Colloque, 24 avril 2014
Photographie, censure et publicité. Larry Clark au péril de la loi française
Du 8 octobre 2010 au 2 janvier 2011, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris a présenté – et interdit aux moins de 18 ans – Kiss the Past Hello, la première rétrospective en France des œuvres du photographe et cinéaste américain Larry Clark. En signe de solidarité et de soutien à l’artiste ainsi exposé et censuré, Libération a illustré la Une du 7 octobre d’une photo explicite de Clark sur laquelle deux adolescents nus, allongés sur la banquette arrière d’une voiture, s’embrassent et se caressent érotiquement. Le même jour, la Mairie de Paris a émis un communiqué de presse invoquant l’article 227-24 du code pénal français (concernant les atteintes aux mineurs et la pornographie) pour justifier sa décision pensée inattendue et pudibonde tout en rejetant les accusations du journal. Dans son édition du 8 octobre, Libération a renchéri d’autant plus vivement sur la situation en publiant des photos encore plus criminelles – selon la rhétorique de la Ville de Paris – que celle qui a orné la Une le jour précédent. Tantôt censurées, tantôt brandies comme les preuves d’une censure particulière, les photographies controversées de Clark se trouvent elles-mêmes transformées en indices: d’un côté, elles signalent le danger supposé de la photographie, et de l’autre, elles constituent le signe inquiétant de la judiciarisation de l’art. Or, dans les deux cas, la photographie ne se trouve-t-elle pas instrumentalisée, mise au service non seulement de la politique mais aussi de la publicité ? À la lumière des coups échangés publiquement par Libération et la Ville de Paris au nom de la liberté de création et d’exposition, cette communication se propose de penser la photographie comme un point de départ dynamique à partir duquel et à l’aide duquel peuvent être négociées et mises à l’épreuve les termes précis de la loi.