Cahiers de l'IREF, numéro 08, 2017

Féminismes, sexualités, libertés

Caroline Désy
Lori Saint-Martin
Thérèse St-Gelais
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Le colloque organisé par l’IREF et tenu le 11 mai 2016 a abordé les liens entre les féminismes (pensés au pluriel et impliquant convergences, dissensions et débats), la sexualité et la liberté. Autant l’appel de communications que la liste non exhaustive d’axes de réflexion proposés découlaient de notre souci d’ouverture à toutes les disciplines et à tous les types de réflexions. Par exemple, dans une perspective historique, les trois termes auraient pu nous amener à parler de contraception et de planification des naissances, ou encore des luttes pour le contrôle de leur corps qu’ont menées des groupes de femmes. C’est ce qu’a fait Nouvelles questions féministes qui publiait, à la fin de l’année 2016, un dossier sur la morale sexuelle «traitant des luttes féministes autour des reconfigurations d’une “morale sexuelle contemporaine” qui s’efforce, au-delà des normes religieuses traditionnelles, de définir les comportements convenables, acceptables, légitimes, valorisés, ou au contraire répréhensibles ou stigmatisés»1http://www.antipodes.ch/revues/nqf/nouvelles-questions-f%C3%A9ministes-vol-35,-no1-detail , consulté le 28 mars 2017. Au fil d’arrivée, ce sont surtout des contributions provenant des disciplines des arts, lettres, communication et études culturelles et médiatiques qui ont formé le cœur de la journée de colloque et sont réunies ici.

Avec des textes de Julie Beaulieu, Isabelle Boisclair, Nicole Côté, Wendy Delorme, Caroline Désy, Polly Galis, Marie-Claude Garneau, Élisabeth Mercier, Lori Saint-Martin et Thérèse St-Gelais.

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    http://www.antipodes.ch/revues/nqf/nouvelles-questions-f%C3%A9ministes-vol-35,-no1-detail , consulté le 28 mars 2017

Articles de la publication

Caroline Désy, Lori Saint-Martin & Thérèse St-Gelais

Présentation: Féminismes, sexualités, libertés

Le colloque organisé par l’IREF et tenu le 11 mai 2016 a abordé les liens entre les féminismes (pensés au pluriel et impliquant convergences, dissensions et débats), la sexualité et la liberté. Autant l’appel de communications que la liste non exhaustive d’axes de réflexion proposés découlaient de notre souci d’ouverture à toutes les disciplines et à tous les types de réflexions. Par exemple, dans une perspective historique, les trois termes auraient pu nous amener à parler de contraception et de planification des naissances, ou encore des luttes pour le contrôle de leur corps qu’ont menées des groupes de femmes.

Wendy Delorme

La sexualité: un lieu politique d’où défaire les rapports d’oppression?

Ce triptyque «féminismes, sexualité, liberté» a inspiré les romans que j’ai écrits, les spectacles que j’ai produits, et a nourri par ailleurs ma réflexion en tant qu’enseignante-chercheuse travaillant sur les représentations médiatiques du genre et des sexualités. Néanmoins, mon rapport à la thématique de la liberté sexuelle s’est compliqué ces dernières années. Un malaise en moi a grandi, suscité par un certain type de discours sur la liberté sexuelle en France et dans d’autres pays, sur les causes que sert ce discours, et ce qu’il sert à discréditer.

Il me faudra revenir sur des éléments de contexte dans lesquels s’est développé ce discours, qui n’affecte pas que la France. Il m’a semblé nécessaire d’entamer une réflexion plus large sur la manière dont la notion de «liberté sexuelle» et les minorités sexuelles peuvent être paradoxalement instrumentalisées: d’une part, elles sont devenues objets discursifs dans le cadre d’une politique anti-migratoire aux fondements racistes; d’autre part, elles se voient dénier l’égalité des droits civiques.

Isabelle Boisclair

«L’envie» de Sophie Fontanel: se soustraire au «schéma des hommes»

«Pendant une longue période, qu’au fond je n’ai à cœur ni de situer dans le temps ni d’estimer ici en nombre d’années, j’ai vécu dans peut-être la pire insubordination de notre époque, qui est l’absence de vie sexuelle» (7). Ainsi débute L’envie, roman de Sophie Fontanel, publié en 2011.

Nicole Côté

«La maison étrangère» d’Élise Turcotte: un parcours vers une sexualité investie d’affect

Les protagonistes d’Élise Turcotte, à la vie intérieure foisonnante, considèrent le rapport à l’autre à la fois comme une voie vers la rédemption et comme le lieu de toutes les possibles défaites. Aussi Élizabeth, la protagoniste et narratrice de La maison étrangère, peut-elle souffrir intensément du départ subit de son conjoint Jim tout en voyant cette rupture comme prévisible et irrémédiable. Je voudrais montrer que cette réaction surprenante sous-tend un désir pas encore reconnu chez Élizabeth de vivre et de penser autrement, de passer, pour appréhender le monde, du mode de connaissance par les images –sa thèse sur les codes de l’amour courtois au Moyen Âge et son conjoint Jim, photographe– au mode de connaissance par l’affect, régi par les sens, en particulier ceux de proximité (olfaction, toucher).

Marie-Claude Garneau

«Chronique lesbienne du moyen-âge québécois» de Jovette Marchessault: la résistance lesbienne comme «contre-espace» de désir

Parmi les études qui s’attardent à «Chronique lesbienne du moyen-âge québécois» notons celles de Forsyth (1991), Saint-Martin (1991) et Schechner (2012). Il s’agit ici de replonger dans ce texte pour voir de quelle façon une lecture contemporaine de l’œuvre permet de régénérer nos imaginaires féministes et lesbiens. Puisque le thème de l’adolescence lesbienne, comme l’avait explicité Schechner (2012), y est central, je m’y attarderai aussi, en montrant comment celui-ci est en étroite relation avec le thème du désir. Ma lecture de «Chronique lesbienne du moyen-âge québécois» s’attardera aux formes de résistance que la protagoniste oppose à son environnement et montrera comment ces formes contribuent à la mise en place d’un «contre-espace» où le désir est central.

Polly Galis

«Bon sexe, mauvais sexe»: la représentation porno-érotique dans «Infrarouge» de Nancy Huston

Plutôt que de définir le style de Huston comme purement érotique, comme le fait Lavigne, il me semble plus approprié d’employer le terme «porno-érotique». Je mets ainsi l’accent sur le déplacement stylistique caractéristique de ce roman: la représentation pornographique permet à Huston d’emprunter les codes de la pornographie normative, celle qu’elle dénonce dans Mosaïque de la pornographie, afin de les critiquer ensuite par une révision érotique (Huston, 2004). Par pornographie normative, je fais référence à la pornographie cinématographique dominante où le plaisir et le regard phallique dominent, en accord avec la perspective sur le cinéma hollywoodien de Laura Mulvey (Mulvey, 1975: 33). J’examinerai les manières dont le style porno-érotique d’Infrarouge fait référence à la pornographie et à l’érotisme normatifs, non pas pour les cautionner, mais afin de les critiquer et de les réinventer selon une perspective féministe. En d’autres termes, je poserai son style porno-érotique comme une réappropriation de l’érotisme et de la pornographie pour et par les femmes. Je commencerai par présenter le roman étudié et la technique porno-érotique de Huston, avant d’aborder d’autres dialectiques présentes dans le roman ainsi que leurs implications pour la liberté des femmes et pour le féminisme.

Julie Beaulieu

Filmer le désir: sexualités et cinéma des femmes au tournant des années 2000

Je m’intéresserai à ces représentations du désir et de la sexualité dans le cinéma des femmes réalisé en France au tournant du XXe siècle, plus précisément à des représentations qui, mettant de l’avant une prise de position politique affirmée, voire radicale, sont vigoureusement engagées sur la voie féministe. Pour plusieurs réalisatrices, cette prise de position s’enracine dans ce geste, libérateur, qui consiste à prendre la caméra pour regarder/filmer, geste fondamental servant l’appropriation du regard/pouvoir féminin dans une industrie où les femmes accèdent encore trop difficilement à la réalisation.

Élisabeth Mercier

Sexualité des femmes et activisme féministe: le cas (controversé) de SlutWalk

Je m’intéresse ainsi à la SlutWalk du point de vue des discours et des controverses dont elle fait l’objet au sein des cercles féministes, ainsi qu’aux façons par lesquelles ces controverses réarticulent une compréhension normative de la respectabilité sexuelle des femmes en général et du bon sujet féministe en particulier. Afin d’obtenir un portrait d’ensemble de ces controverses et de cerner leurs effets normatifs, j’ai effectué une analyse de discours critique (Foucault, 1971) des débats entourant la SlutWalk, analyse qui met en lumière les enjeux et les tensions qui caractérisent depuis longtemps la place de la sexualité dans les théories, les débats et l’activisme féministes.

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