Colloque, 29 mai 2015

Héritage(s), situation de la connaissance et conflictualités de la reconnaissance. Claude Cahun à la lumière de ses commentateurs/trices

Ève Gianoncelli
couverture
Héritages de Claude Cahun et Marcel Moore, événement organisé par Andrea Oberhuber et Alexandra Arvisais

Cette communication vise à problématiser la question de l’héritage à travers les formes d’appropriation de la pensée et de l’œuvre de Cahun et la manière dont elles les inscrivent dans différents types d’histoire intellectuelle (au sens large). Si les formes de l’héritage de Cahun de ce point de vue apparaissent connues, elles ont en réalité peu fait l’objet d’un travail d’analyse systématique en tant que tel d’une part; d’autre part, les raisons qui ont favorisé les différentes formes de sa réinscription intellectuelle et artistique ont peu été analysées. Il s’agit ainsi d’abord de remédier à ces impensés. Dans un second temps, il convient alors de comprendre comment hériter signifie également s’inscrire dans des logiques spécifiques de réception des œuvres et des idées qui concourent à des formes spécifiques de diffusion et même de production de l’objet Cahun. On s’interrogera notamment dans ce cadre sur la manière dont les formes d’appropriation de l’œuvre cahunienne permettent de rejouer des lectures situées et polarisées qui mettent notamment (mais alors pas seulement) en scène une opposition entre des lectures «française», universalisante, et «américaine», susceptible d’être décriée par la première comme communautariste, rejouant alors des clivages théoriques et politiques traditionnels entre les deux côtés de l’Atlantique.

C’est par exemple ce que met en scène François Leperlier quand il dénonce la «pensée lesbienne» qui sert de lecture à la pensée cahunienne, qu’il associe à une forme de communautarisme, sans voir ce que sa propre posture, répondant à ce que l’on pourrait nommer un «impératif d’idiosyncrasie», et se prétendant affranchie de tout point de vue, en relève tout autant et est symptomatique d’une grille de lecture universaliste prégnante dans la culture intellectuelle française. L’objectif est alors ici double: il s’agit d’une part de thématiser les formes d’opposition théoriques et politiques relevant de différentes cultures nationales entre les deux côtés de l’Atlantique, par exemple dans le sillage des travaux du sociologue Éric Fassin qui a examiné ces jeux de miroirs (et notamment du point de vue du féminisme); d’autre part, d’examiner ces points de vue nécessairement situés qui investissent l’objet Cahun selon une épistémologie du point de vue permettant d’interroger les conditions sociales de production de la connaissance. Il s’agira enfin d’esquisser une lecture permettant de s’interroger sur les conditions de possibilité d’un héritage tentant de dépasser ces apories en prenant au sérieux à la fois la prétention propre de Cahun et de Moore et ce qu’elle apporte aux problématiques du genre. On se propose ici en particulier d’analyser la tension entre des formes de problématisation du couple d’artistes, de la féminité et du genre et les raisons pour lesquelles ce n’est que la contemporanéité qui peut permettre à proprement parler de constituer ses enjeux comme politiques.

Ève Gianoncelli est doctorante en sciences politiques et études de genre et attachée temporaire d’enseignement et de recherche en sciences politiques à l’Université Paris VIII. Sa thèse en voie d’achèvement porte sur le devenir intellectuel de trois femmes au XXe siècle, Paulette Nardal, Viola Klein et Claude Cahun. Elle tente de comprendre comment ces femmes en tant que figures d’altérité se constituent comme sujets.

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