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Constat d’accident et autres textes
Ouvrage référencé: Auster, Paul (2004), Constat d’accident et autres textes, Arles, Actes Sud, 102p.
Présentation de l’œuvre
Résumé de l’œuvre
Cette œuvre de Paul Auster, parue chez Actes Sud en 2003 dans sa traduction française, n’est pas un recueil de nouvelles, mais bien une collection de quinze textes d’époque et de genres variés. Le lien de cohérence unissant ces textes n’est pas évident à la première lecture. La nouvelle éponyme du recueil traite de l’un des thèmes chers à Auster: l’influence des coïncidences sur le cours de notre vie. Comme toujours dans la fiction d’Auster, la ville de New York est omniprésente, presque un personnage à part entière. Elle est d’ailleurs le sujet du premier texte du recueil, «Réponse à une question du New York Magazine». Ailleurs, sa vision de la métropole est toujours positive et optimiste, comme dans le bref essai «Gotham Handbook» où il donne quatre conseils à son amie S. C. (l’artiste Sophie Calle) pour embellir sa vie à New York (sourire, parler à des inconnus, donner aux mendiants et aux sans-abris, adopter un lieu), ou dans «Réflexions sur une caisse en carton» où il déplore la gestion musclée de l’administration Giuliani (qu’il ne nomme pas) concernant la question des sans-abris. Trois des quatre derniers textes du recueil portent, en tout ou en partie, sur les événements du 11 septembre 2001. Le premier, intitulé «Notes dans le désordre: 11 septembre 2001, 16 heures», a paru dans les journaux Die Zeit et Le Figaro moins d’une semaine après les attentats. Ce même texte fait également partie, dans sa version originale anglaise intitulée «Random Notes—September 11, 2001,4:00 P.M.; Underground», du recueil 110 Stories édité par Ulrich Baer. Le texte, collection de réflexions «à chaud» sans lien entre elles autre que l’état de choc dans lequel a été plongée la métropole, témoigne de la lucidité du regard de l’écrivain devant un événement échappant à la rationalité du discours. Dans « L’Art de l’inquiétude », il fait l’éloge de la carrière de son ami Art Spiegelman, bédéiste et illustrateur pour l’hebdomadaire New Yorker. Il s’attarde plus particulièrement à l’appréciation de la célèbre couverture de Spiegelman pour le numéro du 24 septembre du magazine, où les tours se devinent en «noir sur noir». Auster confie au lecteur: «La première fois que j’ai vu cette image, j’ai eu l’impression que Spiegelman avait placé un stéthoscope sur ma poitrine et enregistré avec méthode chacun des battements de coeur qui avaient ébranlé mon corps depuis le 11 septembre. Alors mes yeux se sont remplis de larmes.» (p. 96) Il est intéressant de noter que Spiegelman a également dessiné la couverture du recueil 110 Stories. Le troisième texte abordant les attentats terroristes, «NYC = USA», est tout à la fois un témoignage des citoyens new-yorkais et un plaidoyer pour la tolérance. Auster y fait un bref rappel de l’histoire de la métropole, en arguant qu’encore aujourd’hui, une grande proportion de ses habitants n’y sont pas nés, faisant toujours d’elle une ville d’immigrants. Si son histoire n’est pas exempte de tensions et de conflits civils, elle est parvenue à surmonter ces difficultés et à établir une harmonie exemplaire. En ce sens, elle est, toujours selon Auster, l’incarnation des idéaux de démocratie sur lesquels se sont bâtis les États-Unis, le véritable cœur de l’Amérique. Et plutôt que d’aller mener sa revanche sanglante à l’étranger, il conseille à Georges W. Bush de déménager à New York afin de vraiment sentir le pouls de la nation et de prendre conseil d’une ville qui, au moment où lui ne songe qu’à la guerre, se demande qu’elles ont été les actions qui ont engendré une telle haine.
Précision sur la forme adoptée ou sur le genre
Recueil de textes.
Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre
L’œuvre est un amalgame de textes de genres et de styles différents. Certains sont des fictions à caractère autobiographique, d’autres des articles de journaux, des textes d’opinion, des essais, etc.
Modalités de présence du 11 septembre
La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?
La présence du 11 septembre est particularisée dans certains textes seulement, c’est-à-dire qu’il n’y a que quatre textes sur quinze qui aient été composés ultérieurement aux attentats. Deux choses sont intéressantes à noter: 1- Seuls les tours du WTC sont mentionnés, l’écrasement au Pentagone ainsi que le vol United 93 étant complètement absents du discours. 2- Sur les quatre textes mentionnés, il en est un seul qui ne présente aucune représentation des attentats. Par contre, par un effet de forme, les attentats planent comme un spectre sur la narration (cf. 2b).
Les événements sont-ils présentés de façon explicite?
i) Les événements sont mentionnés de façon directe, mais la représentation qui en est faite passe toujours par des images indirectes : une porte d’appartement soufflée par l’explosion, les hurlements des témoins de l’écrasement de la première tour, les gens marchant dans la rue avec un mouchoir sur la figure, etc.
ii) Le métro de New York prend une grande importance ici en tant qu’acteur de la vie quotidienne des citoyens de la ville. L’auteur y met tellement d’emphase qu’il en vient presque à le personnifier. Le métro est abordé dans deux textes: «Notes dans le désordre: 11 septembre 2001, 16 heures» et «Sous terre». Il n’est rien moins qu’anodin que ces deux textes soient juxtaposés dans le recueil, surtout si l’on considère que «Sous terre» est le seul des quatre derniers textes ne comportant aucune mention du 11 septembre 2001. Par contre, il est difficile de le lire sans avoir à l’esprit le texte qui le précède et qui, lui, met en lien de façon directe le métro et les attentats. En effet, dans le premier, Auster raconte comment sa fille s’est trouvée, lors de son premier voyage seule en métro, à passer sous les tours moins d’une heure avant leur effondrement. Il crée ainsi un lien affectif extrême en associant métro, famille et menace. Dans le deuxième texte, il conjure à nouveau cet affect à l’aide d’une narration à l’infinitif créant un lien d’identité entre le lecteur et le narrateur (ex.: «Prendre le métro à une heure d’affluence – cohue du matin, cohue du soir – et avoir la chance de se trouver une place.» (p. 85)). La scène quotidienne qui y est dépeinte se teinte d’angoisse au dernier paragraphe lorsque le métro tombe en panne: «Et puis toujours sans raison apparente, les lumières s’éteignent, les ventilateurs cessent de vrombir et tout le monde reste assis en silence, attendant que le train redémarre. Personne jamais ne dit mot. Rarement même un soupir. Assis dans l’obscurité, mes frères et mes sœurs new-yorkais attendent avec la patience des anges.» (p. 86) L’image des attentats terroristes plane comme un spectre sur l’excipit précisément parce qu’au texte précédent, elle a été associée au thème du métro. Cette impression est renforcée par la tranquillité de la scène et par la comparaison des usagers du métro à des anges. Ce n’est qu’à la lecture de la table des matières que le lecteur apprend que ce texte est la réponse de l’auteur (composée le 11 octobre 2001) à la demande du New York Times Magazine à une vingtaine d’écrivains d’écrire sur ce qu’ils aimaient à New York. On comprend alors mieux la bénignité du texte, en même temps que l’on perçoit avec plus d’acuité la charge symbolique qu’a voulu y donner l’auteur dans son recueil.
iii) Dans une logique typique de l’écrivain post-moderne qu’est Paul Auster, c’est la fiction qui s’autoreprésente comme le moyen de communication prépondérant dans le recueil de textes. Par exemple, dans le texte «NYC = USA», Auster relate son expérience à la tête du National Story Project, une entreprise d’une année (octobre 1999 à octobre 2000) au cours de laquelle il a recueilli des milliers d’histoires provenant de tous les coins du pays et lu ses préférées en direct à l’émission radiophonique All Things Considered. Il dit avoir alors remarqué une nette tendance: «La seule ville dont quiconque eût jamais envie de parler, c’était New York.» (p. 98) Il enchaîne sur le rôle de la métropole en tant que «laboratoire des contradictions humaines» dans la constitution de l’identité étatsunienne. Voilà pourquoi, dit-il ensuite, les attentats terroristes n’ont pas été dirigés vers la tête, mais bien vers le cœur de la nation. Dans une discussion entre lui et son ami Salman Rushdie (diffusée à la même émission All Things Considered), les deux auteurs font remarquer le besoin particulier qu’a eu presque chaque individu de raconter la façon dont ils ont vécu les événements (ce que certains ont nommé le «where were you when»). On peut donc constater, dans Constat d’accident, la boucle opérée par le processus fictionnel: la fiction est constitutive de l’identité et lorsque cette identité est blessée, c’est de nouveau vers la fiction que chacun se tourne.
Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?
Le point de vue de sur les événements est, par la nature même de l’auteur, celui de l’homme de la rue, du New-Yorkais moyen. Par son amour pour sa ville, Auster procède à une symbiose avec ses habitants; il cherche à transmettre dans sa prose le «pouls commun» de tous ceux qui ont eu à vivre les attentats comme une attaque personnelle à leur chair, à leur famille, à leur ville. Pour ce faire, il abolit dans un premier temps les limites entre les ethnies en établissant d’emblée New York comme un modèle de ville d’immigrants où tous parviennent à vivre dans une harmonie relative. Il évoque les conflits raciaux qui ont marqué l’histoire de la ville pour ensuite faire remarquer qu’ils ont su trouver leur résolution dans l’acceptation des différences et dans la tolérance, faisant de la métropole, à l’image de la célèbre statue qui se dresse à l’entrée de son port, l’idéal de la démocratie en action. À ce titre, il est intéressant de noter que la seule personne représentée dans une démarche de violence est George W. Bush: «Quand l’administration Bush a déclenché sa guerre au terrorisme en envahissant l’Afghanistan, nous autres, à New York, nous comptions encore nos morts. […] Seule une petite minorité de New-Yorkais a voté pour George W. Bush et la plupart d’entre nous ont tendance à considérer sa politique avec méfiance. Il n’est tout simplement pas assez démocratique pour nous. Ni lui ni son cabinet n’ont encouragé un débat public sur les problèmes auxquels le pays est confronté. Maintenant qu’il est de plus en plus question dans la presse d’une imminente invasion de l’Irak, un nombre croissant de New-Yorkais s’inquiètent. Dans la perspective de Ground Zero, c’est une catastrophe universelle qui semble se préparer.» (p. 101-102) Ce passage montre bien qu’il n’est pas question de politique dans le discours de Paul Auster, même s’il évoque des concepts comme la démocratie. Au contraire, il replace le débat au niveau humain et ne s’engage pas dans une discussion sur des objets théoriques désincarnés comme l’état, le terrorisme ou la politique étrangère. Selon lui, la démocratie s’incarne dans les habitants de New York. Si elle se trouve par le fait même la cible d’attaques haineuses, cela ne fait que renforcer le besoin de trouver une réponse démocratique à la violence. Le principe sur lequel l’écrivain fonde la représentation de ses personnages (qu’ils soient réels ou fictifs) est que les idéaux sur lesquels se sont bâtis les États-Unis se retrouvent intacts chez les citoyens new-yorkais alors qu’ils sont désormais absents ou corrompus au gouvernement.
Aspects médiatiques de l’œuvre
Des sons sont-ils présents?
Pas de sons.
Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?
Pas de travail iconique.
Autres aspects à intégrer
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Le paratexte
Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat
Cette suite de courts récits, articles, préfaces, réunis par Paul Auster, semble d’abord un reflet de son univers romanesque. Mais peu à peu, après l’évocation de l’enfance, du hasard, de l’amitié, de la littérature et de la poésie, la fiction et la mémoire s’éloignent et Constat d’accident prend l’aspect d’une chronique d’inquiétude: les mots d’un romancier que les terribles événements du 11 Septembre auraient ramené vers les angoisses du passé. Paul Auster, qui fut considéré par la critique comme le plus français des écrivains américains, dit ici son appartenance, ses utopies, ses réticences face à la politique de G. W. Bush, mais aussi sa confiance et son respect pour l’humanité.
Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises
Opinion de l’auteur concernant l’administration Bush, tirée d’une entrevue par François Busnel pour le magazine littéraire LIRE:
F. B. Comment vous sentez-vous en tant que citoyen américain? Vous aviez réagi très violemment à la position de George Bush junior après le 11 Septembre… Les choses ont-elles changé depuis que les démocrates ont remporté les élections de mi-mandat en novembre dernier?
P.A. En tant que citoyen, je peux vous dire que ma colère envers Bush et son administration n’a fait que grandir depuis le 11 Septembre. Jamais nous n’avons été plus dupés. Toutes ses décisions, depuis cinq ans, sont mauvaises et particulièrement préjudiciables à l’image de l’Amérique – qui n’est pas ce qu’il représente. La situation en Irak prend des proportions terribles, à la fois pour la population locale et pour les troupes américaines. Si les choses continuent ainsi, je ne vois pas où nous allons – sinon dans l’ère de la peur. Que va-t-il se passer avec l’Iran si Bush reste au pouvoir? Le pire est envisageable. Même les diplomates américains sont effrayés par son incompétence. Bush nous a conduits au pied du précipice. Il a encore le temps de nous y jeter… Je suis américain, et tout particulièrement new-yorkais (ce qui n’est pas tout à fait l’Amérique), mais j’ai peur de ce qui peut arriver. Et cela influe sur mon travail d’écrivain. Comment en serait-il autrement? Je ressens de la colère et une profonde tristesse devant tout cela: je considère que l’Amérique se trahit en suivant la voie de George Bush. Bien sûr, les élections ont marqué un tournant. Mais les démocrates n’ont qu’une très courte avance et ils ont majoritairement voté la guerre en Irak: je ne crois pas qu’ils seront capables d’inverser le cours du conflit car le commandant en chef est Bush et il peut faire tout ce qu’il veut sans être contré ou inquiété. Nous ne vivons pas une époque heureuse, croyez-moi, et aucun romancier ne peut s’en désintéresser. Ce qui se passe aujourd’hui n’a aucun équivalent. Pas même la guerre du Vietnam où tant d’hommes furent tués, bien plus qu’aujourd’hui en Irak… Ce qui se passe actuellement est antidémocratique: si vous ne suivez pas Bush, si vous n’êtes pas d’accord avec lui et que vous l’exprimez publiquement, il vous accuse de trahison, d’antipatriotisme… Je crois que la responsabilité de l’écrivain est de faire face et d’intégrer cela, autant que faire se peut, à son travail.
(Source: Magazine Lire, page consultée le 7 juin 2009). [La page n’est plus disponible.]
Discussion entre Paul Auster et Salman Rushdie sur la façon dont le 11 septembre 2001 nous a forcés à réimaginer notre monde (RealPlayer). [La page n’est plus disponible.]
Citer la dédicace, s’il y a lieu Aucune. Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web
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Impact de l’œuvre
Impact inconnu
Pistes d’analyse
Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre
L’un des processus de mythification les plus évidents dans Constat d’accident, comme d’ailleurs dans toute l’œuvre de Paul Auster, est moins celui des attentats terroristes que celui de la ville de New York. En effet, si les événements du 11 septembre sont spécifiquement abordés, ils ne le sont pas directement, mais à travers leurs effets sur la ville. On ne trouvera donc pas dans le recueil la représentation d’avions s’écrasant dans les tours, d’incendies infernaux, de corps tombant et se désintégrant au contact du sol, de terroristes assoiffés de vengeance ou de talibans possédés d’une fureur divine. On aura plutôt la vision d’une ville mutilée, ses habitants terrassés par la douleur, le deuil, l’angoisse et l’incompréhension. Les attentats sont ramenés à l’échelle humaine, celle de la population de la ville. Auster consacre plusieurs pages à décrire cette population. Selon lui, New York reste fondamentalement une ville d’immigrants qui pourrait servir de modèle de pacifisme à toute autre cité du monde: «Avec quarante pour cent de notre population actuelle née en pays étrangers, nous constituons un échantillonnage du monde entier. C’est un pot-pourri ethnique surpeuplé et les risques de chaos sont énormes. Personne ne soutiendrait que nous ne sommes pas confrontés à une multitude de problèmes, mais si vous pensez à ce dont les différences ethniques ont été cause dans des villes comme Sarajevo, Belfast et Jérusalem, New York ressort comme un exemple lumineux d’ordre et de paix civile.» (p. 99) Ailleurs, ce sont à des individus que l’auteur donne la charge de transmettre le sentiment commun de la ville : la voisine de son coiffeur qui parlait une heure auparavant avec son gendre coincé au cent septième étage du WTC, sa fille ayant passé en métro sous les tours juste avant la catastrophe, et même son ami Art Spiegelman, chargé de produire la couverture du New Yorker alors que personne n’est capable de pensées cohérentes. Le passage le plus probant en rapport à la mythification est celui où la ville est littéralement anthropomorphisée: «Dans presque chacune de leurs histoires, New York n’était pas seulement la toile de fond des événements rapportés, elle était le sujet même de l’histoire. New York la démente, New York l’inspiratrice, New York la grincheuse, New York la laide, New York la belle, New York l’impossible» (p. 98). On pourrait même pousser l’analyse jusqu’à faire remarquer l’analogie entre la métropole et ses sans-abris. En effet, le texte précédant immédiatement les «Notes dans le désordre» est un appel à la tolérance envers ceux qui ne possèdent pas de toit sur leurs têtes. Dans «Réflexions sur une boîte en carton», il avance que les sans-abris ne se retrouvent bien souvent dans cette situation que par malchance et que cette malchance peut frapper n’importe qui à n’importe quel moment et les priver du confort que nous croyons tous acquis aux gens sains d’esprit. L’ironie dans la juxtaposition de ces deux textes fait transparaître un message éloquent de la part de l’auteur: la ville de New York s’est rapidement «assainie» sous la tutelle du maire Rudolfo Giuliani mais avec la chute des tours jumelles, c’est en quelque sorte son toit qu’elle perd, en même temps que sa raison. La ville est maintenant pareille à ses sans-abris: le malheur l’a frappée, elle doit maintenant composer avec un sentiment d’insécurité constant. Dans son dernier texte, intitulé «NYC = USA», Auster entend poser une ultime égalité, celle de la ville de New York avec l’ensemble des États-Unis. Puisque la métropole est la personnification de l’idéal américain de démocratie et que le gouvernement du pays a renié cet idéal, New York est devenu le cœur de l’Amérique : « Puisque le président Bush nous a répété à bien des reprises combien il aime peu Washington, pourquoi ne vient-il pas vivre à New York? Nous savons qu’il n’éprouve guère d’amour pour notre ville mais, en s’y installant, il pourrait apprendre quelque chose sur le pays qu’il tente de gouverner. Il pourrait apprendre, en dépit de ses réserves, que nous en sommes le véritable cœur.» (p. 103) La pertinence du recueil Constat d’accident et autres textes en regard de la fictionnalisation du 11 septembre provient d’une cohérence avec la démarche de l’auteur d’élever la ville de New York au rang de mythe. Ceci dénote une volonté d’universaliser le discours sur la tragédie. En effet, il pose la quadruple adéquation individu new-yorkais = population new-yorkaise = ville de New York = États-Unis. Les événements touchant la ville sont qualifiés d’affaire familiale en même temps qu’ils font entrer le monde entier dans le XXIe siècle. L’organisation même des textes du recueil confirme ce mouvement : les textes suivent une structure de progression du singulier vers l’universel. Le premier, «Réponse à une question du New York Magazine», est un souvenir de jeunesse, la vision personnelle de ce que représente la métropole pour l’auteur; le dernier, «NYC = USA» est une dénonciation de la politique malsaine de l’administration Bush et de ses conséquences probables sur l’ensemble du monde. Dans sa façon de représenter les événements du 11 septembre 2001, Auster passe ainsi de l’individuel au social, du local à l’international, du singulier à l’universel, en positionnant toujours son discours sur l’échelle humaine.
Donner une citation marquante, s’il y a lieu
«Alors que tant de choses nous séparent, qu’il y a dans l’atmosphère tant de haine et de discorde, il est bon de se souvenir des choses qui nous rassemblent. Plus nous insisterons sur celles-ci dans nos rapports avec les inconnus, meilleur sera le moral de la cité.» (p. 57)
«Nous savions tous que cela pouvait arriver. Il y avait des années qu’on parlait de cette possibilité mais à présent que la tragédie a eu lieu, c’est bien pire que tout ce qu’on a jamais pu imaginer. La dernière attaque étrangère sur le sol américain remonte à 1812. Nous n’avons aucun précédent pour ce qui est arrivé aujourd’hui et les conséquences de cette agression seront assurément terribles. Encore de la violence, encore des morts, encore de la douleur pour tout le monde. Et ainsi, le XXIe siècle commence enfin.» (p. 83)
«Les attentats meurtriers contre le World Trade Center en septembre dernier étaient conçus à juste titre comme une attaque des États-Unis. C’est aussi ce qu’ont ressenti les New-Yorkais, mais c’est notre ville qui a été assaillie et alors même que nous nous efforcions de comprendre le haïssable fanatisme capable de provoquer la mort de trois mille innocents, nous avons vécu cette journée comme une tragédie familiale.» (p. 99)
Noter tout autre information pertinente à l’œuvre
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