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Formes et usages du monstre dans l’album jeunesse au Québec (2016-2021)
La parution en 1967 de l’album Max et les Maximonstres (traduction de Where the Wild Things Are de Maurice Sendack) incarne, selon Sophie Van den Linden, le passage de l’album moderne à l’album contemporain en France. Ce livre rempli de créatures simultanément monstrueuses et sympathiques a marqué le monde de l’album en introduisant «une nouvelle conception de l’image qui désormais s’autorise la figuration de l’inconscient enfantin». (Van den Linden: 17) Le monstre est un personnage clef de l’imaginaire des enfants, omniprésent dans les médias qui leur sont destinés, y compris l’album jeunesse. Au Québec, au moins cinquante-six albums publiés entre 2016 et 2021 convoquaient directement l’imaginaire du monstre, soit dans leur texte, soit dans leurs illustrations, soit dans les deux1Les cinquante-six albums recensés dans le cadre de cette étude se trouvent en annexe. Ils sont tous parus dans des maisons d’édition québécoises entre 2016 et 2021, en version originale ou en traduction française. Les albums d’Elise Gravel parus chez Scholastic Canada (dont les bureaux sont situés en Ontario) au cours de cette période ont aussi été retenus. Nous avons exclu de la recension les albums publiés à compte d’auteur ou par des organismes communautaires, de manière à pouvoir nous concentrer sur les albums aisément accessibles au lectorat québécois durant la période étudiée. Ont également été exclus du corpus les albums dérivés de produits culturels n’appartement pas en propre à la littérature jeunesse (jeux vidéo, cinéma d’animation, télévision, etc.). Les œuvres retenues devaient au minimum soit contenir une illustration d’une créature monstrueuse, soit mentionner le mot «monstre» au sein de leur texte, soit présenter une créature imaginaire de nature indéfinie (les albums portant sur des créatures fantastiques spécifiques – sorcières, loups-garous, vampires – ont été exclus)..
La monstruosité est un concept difficile à circonscrire en raison de sa mouvance et des différents angles par lesquels il est possible de l’aborder. Dans Monstre et imaginaire social: approches historiques, Hélène Machinal, Myriam Marrache Gourreaud et Jean-François Chassay observent que «[l]a notion de monstre s’appréhende par rapport à la notion de norme, dont elle revêt les ambiguïtés. La norme étant tout à la fois moyenne et idéal, le monstre revêt à la fois une acceptation descriptive et une acceptation normative.» (Caiozzo et al.:11) C’est en partie pourquoi la définition de la monstruosité fluctue autant: elle est dépendante de l’établissement de la norme et du plus ou moins de possibilité qu’ont les individus de s’en éloigner. La marginalité du monstre est souvent envisagée sur le plan physique, en continuité avec l’appropriation du concept de monstre par la tératologie (Caiozzo et al, 2008: 15). L’écart avec la norme peut également être conçue comme étant de nature psychologique ou morale. Virginie Martin-Lavaud, psychanalyste clinicienne œuvrant auprès d’enfants, considère que le monstre, sur le plan symbolique, permettrait de «[figurer] le hors-norme et le non humain» et de solliciter «la capacité de chacun à assimiler ce qui est inconnu, ce qui est différent.» (Martin-Lavaud: 13) Ancré dans une perspective psychanalytique, le constat de Virginie Martin-Lavaud invite néanmoins à examiner la manière dont le monstre s’inscrit dans l’imaginaire social. Intrinsèquement lié à l’expérience de l’altérité, le monstre contribue à problématiser notre rapport à l’autre.
Dans le cadre de cette étude, nous analyserons différents usages et différentes formes du monstre dans les albums jeunesse contemporains en tentant de cerner la place qui lui est réservée au sein de ceux-ci et de repérer les discours qui lui sont rattachés. Notre réflexion portera sur l’ensemble des albums jeunesse mobilisant la figure du monstre publiés au Québec entre 2016 et 2021 qu’il nous a été possible de recenser. Dans cet ensemble, des albums en particulier, qui se démarquent par leur polysémie et par la netteté avec laquelle ils illustrent une tendance du corpus, serviront de support à nos réflexions. Nous analyserons d’abord les représentations de monstres «sympathiques» à l’aide des albums Tout le monde d’Elise Gravel et Journal d’un monstre de Valeria Dávila, Mónica López et Laura Aguerrebehere. Ce type de monstres correspond à la majorité des représentations observées dans notre corpus. Nous nous concentrerons ensuite sur les monstres plus terrifiants, moins nombreux au sein du corpus, en prenant appui sur les albums Le grand méchant de Vincent Guigue et Loïc Méhée, À la tombée de la nuit. Conseils utiles pour une cohabitation pacifique entre les espèces d’Enrique Quevedo et Créatures de Chanti.
Dans l’album jeunesse, les monstres tendent souvent à incarner la jovialité. Ceux de l’autrice-illustratrice Elise Gravel sont un bon exemple de cette tendance. Présents dans plusieurs de ses livres, ils sont instantanément reconnaissables à leurs formes arrondies, leurs couleurs vives et leurs visages amicaux. Dans son album intitulé Tout le monde, les personnages représentés, bien qu’ils soient des monstres, possèdent une existence en tout point identique à celle des enfants. Pareille représentation anthropomorphique du monstre, au même titre que celle qui est souvent faite des animaux2Voir à ce sujet la contribution de Jeanne Murray-Tanguay à ce collectif., est observable dans plusieurs albums jeunesse québécois contemporains. Selon Matthieu Létourneux, la représentation d’une société strictement ancrée dans les repères de l’enfant est l’une des caractéristiques incontournables de la littérature de jeunesse:
[L]a société qui est figurée dans les images ou dans les textes est […] très largement construite à partir des espaces sociaux de l’enfance: ceux du foyer familial, de l’école, de la sociabilité proche. C’est bien ce trait qui relie aujourd’hui la plupart des œuvres de la littérature pour la jeunesse, aussi bien dans les récits réalistes que dans les albums (combien de petits animaux anthropomorphes à l’école ou à la maison, de Mimi la souris à Mini-Loup) ou dans les récits d’imagination (le monde fantastique d’Harry Potter et de Bella reste essentiellement familial et scolaire). (Létourneux: 96)
Un autre exemple particulièrement frappant de cette tendance s’incarne dans les albums de Sally Rippin et Chris Kennett publiés chez Dominique et Compagnie dans la collection «L’école des monstres». Ces livres destinés à des lecteurs et lectrices débutants présentent de petites histoires simples dans lesquelles des monstres amusants vont à l’école, fêtent des anniversaires, jouent à la cachette, etc.
Tout le monde représente un cas particulièrement intéressant d’anthropomorphisation, puisque la représentation esthétique des personnages est en parfaite concordance avec le message explicite de l’œuvre, centré sur l’importance de l’inclusion malgré la différence. Le livre s’ouvre sur l’affirmation «Tout le monde est unique et différent. Mais d’une certaine façon, tout le monde se ressemble un peu.» (Gravel, s.p.) Les pages suivantes reprennent la formule «tout le monde» et la déclinent en prêtant attention à différentes situations et à diverses émotions, sérieuses ou banales, communes aux enfants («Tout le monde se fâche parfois», «Tout le monde va aux toilettes», «Tout le monde a des peurs», etc.). La typographie employée pour les mots «tout le monde» se distingue de celle employée pour le reste du texte: elle est de grande taille, colorée et épaisse. Ce soulignement amplifie l’accent mis sur cette formule répétitive, qui contient l’essence du message d’inclusion de l’album.
Deux types d’utilisation de l’espace de la double page alternent: dans certains cas, une seule affirmation est représentée sur l’ensemble de la double page, alors que dans d’autres, deux affirmations en étroite relation l’une avec l’autre sont mises côte à côte. La charnière du livre fait alors office d’axe de symétrie et met en évidence la relation entre les deux énoncés et les deux illustrations. Par exemple, dans la figure 1, la première page comporte l’inscription «Tout le monde veut des amis…» et illustre un monstre isolé qui regarde d’autres monstres jouer au ballon. Sur la seconde page, les monstres tendent le ballon au premier personnage, l’invitant à se joindre à eux. Nous pouvons y lire «Et tout le monde peut être un ami». L’unité des deux énoncés et des deux images mène le lecteur ou la lectrice à s’identifier dans un premier temps au monstre isolé et, dans un second temps, au monstre qui invite le personnage à jouer. L’enfant se reconnaît dans l’une ou l’autre de ces deux positions, idéalement dans les deux. Le mouvement de la lecture (de la page de gauche à celle de droite) incite l’enfant à déplacer son point de vue d’un personnage à l’autre et à adopter un comportement similaire à celui qui est mis de l’avant.
L’album présente différentes situations qui sont familières à l’enfant à l’aide, chaque fois, de nouveaux personnages monstrueux, générant ainsi une sorte de communauté diversifiée, à l’image de celle où l’enfant évolue. L’esthétique minimaliste des personnages, qui se caractérisent par des couleurs vives et des formes organiques, permet d’évoquer une diversité corporelle humaine sans pour autant la reproduire à même le dessin. Un monstre assis dans un fauteuil roulant, sur la couverture du livre et dans l’histoire, témoigne également du souci d’Elise Gravel de représenter différents corps et différentes réalités3Elise Gravel emploie fréquemment des illustrations de monstres pour évoquer de manière très explicite la diversité. On observe cette tendance sur des affiches à imprimer qui figurent sur son site web. Par exemple, une affiche représente différentes créatures farfelues et stipule «J’aime mes monstres comme j’aime mes humains: de toutes les formes, de toutes les couleurs, tous différents». Voir Elise GRAVEL. [s. d.]. «J’aime mes monstres comme j’aime mes humains», Elise Gravel Auteure illustratrice. En ligne. http://elisegravel.com/blog/jaime-monstres-jaime-humains/.. À la toute fin du livre, l’album explicite la corrélation entre l’univers monstrueux représenté et la réalité des lecteurs et lectrices: «Nous sommes tous uniques, mais nous avons tous beaucoup de points communs. Et nous sommes tous des êtres humains.» (Gravel, s.p.; figure 2) Un changement de typographie est appliqué à «êtres humains», ce qui crée un rapprochement avec la formule «tout le monde» employée dans le reste de l’album et permet d’en préciser le sens. «Tout le monde» ne réfère pas à un groupe d’individus imaginaires, mais bien à la réalité de l’enfant et aux humains qui la composent. En dévoilant ainsi le processus d’anthropomorphisation d’une créature monstrueuse servant à représenter la réalité de l’enfant (un processus commun à un grand nombre d’albums jeunesse), l’autrice-illustratrice rend apparente la médiation du message.
L’album Journal d’un monstre, paru aux éditions Crackboom dans la collection «Cher Journal», écrit par Valeria Dávila et Mónica López et illustré par Laura Aguerrebehere, présente lui aussi un monstre qui adopte, à certains égards, le comportement d’un enfant. Un monstre à trois têtes écrit son quotidien dans un journal, qui correspond à l’album qui nous est donné à lire. L’enfant peut identifier plusieurs comportements du quotidien de la créature qui ressemblent aux siens, mais c’est la singularité extraordinaire de la vie du monstre qui est au centre de la lecture: le monstre est le plus puant du monde, il ne se lave pas, il mange des bestioles dégoutantes et adore terrifier les visiteurs de son étang. Un passage en particulier (figure 3) illustre bien l’articulation entre terreur, grossièreté et humour que donne à lire cet album. Sur la page de droite, sont illustrés un petit garçon et un homme très musclé ayant uriné au sol en raison de leur terreur. On peut apercevoir l’ombre du protagoniste surplombant les deux personnages. À gauche, sous le dessin d’une flaque de liquide, le monstre narrateur écrit: «Cher journal, quelle fierté d’être un monstre aussi laid et que tous, en me voyant, s’échappent dans leur culotte !» (Davíla et al.) Si l’idée communiquée par le monstre est que les petits et les grands ont très peur de lui, l’illustration a pour effet de transférer aux lecteurs et aux lectrices le plaisir qu’éprouve le monstre à provoquer la terreur, et ce, en tournant en ridicule l’émotion des deux personnages humains. L’enfant est invité à se moquer de l’adulte et du comportement infantile qu’il adopte malgré lui face au monstre. Lorsque le portrait du monstre est brossé, plusieurs caractéristiques habituellement négatives (odeurs nauséabondes, apparence répugnante et prédilection pour les repas dégoutants) sont présentées comme des attributs positifs du monstre du lac. Selon les historiens Anna Caiozzo, Anne-Emmanuelle Demartini et Pierre Ancet, le monstre peut être défini comme «[une] transgression à l’ordre du monde». (11) L’utilisation du monstre à des fins ludiques dans l’album jeunesse repose en effet sur l’idée d’une transgression. Les monstres négligent leur hygiène, ils sont impolis, jouent de mauvais tours, sont violents… Des comportements vivement réprimandés chez les enfants sont ainsi transformés en habitudes saines. Pour les auteurs et autrices d’albums jeunesse, le monstre semble être un prétexte pour mettre en scène des attitudes scandaleuses de manière à ce que l’enfant puisse se libérer, par l’humour, des fortes contraintes qui pèsent sur lui.
Bien que la narration de Journal d’un monstre soit centrée autour d’un seul monstre, elle investit cet imaginaire de plusieurs autres manières en convoquant certains mythes populaires. Par exemple, le livre s’ouvre sur une image du monstre en train de se constituer un album à partir de coupures de journaux à propos de monstres aquatiques célèbres, tel le monstre du Loch Ness, identifiés par le protagoniste comme des membres de sa famille (figure 4). Ces références intertextuelles invitent l’enfant à mobiliser ses connaissances en vue d’une opération de repérage qui constitue en soi une sorte de jeu. Cette dimension ludique de l’album est renforcée par le détournement de stéréotypes associés aux monstres. Selon Sophie Van der Broeck, qui s’est penchée sur les différentes façons dont les stéréotypes sont utilisés et détournés dans les albums jeunesse, c’est l’écart entre l’utilisation du stéréotype dans son contexte d’origine et sa nouvelle utilisation qui entraîne l’humour. (243) Ainsi, prendre un personnage tel que le monstre et l’employer dans un journal intime, un genre caractérisé par la banalité du quotidien qu’il expose, plutôt que dans un récit d’aventures extraordinaires, crée un écart de contexte important et génère un effet comique. D’autres albums du corpus comportent des références à des mythes monstrueux et les actualisent pour générer des effets humoristiques. C’est le cas de l’album Opération Frankenstein de Fermin Solís, dans lequel des enfants ayant entendu l’histoire de Frankenstein tentent de créer leur propre monstre à partir d’objets trouvés dans leur maison.
Dans Journal d’un monstre et Tout le monde, nous observons donc plusieurs motifs récurrents permettant d’explorer la façon dont le monstre peut être un personnage sympathique aux yeux des enfants. Le monstre est régulièrement anthropomorphisé de manière à représenter l’enfant ou une communauté diversifiée d’enfants. Les caractéristiques monstrueuses des personnages sont parfois un prétexte pour mettre en scène des comportements transgressifs éloignés du quotidien des enfants afin de les faire rire. En invitant l’enfant à mobiliser ses connaissances ou en détournant des histoires qu’il connaît bien, la convocation de la culture populaire entourant le monstre permet d’injecter une dose de ludisme dans les albums. Dans la majorité des albums présentant des monstres sympathiques, l’ensemble de ces procédés sémantiques est à l’œuvre simultanément.
Le plaisir de la lecture n’est cependant pas strictement associé à l’humour. Il l’est aussi à la peur. Lauren Christie, dans son article «The evolution of monster in children’s literature», considère que le monstre est populaire dans la littérature jeunesse en raison de sa capacité à effrayer les enfants: «scary stories [exists] to entertain, terrify and amuse. The unusual combination of fear, joy, and laughter is prevalent in children’s literature through the figure of the monster and remains one of the main reasons for the popularity of the genre.» Pourtant, si les albums comportant des monstres sont nombreux, très peu d’entre eux présentent le monstre d’une manière à apeurer, même un peu, les jeunes lecteurs et lectrices4Dans les albums recensés, outre les trois œuvres analysées ici, deux autres titres semblent vouloir créer un sentiment d’inquiétude chez l’enfant. Il s’agit de L’histoire d’Herman de Catherine Ho et de La crème glacée fond plus vite en enfer de Valérie Picard. Pour les références complètes à ces albums, voir l’annexe.. Comme nous l’avons constaté avec Journal d’un monstre, les albums peuvent évoquer l’aspect terrifiant du monstre dans leur texte, mais sans pour autant représenter cette terreur dans leurs images: le texte et l’illustration tiennent alors des discours contradictoires. Si l’esthétique du monstre illustré n’est pas effrayante, le monstre a beau être qualifié comme étant terrifiant, la peur risque peu de se manifester chez les lecteurs et lectrices.
Le grand méchant écrit par Vincent Guigue et illustré par Loïc Méhée est un album cartonné qui crée de l’appréhension face à une créature présentée comme effroyable, pour ensuite révéler que celle-ci n’est en réalité qu’un pou. Jamais la narration ne communique de fausses informations aux lecteurs et aux lectrices; elle use d’omissions et dissimule la taille du «monstre» pour construire l’intensité dramatique, qui se transforme par la suite en une chute comique. Sur le plan de l’illustration, la principale stratégie employée pour masquer la taille de la créature est le cadrage. Les plans extrêmement rapprochés donnent l’impression que les cheveux où habite le pou sont les végétaux d’une forêt inquiétante. La double page reproduite à la figure 4 emploie ce cadrage. La créature est partiellement cachée; seuls sa gueule et un œil menaçant sont visibles. L’évocation du monstre, plutôt que sa représentation, est une stratégie particulièrement efficace pour susciter la peur. Lauren Christie s’est intéressée à des textes jeunesse où les monstres n’ont pas de forme matérielle. Elle conclut que ce type de représentations effraie les jeunes avec efficacité, puisque les lecteurs et les lectrices peuvent personnaliser l’expérience terrifiante: «[t]he striking quality of this monstrous form in evoking fear from the reader is due to the minimal information provided for suggested appearance, and a greater reliance on personalised fear from residual trauma or subconscious terror». (s.p.) Opérant selon une logique similaire de non-représentation dans les premières pages du Grand méchant, le mystère autour de la créature et son aura menaçante sont accentués par le texte, qui appartient pour sa part au registre de l’horreur, notamment lorsque le monstre confie au lecteur: «J’aime le sang, comme toi la grenadine.» (Guigue et al., s.p.) Le choc induit par l’association entre le sang et la grenadine questionne la frontière entre la fiction et la réalité concrète de l’enfant. Il ne faut toutefois pas exagérer l’effet d’épouvante produit par cet album pour les tout-petits: le rythme et les rimes du texte évoquent la comptine et les illustrations sont réalisées dans un style naïf qui rend la créature beaucoup moins inquiétante lorsque son apparence est révélée vers le milieu de l’album. Celui-ci a une vocation comique: la création d’un suspense et l’utilisation de la peur ne sont que des moyens d’arriver à la chute humoristique. Ironiquement, c’est la taille du grand méchant, dissimulée à l’aide du cadrage, qui le rend inoffensif. Désamorcer la peur en montrant le caractère inoffensif du monstre ou en révélant que celui-ci est imaginé par les personnages du récit est une autre des tendances que nous avons pu observer dans plusieurs albums, dont La bête à 4 z’yeux de Caroline Merola.
L’aspect effrayant de l’album Le grand méchant est également limité dans la mesure où les effets produits par une relecture seront forcément différents de ceux d’une première lecture, puisque l’enfant sera alors familier avec la chute. Dès les premières pages, on peut supposer qu’il tentera de trouver des indices de la chute dans le texte et les illustrations. Si la première lecture génère de la peur chez l’enfant, les lectures subséquentes constitueront une sorte d’introduction ludique à la chute en tant que procédé littéraire.
Les deux derniers albums qui font l’objet de cette étude entretiennent un rapport beaucoup plus concret à la peur, ce qui se remarque notamment dans leurs esthétiques très différentes de celles des autres albums que nous avons abordés. Créatures de Chanti et À la tombée de la nuit. Conseils utiles pour une cohabitation pacifique entre les espèces d’Enrique Quevedo possèdent plusieurs points communs: les deux albums sont en noir et blanc5L’album Créatures n’est pas uniquement en noir et blanc: une minuscule touche de rouge est employée sur une seule page pour colorer la cape d’une petite fille. L’utilisation de la couleur sert à faire un clin d’œil à un conte traditionnel bien connu, celui du Petit Chaperon rouge., le médium principal utilisé est l’encre et les ombres sont réalisées avec une technique de hachurage. L’atmosphère sombre et la texture du dessin créent un effet de rusticité qui génère un certain inconfort. Dans les deux albums, des monstres sont illustrés au côté d’enfants de manière à mettre en évidence leur différence de taille. En comparaison avec les autres albums évoqués plus tôt, les traits de ces monstres sont beaucoup plus angulaires, ce qui accentue leur caractère menaçant. Certaines techniques propres à chaque artiste amplifient l’effet effrayant des illustrations, mais de façons différentes. Les illustrations d’Enrique Quevedo comportent des arrière-plans très détaillés, qui créent une surcharge visuelle. Chanti, de son côté, laisse une grande place au blanc dans la majorité de ses illustrations, de manière à créer une impression d’isolement.
Cette brève analyse du style iconographique de ces deux albums permet de dégager certains aspects formels des illustrations qui peuvent être employés pour générer la peur. Cependant, ce ne sont pas seulement leurs images qui effraient; ce sont aussi leurs textes. Les deux albums usent de la figure du monstre de manière à entretenir une certaine ambiguïté par rapport à l’altérité. Leurs manières d’appréhender celle-ci sont cependant très différentes.
Le modèle selon lequel l’album Créatures se déploie est semblable à celui des cartoons populaires chez les bédéistes, où une image accompagnée d’un texte permet de communiquer un microrécit, une blague ou une idée. Chaque double page de Créatures est indépendante et autonome de la précédente. L’une des pages montre un enfant et un monstre qui sont sur le point d’interagir, tandis que l’autre contient un court texte évasif sur la nature de l’interaction, qui mène les lecteurs et les lectrices à se demander si le texte décrit l’action de l’enfant ou celle du monstre (figure 6). L’enfant semble inconscient du danger qui le guette alors que le monstre semble sur le point de l’attaquer. L’image représente ainsi le point culminant d’une tension, le moment terrible où une tragédie est sur le point de se produire. Cette tension n’est cependant jamais résolue puisqu’à la page suivante, c’est une nouvelle situation, tout aussi critique que la précédente, qui est représentée.
Les dernières pages de l’album échappent cependant à ce système de représentation en déployant une courte séquence narrative sur l’espace de six doubles pages. Une petite fille trouve un monstre de la taille d’une limace; elle l’observe un moment pour finir par l’écraser, «sans remords ni raison.» (Chanti, s.p.) Il n’y a aucune ambiguïté au sujet de l’action décrite: c’est bien celle de la petite fille. Le narrateur poursuit en écrivant «Ah ! Ces créatures…». Cette dernière séquence narrative donne en quelque sorte une clef d’interprétation à l’album: le passage identifie clairement la «créature» comme étant l’enfant. Par conséquent, les «créatures» dont il est question dans le texte ne sont pas les monstres, mais plutôt les enfants. Le point de vue est ainsi déplacé: si on pensait que le monstre était sur le point de manger, blesser où noyer l’enfant, il n’en était rien; les monstres étaient en réalité peu menaçants pour l’enfant, contrairement à ce que leur apparence laissait croire.
Selon Hélène Machinal, Myriam Marrache Gourreaud et Jean-François Chassay, «les formes par lesquelles le monstre est (plus ou moins) “montré” sont fonctions de la manière de penser […] [l]’altérité et de porter ladite différence (ou ladite proximité) aux yeux d’un public supposé non monstrueux». (Machinal et al.: 14) Contrairement à ce qui est le cas dans Tout le monde et Journal d’un monstre, où les monstres sont peu menaçants, lorsqu’une apparence effrayante est donnée au monstre, comme c’est le cas dans Créatures, la distance avec le lectorat est accentuée et empêche l’enfant de s’identifier au monstre. Chanti joue avec cette répulsion initiale en accompagnant ses illustrations de textes ambivalents. L’ambiguïté présente dans cet album reproduit avec acuité une certaine expérience de l’altérité: l’enfant est amené à se questionner sur ses préjugés et à déplacer son point de vue sur les situations représentées.
L’album À la tombée de la nuit. Conseils utiles pour une cohabitation pacifique entre les espèces d’Enrique Quevedo met lui aussi en scène des monstres effrayants sur le plan esthétique, avec lesquels l’enfant est invité à sympathiser. Le livre se présente comme un guide pratique segmenté en deux parties, dans lesquelles des situations problématiques accompagnées de conseils pour les résoudre sont exposées par le narrateur, qui fait office de «spécialiste» des monstres. La première partie est destinée aux enfants et met en scène des peurs communes et des solutions ludiques. Par exemple, la solution à la peur qu’un monstre apparaisse dans la chambre serait de se cacher sous les couvertures, car les monstres seraient allergiques aux acariens. La seconde partie est composée de conseils destinés aux monstres. La structure et la mise en page restent inchangées, à l’exception de l’emplacement du texte, qui passe de la gauche à la droite de la double page. Dans l’un de ses conseils, le narrateur propose aux monstres qui ont du mal à se faire des amis en raison de leur apparence de tenter leur chance à l’Halloween. Le livre se clôt sur un conseil adressé aux lecteurs et aux lectrices, qui sont invités à apprivoiser leurs peurs: «Il existe un lieu où tu pourras leur faire face [aux monstres]. Où tu pourras dominer tes émotions. Où tu trouveras refuge si tu en as besoin. Ce lieu n’est qu’à un pas de la réalité. Il est en ce moment entre tes mains.» L’album se présente donc comme un outil permettant à l’enfant de vaincre sa peur des monstres. En dressant un parallèle direct entre les peurs de l’enfant et celles, supposées, des monstres, la distance entre le monstrueux et le lectorat est réduite. La forme de l’album participe à ce processus de réduction de l’altérité par sa symétrie. Enrique Quevedo fait de son livre un outil qui permet à l’enfant de prendre le contrôle de ses peurs en le forçant à confronter des personnages effrayants.
Comme nous avons pu le voir à travers l’étude de ces cinq œuvres, le monstre peut se présenter dans l’album jeunesse sous diverses formes. Cette figure est associée à un univers fictionnel riche, ce qui fait en sorte que la seule mention d’un monstre éveille les lecteurs et les lectrices en formation à un large ensemble de traditions littéraires. Le caractère transgressif des comportements monstrueux semble amuser les enfants, fort probablement en leur permettant de rire des nombreuses normes auxquelles ils apprennent à se soumettre. L’aspect de la représentation du monstre dans les albums jeunesse qui s’avère le plus intéressant est cependant la façon dont cette figure est employée pour amener l’enfant à appréhender l’altérité. Que ce soit en mettant en valeur une collectivité diversifiée ou en confrontant le lectorat à ses propres peurs face à l’autre, le monstre apparaît comme l’un des moyens privilégiés de représenter à l’enfant ce qui lui est dissemblable.
Au terme de cette étude, il nous semble important d’insister sur le fait que le caractère horrifiant traditionnellement associé aux monstres est largement évacué des albums jeunesse contemporains publiés au Québec. La peur induite par la lecture peut pourtant s’avérer positive chez l’enfant, non seulement en raison du plaisir qu’elle procure parfois, mais aussi pour les compétences qu’elle développe. Jackie E. Stallcup, dans son article «Power, Fear and Children’s Picture Books», mentionne que les albums qui thématisent la peur évitent généralement d’induire cette émotion chez l’enfant et cherchent plutôt à mettre en scène des situations où l’enfant est réconforté. Si les objectifs de ces livres peuvent sembler louables, Jackie E. Stallcup soutient que ces récits reconduisent souvent des dynamiques autoritaires entre l’adulte et l’enfant, qui peuvent limiter le développement de l’autonomie émotionnelle chez celui-ci (126 et 152). Cet article permet de questionner le petit nombre de monstres horrifiants dans les albums jeunesse au Québec. Dans l’optique où l’ensemble des acteurs et des actrices impliqués dans la conception des albums sont des adultes, la métamorphose de la figure du monstre, d’effrayant à sympathique, se présenterait dès lors comme une façon de contrôler les peurs des enfants en canalisant l’expression de celles-ci.
Annexe — Corpus étudié
BABA, Noboru. Onze matous dans un sac. Traduit par Lise Duquette, Varennes: Le lièvre de mars, 52p.
BERGEVIN, Dominique et Sveltana Peskin. 2020. Pirates, monstres et robots, Lachine: Méga éditions, s.p.
CHANTI, 2020. Créatures. Traduit par Jude Des Chênes. Montréal: Les 400 coups, 104p.
CHARTRAND, Lili et Marion Arbona. 2018. Mon étrange famille. Sherbooke: D2eux, 38p.
CHARTRAND, Lili et Caroline Hamel. 2018. Petit-Beurre et Grand-Gredin. Montréal: La bagnole, s.p.
CHARTRAND, Lili et Rogé. 2021 [2005]. Le gros monstre qui aimait trop lire. Saint-Lambert: Dominique et compagnie, 32p.
COUËLLE, Jennifer et Marianne Ferrer. 2019. P comme peur. Saint-Lambert: Dominique et compagnie, coll. «À pas de souris. Les sentiments de A à Z», 24p.
COVELL, Helena. 2020 [2018]. Fouillamini. Traduit par Valérie Picard. Montréal: Monsieur Ed, 32p.
DÁVILA, Valeria, Mónica López et Laura Aguerrebehere. 2018 [2015]. Journal d’un monstre. Traduit par Ian Ericksen. Montréal: Crackboom!, coll. «Cher journal», s.p.
DESROSIERS, Claude et Félix Laflamme. 2021. Puantor le nauséabond. Montréal: Presses aventures, coll. «Maddox et Aurore», 32p.
DESROSIERS, Claude et Félix Laflamme. 2020. Un monstre sous le lit. Montréal: Presses aventures, coll. «Maddox et Aurore», 32p.
DUBÉ, Pierrette et Guillaume Perreault. 2017. Petite histoire pour effrayer les ogres. Montréal: Les 400 coups, 32p.
ESCOFFIER, Mickaël et France Cormier. 2021. Il ne faut pas mettre les enfants au congélateur. Petit manuel de cuisine pour les ogres. Sherbrooke: D2eux, s.p.
FORTUNY, Liliana. 2020. Tous ensemble à la maison! L’arrivée du coronavirus. Montréal: Éditions Chouette, coll. «Alex et les monstres», 34p.
GÉLINAS, Yves et Anne-Marie Bourgeois. 2020. Le Canada et ses petits monstres, Montréal: Éditions Chouette, 2020, s.p.
GEORGANTELIS, Giannis et Katerina Veroútsou. 2018 [2008]. Le carnaval des merveilles et des monstres. Traduit par Katernia Vitsenzos. Montréal: Planète rebelle, coll. «Des mots plein la bouche», s.p.
GRAVEL, Elise. 2021. Tout le monde. Toronto: Scholastic, 40p.
GRAVEL, Elise. 2020. C’est moi qui décide ! Montréal: La courte échelle, 30p.
GRAVEL, Elise. 2020. Pas moi. Toronto, Scholastic: 32p.
GRAVEL, Elise. 2019. Le pire livre du monde. Toronto: Scholastic, 48p.
GRAVEL, Elise. 2016. N’importe quoi! Le petit cahier noir d’Elise Gravel. Montréal: Les 400 coups, 2016, s.p.
GRAVEL, Elise. 2016. Je veux un monstre. Toronto: Scholastic, 40p.
GUAY, Marie-Louise. 2017. Petits monstres. Saint-Lambert: Dominique et compagnie, s.p.
GUIGUE, Vincent et Loïc Méhée. 2018. Le grand méchant. Montréal: Les 400 coups, s.p.
HO, Catherine. 2016. L’histoire d’Herman. Traduit par Christiane Duschesne, Montréal: Comme des géants, s.p.
JANSON, Tove. 2018 [1960]. Qui rassurera Truffe? Traduit par Catherine Renaud. Varennes: Le lièvre de Mars, s.p.
LATULIPPE, Martine et Fabrice Boulanger. 2021. Monstres et autres créatures du Québec. Laval: Auzou, 23p.
LAVICTOIRE, Louise et Maude Mayrand Légaré. 2018. Un monstre dans la gorge. Rouyn-Noranda: Éditions En Marge, s.p.
LEGAULT, Sophie, Mélissa Veilleux et Jean-Paul Eid. 2019. Le monstre Pourtant et l’étoile filante. Montréal: Bayard Canada, coll. «Les contes de Passe-Partout», s.p.
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- 1Les cinquante-six albums recensés dans le cadre de cette étude se trouvent en annexe. Ils sont tous parus dans des maisons d’édition québécoises entre 2016 et 2021, en version originale ou en traduction française. Les albums d’Elise Gravel parus chez Scholastic Canada (dont les bureaux sont situés en Ontario) au cours de cette période ont aussi été retenus. Nous avons exclu de la recension les albums publiés à compte d’auteur ou par des organismes communautaires, de manière à pouvoir nous concentrer sur les albums aisément accessibles au lectorat québécois durant la période étudiée. Ont également été exclus du corpus les albums dérivés de produits culturels n’appartement pas en propre à la littérature jeunesse (jeux vidéo, cinéma d’animation, télévision, etc.). Les œuvres retenues devaient au minimum soit contenir une illustration d’une créature monstrueuse, soit mentionner le mot «monstre» au sein de leur texte, soit présenter une créature imaginaire de nature indéfinie (les albums portant sur des créatures fantastiques spécifiques – sorcières, loups-garous, vampires – ont été exclus).
- 2Voir à ce sujet la contribution de Jeanne Murray-Tanguay à ce collectif.
- 3Elise Gravel emploie fréquemment des illustrations de monstres pour évoquer de manière très explicite la diversité. On observe cette tendance sur des affiches à imprimer qui figurent sur son site web. Par exemple, une affiche représente différentes créatures farfelues et stipule «J’aime mes monstres comme j’aime mes humains: de toutes les formes, de toutes les couleurs, tous différents». Voir Elise GRAVEL. [s. d.]. «J’aime mes monstres comme j’aime mes humains», Elise Gravel Auteure illustratrice. En ligne. http://elisegravel.com/blog/jaime-monstres-jaime-humains/.
- 4Dans les albums recensés, outre les trois œuvres analysées ici, deux autres titres semblent vouloir créer un sentiment d’inquiétude chez l’enfant. Il s’agit de L’histoire d’Herman de Catherine Ho et de La crème glacée fond plus vite en enfer de Valérie Picard. Pour les références complètes à ces albums, voir l’annexe.
- 5L’album Créatures n’est pas uniquement en noir et blanc: une minuscule touche de rouge est employée sur une seule page pour colorer la cape d’une petite fille. L’utilisation de la couleur sert à faire un clin d’œil à un conte traditionnel bien connu, celui du Petit Chaperon rouge.