-42-1.html)
  • 14
    «The legislation also sets out the framework for a yet-to-be-determined “values test” that applicants would have to pass and will allow the government to cancel approximately 16,000 applications for permanent residency that were already in process.»
  • 15
    «I think as premier of Quebec, it’s my responsibility to defend Quebec values in front of the rest of Canada.»
  • 16
    «The danger is that by setting certain values as the ones of society, in fact, the government would only be recognizing the current values, which may not necessarily be valid forever.»
  • 17
    Le titre en anglais porte à confusion: «Quebec passes bill calling for language values test.»
  • 18
    «Bill 9 didn’t include specific regulations about the promised French language test and the government has yet to announce them.»
  • 19
    Pour l’instant, le Ministère de l’Immigration, Francisation et Intégration exige le TEFAQ (test d’évaluation de français adapté au Québec) pour l’admission à certains de ses programmes d’immigration. En ce qui concerne cette exigence, le gouvernement du Québec se fait plutôt vague, précisant que «votre connaissance du français peut être prise en compte si vous souhaitez immigrer au Québec de façon permanente. La connaissance du français peut aussi être exigée dans certains programmes d’immigration si vous souhaitez passer d’un statut temporaire à permanent» (Gouvernement du Québec 2022. Je souligne.). Le TEFAQ est également reconnu par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour une demande de citoyenneté. En revanche, pour devenir membre d’un ordre professionnel au Québec, l’examen de français de l’Office québécois de la langue française est exigé.
  • 20
    «the terrorist’s group faceless evangelist to Americans and other English speakers seeking to learn about its toxic ideology»
  • 21
    «A thin diminutive man»
  • 22
    «They were especially keen to find people from different nationalities to underscore the group’s global reach.»
  • 23
    «By the time he was apprehended last month, Mr Khalifa said he had stopped working for the media unit and had picked up a Kalashnikov rifle to defend the Islamic state. The videos he had narrated were full of bravado, his voice representing a group that had vowed never to give up. But after more than six defiant years in the battle zone, Mr Khalifa said, he did something that he never thought possible. “I was exhausted. My ammo was gone,” he said. “They kept calling on me to surrender so I threw down my weapon”.»
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