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La retraite philosophique comme décentrement chez La Mothe Le Vayer: voyage, scepticisme et liberté
Les nombreux portraits moraux que les contemporains de François de La Mothe Le Vayer (1588-1672) nous ont laissés décrivent un personnage qui ne laissait pas indifférent. Si le conteur Charles Perrault le gratifie du prestigieux surnom de «Plutarque de nostre siecle» (59) et loue sa «conversation tres-agreable» (60), d’autres plumes dépeignent un «bouru qui vivoit à sa fantaisie », «un homme extraordinaire» (Vigneul-Marville: 311) et, non sans malveillance, un personnage «qui n’a jamais esté un homme comme les autres» (Tallemant des Réaux: 176). Du vivant encore de celui qui fut l’un des premiers membres de l’Académie française, Madeleine de Scudéry brosse dans sa Clélie (1660) les traits d’un «homme dont le mérite est digne de vénération et qui, par sa grande vertu, s’est mis au-dessus de l’envie et des envieux» (431). On pourrait continuer ainsi sur plusieurs pages, mais ces quelques exemples suffisent pour attester l’importance, mais aussi la marginalité de ce grand érudit. Les témoignages de Scudéry, de Noël Argonne, dit Vigneul-Marville, et de Gédéon Tallemant des Réaux suggèrent en effet la distance que prenait le philosophe avec le reste du monde. Ce décalage, La Mothe Le Vayer le thématise lui aussi en louant de façon presque obsessionnelle la solitude dans son œuvre dense, cela malgré une présence importante à la Cour—en tant que précepteur ad interim de Louis XIV—et une production écrite abondante (Beugnot 1996: 60-62). Fidèle à son goût pour les paradoxes subversifs (Cavaillé 2008: 162-163), La Mothe Le Vayer se montre en effet un défenseur convaincu de la retraite, dans un siècle où la mondanité et la conversation sont les attributs principaux de l’honnête homme1En bon suiveur de Pyrrhon, La Mothe Le Vayer pratique l’isosthénie et donne tour à tour des arguments pour et contre la retraite. Reste qu’en fin de compte l’argumentation penche nettement du côté de la solitude philosophique.. Comment expliquer cette contradiction apparente? On peut répondre à cette question en essayant de distinguer les théories d’un auteur de sa vie, mais cette précaution d’usage ne suffit pas à rendre compte de la complexité du système mis en place par La Mothe Le Vayer. Il me semble plutôt que le thème de la retraite contre les tumultes mondains lui donne la possibilité de mener une réflexion complexe qui lui permet de mettre en œuvre un double mouvement de retrait, social et intellectuel. Son parti pris en faveur de l’isolement n’est donc pas uniquement le fruit d’une complexion mélancolique; il est aussi intimement lié à une éthique du décentrement relevant d’une forme radicale de scepticisme. De fait, ce «libertin érudit» (Pintard 1943) est une des figures les plus éminentes du renouveau de la philosophie sceptique du XVIIe siècle, dans la lignée de Michel de Montaigne et de Pierre Charron (Paganini: 61-100). S’il prétend professer un scepticisme chrétien, il appert clairement que son christianisme est une façade couvrant d’orthodoxie un rapport subversif à la morale chrétienne (Giocanti 2006). Cette philosophie sceptique radicale, La Mothe Le Vayer l’exprime de façon continue dans son œuvre, avec une liberté de ton que sa noblesse, comme la protection de Richelieu, lui permet d’adopter.
Il ne s’agira pas pour moi dans le cadre restreint de cet article de décrire exhaustivement le rapport de La Mothe Le Vayer à la retraite. Je m’intéresserai plus particulièrement à un aspect de celle-ci, à savoir sa compromission avec un scepticisme subversif, loin du fidéisme derrière lequel il se cache (Gros 2001). Le discours sur la retraite permet au libertin de décrire la solitude non seulement comme une condition propice à l’introspection, à la méditation et à la consolation, mais aussi comme une invitation aux «aventures de la pensée» (Beugnot 1972: 39). Loin du monde et de ses usages, le philosophe trouve le temps et la place pour se décentrer et pour ébranler ses certitudes. Ce geste de décentrement, typique de la pratique sceptique, lui offre ainsi un espace intellectuel affranchi de tout dogmatisme, où le philosophe découvre (ou prétend découvrir) au gré de ses pérégrinations des propositions hardies. Cette force de proposition n’est possible que parce que La Mothe Le Vayer opère explicitement une séparation très nette entre une morale privée et une action publique, ce que Anna Maria Battista a appelé avec bonheur la «dissociation» libertine (120). Comme je souhaiterais le montrer, le discours sur la retraite chez La Mothe Le Vayer permet en quelque sorte la mise en place de cette dissociation ainsi que son dépassement par une stratégie de «dis/simulation» (Cavaillé 2008), en thématisant notamment les vertus du décentrement, qu’elles soient physiques ou intellectuelles, et en construisant du même coup «un espace privé inédit, aux marges de la sphère publique» (Bury 1999: 106). De fait, il est nécessaire de toujours garder à l’esprit que cette séparation rhétorique entre ce qui relève des sphères publique et privée se matérialise dans des publications en langue vernaculaire, destinées à un public large et mondain, et qu’à ce titre elles cherchent à répandre des idées (Gouverneur 2005: 20). La pensée privée de La Mothe Le Vayer trouve dès lors une tribune pour s’exprimer et pour faire exister la perspective décentrée de l’auteur «entre les lignes» (Strauss 2003: 25). En d’autres termes, le thème de la retraite constitue un moyen de donner à voir dans l’espace public, à travers des «trous» ou un «double-fond», pour reprendre l’expression qu’Hélène Merlin emploie au sujet des lettres de Jean-Louis Guez de Balzac (88), un mouvement subversif de la pensée qui tend avant tout à fragiliser la «Vérité» révélée et dogmatique du christianisme.
Pour mieux comprendre la façon dont La Mothe Le Vayer instrumentalise le discours sur la retraite afin de fragiliser le dogmatisme chrétien, il faudra d’abord montrer brièvement que la retraite laïque que défend La Mothe Le Vayer se construit aussi en opposition à la retraite spirituelle chrétienne. Il s’agira ensuite de s’arrêter quelque peu sur le réseau symbolique qui caractérise la bonne retraite et de montrer que celui-ci ressortit à une valorisation de la marginalité, entendue comme décentrement. Enfin, j’aimerais conclure cette enquête en montrant que ce décentrement, qui s’inscrit dans un geste sceptique, est pensé dans un rapport étroit au voyage, non seulement parce que la littérature viatique en constitue un des outils privilégiés en fournissant des arguments en faveur du relativisme moral, mais aussi parce que la suspension du jugement et le décentrement sont pensés métaphoriquement comme des voyages intellectuels.
La marginalité de la pensée de La Mothe Le Vayer, son caractère transgressif et sa propension à relativiser les vérités de la foi trouvent une expression particulièrement saisissante dans la distinction que dessine le philosophe sceptique entre la retraite intellectuelle, considérée féconde, et la retraite stérile. Sous couvert d’une défense de la solitude studieuse —pas question pour lui de faire de la retraite un lieu d’oisiveté—, La Mothe Le Vayer, en réinvestissant les réflexions des Anciens sur l’otium, opère une distinction plus subversive qu’il n’y paraît. Ainsi, dans son ouvrage tardif intitulé Prose chagrine (1661), il déclare:
Mais il y a des retraites trompeuses, et il se trouve des Hermites hypocrites dans la République des Philosophes. Seneque nous fait réconnoitre pour tel un Vacia, homme fort riche et de race Patricienne, qui se retira auprès de Cumes. Il fit de sa maison je ne dirai pas une prison, mais un tombeau; et devint beaucoup plus renommé par sa solitude, que par toute autre chose. (2012: 109)
Placé sous le signe de l’hypocrisie et des apparences «trompeuses», l’exemple antique de Servilius Vatia s’apparente à une première mort volontaire que vient suggérer l’image du tombeau. Cette image était déjà dépeinte par Sénèque lui-même, lorsqu’il s’écriait devant la demeure du solitaire «Icy gist Vatia» (1661: 267). La Mothe le Vayer opère néanmoins une innovation lexicale qui n’est pas sans conséquences: le choix du syntagme «Hermites hypocrites» constitue un exemple assez paradigmatique d’équivoque dont on ne peut pas prouver le caractère transgressif, mais dont le sens invite à activer ce mode de lecture que Frédéric Tinguely a appelé «la lecture complice2«Ce mode de lecture consiste à privilégier la piste d’un sens réservé, généralement de nature subversive, dans le traitement de certaines turbulences ou de certains échos passés inaperçus».» (60). Si les deux termes du syntagme peuvent désigner des laïques, ils sont habituellement utilisés pour décrire des comportements propres à la dévotion. Comme le rappelle le dictionnaire de Furetière, «hermite» désigne en premier lieu un «homme dévot» (255), tandis que «hypocrite» permet de qualifier celui «qui contrefait le dévot» (291). Et si la querelle du Tartuffe n’a pas encore enflammé la Cour de France, le fait que La Mothe Le Vayer assimile la solitude de l’ermite à une oisiveté aussi hypocrite que funeste constitue probablement une prise de position dissidente, à tout le moins parce qu’elle tend à disqualifier la religion comme motif acceptable de la retraite. Bien sûr, La Mothe Le Vayer ne parle pas directement des véritables anachorètes —c’eût été trop hardi—, et borne sa critique à la «République» laïque des philosophes. Mais cette dénonciation dirigée s’opère au moyen d’un lexique religieux sur lequel déteint le jugement de valeur négatif.
Il s’agit en outre pour La Mothe Le Vayer de retourner l’accusation d’apraxie, qui caractériserait selon ses détracteurs le scepticisme. Une retraite qui ne mènerait qu’à la solitude permet certes d’acquérir une renommée, mais rien de plus. Vide de sens, la solitude de l’ermite s’apparente ainsi à une forme de mascarade qui cache mal une vaine volonté de paraître; et ce n’est pas un hasard si c’est le lexique religieux qui permet à La Mothe Le Vayer de dénoncer le caractère affecté de la solitude stérile. La dégradation se manifeste encore un peu plus loin:
Il y en a […] qui mettent toute leur félicité à croupir dans une oisiveté honteuse. Ce sont des Grénouilles qui se plaisent dans leur marés; des Pourceaux qui dorment avec satisfaction dans la bouë; et des Hibous qui préférent aux plus beaux jours les ténébres d’une vie fainéante. (2012: 110)
La retraite oisive —le terme «félicité» possède aussi un fort sens théologique qui pourrait pointer encore une fois les anachorètes— semble constituer un retour à une avilissante animalité, caractérisée par une forme de complaisance. La solitude de l’ermite relèverait ainsi d’une sensualité égoïste. Alors qu’il devrait rapprocher spirituellement le dévot de Dieu, l’érémitisme tel que le décrit La Mothe Le Vayer s’apparente à une satisfaction corporelle où l’âme est absente. La bonne retraite, au contraire, se caractérise par sa diligence, par son impact dans la cité. De fait, le philosophe assure que «les contemplations […] sont condamnables si elles ne se proposent de paroitre, et de se produire à l’avantage du public» (ibid.). La bonne retraite n’est donc pas un mouvement d’isolement complet ni un moyen de se rapprocher de Dieu d’ailleurs. Elle s’inscrit dans un va-et-vient entre la réflexion et l’action. En tant que lieu privilégié de la pensée, elle n’est moralement acceptable que si elle contribue dans un second temps à la chose publique. À cet égard, cette démarche éminemment politique se distingue complètement d’une démarche religieuse que l’on pourrait attendre dans un éloge chrétien de la retraite. Ce sont alors les idées que le décentrement, aussi bien social que cognitif, a permis de forger qui deviennent visibles et non plus le geste même d’isolement pratiqué par Vatia et dénoncé par La Mothe Le Vayer. Sans viser explicitement les pratiques d’isolement dévotes, l’auteur trace à tout le moins une ligne de démarcation entre deux formes de retraites, dont l’une ressortit à un engagement politique et l’autre à une pratique vaine et vaniteuse, l’une à un décentrement innovant, l’autre à un recentrement narcissique. Parce qu’elles ne contribuent pas à la chose publique, les retraites oisives appartiennent donc à la catégorie de l’isolement stérile aux yeux du libertin érudit. Qui plus est, l’absence même d’un discours explicite sur la retraite dévote, au moment où La Mothe Le Vayer écrit, constitue déjà une forme de revendication. Le réinvestissement du topos de l’otium et son détournement au moyen d’équivoques religieuses et d’une valorisation de l’unique retraite intellectuelle convergent pour désigner une cible silencieuse: la retraite religieuse, pratique égocentrique d’autant plus funeste à l’aune d’une conception politique de la religion dont La Mothe Le Vayer, on le sait, est un ardant sympathisant (voir par exemple Bianchi 2008: 202).
Le caractère transgressif de ces pages de la Prose chagrine devient d’autant plus remarquable qu’il se distingue d’une réflexion similaire menée par La Mothe Le Vayer dans un des Petits traités en forme de lettres écrites à diverses personnes studieuses intitulé «De la méditation» (1656). C’étaient déjà des figures animales qui permettaient à l’auteur de distinguer la retraite utile, active et studieuse, d’un isolement bestial:
Mais certes ce repos et ce loisir ne nous doivent pas mettre hors de toute action; et nôtre solitude ne doit pas être sauvage comme celle d’un Sanglier, ni telle que les Anciens nous ont représenté la retraite d’un Timon […] Et le plus solitaire des Oiseaux [la chouette], consacré à Pallas, aiant toûjours passé pour le symbole de la prudence, nous apprend, qu’une vie retirée n’est pas à mépriser, puisqu’elle a ses occupations studieuses, et qu’elle cultive mieux, que toute autre, les Arts et les Sciences. (1758 [6/1]: 101-102)
La récrimination n’est pas dirigée ici contre la dévotion et elle semble essentiellement dénoncer dans la plus pure topique classique de l’otium l’oisiveté sauvage. Cette fois, les images zoologiques ne désignent pas un comportement religieux, même si la ressemblance entre les deux passages est frappante. De quoi remettre en question l’équivocité du discours sur les «hermites hypocrites»? Certainement pas. La métamorphose du sanglier en pourceau —terme cher au Christ dans l’Évangile de Matthieu (Mt 15:26) et, de façon plus générale, à l’apologétique catholique— témoigne au contraire d’un glissement possible vers la polémique religieuse. Dans le traité de 1656, l’animalité n’est encore que symbolique: elle permet d’opposer l’otium à l’oisiveté, loin de toute considération politique. Opposée au sanglier sauvage, la chouette charrie avec elle tout un imaginaire savant. Elle est l’emblème d’une déesse antique, Pallas-Athéna, qui personnifie la civilisation dans ce qu’elle a de plus élevé. On le voit, en 1661, le ton a changé et l’opposition semble bien dépasser le cadre de la réflexion morale sur l’oisiveté du traité «De la méditation».
Or si les hiboux sont pris en mauvaise part, non sans ironie, dans la Prose chagrine, c’est que l’auteur ne semble plus se contenter d’une retraite studieuse. L’action politique constitue l’étalon à l’aune duquel se mesure une retraite. Cela ne signifie pas que La Mothe Le Vayer a changé d’avis au cours des cinq années qui séparent les deux publications; il semble plus vraisemblable que l’auteur propose une variation sur un thème qui lui est cher à un moment où il vient d’être libéré de toute fonction publique. On comprend mieux pourquoi la parole se fait plus libre et pourquoi La Mothe Le Vayer insiste désormais sur la valeur d’une retraite active. Le caractère politique de la retraite est en outre déjà souligné par La Mothe Le Vayer dans un autre des Petits traités en forme de lettres, intitulé «De la vie solitaire» (1656). Dans ce texte, le philosophe sceptique oppose la solitude de l’aigle à «la compagnie dont les Etournaux ne se peuvent passer», laquelle constitue en outre une «marque de leur foiblesse» (1758 [7/1]: 104). L’aigle auquel semble s’associer l’auteur est un symbole de puissance et de prudence politiques, mais aussi d’indépendance, et il sous-tend une vision élitiste de la société à laquelle souscrivent la plupart des libertins. Loin de la dialectique du privé et du public qu’il développera dans la Prose chagrine au seuil de la retraite, La Mothe le Vayer, en 1656, aime à se figurer au moyen d’une animalité solitaire, clairvoyante et surplombante. Le philosophe sceptique n’hésite pas non plus à se servir d’animaux véhiculant une image plus négative. Dans «D’une retraite de la Cour» (1656), où le philosophe sceptique reproche à son correspondant d’avoir critiqué la retraite de l’un de ses amis, c’est en effet le loup qui lui sert d’emblème. Contre toute attente, La Mothe Le Vayer prend le parti et la voix du «Loup famelique» de la fable:
Et pour moi je souscrirois toûjours à ce que dit le Loup famelique de l’Apologue au Chien d’attache, qui regorgeoit d’embonpoint, Regnare nolo, liber ut non sim mihi [je ne changerais pas ma liberté contre un royaume]. (1758 [7/1]: 6)
La Mothe Le Vayer se remémore dans ces lignes un apologue de Phèdre, «Lupus ad canem». La fable est célèbre: un loup affamé rencontre un dogue bien en chair, lequel lui propose rapidement de garder les troupeaux avec lui. Le prédateur d’abord alléché par la proposition change brusquement d’avis en voyant le cou pelé par l’action de la chaîne de son nouvel ami. Enfin, le loup décline la proposition, préférant sa liberté à l’opulence. La Mothe Le Vayer prend le parti du «loup famelique» et dénonce les «dures chaines et les pesantes contraintes de la Cour» (idem: 7). En s’identifiant à ce loup, que Jean de La Fontaine rendra célèbre quelques années plus tard (1668), il met par ailleurs en pratique une rhétorique de la marginalité qui lui permet de se ménager un espace de liberté intellectuelle, notamment en se figurant comme un animal, certes libre, mais affaibli. Pourtant le loup reste un animal dangereux et le «lecteur complice» ne peut que sourire devant cette lycanthropie littéraire, surtout quand on sait que La Mothe Le Vayer se montre très sceptique vis-à-vis des histoires de Loup-Garous, par exemple dans «De quelques créances mal fondées» (1656), où il déclare que la lycanthropie est «un vrai conte de Peau d’asne». L’ironie est d’autant plus mordante que dans l’un de ses Opuscules (1644) intitulé «De la conversation et de la solitude», La Mothe Le Vayer déclarait:
Or ce qui a fait que quelques-uns ont si mal parlé de la Solitude, c’est qu’ils ont creu qu’elle nous portoit à cette humeur melancholique, qui nous jette bien-tost dans une haine de tout le genre humain, qu’on nomme Misanthropie, nous tranformant en de vrais Loup-garoux, tels que les anciens nous un représenté un Timon, un Apemantus, et quelques autres. (1756 [2/1]: 208)
On le voit, douze ans plus tard, l’auteur se conforme malicieusement à la manière dont est perçue la solitude du sage. Si le solitaire se métamorphose en terrible loup-garou aux yeux des mondains, il n’en est rien en réalité. Or, quand La Mothe Le Vayer se figure en loup en 1656, il se pourrait bien qu’il signale avec malice la dangerosité de sa libre pensée, se conformant ainsi ironiquement à l’image de marginal que la société impose aux esprits libres et solitaires. Cette figuration de soi ambivalente s’apparente aussi à une profession de foi en faveur de la liberté philosophique: dans une lettre où le décentrement propre au relativisme culturel est explicitement mis en œuvre, la figure du loup —sous certains aspects marginale— prend des traits plus avenants tout en valorisant une pensée dissidente et décalée.
Ainsi, l’aigle, la chouette et le loup sont autant de figures qui permettent à La Mothe Le Vayer de dessiner les linéaments d’un autoportrait en anamorphose. Si ces animaux ne mettent pas en pratique un véritable décentrement, ils témoignent néanmoins du décalage du philosophe sceptique, parfois surplombant, parfois caché, parfois fuyant. En se situant métaphoriquement dans une marge solitaire, tout en affirmant la valeur et la validité de son point de vue, le libertin érudit donne potentiellement à voir une perspective nouvelle, décentrée et «guérie du sot» (Moreau 2007) sur la vie sociale, politique et morale d’Ancien Régime. Cette marginalité est le prix à payer pour conserver sa liberté.
«D’une retraite de la Cour» se poursuit en proposant une mise en œuvre de cette liberté philosophique qu’autorise le point de vue décentré. Renonçant au regard bienveillant, La Mothe Le Vayer se fait véritablement loup moral. À la suite de ce passage, il démontre en effet la relativité de la morale chrétienne en partageant avec son correspondant un panorama particulièrement riche de la diversité des coutumes:
Je veux vous communiquer ce que mes dernieres lectures m’ont fait remarquer en faveur de la suspension d’esprit, qui nous devroit tous empêcher de condanner témérairement et trop à la hâte, ce qu’une infinité d’autres personnes fort sensées approuvent, par un raisonnement, qu’ils pensent valoir bien le nôtre. Repassant depuis peu sur l’Histoire de Maffée, je pris plaisir à voir ce qu’il rapporte des Japonois, pour prouver, que par une certaine façon de parler ils peuvent être nommés nos Antipodes moraux. (1758 [7/1]: 7-8)
On pourrait croire dans un premier temps que l’auteur change brusquement de sujet, mais cette ouverture sur le scepticisme est plus cohérente qu’il n’y paraît, puisqu’elle permet de poursuivre et de nourrir la remontrance faite à son correspondant. La Mothe Le Vayer invite ainsi son interlocuteur à se retirer des opinions communes et à suspendre son jugement. Pour ce faire, il convoque le fameux dixième trope sceptique popularisé par Sextus Empiricus, qui postule que la différence des coutumes empêche toute forme de certitude. Contrairement aux Français, les Japonais vont tête nue, restent assis pour manifester du respect et portent du noir pour signifier leur joie, du blanc pour leur deuil. Les exemples se multiplient ainsi sur plusieurs pages et évoquent aussi les Chinois, les Tartares et les Turcs. Face à la diversité des coutumes, le christianisme finit par se fondre dans le bouillonnement des mœurs. La stratégie de La Mothe Le Vayer dans cette lettre est donc complexe: il exhorte son correspondant à ne pas juger de la retraite de son ami, parce qu’il faut être sceptique en matière de morale. Il soutient cette posture intellectuelle audacieuse en convoquant de nombreux particularismes moraux qui lui donnent la possibilité de se décentrer. Le foisonnement des points de vue et des sources contribue non seulement à relativiser les opinions communes, mais il permet aussi à La Mothe Le Vayer de formuler explicitement, avec toutes les précautions que nécessite une telle démarche, des thèses extrêmement hétérodoxes:
Nous attribuons avec justice le malheur des Juifs, et leur persécution universelle, à celle dont ils ont usé envers nôtre Seigneur. Un Religieux Carme dans son Itinéraire Oriental observe, qu’ils rejettent avec blaspheme cela sur lui, parce qu’étant de leur Nation il a osé se dire Dieu. (Idem: 11)
La Mothe Le Vayer fait ici référence au Voyage d’Orient (Itinerarium orientale, 1649) du Carme déchaux Philippe de la Très Sainte Trinité (1652: 358). Dans un chapitre consacré aux «Juifs Orientaux», le révérend père se montre particulièrement sévère envers la «malicieuse obstination et la haine […] qu’ils portent à Jesus-Christ». La singularité culturelle des juifs orientaux y est présentée comme une erreur, un aveuglement. La Mothe Le Vayer se met à l’abri en prenant un religieux pour caution, mais il est clair que le philosophe sceptique réinvestit la thèse d’un Christ imposteur. N’oublions pas que cette accusation contre le Christ intervient au milieu d’une longue liste devant illustrer la variété des mœurs et des croyances. La conclusion fidéiste du passage, dans laquelle La Mothe Le Vayer affirme que le scepticisme nous invite à «tenir toutes nos certitudes du Ciel» (idem: 12), ne trompe pas: hétérodoxie et orthodoxie sont mises en isosthénie. En retrait, La Mothe Le Vayer tranche mollement en faveur de la doxa, mais celle-ci sort bien ébranlée par la réflexion.
Reste à déterminer quel rapport cette pratique sceptique entretient avec le titre de la lettre. On peut faire l’hypothèse que le titre n’est qu’un prétexte fictif pour mener discrètement une réflexion relativiste, mais j’aimerais croire qu’il existe un point de friction entre le discours sur la retraite et la pratique d’un scepticisme relativiste. Et, à mon sens, c’est la littérature viatique qui permet d’articuler l’éloignement spatial que suppose la retraite et la diversité des opinions. Voyager parmi la variété des coutumes, se retirer en esprit, c’est un moyen de faire proliférer les points de vue et de se décentrer.
Il me semble à cet égard qu’il existe chez La Mothe Le Vayer un rapport étroit entre le geste sceptique de suspension du jugement et le fait de se retirer du monde et de ses opinions. Dans les deux cas, en effet, s’opère un décentrement. Mais le résultat reste le même et permet au philosophe sceptique de se situer en marge, certes, mais aussi en pleine liberté. Il s’agit en d’autres termes de se libérer du brouhaha de la pensée vulgaire dominante et de faire un pas de côté salutaire, au risque de se métamorphoser en loup-garou aux yeux de ses contemporains. Pour suspendre son jugement, il faut savoir s’extraire de son milieu, s’élever au-dessus de la masse et des idées reçues.
On ne s’étonnera donc pas de voir La Mothe Le Vayer comparer dans le dialogue «De la vie privée» —dans ces fameux Dialogues faits à l’imitation des anciens (1630), sa toute première publication— la contemplation philosophique à un voyage:
Pourvu que mon âme puisse conserver sa liberté et que ses fonctions ne soient oppressées sous le faix de vos importunes affaires, exempte de passion et de trouble, elle trouvera partout les dieux avec qui converser, elle se promènera par toute l’étendue de la nature, et, par le moyen d’une forte et vigoureuse contemplation, fera des voyages de long cours et des navigations spirituelles, où elle découvrira des Amériques et des nouveaux mondes, pleins de richesses et de merveilles jusqu’ici inconnues […]. Mais quand il se trouve des âmes héroïques, comme des Tiphis ou des Colombs, dans cet océan spirituel, ils suivent des routes toutes nouvelles et font descente en des pays inconnus, pleins de raretés et d’admiration. (2015: 199-200)
La Mothe Le Vayer, par la voix du personnage d’Hesychius, se figure en explorateur de la pensée, aspirant à laisser libre cours à son esprit, loin du monde et de ses affaires. Il s’agit de découvrir de nouvelles terres intellectuelles, probablement aussi peu compatibles avec le christianisme que la spiritualité des Tupinambas3À n’en pas douter, La Mothe Le Vayer s’inscrit dans le sillage de Montaigne, ce chantre de la retraite et du scepticisme.. Or l’image d’une aventure intellectuelle, en quête de nouveauté, n’est pas originale. La Mothe Le Vayer suit de près le texte d’un auteur qui fut brûlé pour hérésie en 1600 sur le Campo dei Fiori à Rome. Giordano Bruno, puisque c’est de lui qu’il s’agit, tenait des propos similaires dans le Souper des cendres (1584), un dialogue philosophique qui relate la querelle qui l’a vu s’opposer aux docteurs d’Oxford. Dans ce texte, où il développe l’idée d’un univers infini en perpétuelle mutation, le Nolain se compare à un explorateur de la pensée qui aurait découvert un Nouveau Monde spirituel et étendu les frontières de l’univers:
Que si l’on porte Tiphys aux nues, parce qu’il a dans l’Antiquité piloté le premier navire, et parce qu’il a traversé la mer en compagnie des Argonautes […] ou bien si, à notre époque, on exalte Cristophe Colomb, parce qu’il a réalisé une forte ancienne prédiction […] que dire alors d’un homme qui a redécouvert le moyen de monter au ciel […]? Le Nolain a libéré l’esprit humain et la connaissance qui, recluse, dans l’étroit cachot de l’air turbulent, ne pouvait contempler qu’à grand-peine, comme par de petits interstices, les étoiles dans l’immensité; empêché par ses ailes coupées de voler dans les nuages pour en déchirer le voile, elle ne pouvait observer ce qui se passait vraiment là-haut, ni se libérer des chimères de ces imposteurs aux multiples visages, sortis de la fange et des cavernes de la terre, qui en se donnant pour des Mercures et des Apollons descendus du ciel ont présenté comme autant de vertus, d’idées divines et de savoirs disciplinés les innombrables folies, bestialités et vices dont ils ont rempli le monde […]. Il a mis à nu la nature, que des voiles enveloppaient; il a donné des yeux aux taupes et rendu la lumière aux aveugles incapables de regarder en face, pour y contempler leur propre image, la multitude des miroirs qui les environnaient de toutes parts; il a dénoué la langue des muets, qui ne savaient ni n’osaient démêler l’écheveau de leurs pensées; il a rebouté les boiteux, incapables de parcourir en esprit le chemin inaccessible au corps vil et périssable. (1994: 42-48)
Les similitudes entre les deux textes sont suggestives et il est probable que La Mothe Le Vayer ait en tête les pages de Bruno quand il écrit ses sulfureux Dialogues: il semble bien que le libertin condense et renvoie discrètement à la prose hyperbolique et blasphématoire du philosophe italien quand il compare, comme son prédécesseur, ses aventures spirituelles et intellectuelles aux explorations de Typhis et Colomb. On pourrait imaginer que La Mothe Le Vayer arrive à la même comparaison que Bruno par hasard ou par un autre truchement: cela paraît improbable. Non seulement je n’ai pas connaissance d’une version similaire de cette comparaison chez un autre auteur (ce qui n’est certes pas un argument décisif), mais il est en outre assez crédible que La Mothe Le Vayer ait eu accès aux œuvres de Bruno dans les années où il côtoie Gabriel Naudé, grand spécialiste français du Nolain. Ce clin d’œil discret à Bruno est déjà en soi un geste transgressif, d’autant plus qu’entre 1623 et 1624 le minime Marin Mersenne dénonçait le mage italien comme un hérétique, et cela même s’il s’en fait —peut-être contre son gré— l’un des plus notables passeurs (Del Prete: 54). La métaphore viatique réunit bel et bien Bruno et La Mothe Le Vayer, lesquels se présentent comme des aventuriers de l’esprit, au même titre que Colomb et Typhis furent des aventuriers des mers. Voyager en pensée, repousser les frontières de la connaissance et de la spiritualité, voilà à quoi semblent aspirer les deux philosophes. Dans ce processus rhétorique, le voyage constitue un symbole de liberté et de libération qui ne va pas sans reléguer la théologie chrétienne parmi les débris de l’Ancien Monde4La Mothe Le Vayer développe une idée similaire dans un des Petits traités en forme de lettre intitulé «Des abstractions spirituelles» (1659): «Quel plaisir de songer à mille choses, où le reste des hommes ne pensent jamais; de s’écarter de la multitude, pour prendre des sentimens dignes de ce que nous sommes par nôtre partie supérieure et procedant avec ordre dans cet exercice mental, connu seulement par ceux, qui le pratiquent, de découvrir, comme nous l’avons déjà dit, des païs, dont l’on n’a point encore entendu parler!» (1756 [6/1]: 352-352).. À rebours d’une vérité révélée, le voyage permet de découvrir l’immense variété des morales, des métaphysiques et des théologies. D’ailleurs, il n’a sans doute pas échappé à La Mothe Le Vayer que Bruno s’empare de la thèse de l’imposture politique du Christ dans ce portrait «des Mercures et des Apollons» vicieux. Mais alors que Bruno, dans un élan thaumaturgique, se présente comme un nouveau Christ (quand il prétend soigner les aveugles et les boiteux), La Mothe Le Vayer se montre évidemment plus mesuré et se contente de suggérer le caractère innovant et certainement transgressif de ses «navigations spirituelles» qui refusent de se contenter du dogmatisme et qui contestent in fine l’ordre moral établi.
Or il est intéressant de noter que, chez La Mothe Le Vayer, ces expéditions intellectuelles sont intimement liées à la lecture des relations de voyage. La retraite et la lecture, sédentaires, donnent ainsi à La Mothe Le Vayer la possibilité de découvrir le monde et de voyager, dans la pensée comme dans le monde, sans quitter son fauteuil:
Que de volupté ravissante, de passer d’un Pole à l’autre sans craindre la zone torride; faire le tour du monde avec le vaisseau appellé la victoire sans courir fortune de mer […] profiter avec Ulysse des mœurs et façons de faire de tant de peuples, remarquant qu’il ne s’y trouve rien de solide en ce que nous nommons vice et vertu. (2015: 523-524)
Dans ces quelques lignes d’un autre des Dialogues intitulé «De la politique», il appert clairement que le voyage de l’esprit conduit irrémédiablement vers un relativisme moral constitutif du décentrement que procure la lecture des relations de voyage. En prétendant donner un argument en faveur du scepticisme, La Mothe Le Vayer fourbit en réalité ses armes contre la morale chrétienne dont il souligne implicitement le caractère contingent. Libéré des opinions communes et de l’orthodoxie catholique, le philosophe, en «explorateur du globe intellectuel» (Manea 2012), découvre la fragilité de tous les préceptes moraux grâce au décentrement que procure la retraite studieuse.
Le discours sur la retraite chez La Mothe Le Vayer s’apparente bel et bien un lieu privilégié pour l’expression d’une pensée subversive dissimulée, notamment parce qu’il permet de faire dialoguer la philosophie sceptique avec une éthique du décentrement. Le geste de se retirer pour mieux agir sur le monde moral et politique est moins paradoxal qu’il n’y paraît et relève en quelque sorte d’une valorisation de la marginalité. Pour La Mothe Le Vayer, le rôle du philosophe consiste de fait à s’écarter des idées reçues, à prendre de la distance avec les opinions populaires et, somme toute, à adopter de nouvelles perspectives. Sans courir de danger pour sa santé, il peut se lancer dans des explorations intellectuelles et des lectures qui l’invitent à conclure à la supériorité d’un scepticisme radical totalement incompatible avec le dogme chrétien. Cette entreprise aura ainsi pu mettre au jour les rapports étroits qu’entretiennent l’épochè (suspension du jugement) et la retraite. Elles produisent toutes deux un décentrement, sur le plan épistémique (puis moral) pour l’une, sur le plan social pour l’autre. Suspendre son jugement c’est donc se retirer du dogmatisme comme on se retire du monde, c’est faire un pas de côté, et, enfin, c’est un moyen de relativiser la morale chrétienne.
Bibliographie
Sources primaires
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- 1En bon suiveur de Pyrrhon, La Mothe Le Vayer pratique l’isosthénie et donne tour à tour des arguments pour et contre la retraite. Reste qu’en fin de compte l’argumentation penche nettement du côté de la solitude philosophique.
- 2«Ce mode de lecture consiste à privilégier la piste d’un sens réservé, généralement de nature subversive, dans le traitement de certaines turbulences ou de certains échos passés inaperçus».
- 3À n’en pas douter, La Mothe Le Vayer s’inscrit dans le sillage de Montaigne, ce chantre de la retraite et du scepticisme.
- 4La Mothe Le Vayer développe une idée similaire dans un des Petits traités en forme de lettre intitulé «Des abstractions spirituelles» (1659): «Quel plaisir de songer à mille choses, où le reste des hommes ne pensent jamais; de s’écarter de la multitude, pour prendre des sentimens dignes de ce que nous sommes par nôtre partie supérieure et procedant avec ordre dans cet exercice mental, connu seulement par ceux, qui le pratiquent, de découvrir, comme nous l’avons déjà dit, des païs, dont l’on n’a point encore entendu parler!» (1756 [6/1]: 352-352).