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Imaginer le monde inuit dans les albums jeunesse au Québec. Un état des lieux

Olivier Hamel
couverture
Article paru dans Présence de l’album jeunesse au Québec, sous la responsabilité de Geneviève Lafrance (2024)

    

Dans la foulée des mesures prises pour la réconciliation avec les Premières Nations, les Métisses et les Inuits, le Gouvernement du Canada a adopté, le 21 juin 2021, la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, un engagement qui l’unit «aux peuples autochtones pour qu’ils travaillent ensemble à la mise en œuvre de la Déclaration en se fondant sur la réconciliation, la guérison et des relations de coopération durables». (Gouvernement du Canada, 2023) Comme le rappelle l’application mobile Réconciliation autochtone, une application développée par le Gouvernement du Canada pour aider ses fonctionnaires à mieux comprendre les enjeux décoloniaux et à en être mieux informés, «la réconciliation est un processus continu et dynamique. Une approche consciencieuse suppose que l’on tienne compte des distinctions» entre les réalités vécues par chacune des communautés de chacune des nations. (Gouvernement du Canada, 2021)

Nelly Duvicq, à qui l’on doit l’Histoire de la littérature inuite du Nunavik (2019), a fait paraître en 2015 un article intitulé «Lire l’enfant inuit», dans lequel elle brosse un tableau des principaux enjeux liés à la littérature jeunesse écrite au Canada par des Inuits et sur les Inuits. Elle y rappelle que les «albums illustrés qui dépeignent la culture et l’environnement des Inuits du Canada» peuvent donner aux allochtones «l’occasion de se familiariser avec une autre culture» que la leur (Duvicq: 168, 171) et souligne au passage l’importance « de reconnaître les efforts entrepris par [diverses] institutions pour produire des livres qui reflètent adéquatement la culture inuite tout en retenant l’attention du public exogène». (169) L’étude qu’on s’apprête à lire s’inscrit dans la continuité des recherches de Nelly Duvicq en littérature jeunesse. Elle se concentre sur un corpus de trente et un albums publiés au Québec entre 1999 et 2022, qui s’adressent à un large public et qui peuvent, ou non, avoir été écrits par des Inuits. La représentation des Inuits et de leur environnement y sera analysée à la lumière de certaines valeurs identifiées par Nelly Duvicq, en particulier «la connexion entre les humains et la nature», «le sens de la communauté, l’entraide, la modestie et le partage». (Duvicq: 171-172) Après quelques remarques préliminaires sur la façon dont nous avons circonscrit notre corpus, nous proposerons un tour d’horizon des albums portant sur un sujet inuit publiés au Soleil de Minuit, la maison d’édition où est parue la majorité des œuvres que nous avons recensées, puis nous étudierons les albums de notre corpus publiés dans d’autres maisons d’édition québécoises.

Vingt-cinq albums jeunesse publiés au Québec avant 2023 (l’année où cette étude a été réalisée) ont été indexés1Comme la loi sur le dépôt légal implique qu’un ou deux exemplaires de tout livre publié dans la province y soient déposés à des fins d’archive, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) possède, en principe, tous les livres publiés au Québec depuis 1968. Puisque les albums jeunesse sont classés dans les rayons par ordre alphabétique de nom d’auteur, seul le catalogue en ligne permet de rechercher efficacement des livres d’images et des textes illustrés ― les deux appellations utilisées par l’établissement pour catégoriser les albums jeunesse ― portant sur un même sujet. En bibliothéconomie, l’indexation est le principe méthodologique qui consiste à établir une «sélection de “mots-clés” ou “descripteurs”» (Forget: 106) représentatifs d’un ouvrage, qui permettent à celui-ci de ressortir parmi les résultats lorsqu’une recherche est lancée. Ces mots-clés (également appelés «vedettes-matière») doivent être «choisis dans une liste de termes préétablie. On ne peut donc pas décrire le même sujet par des synonymes et, ce faisant, disperser les fiches matières dans plusieurs endroits du catalogue, au risque de mener par la suite des recherches bibliographiques incomplètes». (Forget: 116, l’autrice souligne) Par exemple, si une œuvre était indexée avec le mot «Nord» et un autre avec le terme «Septentrion», ces deux œuvres abordant le même sujet ne ressortiraient pas dans une même recherche. par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) à l’aide de la vedette-matière «Inuits2Les zones «Sujets» de leurs notices bibliographiques présentent plus précisément les vedettes-matière «Inuits — Fiction», «Inuits — Folklore» et «Inuits — Mœurs et coutumes».». Le mot-clé «Nord-du-Québec» permet en outre de relever l’album Perdu dans la toundra (2019) de Ginette Moreau et Brandy Wood, et le sujet «Nunavik» permet de découvrir l’album Une coccinelle au Nunavik (2019) d’Isabelle Larouche et Christine Sioui Wawanoloath. En parcourant le catalogue en ligne des Éditions du Soleil de minuit, nous avons repéré trois albums supplémentaires qui mettent en scène des personnages inuits: Le capuchon d’Aisaki (2011) de Sala Padlayat, Albin retourne au Nunavik (2011) de Julie Rémillard-Bélanger et Dessin-moi un traîneau (2021) de Louise-Michel Sauriol et Karen Hibbard. Ces trois titres n’apparaissent pas dans les résultats de recherche du catalogue de BAnQ puisqu’aucune vedette-matière ne leur a été assignée au moment de leur traitement documentaire. Nous incluons également dans notre corpus l’album Dangers sur la banquise (2020), écrit et illustré par les élèves de l’école Ulluriaq du village de Kangiqsualujjuaq au Nunavik. Au moment où nous terminions la rédaction de cet article, cet album était toujours en traitement à BAnQ et n’avait donc pas encore été indexé.

Le corpus ainsi circonscrit n’est pas exhaustif. L’Institut culturel Avataq a publié treize livres pour enfants3Il s’agit de Sila malitsugu suqatsiutiusuut [Activités saisonnières] (2019) et Kamagiutitsianiq [L’entraide] (2019) de Louie Qungisiruq; Ilagiit inuusingit [La vie de famille] (2019) de Caroline Palliser; Nanuirtuq. Takusaijuk mikigianik (2017) et Iqalliatut (2017) de Qumaq Mangiuk Iyaituk et Passa Mangiuk; Sipuuja imminik parnaigunnalirtuq [Sipuuja peut s’habiller seule] (2017) d’Elsie Kasudluak et Qumaq Mangiuk Iyaituk; Ippiajummut (2017) de Qumaq Mangiuk Iyaituk, Manu Qaunnaaluk, Passa Mangiuk et Paula Ainalik; Kuuvimmut iqalliatut (2017) de Mattiusi Manukuluk Iyaituk et Manu Qaunnaaluk; Alianartuit atuutisimajut [Moments précieux] (2019) d’Elaisa Audlaluk; ainsi que de quatre imagiers de l’illustratrice Nunnga Iqaluk [également orthographié Nunga Echalook], soit Ilisautiit kititjutinngiit [Apprendre à compter] (2010), Inuit sanarrutingit [Outils inuits] (2011), Inuit aulagutingit. Sivulliit [Tranport 1] (2013) et Inuit aulagutingit. Tungalingat [Tranport 2] (2013)., dont neuf albums jeunesse (les quatre autres sont des imagiers), tous parus dans les années 2010 en édition unilingue inuktitute et recensés sur le site de Publications Nunavik4En ligne. https://publicationsnunavik.com/fr/subject/livres-pour-enfants-et-materiel-pedagogique/. En août 2023, au moment où nous achevions nos recherches, aucun de ces treize livres n’avait encore reçu de traitement documentaire par BAnQ et n’était donc accessible pour la consultation. C’est pourquoi nous les avons exclus de notre corpus5Ces treize livres ont finalement été traités en octobre 2023, après une demande que nous avons adressée en ce sens aux Services aux usagers de BAnQ. La vedette-matière «Inuits» n’a été assignée à aucun d’eux.. Nelly Duvicq a par ailleurs identifié dans son article quatre livres pour enfants en inuktitut publiés par la Commission scolaire Kativik dans les années 1990, écrits par Susie Cain et al., Mary Elijassiapik, Mitiarjuk Nappaaluk et Vallie Nayummik. Aucun de ces livres n’apparaît dans le catalogue de BAnQ lorsqu’on fait une recherche par nom d’auteur ou d’éditeur, ce qui fait croire que leur dépôt légal n’a pas été complété. Comme notre étude s’intéresse aux ouvrages susceptibles de rejoindre «un autre lectorat que celui des régions inuites» (Duvicq: 169), nous n’avons pas retenu ces dix-sept livres qui, pour des raisons linguistiques et institutionnelles, sont difficilement accessibles à l’extérieur du Nunavik.

Une des raisons qui expliquent le petit nombre d’œuvres recensées dans cet article est que «[l]a littérature inuite pour la jeunesse écrite par les Inuits est un phénomène relativement récent». (Duvicq: 168) La rareté des matériaux sur lesquels écrire en zone arctique a cependant nourri une longue tradition orale, dont cette littérature est issue. Le nombre restreint d’albums représentant la culture et l’environnement inuits écrits par des non-Inuits est quant à lui fortement tributaire de la distance, qui réduit les possibilités de contacts entre la masse des gens du Sud et les communautés du Nord. Le plus ancien album du corpus étudié est paru en 1999, l’année de fondation des Éditions du Soleil de minuit, une maison spécialisée en littérature jeunesse dont la ligne éditoriale privilégie la représentation contemporaine des minorités culturelles, notamment celle des peuples autochtones du Québec. Les œuvres qu’elle publie sont systématiquement bilingues: elles sont écrites dans la langue de la communauté représentée et dans une autre langue (généralement le français) qui permet la diffusion auprès d’un plus large lectorat. Cette maison d’édition publie notamment «des albums s’intéressant à la vie quotidienne de l’enfant inuit et à son environnement» (Duvicq: 169). Vingt des trente et une œuvres de notre corpus ont été publiées par cette maison d’édition.

Ces vingt albums, dont dix-huit se déroulent à l’époque contemporaine, ont été écrits par un auteur et neuf autrices, dont seulement deux sont inuites. Sala Padlayat6Sala Padlayat a également traduit en inuktitut deux albums pour le compte du Soleil de minuit. La plupart des autres albums ont été traduits en inuktitut par Sarah Beaulne, qui a grandi à Puvirnituq. Voir à son sujet «Beaulne, Sarah», Littératures inuites. ᐃᓄᐃᑦ ᐊᓪᓚᒍᓯᖏᑦ. Inuit Literatures. En ligne.  https://inuit.uqam.ca/index.php/fr/individu/beaulne-sarah a écrit et illustré Le capuchon d’Aisaki (2011), dans lequel un jeune Inuk venant d’aménager dans une nouvelle communauté se fait intimider par ses camarades, car il est le seul à porter un anorak au capuchon pointu. D’un commun accord avec l’enseignante, sa mère raconte à toute la classe un récit de sauvetage qui explique pourquoi sa communauté d’origine privilégiait les capuchons pointus aux capuchons ronds. Cet album met de l’avant le partage intergénérationnel des connaissances et illustre comment les récits issus de la tradition orale inuite constituent des sources d’apprentissage importantes pour les jeunes. Il déconstruit également la perception erronée d’une homogénéité de la culture inuite en montrant que, d’une communauté à l’autre, les pratiques vestimentaires diffèrent, résultant d’adaptations à des environnements distincts. L’album de Sala Padlayat est l’un des rares où le texte en inuktitut a visuellement préséance sur la version française, étant écrit au-dessus plutôt qu’en dessous de celle-ci7Les deux albums Dessine-moi un traîneau et Dangers sur la banquise présentent la version en inuktitut du texte sur la belle page et la version française sur la page de gauche, chacune des deux langues occupant sa propre page. La langue ancestrale des Inuits apparaît donc en premier au moment de la tourne, ce qui a pour effet de la mettre en valeur. Tous les autres albums bilingues de notre corpus présentent l’inuktitut sous le français..

Écrit par Emily Novalinga, une poétesse et conteuse née à Puvirnituq8Emily Novalinga a également traduit en inuktitut un album pour les Éditions du Soleil de minuit. Voir à son sujet «Novalinga, Emily», Littératures inuites. ᐃᓄᐃᑦ ᐊᓪᓚᒍᓯᖏᑦ. Inuit Literatures. En ligne. https://inuit.uqam.ca/fr/individu/novalinga-emily, et illustré par Claude Thivierge, L’écho du Nord (2005) met lui aussi en valeur la transmission orale d’un savoir-être et d’un savoir-faire, par un père à son fils cette fois, dans un contexte manifestement moderne: «Il était une fois un garçon qui vivait dans une maison surchauffée où la télévision, les vidéos, la musique, les motoneiges, les avions, les camions bruyants et les bouteilles qui tombaient par terre ne laissaient plus de place aux doux silences.» (s. p.) Cet album qui intègre quelques poèmes relate l’histoire d’un jeune Inuk apprenant à être à l’écoute de la nature et de lui-même pour devenir un bon chasseur et un homme sage. Son ouïe se développe à un point tel qu’il parvient à entendre le chant des aurores boréales. Cette capacité d’écoute de la nature témoigne du lien qui unit les Inuits à leur environnement. Ainsi, «[c]ouché en silence, Tugaarq perçoit un chant sous le tourbillon de la neige. Il entend le son de l’Eau, l’eau d’un torrent, puis il sent le mouvement des vagues. […] La neige, l’eau, les vagues s’unissent alors et chantent la chaleur et la froidure de l’hiver.» Dans cet album, les éléments naturels sont porteurs d’un savoir sur la saison hivernale accessible à ceux qui tendent l’oreille. Comme le souligne la quatrième de couverture, cette histoire rappelle «l’importance de prendre soin de [sa] santé, de prendre le temps de bien écouter: écouter les autres, écouter la nature, s’écouter soi-même».

Parmi les personnes non inuites ayant publié au Soleil de minuit, plusieurs ont habité au Nunavik dans le cadre de leur travail. C’est le cas de Diane Groulx, qui a écrit le cycle d’Aputik, constitué de quatre albums illustrés par Brenda Watson, qui racontent des événements du quotidien de la jeune Inuk éponyme. Cette série porte sur un thème récurrent dans la littérature autochtone: «the importance of intergenerational influence». (Wolf et al.: 91) La grand-mère d’Aputik (2000) présente une série d’activités que la protagoniste aime faire avec son aïeule, comme pêcher, cuisiner et l’écouter raconter des légendes que celle-ci illustre avec des ficelles nouées entre ses doigts. Le dénouement révèle aux lecteurs et lectrices que la grand-mère est en fait décédée et qu’Aputik conserve ses précieux souvenirs dans son cœur. L’album d’Aputik (2001) porte sur les souvenirs que garde Aputik du temps où elle était bébé, conservés dans un album photo qu’elle consulte en compagnie de son meilleur ami pour un projet scolaire. On peut y voir une scène où les deux enfants sont en compagnie de leurs mères devant une tente, une image qui met l’accent sur l’importance de nourrir ses liens avec sa famille, sa communauté et son environnement. L’anniversaire d’Aputik (2003) raconte une aventure de cueillette de moules sous la glace avec la «nombreuse parenté» (s. p.) de la jeune fille en prévision de son anniversaire. Bien plus que la célébration d’une seule personne, la fête est l’occasion d’un grand rassemblement heureux où tous participent à la cueillette du souper et au festin qui s’ensuit. Le récit se conclut par un cadeau que la mère fait à sa fille: une poupée fabriquée par l’arrière-grand-mère de la fêtée et transmise d’une génération à l’autre. Le trésor d’Aputik (2018), publié près de quinze ans plus tard, raconte un projet conçu par Aputik au moment où elle apprend à écrire: transformer en un livre illustré une légende que lui a racontée son grand-père, qui se l’est lui-même fait conter par son propre père. Ce projet donne l’occasion à la jeune Inuk d’apprendre tous les mots de l’histoire par cœur. Le livre ne se substitue donc pas à la tradition orale; il s’y ajoute, la prolonge et aide à sa conservation en nourrissant à son tour le lien intergénérationnel: une fois le livre terminé et la légende «immortalisé[e] sur le papier » (s. p.), Aputik en fait cadeau à son grand-père.

Cette tétralogie, qui prend place dans un Nunavik contemporain, illustre la coexistence entre les pratiques traditionnelles et modernes. Aputik, en compagnie de sa grand-mère, va en motoneige pêcher au filet l’omble de l’Arctique, qu’elles cuisineront pour le souper. (Groulx, 2000: s. p.) La mère d’Aputik et celle de son ami Putugu amènent leurs nourrissons au bord d’un lac gelé où des enfants plus âgés jouent au hockey. (Groulx, 2001: s. p.) L’une tient son enfant sur sa poitrine dans un porte-bébé moderne, tandis que l’autre transporte le sien sur son dos, dans son amautik, le manteau traditionnel des femmes inuites. La poupée confectionnée par l’arrière-grand-mère d’Aputik s’avère un cadeau beaucoup plus significatif que «la poupée-qui-boît-qui-mange-qui-tousse-qui-fait-pipi-qui-rit-qui-parle-et-qui-chante» (Groulx, 2003: s. p.) vue dans une publicité à la télévision. Le projet d’Aputik de transformer en livre illustré la légende que son grand-père analphabète lui a racontée est exécuté à l’école, dans une classe équipée d’un tableau interactif; les méthodes traditionnelles d’enseignement telles que la transmission orale des contes s’intègrent ainsi au milieu scolaire contemporain.

Dans L’enfant qui rêvait de s’envoler (2000), Jacques Plante raconte quant à lui l’histoire d’un jeune Inuk qui adopte un fauconneau pèlerin après s’être approché trop près du nid, s’être fait attaquer par la mère et avoir tué celle-ci. Cet album fait plus que dépeindre une belle relation entre un garçon et un oiseau: il rappelle l’importance d’assumer la responsabilité de ses erreurs. Les illustrations de Stéphane Simard font découvrir un Nunavik au paysage estival et rocailleux, fort différent du cliché d’une contrée arctique dissimulée sous la neige et sous la glace.

Comme Jacques Plante et Diane Groulx, Isabelle Larouche a été enseignante au Nunavik, plus précisément à Kangiqsualujjuaq9«Isabelle Larouche», Wikipedia. En ligne. https://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_Larouche, où elle situe l’action de deux de ses albums. Elle a signé trois livres pour les Éditions du Soleil de minuit. La légende du corbeau (2002), illustré par Julie Rémillard-Bélanger (qui est aussi une autrice sur les œuvres de qui nous reviendrons), est l’histoire d’un jeune chasseur transformé en oiseau noir après avoir rebroussé chemin malgré la tempête qui s’était levée pour aller récupérer des couvertures oubliées dans un campement temporaire. Le cri du corbeau, qui ressemble au mot en inuktitut pour désigner une couverture (qaaq), rappelle depuis aux chasseurs de ne pas oublier leurs biens derrière eux. Dans cette histoire construite autour d’un récit traditionnel dont la morale perdure jusqu’à aujourd’hui, la dernière illustration représente un Inuk revenant de la chasse sur sa motoneige. Le texte insiste sur la continuité entre passé et présent en précisant que la leçon contenue dans cette légende résonne dans le cri du corbeau «chaque fois que les Inuit lèvent le camp après avoir chassé». (s. p.) La réprobation d’un comportement est aussi au cœur des Loups au ruban rouge (2021), un album illustré par Brandy Woods qui raconte l’aventure de jeunes hockeyeurs et hockeyeuses du Nunavik ayant voyagé à Montréal dans le cadre d’un tournoi où ils ont été victimes d’intimidation. Après la médiatisation de cet événement, plusieurs joueurs autochtones ont décidé de porter un ruban rouge sur leur bâton pour signifier l’importance du respect et de l’inclusion dans le sport. L’incipit de cet album qui propose une leçon sur l’ouverture d’esprit et sur la solidarité donne l’impression que le lectorat visé n’est pas inuit: «À l’école Ulluriaq de Kangiqsualujjuaq au Nunavik, les élèves étudient en français, en anglais et en inuktitut. Cette dernière langue est celle de leurs ancêtres qu’ils parlent aussi à la maison et dans le village.» (s. p.) Une coccinelle au Nunavik (2019) exploite également le thème du déplacement entre le Nord et le Sud. L’album relate l’anecdote d’un coléoptère rouge qui, caché dans une laitue, aurait été transporté dans un avion de cargaison jusque dans la cuisine de l’autrice au Nunavik. Illustré par l’artiste et écrivaine abénakise et wendate Christine Sioui Wawanoloath, il retrace les aventures de l’insecte à Kangiqsualujjuaq et ses rencontres avec les différentes espèces animales du Nunavik. En accordant une importance marquée à la faune nordique, l’album illustre le lien qu’entretient le peuple inuit avec son environnement. Les trois albums d’Isabelle Larouche ont tous une forte portée pédagogique, qui met en valeur le sens de la communauté chez les Inuits.

Plusieurs autres albums publiés au Soleil de Minuit s’articulent autour de figures animalières nordiques. Dans Les familles du Nunavik (1999), France Paquin, une orthopédagogue ayant résidé au Yukon, invite à chaque double page à découvrir une espèce animale différente vivant sur le territoire du Nunavik. L’histoire se déroule de la fin de l’hiver à la fin de l’automne et met l’accent sur la relation entre les parents et les enfants chez chacune des espèces présentées. L’illustration de la dernière belle page montre une famille inuite, ce qui permet à l’album d’intégrer l’humain dans l’écosystème et de le mettre sur un pied d’égalité avec les autres espèces, dont aucune n’occupe plus d’espace que la double page qui lui est attribuée.

L’illustratrice des Familles du Nunavik, Julie Rémillard-Bélanger, a signé au Soleil de minuit trois albums relatifs à la culture et à l’environnement inuits, qui ont tous une portée éducative marquée: ils renseignent sur les animaux marins du Nunavik, sur les peuples autochtones du Québec et sur le vocabulaire de base en inuktitut. Dans Alasi, Jimmy et la mer (2002), deux enfants inuits écoutent leur père, un pêcheur de crevettes, leur décrire les différents animaux marins qu’on trouve au large et sur les côtes. La transmission orale d’un savoir sur l’environnement est au cœur de ce récit qui débute par la demande d’une fillette adressée à son père («—Papa, raconte-nous les animaux de la mer!») et se poursuit en mettant l’accent sur l’impression de stabilité émanant de la parole de celui-ci, qui commence toujours ses histoires ainsi: «—Sous le ciel bleu de l’Arctique, l’océan est calme…» (s. p.) Albin visite les autochtones (2000) suit pour sa part un harfang des neiges qui voyage à travers le Québec pour aller à la rencontre des dix Premières nations et des Inuits. Cet album se distingue au sein des albums publiés au Soleil de minuit: il est le seul de notre corpus qui inclut des traductions de toutes les langues autochtones du Québec. Chaque double page est dédiée à une nation différente et à sa langue; seule la dernière présente la nation inuite. Des enfants s’y baignent dans un lac, dans une scène estivale de la vie quotidienne. Albin retourne au Nunavik (2011) reprend les personnages d’Alasi et du harfang des neiges pour présenter une journée typique d’une enfant inuite du XXIe siècle. Chaque double page la montre à un endroit différent de son quotidien (une salle de classe, un gymnase, une rue du village, une cuisine, une chambre à coucher, la toundra) et présente les noms, en français et en caractères syllabiques, de différents objets ou animaux qu’on peut y trouver. Pour qui connaît les caractères syllabiques, la lecture de l’ouvrage est l’occasion d’apprendre un vocabulaire de base en inuktitut couvrant les sphères du corps humain, des objets domestiques, de la faune locale et des phénomènes météorologiques.

Perdu dans la toundra (2019) de Ginette Moreau et Brandy Woods est inspiré d’un événement réel vécu par l’autrice alors qu’elle habitait à Chisasibi, en territoire cri. Comme l’indique sa quatrième de couverture, cet album est le récit d’«[u]ne chaîne de solidarité incroyable» qui montre «la bienveillance et la délicatesse des peuples du Nord». Lors d’une expédition pour assister à un pow-wow, le fils de l’autrice perd sa peluche dans la toundra. Elle est retrouvée par une famille inuite et, après avoir parcouru près de cinq cents kilomètres, elle est rendue à son jeune propriétaire. Le voyage de la peluche est une leçon sur les vertus de la patience et de l’entraide. Le récit témoigne également du lien étroit qu’entretiennent les Inuits avec leur territoire, puisque ce sont deux enfants de cette nation qui retrouvent l’objet égaré.

Sedna, d’après une légende inuk (2009) d’Isabelle Crépeau raconte l’origine de la divinité inuite éponyme vivant au fond de l’océan, dont les deux principaux attributs sont sa longue chevelure, qui lui permet de nuire aux pêcheurs en retenant prisonniers les animaux marins, et ses doigts coupés, qui ont donné naissance aux narvals, bélougas, phoques, morses, etc. Illustré par Sylvie Nadon, cet album occupe une place distincte dans le corpus du Soleil de minuit, puisqu’il est le seul, avec La légende du corbeau, à raconter une histoire située dans un passé lointain. Celle de Sedna se déroule au moment des premiers contacts avec les hommes blancs. L’élément déclencheur du récit coïncide avec l’arrivée d’un «étranger» qui a «[d]es fourrures et [d]es manières [qui] ne ressemblent pas à ce qu’on connait», qui porte «des lunettes bizarres […] d’une matière extraordinaire qui brille» et qui «parle une langue inconnue». (s. p.) Dans son sac, il a apporté «des eaux qui brulent la gorge et donnent encore plus soif, des eaux qui étourdissent les femmes et rendent les hommes semblables à des ours». (s. p.) L’illustration de ce passage montre une bouteille de verre verte sous deux ombres d’ours polaires.

La dernière des dix auteur.trices ayant publié au Soleil de minuit est Louise-Michelle Sauriol, une orthophoniste montréalaise qui a entrepris d’écrire des histoires adaptées aux enfants avec qui elle travaille10«Louise-Michelle Sauriol», Wikipédia. En ligne. https://fr.wikipedia.org/wiki/Louise-Michelle_Sauriol. De ses quatre albums publiés en français et en inuktitut, deux se déroulent dans la métropole et illustrent la diaspora inuite. Les trouvailles d’Adami (2004) traite d’une amitié entre un jeune Inuk et sa voisine blanche, tandis que Dessine-moi un traîneau (2021) relate la relation tissée entre un jeune garçon blanc vivant dans une grande ville et une vieille Inuk rencontrée dans un parc. Ces deux albums méritent d’être analysés avec une attention particulière en raison de la manière dont ils contribuent à combattre l’image stéréotypée d’un peuple isolé du reste du monde.

Figure 1: SAURIOL, Louise-Michelle et Leanne Franson. 2004. Les trouvailles d’Adami. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien-de-Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule».

Illustré par Leanne Franson, Les trouvailles d’Adami est l’histoire d’un enfant inuit venu s’installer à Montréal avec sa mère pendant les études de celle-ci en soins infirmiers. La mise en récit d’un choc culturel s’articule autour de la comparaison entre le Nunavik et Montréal, dont les différences sont accentuées par les observations du protagoniste et par les illustrations. Dès la première double page (figure 1), Adami compare les végétations des deux régions et remarque qu’«[a]u sud du Québec, poussent des géants chevelus avec des troncs très larges». (s. p.) Une petite plante nordique est illustrée au bas du texte, sur la page de gauche. Elle est comparée à un immense saule montréalais, dont seules les branches sont illustrées sur la belle page. Le tronc de l’arbre est à l’extérieur du cadre de l’image à fond perdu, ce qui laisse le lectorat estimer sa taille. Comme écrasé par le milieu urbain, Adami est dessiné dans le cadre de la fenêtre d’un sous-sol. Son visage attristé diffère de celui illustré sur la deuxième belle page (figure 2), où il bondit avec ses amis dans un immense champ fleuri qui se prolonge à l’horizon. Cette image évoque la liberté, non seulement celle du protagoniste, mais aussi celle des fleurs qui croissent à l’état sauvage dans le Nord, alors que celles de la ville «vivent emprisonnées dans des cages». Un petit bosquet entouré d’une clôture de métal est dessiné au-dessus du texte sur la page de gauche. Le contour du bosquet se découpe sur le blanc de la page, ce qui nourrit l’impression que ses fleurs sont isolées et confinées dans un petit espace. Les univers sonores dans lesquels évolue Adami font également l’objet d’une comparaison. À la troisième double page, l’enfant remarque un colibri «pas très bavard» en train de s’abreuver avec de l’eau sucrée. Il note alors que «[l]es oiseaux du sud prennent du sirop pour la gorge afin de mieux chanter», leur «tout petit gazouillis» étant fort différent du chant des oiseaux du Nord, qui, illustrés en nuée sur la belle page le bec ouvert, «s’ébatt[ent] en criant». Les remarques amusantes et poétiques d’Adami masquent une réalité qui est partiellement révélée lorsqu’il fait un cauchemar dans lequel un inukshuk, «entr[é] dans une colère terrible», menace de l’ensevelir sous une avalanche. L’explication de ce cauchemar est donnée à la dernière page du récit, quand Adami accepte de vivre avec le souvenir des enfants de son village qui ont perdu la vie dans une avalanche. L’album est dédicacé «aux enfants du village de Kangiqsualujjuaq». Au fil de l’histoire, Adami fait de nombreuses comparaisons entre son ancienne et sa nouvelle vie, jusqu’au jour où il voit passer un chaton blanc comme la neige, accompagné d’une jeune fille de son âge qui l’invite à venir voir les autres petits de la portée et qui lui en offre un. Le jeune Inuk nommera le chaton Nunavik, ce qui marquera son attachement pour sa contrée d’origine. Les différences culturelles et géographiques observées par Adami ne l’auront donc pas empêché de nouer une nouvelle amitié, qui l’aidera à faire le deuil de ses défunts camarades. L’illustration de la dernière belle page donne à voir un rêve combinant des éléments en provenance des deux mondes qui sont désormais ceux d’Adami. Au-dessus du jeune Inuk endormi se déploie un paysage estival nordique, dans lequel tous les détails saillants de l’histoire se retrouvent: un tapis de fleurs, le saule pleureur de la cour montréalaise, de petites croix blanches qu’on devine être les pierres tombales des enfants du village, un colibri, un inukshuk et la nouvelle amie d’Adami. Si Les trouvailles d’Adami débute dans le registre de l’altérité en comparant le Nunavik et Montréal, la belle page finale met en valeur le métissage en amalgamant des éléments des deux endroits et en montrant que leur coexistence, en plus d’être possible, ne nuit aucunement à l’intégrité du personnage principal, qui peut s’identifier avec bonheur aux deux territoires. L’album présente par ailleurs, dans la version française du texte, des termes de la langue inuite comme «Inuk» pour désigner le garçon, «pirutsiat» pour désigner une variété de fleurs et «tuttujuuk» pour désigner la Grande Ourse, nommée la constellation du caribou par les Inuits. En plus d’initier à l’inuktitut une part du lectorat, ces mots permettent momentanément de nommer la réalité arctique sans pour autant passer par la langue du colonisateur.

Figure 2: SAURIOL, Louise-Michelle et Leanne Franson. 2004. Les trouvailles d’Adami. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien-de-Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule».

Dessine-moi un traîneau raconte par sa part l’histoire d’une relation d’amitié entre le narrateur et une vieille Inuk nommée Iti. Cet album se démarque visuellement des autres œuvres de notre corpus publiées au Soleil de minuit grâce aux illustrations à fond perdu de Karen Hibbard, qui couvrent l’entièreté des doubles pages. En plus d’occuper tout l’espace sur le plan formel, les illustrations jouent un rôle clé dans la diégèse, puisque certaines images assurent la communication entre les deux personnages principaux, qui ne parlent pas la même langue. Les dessins d’Iti abolissent autant la barrière linguistique que la frontière entre la réalité et l’imaginaire: «Sans un mot», raconte le narrateur, «elle [iti] me remet le carnet, ouvert au milieu. À bord du traîneau à chiens, Iti et moi arrivons près d’un campement sur la glace. C’est étrange: on dirait que je vis dans le décor. Comme si j’avais traversé le temps et l’espace.» (s. p.) La réalité arctique n’est pas pour autant enjolivée. Lors d’un de leurs voyages imaginaires, le garçon voit un phoque avec «[d]u liquide rouge foncé [qui] coule». Si le protagoniste est d’abord horrifié, alors même que son «amie se penche et avale un morceau de gras de phoque», il apprend ensuite par son grand-père que «[c]apturer un phoque était un événement très joyeux pour les Inuits. Ils étaient assurés de bien vivre ensuite». Plusieurs indices font croire qu’Iti vit en situation d’itinérance, au premier chef son prénom. Lors de leur première rencontre, le garçon voit Iti fouiller dans les poubelles. Il la retrouve par la suite tous les jours au parc et lui donne des objets choisis par ses parents: un parapluie lorsqu’il pleut, une couverture de laine lorsqu’il fait froid. À la fin de l’histoire, Iti reste endormie sur un banc; le garçon n’arrive pas à la réveiller. Son grand-père le rassure en lui disant que son «amie s’est endormie dans un iglou de bonheur», confirmant à demi-mots que la dame est morte. Cet album représente les valeurs inuites du respect et de la transmission intergénérationnelle du savoir grâce à la figure de l’aînée qui partage ses souvenirs du Nord avec un enfant avant de s’éteindre.

On doit également à Louise-Michelle Sauriol deux autres albums: Siara et l’oiseau d’Amour (2002), illustré à nouveau par Leanne Franson, et La révolte des ours polaires (2007), illustré par Daniela Zekina. La première raconte l’histoire d’une jeune Inuk qui se fait capturer par l’esprit malin Arnasiutik après avoir désobéi à sa mère, qui lui avait interdit de porter une robe confectionnée en prévision du mariage de sa sœur. L’esprit malin, dont la figure est celle d’un beau capitaine de navire au comportement dérangé, ressemble à un navigateur de passage qui abuserait des jeunes filles de la communauté. Ce récit enseigne la modestie et le respect des aînés, puisque la désobéissance aux parents et l’orgueil y sont punis. Le dernier album de Louise-Michelle Sauriol est un conte écologique dans lequel des ours polaires décident de provoquer une grande tempête pour punir l’espèce humaine du réchauffement climatique, qui détruit leur habitat. Un ourson explique alors aux siens que les gens du Nord polluent moins que ceux du Sud et qu’ils respectent les animaux. Aussi prévient-il deux enfants inuits, qui lui ont autrefois sauvé la vie, du plan conçu par les ours polaires contre le genre humain, et les invite-t-il à alerter les enfants du monde entier. Cet album encourage le développement d’un lien sensible à l’environnement et présente un rapport inversé de transmission des connaissances: ce sont les enfants qui y éduquent leurs parents au sujet des dangers de la crise climatique.

Les albums publiés au Soleil de minuit présentent des caractéristiques diégétiques récurrentes qui contribuent à donner une image complexe de la culture et de l’environnement inuits. Une importance certaine est ainsi accordée au cycle des saisons. Dans la majorité de ces récits, au moins un moment de l’histoire se déroule au cours d’une autre saison que l’hiver. Dans Umiujaq. Regards inuits sur le paysage, Fabienne Joliet a remarqué que les mois d’hiver «ne représentent qu’une partie de l’année» aux yeux des artistes visuels qui rendent compte de «la réalité paysagère subarctique inuite». (Joliet: 44) Dans soixante-trois photographies soumises à un concours au Nunavik, elle a en effet observé «une prédominance du “vert” sur le “blanc”, soit de l’été sur l’hiver, avec peu de paysages enneigés […] et beaucoup de paysages verdoyants. Ce constat assez étonnant contredit l’image mythique occidentale d’un Grand Blanc arctique.» (Joliet: 43) Un constat similaire peut être fait au sujet des albums de notre corpus où d’autres saisons que l’hiver sont représentées. En donnant à voir autre chose que de vastes manteaux de neige, ces albums évitent de propager une perception stéréotypée du territoire et du mode de vie inuits. Le plus souvent, les pratiques traditionnelles que sont la chasse, la pêche et la cueillette y coexistent en outre avec un mode de vie moderne. Ces activités sont représentées dans quatorze des vingt albums que nous venons de recenser, où elles apparaissent parfois en tant que moteur principal du récit, comme dans La légende du corbeau, parfois au passage, au moment par exemple de partager un souvenir, comme dans L’album d’Aputik. La plupart de ces livres développent la thématique des rapports intergénérationnels et, plus largement, celle des liens communautaires. Sur le plan pictural, une vaste palette de couleurs est utilisée, que ce soit pour illustrer les vêtements (intérieurs ou extérieurs) des personnages ou pour mettre en relief la texture de la neige, à l’aide de teintes de bleu, de violet et d’orangé. La lecture des albums du Soleil de minuit qui représentent le monde inuit mène à un constat similaire à celui fait par Doris Wolf et Paul DePasquale dans leur étude sur les albums jeunesse écrits par des autochtones du Canada entre 1967 et 2008. Selon eux, ces albums proposent «a wide diversity of representations encompassing boy and girl protagonists of various ages […] who are engaged in learning a wide variety of lessons and/or having adventures in various time periods and a number of different locales». (Wolf et al.: 89) Cette grande variété de représentations offerte par les Éditions du Soleil de minuit contraste avec ce que nous avons pu observer chez d’autres éditeurs.

Des onze autres albums recensés dans le cadre de cette étude, dix sont des livres unilingues français, écrits et illustrés par des non-Inuits. Parmi eux, il semble que seul Jacques Pasquet ait côtoyé des Inuits, et ce, pendant près de dix ans11Voir le site des Éditions de l’Isatis. En ligne. https://editionsdelisatis.com/auteurs/jacques-pasquet/. Illustré par Marion Arbona et préfacé par Steven Guilbeault, son album Mon île blessée (2009)12Cet album est le seul de notre corpus à avoir été catégorisé par BAnQ comme un «texte illustré», et non comme un «livre d’images». Il a été réédité en France en 2014 aux Éditions Bilboquet et a été traduit en anglais en 2017 sous le titre My Wounded Island pour le compte d’Orca Book Publishers. Une nouvelle édition est également parue en 2020 chez Isatis. est un conte qui, à l’aide de la figure allégorique d’un «monstre mauvais dissimulé dans les vagues» (s. p.), traite des dommages du réchauffement climatique sur les populations inuites: fonte de la banquise, augmentation des intempéries, érosion des côtes. L’île dont il est question est celle de Sarichef, située «entre la Russie et l’Alaska», et le peuple représenté est celui des Inupiaks. L’histoire, qui se déroule à l’époque contemporaine, est narrée à la première personne par une jeune fille inuite. Il s’agit d’un des rares récits de notre corpus qui prend place explicitement dans une communauté située à l’extérieur du Québec. L’on doit également à Jacques Pasquet Comment l’ours blanc perdit sa queue (2003), illustré par Alain Reno et publié aux 400 coups. Inspiré d’une histoire orale racontée par des aînés d’Ivujivik, cet album explique l’origine de la tradition vestimentaire du pompon sur le nassak, la tuque portée par les Inuits13Comment l’ours blanc perdit sa queue a été catégorisé comme un «documentaire» dans le catalogue de BAnQ malgré sa forte dimension narrative.. Dans un Nord coloré par des lavis bleus, violets, orangés et rouges, Adami, le chef de sa communauté, réussit à rendre docile un ours blanc grâce à un pouvoir étrange qui lui confère des yeux tourbillonnants. Lorsque l’ours obtient d’Adami la permission de partir, des enfants s’accrochent à sa queue et la lui arrachent. Situé dans un passé lointain marqué par les migrations saisonnières, le récit se conclut sur l’image d’un village inuit moderne.

Alors que les récits publiés au Soleil de minuit se déroulent presque tous dans un cadre contemporain, la majorité des autres albums de notre corpus représentent le monde inuit à une époque révolue. C’est le cas d’Irniq et l’aurore boréale (2008) de Paule Brière et Manon Gauthier, un album qui suit un jeune Inuk apprenant à se repérer dans la toundra. Le cycle des saisons est au cœur de ce récit qui s’articule autour d’un schéma répétitif: Irniq s’aventure sur le territoire, se perd et appelle ses parents. Ceux-ci le retrouvent, le consolent, puis lui indiquent un nouveau moyen, adapté à la saison, pour se repérer lorsqu’il chasse ou qu’il explore les terres. Chaque saison, en raison de ses conditions climatiques uniques, exige de porter attention à des points de repère différents, comme les cours d’eau l’été, les traces de pas dans la neige l’hiver et les inukshuks l’automne. Les illustrations représentent Irniq dans de vastes paysages aux couleurs changeantes: blanc et bleu foncé pour les scènes de printemps enneigé; vert et bleu pâle pour l’été; jaune, orangé et gris foncé pour l’automne; blanc et noir pour l’hiver. Une illustration à fond perdu couvre chacune des doubles pages, à l’exception de l’antépénultième, où, sur la page de gauche, le texte sur fond blanc est surmonté de trois images séquentielles représentant Irniq à la recherche de son chemin dans la toundra pendant une longue nuit hivernale (figure 3). En isolant ainsi dans de petites cases le personnage, ce procédé met l’accent sur la solitude d’Irniq qui, devenu adulte, doit faire le deuil de ses parents. La double page suivante illustre une aurore boréale indiquant à Irniq que ses parents veilleront toujours sur lui. Cet album représente bien le lien entre l’humain et la nature cher à la culture inuite en mettant de l’avant la connaissance du territoire qu’ont les Inuits. Il montre également le partage intergénérationnel des connaissances entre Irniq et ses parents, qui lui enseignent à s’orienter.

Figure 3: BRIÈRE, Paule et Manon Gauthier. 2008. Irniq et l’aurore boréale. Montréal: Imagine.

Le risque de se perdre ou de perdre quelqu’un sur «la grande terre du Nord» (Brière: s. p.) joue aussi un rôle clé dans Missuk et les oies des neiges14La version originale de cet album a été publiée à Vancouver par Simply Read Books en 2008 sous le titre Missuk’s Snow Geese. d’Anne Renaud et Geneviève Côté (2009), paru chez Dominique et compagnie, et dans Inuk Pituk de François Tardif et Carole Gagon (2009) aux Éditions du Petit monde. Le premier raconte comment des formes d’oie tracées dans la neige par la petite Missuk ont permis à son père, parti à la chasse, de retrouver son chemin vers l’iglou familial dans une tempête. La transmission de savoirs traditionnels est au cœur de ce récit dont la protagoniste souhaite devenir «un grand sculpteur» comme son père (s. p.). Dans Inuk Pituk, un enfant inuit décide de faire ses preuves en partant seul à la chasse à l’ours polaire. Plutôt que de tuer l’animal doué de parole dont il fait la rencontre, il en devient l’ami.

Alors que certains albums ajoutent comme Inuk Pituk une touche fantastique à leur récit, d’autres prennent place dans un univers totalement chimérique, comme La légende de Sarila de Nicholas Aumais et Philippe Arseneau Bussières (2013). Paru chez Bayard Canada, cet album adapté d’un film d’animation raconte l’histoire de trois jeunes Inuits partis à la recherche d’une terre mythique où la saison estivale dure toute l’année afin de sauver leur communauté d’une famine qui sévit depuis que la divinité Sedna a puni un chamane en faisant disparaître le gibier. L’opposition stéréotypée que donne à lire le texte entre un «Grand Nord canadien» (s. p.) privé de ses ressources et une terre mythique «d’une splendeur à couper le souffle», qui a toutes les caractéristiques d’une contrée du Sud et dont les richesses promettent d’assurer «la survie du clan», s’accompagne d’importantes libertés prises avec le patrimoine culturel inuit: la déesse Sedna n’est pas représentée avec les phalanges coupées, comme le voudrait sa légende, et Toongaaluk, «l’esprit de la noirceur», n’appartient pas, à notre connaissance, à la mythologie inuite.

La légende de Sarila n’est pas le seul album à représenter un «Grand Nord canadien» largement fantasmé. Noël, une nuit inoubliable (2015) de Claire Dumont et Mehrafarin Keshavarz est une réécriture de la naissance de Jésus de Nazareth transposée dans le village imaginaire de «Nanuq, au Nord du Canada» (s. p.). Dès ses pages de garde, l’album emprunte à l’imaginaire du Nord plusieurs stéréotypes (iglou, ours polaire, inukshuk, grande étendue blanche) alors même que les mots «inuit», «inuk» et «inuktitut» brillent dans ce livre par leur absence. Le mot «Nunavut», qu’un «petit lexique pour les curieux» définit comme «un territoire politique situé dans l’Arctique canadien», n’est utilisé qu’à l’antépénultième page. Les personnages, vêtus de manière peu réaliste, ont pour seules activités la chasse et la pêche. Parmi les iglous sont dressées des tentes de peau, pourtant mal adaptées à la rudesse de la saison hivernale, et les animaux du Nord qui jouent dans cette histoire les rôles animaliers du récit biblique côtoient un manchot, un hippogriffe et une licorne.

Trois albums de notre corpus se démarquent par ailleurs en raison de leur caractère ouvertement fantaisiste: Pikiq de Yayo (2015), Miki de Stephen Mackey (2008) et, du même auteur-illustrateur, Miki et la fleur de lune (2010)15Les deux albums de Stephen Mackey sont d’abord parus en anglais à Londres sous les titres Miki (2008) et Miki and the Moon Blossom (2010) chez Hodder Children’s.. Dans aucun de ces trois albums le mot «inuit» n’est utilisé pour qualifier les personnages ou le territoire qu’ils habitent. Ces trois histoires se déroulent néanmoins dans un espace arctique, désigné comme «le Grand Nord» dans l’incipit de Pikiq (s. p.) et comme le « Nord du Nord » sur les quatrièmes de couverture de Miki et de Miki et la fleur de lune. Les protagonistes sont des enfants vêtus de manteaux bruns, vraisemblablement en peau, sertis de capuchons de fourrure. Pour reprendre les mots de Nelly Duvicq, ils portent « comme tous les enfants inuits des parkas (atigiit) bordés de fourrure et des mitaines (pualuuk) cousues à la main ». (Duvicq: 174) Dotés d’attributs vestimentaires associés au Nord, Pikiq et Miki vivent seuls en compagnie d’animaux. Ces albums intègrent ainsi une «figure populaire du patrimoine oral inuit» identifiée par Nelly Duvicq: celle de l’orphelin, dont le destin parfois tragique met en évidence que « la survie est impossible ou presque à l’écart de la communauté» (Duvicq: 172). Il en va toutefois autrement pour Pikiq et Miki, qui vivent de toute évidence sans difficulté en dépit de leur isolement.

Comme le rappelle Daniel Chartier, «[d]ans bien des récits occidentaux, le “Nord” renvoie […] à une matrice neutre sur laquelle on peut situer un récit sans égard à la réalité matérielle ou phénoménologique, pour autant qu’on respecte une série de critères et de caractéristiques qui sont propres au “Nord” dans l’imaginaire». (Chartier: 16) C’est ce qui se produit dans ces trois albums, où divers signes évoquent l’idée du Nord: un personnage vêtu de peaux contre le froid évolue dans un décor où prédominent le blanc de la neige et le bleu de la glace et dont la ligne d’horizon lointaine suggère l’immensité. Comme la lecture aura tôt fait de le révéler, les arbres colorés qui parent la page de couverture de Pikiq sont les dessins du jeune Inuk, qui a découvert une «une vieille boîte abandonnée par un explorateur» contenant «des crayons de couleur, du papier, de la peinture, des pinceaux et un livre avec des photos d’arbres et d’animaux exotiques». (s. p.) Les couleurs flamboyantes de la première double page apparaissent donc comme un élément allochtone recouvrant un territoire où prédomine le blanc de la neige, qui tapisse parfois l’entièreté de la page. Il importe cependant de reconnaître le travail de métissage qu’opère l’album de Yayo. Ce métissage commence lorsque Pikiq, «[a]près avoir utilisé tout le papier», continue de dessiner sur la neige, c’est-à-dire sur l’autre surface blanche qu’il a à sa disposition pour exprimer sa créativité. L’aventure qu’il poursuit par la suite se déroule dans univers onirique: l’enfant part à la découverte des forêts et des animaux qu’il a vus dans le cahier laissé par l’explorateur. Les illustrations mettent en évidence l’inventivité de Pikiq, qui utilise par exemple une feuille de bananier découpée dans une image pour se confectionner un kayak. L’univers construit par Yayo témoigne de sa capacité à s’approprier les instruments de la modernité, à les adapter à son environnement et à construire un rapport positif à l’altérité.

Les deux albums de Stephen Mackey sont également exempts de prétention réaliste. Dans Miki, la protagoniste éponyme tombe dans le trou de la banquise où elle pêchait; emportée par les eaux, elle découvre diverses créatures marines et se lie d’amitié avec le petit d’une pieuvre. L’incipit situe l’action à «l’autre bout de la terre, [là] où règne toujours l’hiver» (Mackey, 2008: s. p.) et mobilise ainsi deux lieux communs, l’un associant le Nord à l’éloignement, l’autre à la seule saison hivernale. À gauche du texte, Miki marche en compagnie de son ami «Pingouin». Animal typiquement associé au monde froid, le pingouin est une espèce d’oiseau nordique, comme le harfang, le lagopède et l’eider. Or les caractéristiques des ailes, du bec et des pattes de l’ami de Miki lui donnent plutôt l’apparence d’un manchot, une espèce d’oiseau vivant au pôle Sud16On notera que la version originale de cet album est parue en anglais et que la langue anglaise possède un seul terme (penguin) pour désigner le manchot et le pingouin.. Miki et la fleur de lune s’ouvre pour sa part sur l’image d’un iglou muni d’une éolienne sur son toit et d’une fenêtre à travers laquelle des rideaux sont visibles; Miki fait la lessive en compagnie d’un ours polaire et d’un pingouin. Le premier tient une corde à linge et le second trempe un vêtement dans un trou de la banquise. La suite raconte comment un coup de vent amena vers Miki la graine d’une fleur géante, qui poussa rapidement jusqu’au ciel, à la manière d’un haricot magique. La dernière double page montre l’immensité du blanc arctique, illuminée par une immense pleine lune et découpée par des plantes géantes vert tendre aux fleurs magenta. Le récit se conclut sur ces mots: «Ici-bas, au clair de lune, des centaines de plantes déroulent leurs belles feuilles dans la neige. Elles poussent comme si elles voulaient toucher le ciel, sous le regard émerveillé des trois amis… le monde de glace n’a jamais été aussi beau.» (Mackey, 2008: s. p.) Cette finale reconduit une perspective coloniale, dans la mesure où ce sont des éléments allochtones, en l’occurrence des fleurs géantes, qui y donnent au Nord sa beauté, comme si celui-ci était dépourvu d’éléments intrinsèques pouvant rivaliser avec la végétation venue d’ailleurs — et comme si, l’été venu, le Nord n’avait pas ses propres fleurs.

Les albums publiés chez d’autres éditeurs que le Soleil de minuit tendent la plupart du temps à simplifier le territoire nordique. Leur cadre spatiotemporel est souvent défini à l’aide d’un ensemble restreint de signes tels que l’hiver, la neige, le froid, la fourrure et l’ours polaire, qui sont utilisés pour représenter le Nord et la nation inuite. Autrement dit, ces livres recourent largement au stéréotypage, c’est-à-dire à «l’activité qui découpe ou repère, dans le foisonnement du réel ou du texte, un modèle collectif figé». (Amossy: 21) Rappelons avec Catherine Cua que l’emploi de stéréotypes en littérature jeunesse fait courir le risque d’une

fossilisation de conceptualisations sociales inexactes altérant de manière négative le rapport du lecteur à la différence: le jeune lecteur, qui ne possède pas les connaissances lui permettant de poser un regard critique sur ce qui lui est présenté, prend alors le stéréotype pour un fait réel. (Cua: 48)

Les stéréotypes sont en effet problématiques quand leur caractère synthétique et simplifié est oublié au profit d’une vision réductrice du monde et de généralisations hâtives.

Un phénomène particulier observé dans notre corpus est l’importance variable accordée à la figure de l’ours polaire. Elle est présente dans huit des vingt albums publiés au Soleil de minuit; exception faite de La révolte des ours polaires, ses apparitions y sont sporadiques. Sa présence est donc plutôt discrète dans cette partie du corpus. Or l’ours polaire est surreprésenté chez les autres éditeurs, où il apparaît presque systématiquement (neuf fois sur onze) et joue souvent un rôle clé, soit comme adjuvant, soit comme opposant. La figure de l’ours polaire n’est certes pas pour autant l’apanage des albums qui posent un regard externe sur les réalités du Nord. On la retrouve dans Dangers sur la banquise (2020), écrit et illustré par des enfants du village de Kangiqsualujjuaq. Dans cet album, l’ours polaire n’est toutefois pas le seul représentant de la faune arctique: il côtoie le phoque, le chien, le caribou, la bernache, le corbeau, le harfang des neiges, l’oie blanche, le lagopède «et d’autres oiseaux qu’on ne connaît pas». (8) Inspiré d’histoires orales racontées par des aîné.e.s du village, cet album publié en inuktitut et en français aux Éditions du Grand Élan a été réalisé dans le cadre d’un projet scolaire dirigé par Isabelle Larouche. Pour le dire avec Nelly Duvicq, ce type de projet contribue à ouvrir pour le lectorat non inuit «une fenêtre sincère sur un Nord authentique». (Duvicq: 176)17Trois autres livres pour enfants réalisés au Nunavik (un recueil de légendes paru en 2019 et deux albums de 2023) s’inscrivent dans le cadre de projets similaires à celui ayant présidé à la publication de Dangers sur la banquise. Il s’agit de 1) Unikaangit. Légendes inuites (Wendake: Hannenorak), un recueil regroupant sept légendes inuites illustrées par des élèves de l’école Innalik d’Inukjuak et librement interprétées par Maude Ostiguy-Lauzon; 2) Attaque sur la toundra, un autre album collectif dirigé par Isabelle Larouche aux Éditions du Grand-Élan, réalisé cette fois à l’école Asimauttaq de Kuujjuaraapik; 3) et L’inugagullirq, un album cocréé à l’école Nuvviti d’Ivujivik dans le cadre du projet Un livre à la fois de l’Université du Québec à Montréal (https://projet-unlivrealafois.uqam.ca/), publié par le Laboratoire international de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique (https://nord.uqam.ca/publication/inugagulliq-linugagullirq).

Nous constatons en somme à la suite de Nelly Duvicq les efforts déployés par certains éditeurs, en particulier le Soleil de minuit, pour produire des albums jeunesse qui représentent adéquatement les Inuits, «leur culture, leur mode de vie et leur réalité» (Duvicq: 171) en mettant par exemple en valeur l’importance du partage intergénérationnel des connaissances, le cycle des saisons et la diversité des espèces peuplant l’Arctique, tout en évitant de propager des stéréotypes. L’accent mis dans ces ouvrages sur la complexité de la réalité nordique contraste avec la simplification observée dans plusieurs albums publiés dans d’autres maisons d’édition, qui ont tendance à réduire la culture et l’environnement des Inuits à de la neige blanche, à des habits de fourrure et à des ours polaires.

On remarque en outre qu’au moment où a été achevée cette étude (à l’hiver 2024) seuls dix des trente et un albums recensés ici (et seulement quatre des vingt albums édités au Soleil de minuit) étaient présentés à l’attention du public dans les rayons de Bibliothèque et Archives nationales du Québec18Ces dix albums sont La légende de Sarila, Irniq et l’aurore boréale, Miki, Miki et la fleur de lune, Mon île blessée, Pikiq et, aux Éditions du Soleil de minuit, L’anniversaire d’Aputik, La légende du corbeau, Une coccinelle au Nunavik et Les loups au ruban rouge.. La forte majorité des albums de notre corpus étaient conservés dans des entrepôts et ne pouvaient donc être empruntés que sur demande, dans un délai de dix jours ouvrables. Dans un contexte sociopolitique où il serait souhaitable que le public ait accès à un vaste éventail d’œuvres qui représentent adéquatement les Inuits et leur environnement, augmenter la visibilité de celles-ci mériterait d’être encouragé.

    

Bibliographie

Corpus primaire

AUMAIS, Nicholas et Philippe Arseneau Bussières. 2013. La légende de Sarila. Montréal: Bayard Canada, 48p.

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CRÉPEAU, Isabelle et Sylvie Nadon. 2009. Sedna, d’après une légende inuk. Traduction en inuktitut d’Emily Novalinga. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

DUMONT, Claire et Mehrafarin Keshavarz. 2015. Noël, une nuit inoubliable. Montréal: Médiaspaul, 32p.

GROULX, Diane et Brenda Watson. 2000. La grand-mère d’Aputik. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album illustré», 24p.

GROULX, Diane et Brenda Watson. 2001. L’album d’Aputik. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album illustré», 24p.

GROULX, Diane et Brenda Watson. 2003. L’anniversaire d’Aputik. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album illustré», 24p.

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LAROUCHE, Isabelle et Julie Rémillard-Bélanger. 2002. La légende du corbeau. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

LAROUCHE, Isabelle et Christine Sioui Wawanoloath. 2019. Une coccinelle au Nunavik. Traduction en inuktitut de Sala Padlayat. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

LAROUCHE, Isabelle (dir.). 2020. Dangers sur la banquise. Sainte-Adèle: Grand Élan, coll. «Histoires de notre village», 28p.

LAROUCHE, Isabelle et Brandy Woods. 2021. Les loups au ruban rouge. Traduction en inuktitut de Sala Padlayat. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

MACKEY, Stephen. 2008. Miki. Traduction en français de Savoyanne Henri-Lepage. Montréal: La courte échelle, 48p.

MACKEY, Stephen. 2010. Miki et la fleur de lune. Traduction en français de Savoyanne Henri-Lepage. Montréal: La courte échelle, 32p.

MOREAU, Ginette et Brandy Woods. 2019. Perdu dans la toundra. Traduction en inuktitut de Sala Padlayat. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

NOVALINGA, Emily et Claude Thivierge. 2005. L’écho du Nord. Traduction en français de Lucie Michaud. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album illustré», 24p.

PADLAYAT, Sala. 2011. Le capuchon d’Aisaki. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album illustré», 24p.

PAQUIN, France et Julie Rémillard Bélanger. 1999. Les familles du Nunavik. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album illustré», 24p.

PASQUET, Jacques et Alain Reno. 2003. Comment l’ours blanc perdit sa queue. Montréal: Les 400 coups, coll. «Les petits contes», 32p.

PASQUET, Jacques et Marion Arbona. 2009. Mon île blessée. Montréal: Isatis, coll. «Tourne-pierre», 32p.

RÉMILLARD-BÉLANGER, Julie. 2000. Albin visite les autochtones. Traductions en montagnais de Brigitte St-Onge, en cri de Mary Jane Petawabano, en atikamekw de Martha Niquay, en algonquin de France Mowatt, en abénaquis de Monique Nolett-Ille, en mohawk de Frank Jacobs, en wendat de Michel Gros-Louis, en micmac de Diane Mitchell et Eunice Metallic, en malécite d’Anne Archambault, en naskapi de Philip Einish et en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

RÉMILLARD-BÉLANGER, Julie. 2002. Alasi, Jimmy et la mer. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album illustré», 24p.

RÉMILLARD-BÉLANGER, Julie. 2011. Albin retourne au Nunavik. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien de Brandon: Soleil de minuit, 24p.

RENAUD, Anne et Geneviève Côté. 2009. Missuk et les oies des neiges. Saint-Lambert: Dominique et compagnie, 36p.

SAURIOL, Louise-Michelle et Leanne Franson. 2002. Siara et l’oiseau d’amour. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien-de-Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

SAURIOL, Louise-Michelle et Leanne Franson. 2004. Les trouvailles d’Adami. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien-de-Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

SAURIOL, Louise-Michelle et Daniela Zakina. 2007. La révolte des ours polaires. Traduction en inuktitut de Sarah Beaulne. Saint-Damien-de-Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

SAURIOL, Louise-Michelle et Karen Hibbard. 2021. Dessine-moi un traîneau. Traduction en inuktitut de Jaaka Nutaraaluk. Saint-Damien-de-Brandon: Soleil de minuit, coll. «Album du crépuscule», 24p.

TARDIF, François et Carole Gagnon. 2009. Inuk Pituk. Laval: Petit monde, 32p.

2015. Pikiq. Montréal: La bagnole, 32p.

Corpus critique

AMOSSY, Ruth. 1991. Les idées reçues. Sémiologie du stéréotype. Paris: Nathan, coll. «Le texte à l’œuvre», 215p.

CHARTIER, Daniel. 2018. Qu’est-ce que l’imaginaire du Nord? Principes éthiques. Montréal et Harstad: Imaginaire | Nord et Arctic Arts Summit, coll. «Isberg», 157p.

CUA, Catherine. 2019. «Présenter et traduire la culture à travers l’image: la Chine et le Japon dans l’album illustré jeunesse en France et au Québec de (2000-2015).» Thèse de doctorat, Département d’études francophones, Université York, 208f.

DUVICQ, Nelly. 2015. «Lire l’enfant inuit.» Jeunesse: Young People, Texts Cultures. Vol. 7, no 1, p.168-178.

FORGET, Jacqueline. 1992. Le centre de documentation. Installation, traitement des documents et de l’information bibliographique. Paris: Agence de coopération culturelle et technique, coll. «Techniques vivantes», 218p.

GOUVERNEMENT DU CANADA. 2021. «Avant de commencer», Réconciliation autochtone. Application mobile.

GOUVERNEMENT DU CANADA. 2023. Mise en œuvre de la loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En ligne. https://www.justice.gc.ca/fra/declaration/index.html

JOLIET, Fabienne. 2012. Umiujaq. Regards inuits sur le paysage. Inuit views on the landscape. Montréal: Imaginaire | Nord, coll. «Isberg», 150p.

WOLF, Doris et Paul DePasquale. 2008. «Home and Native Land: A Study of Canadian Aboriginal Picture Books by Aboriginal Authors.» In Mavis Reimer (dir.). Discourses of Children’s Literature in Canada. Waterloo: Wilfrid Laurier University Press, p.87-106.

  • 1
    Comme la loi sur le dépôt légal implique qu’un ou deux exemplaires de tout livre publié dans la province y soient déposés à des fins d’archive, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) possède, en principe, tous les livres publiés au Québec depuis 1968. Puisque les albums jeunesse sont classés dans les rayons par ordre alphabétique de nom d’auteur, seul le catalogue en ligne permet de rechercher efficacement des livres d’images et des textes illustrés ― les deux appellations utilisées par l’établissement pour catégoriser les albums jeunesse ― portant sur un même sujet. En bibliothéconomie, l’indexation est le principe méthodologique qui consiste à établir une «sélection de “mots-clés” ou “descripteurs”» (Forget: 106) représentatifs d’un ouvrage, qui permettent à celui-ci de ressortir parmi les résultats lorsqu’une recherche est lancée. Ces mots-clés (également appelés «vedettes-matière») doivent être «choisis dans une liste de termes préétablie. On ne peut donc pas décrire le même sujet par des synonymes et, ce faisant, disperser les fiches matières dans plusieurs endroits du catalogue, au risque de mener par la suite des recherches bibliographiques incomplètes». (Forget: 116, l’autrice souligne) Par exemple, si une œuvre était indexée avec le mot «Nord» et un autre avec le terme «Septentrion», ces deux œuvres abordant le même sujet ne ressortiraient pas dans une même recherche.
  • 2
    Les zones «Sujets» de leurs notices bibliographiques présentent plus précisément les vedettes-matière «Inuits — Fiction», «Inuits — Folklore» et «Inuits — Mœurs et coutumes».
  • 3
    Il s’agit de Sila malitsugu suqatsiutiusuut [Activités saisonnières] (2019) et Kamagiutitsianiq [L’entraide] (2019) de Louie Qungisiruq; Ilagiit inuusingit [La vie de famille] (2019) de Caroline Palliser; Nanuirtuq. Takusaijuk mikigianik (2017) et Iqalliatut (2017) de Qumaq Mangiuk Iyaituk et Passa Mangiuk; Sipuuja imminik parnaigunnalirtuq [Sipuuja peut s’habiller seule] (2017) d’Elsie Kasudluak et Qumaq Mangiuk Iyaituk; Ippiajummut (2017) de Qumaq Mangiuk Iyaituk, Manu Qaunnaaluk, Passa Mangiuk et Paula Ainalik; Kuuvimmut iqalliatut (2017) de Mattiusi Manukuluk Iyaituk et Manu Qaunnaaluk; Alianartuit atuutisimajut [Moments précieux] (2019) d’Elaisa Audlaluk; ainsi que de quatre imagiers de l’illustratrice Nunnga Iqaluk [également orthographié Nunga Echalook], soit Ilisautiit kititjutinngiit [Apprendre à compter] (2010), Inuit sanarrutingit [Outils inuits] (2011), Inuit aulagutingit. Sivulliit [Tranport 1] (2013) et Inuit aulagutingit. Tungalingat [Tranport 2] (2013).
  • 4
    En ligne. https://publicationsnunavik.com/fr/subject/livres-pour-enfants-et-materiel-pedagogique/
  • 5
    Ces treize livres ont finalement été traités en octobre 2023, après une demande que nous avons adressée en ce sens aux Services aux usagers de BAnQ. La vedette-matière «Inuits» n’a été assignée à aucun d’eux.
  • 6
    Sala Padlayat a également traduit en inuktitut deux albums pour le compte du Soleil de minuit. La plupart des autres albums ont été traduits en inuktitut par Sarah Beaulne, qui a grandi à Puvirnituq. Voir à son sujet «Beaulne, Sarah», Littératures inuites. ᐃᓄᐃᑦ ᐊᓪᓚᒍᓯᖏᑦ. Inuit Literatures. En ligne.  https://inuit.uqam.ca/index.php/fr/individu/beaulne-sarah
  • 7
    Les deux albums Dessine-moi un traîneau et Dangers sur la banquise présentent la version en inuktitut du texte sur la belle page et la version française sur la page de gauche, chacune des deux langues occupant sa propre page. La langue ancestrale des Inuits apparaît donc en premier au moment de la tourne, ce qui a pour effet de la mettre en valeur. Tous les autres albums bilingues de notre corpus présentent l’inuktitut sous le français.
  • 8
    Emily Novalinga a également traduit en inuktitut un album pour les Éditions du Soleil de minuit. Voir à son sujet «Novalinga, Emily», Littératures inuites. ᐃᓄᐃᑦ ᐊᓪᓚᒍᓯᖏᑦ. Inuit Literatures. En ligne. https://inuit.uqam.ca/fr/individu/novalinga-emily
  • 9
    «Isabelle Larouche», Wikipedia. En ligne. https://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_Larouche
  • 10
    «Louise-Michelle Sauriol», Wikipédia. En ligne. https://fr.wikipedia.org/wiki/Louise-Michelle_Sauriol
  • 11
    Voir le site des Éditions de l’Isatis. En ligne. https://editionsdelisatis.com/auteurs/jacques-pasquet/
  • 12
    Cet album est le seul de notre corpus à avoir été catégorisé par BAnQ comme un «texte illustré», et non comme un «livre d’images». Il a été réédité en France en 2014 aux Éditions Bilboquet et a été traduit en anglais en 2017 sous le titre My Wounded Island pour le compte d’Orca Book Publishers. Une nouvelle édition est également parue en 2020 chez Isatis.
  • 13
    Comment l’ours blanc perdit sa queue a été catégorisé comme un «documentaire» dans le catalogue de BAnQ malgré sa forte dimension narrative.
  • 14
    La version originale de cet album a été publiée à Vancouver par Simply Read Books en 2008 sous le titre Missuk’s Snow Geese.
  • 15
    Les deux albums de Stephen Mackey sont d’abord parus en anglais à Londres sous les titres Miki (2008) et Miki and the Moon Blossom (2010) chez Hodder Children’s.
  • 16
    On notera que la version originale de cet album est parue en anglais et que la langue anglaise possède un seul terme (penguin) pour désigner le manchot et le pingouin.
  • 17
    Trois autres livres pour enfants réalisés au Nunavik (un recueil de légendes paru en 2019 et deux albums de 2023) s’inscrivent dans le cadre de projets similaires à celui ayant présidé à la publication de Dangers sur la banquise. Il s’agit de 1) Unikaangit. Légendes inuites (Wendake: Hannenorak), un recueil regroupant sept légendes inuites illustrées par des élèves de l’école Innalik d’Inukjuak et librement interprétées par Maude Ostiguy-Lauzon; 2) Attaque sur la toundra, un autre album collectif dirigé par Isabelle Larouche aux Éditions du Grand-Élan, réalisé cette fois à l’école Asimauttaq de Kuujjuaraapik; 3) et L’inugagullirq, un album cocréé à l’école Nuvviti d’Ivujivik dans le cadre du projet Un livre à la fois de l’Université du Québec à Montréal (https://projet-unlivrealafois.uqam.ca/), publié par le Laboratoire international de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique (https://nord.uqam.ca/publication/inugagulliq-linugagullirq).
  • 18
    Ces dix albums sont La légende de Sarila, Irniq et l’aurore boréale, Miki, Miki et la fleur de lune, Mon île blessée, Pikiq et, aux Éditions du Soleil de minuit, L’anniversaire d’Aputik, La légende du corbeau, Une coccinelle au Nunavik et Les loups au ruban rouge.
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