Colloque, 12 avril 2018
Les animaux naturalisés, une patrimoine polysémique: l’exemple des trophées au musée de la Chasse et de la Nature
Depuis les dernières décennies, le concept de patrimoine est sujet à une extension et à une ramification croissante. Revendiqué collectivement pour désigner des éléments toujours plus nombreux et variés, le patrimoine intéresse les chercheurs en sciences sociales car il entraîne des usages, des représentations et des interactions qui révéleraient certains traits culturels des sociétés contemporaines. Cette communication vise à montrer qu’il peut aussi éclairer les relations changeantes des hommes avec les animaux, notamment sous la forme d’un patrimoine «taxidermique» dont on postule ici l’existence. Les animaux naturalisés ont en effet une valeur patrimoniale puisant à plusieurs sources, eux qui participent simultanément de la matérialité et de l’immatérialité, de la nature et de la culture, de l’art et de l’histoire, de la vie et de la mort…
Dans les lieux où ils sont exposés depuis le XVIIe siècle, ils reflètent l’évolution des mentalités quant à l’utilisation du corps des bêtes: après les cabinets de curiosités et les muséums d’histoire naturelle, les musées de la chasse répandus en Europe doivent aujourd’hui choisir quel traitement réserver aux trophées qu’ils conservent dans leurs collections. Car en cette époque de conscientisation à la condition animale, les trophées de chasse forment un patrimoine taxidermique hautement labile du fait de son écartèlement entre un registre de valeurs éthique et des registres de valeurs esthétique et épistémique. Au musée de la Chasse et de la Nature à Paris, une analyse de la salle des Trophées et de la récente exposition Safaris montre comment le musée cherche à désamorcer cette tension grâce à une muséographie et à un discours qui neutralisent la charge négative associée aux étalages de peaux, de cornes, de bois et de têtes d’animaux. [Texte de Benoit Vaillancourt]