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From Posthumanism to Posthuman Ecocritic: Repenser les prolégomènes du vivant
À propos de l’auteure
Serpil Oppermann est professeure d’humanités environnementales à l’université de Cappadoce, en Turquie. Elle a rédigé et collaboré à la rédaction de plusieurs articles et collectifs traitant de la vaste question de l’écocritique féministe, entre autres.
From Posthumanism to Posthuman Ecocritic : Repenser les prolégomènes du vivant
Dans cet article, Oppermann montre comment le posthumanisme se fraie un chemin dans la théorie écocritique en bonifiant des principes et valeurs instaurés initialement par la pensée matérialiste (qui donne naissance à l’écocritique matérialiste). Ces principes matérialistes, en somme, revendiquent l’agentivité des objets non-vivants en démontrant que chaque chose possède un récit témoignant de sa mondanéité (Oppermann, 2016, p. 24-25). Oppermann explique que le posthumanisme complémente l’écocritique matérialiste en ce qu’il offre une remise en question de la suprématie humaine sur le reste de la Nature et du non-vivant. À titre d’exemple, Oppermann explique que le biotique et l’abiotique sont en constant échange, notamment par le biais de la toxicité qui brouille pour de bon les frontières charnelles entre le vivant et le non-vivant. C’est précisément ce filet perméable faisant office de « frontière » entre le vivant et le non-vivant qui a le plus piqué ma curiosité. L’article d’Oppermann montre que non seulement le vivant est-il profondément affecté par le non-vivant, mais aussi que le spectre étroit de ce que nous (les êtres humains) considérons comme « vivant » n’est pas représentatif de tout ce qui vit en réalité.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il me semble nécessaire d’expliquer en quoi consiste le posthumanisme, ce courant de pensée qui permet de reconsidérer ce qui définit la vie.
Il faut tout d’abord considérer que le posthumanisme n’est pas un anti-humanisme: « Posthumanism […] is not an anti-humanism that dismisses human existence to celebrate posthuman succession. Instead, as expressed by Francesca Ferrando, “[t]he posthuman refusal of the ontological primacy of human existence, invites a review of practices such as uncritical omnivorism, overharvesting, and the unrestricted consumption of nonrenewable resources” (2012, 10) » (Ibid., p. 25-26). Plutôt, il invite le courant écocritique matérialiste à repenser ses modalités qui ne prennent pas en considération l’importance de l’agentivité humaine dans sa lutte à la crise écologique. L’écocritique posthumaniste permet de mettre en relation la question de l’écocritique avec le réseau complexe de relations existant entre les humains, les animaux, les objets, la nature, et tous les autres-qu’humains. Donc, le posthumanisme ne pense pas l’après-existence-humaine, bien au contraire : il cherche à montrer que l’existence humaine n’est qu’une existence parmi toutes les autres prenant place au sein de la Nature, et que de ce fait l’humain, bien qu’il se soit octroyé un statut de souverain, n’est en rien supérieur à ces autres agentivités.
L’auteure montre aussi, à l’aide de l’analyse de The Glister par John Burnside, que les frontières entre l’abiotique, le biotique, la littérature, les technologies, les esthétiques et la politique, ne sont pas (et n’ont jamais été) étanches : chacun de ces éléments agit sur tous les autres (notamment par le biais de la toxicité, de l’effet de l’abiotique sur le biotique, comme je le mentionnais plus haut), et ainsi la nature est le produit d’un système d’échanges complexes entre le vivant et le non-vivant (Ibid., -.31-32).
Mais, pour arriver à bien comprendre que l’humain ne trône pas au sommet de la pyramide taxonomique, il faut revoir la manière dont nous pensons le vivant et changer le paradigme entourant la hiérarchisation des choses vivantes. Pour montrer que « What makes something alive is not what it is, but what it does » (Ibid., p. 34), Oppermann donne pour exemple les cellules iCHELLS : ces cellules métalliques, formées d’un matériau largement considéré comme non-vivant en soi, font ce que des cellules issues de matériaux biologiques font : elles évoluent (Filmer, 2014). Cette découverte de Lee Cronin est révolutionnaire sur le plan scientifique, évidemment, mais aussi sur les plans ontologique, éthique et structurel… Ces cellules ne laissent d’autre choix que de complètement repenser la façon dont les scientifiques et la population conçoivent la vie.
Donc, Oppermann nous emmène, dans un premier temps, à repenser la nature en détrônant la place de l’être humain du sommet d’une hiérarchie basée sur une valorisation cartésienne du vivant (par le biais de la pensée posthumaniste), puis dans un deuxième temps à changer les modalités permettant la pérennité du raisonnement cartésien régissant la déontologie des sciences et cultures: tout ce qui est vivant n’est pas biologique, et la vie n’a donc rien à voir avec les propriétés d’un matériau ou d’un corps. Personnellement, je cultive de grands espoirs quant à la propagation de cette redéfinition du vivant : du point de vue de l’écocritique posthumaniste, ce repositionnement du vivant pourrait se traduire en un changement paradigmatique s’effectuant sur toutes les strates de la culture humaine, en passant par les sciences, la politique, le culturel (i.e. toutes les formes d’arts), etc. Puis, dans la perspective de la crise écologique actuelle, l’écocritique posthumaniste ouvre la porte à une nouvelle éthique fondée sur la conscience de l’interrelation et de l’interdépendance entre le vivant et le non-vivant. Cette reconnaissance de la nature comme d’un entremêlement complexe entre le vivant et le non-vivant pourrait un jour prendre la place du cartésianisme.
Bibliographie
Oppermann, S. (2016, juin). From Posthumanism to Posthuman Ecocriticism. Relations Beyond Anthropocentrism, p. 23-37.
Filmer, J. (2014, 24 mars). Scientists Create Life-like Cells out of Metal. Dans Futurism. Récupéré de https://futurism.com/scientists-create-life-like-cells-out-of-metal