Entrée de carnet

Brésil, corporalité, cyberpunk 2

Daniel Grenier
couverture
Article paru dans Chantier Posthumain, sous la responsabilité de Jean-François Chassay (2011)

Le roman de cyberpunk de l’écrivain britannique Ian McDonald, Brasyl, publié en 2007 raconte, à travers trois trames narratives différentes, l’évolution du Brésil et son entrée dans le futur.

Martiniere, Stephan. 2007. «Brasyl» [Couverture du roman Brasyl par Ian McDonald]

Martiniere, Stephan. 2007. «Brasyl» [Couverture du roman Brasyl par Ian McDonald]

La première narration se passe en 2006 à Rio de Janeiro et est centrée sur le personnage de Marcelina Hoffman, une productrice de téléréalité qui essaie de retrouver un ancien gardien de but de la coupe du monde qui avait fait perdre l’équipe du Brésil il y a plus de 50 ans afin que la nation puisse le juger dans un procès télévisé.

La seconde narration se déroule en 2033, dans un São Paulo où la physique quantique est utilisée par des hackers pour s’infiltrer dans les systèmes de sécurité des compagnies de surveillance.

Avec la troisième narration, on retourne dans le passé, en 1732, où un missionaire jésuite nommé Luis Quinn, est chargé de retrouver et faire revenir dans le droit chemin un père délinquant qui a formé une secte au fin fond de la jungle amazonienne.

Toutes ces trames sont reliées, imbiquées les unes dans les autres à travers une exploitation complexe des théories et concepts de la physique quantique.

Je l’ai lu et retenu ici parce que, même si ce n’est pas un roman brésilien, c’est vraiment un roman sur le Brésil, sur sa signification et ses potentialités. Le corps, comme dans tout roman cyberpunk, y est questionné, remis en question. L’approche de la corporalité et les préoccupations sociales et politiques de Ian McDonald sont proches de celles des écrivains brésiliens dont parle Elizabeth Ginway dans l’article Do implantado ao ciborgue : O corpo social na ficção científica brasileira (De l’implanté au ciborg : Le corps social dans la science fiction brésilienne).

Points d’intérêts du roman, dans une perspective du post-humain brésilien :
-Le personnage de Marcella Hoffman, la productrice télé contemporaine, est obsédée par son corps: bien qu’à peine quadragénaire, elle est sur le point de devenir dépendante au botox, et elle se maintient dans une forme exemplaire en jouant à la capoeira (type de danse/art martial brésilien traditionnel). L’obsession brésilienne de la chirurgie est ici mise en scène.

-Dans la trame futuriste, le corps n’est ni déconstruit ni envahi par la technologie, les citoyens portent plutôt des « iSolaires », des lunettes personnalisées intégrées d’un système d’intelligence artificielle ultradéveloppé. Par contre, un des personnages, qui vient d’un espace-temps parallèle (un autre São Paulo possible « quantiquement ») possède un ordinateur organique intelligent implanté dans son abdomen.

-Comme Elizabeth Ginway le mentionne dans son article, le traitement de la jungle amazonienne et de la mégalopole comme êtres vivants hostiles à l’existence humaine est mis en scène et métaphorisé tout au long du livre par l’auteur. Le Rio de Janeiro contemporain, le São Paulo du futur, le Recife de la colonie ainsi que la forêt dense et le fleuve infini sont tous et toutes des images, des symboles flagrants d’organismes indépendants et hors de contrôle de la volonté humaine.

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