Colloque, 7 juin 2010

Mutations du surréalisme belge: de l’objet bouleversant aux logogrammes

Raluca Lupu-Onet
couverture
Imaginer l’avant-garde aujourd’hui. Enquête sur l’avenir de son histoire, événement organisé par Bertrand Gervais et Sylvano Santini

Les interrogations actuelles qui ravivent la question, ou l’histoire, des avant-gardes en projettent dans leur grande majorité l’image d’un passé héroïque de la subversion et du renouvellement. Ce qui s’impose d’emblée dans la subversion avant-gardiste, c’est en fait une volonté d’agir sur les habitudes esthétique et productrice de l’art en général. Nous retenons de toutes ces démarches le concept de «ars combinatoria» pour définir la praxis dialogique propre au surréalisme qui engendre une véritable porosité de la frontière entre les arts ainsi qu’une expérience fondamentalement avant-gardiste, qui est celle de la communauté artistique.

Pour illustrer les mécanismes de production de ces œuvres hybrides, nous proposons d’interroger, d’abord, la poétique du collage (le surréalisme français) et celle des «objets bouleversants» (du surréalisme belge) pour arriver, ensuite, à poser la question d’une intermédialité avant la lettre propre aux logogrammes (inventés en 1962) de Christian Dotremont, artiste belge d’inspiration surréaliste, fondateur du groupe Cobra.

Nous démontrerons comment, inspiré de l’ars combinatoria, le logogramme de Dotremont englobe dans son tracé, qui fait de l’illisible un trait poétique, deux modalités d’expression artistique: la peinture (des mots) et l’écriture (délivrée de la typographie). Cette forme avant-gardiste d’une écriture transgressive se donne pour mission de faire valoir les qualités créatrices du verbe considéré dans sa matérialité, dans sa forme écrite, tracée par la main de l’écrivain-artiste et exposé sur la toile. C’est sur cet élément -la matérialité du texte, l’écriture comme scription, partie intégrante de la signification- que nous voulons insister afin de démontrer l’actualité de cette praxis poético-picturale. En effet, le logogramme synthétise l’expression de la différence qui se situe dans l’entre-deux (arts). Et cette nouvelle forme artistique hybride met en cause toute une communauté, celle qui se crée entre le langage, l’artiste et le récepteur. Ce dialogue implicite de l’appareil logogrammatique interroge le signe linguistique dans son statut de trace, symbole et témoignage de présence de son traceur.

Raluca Lupu-Onet est professeure permanente au Département de langue et de littérature du Collège de Valleyfield où elle enseigne les littératures modernes et contemporaines. Titulaire de deux doctorats (en langue et littérature française, Université Babes-Bolyai, 2004; et en littérature de langues françaises, Université de Montréal, 2010) et de deux maîtrises (en littératures francophones, 1998, et en littérature comparée, 1999) à l’Université Babes-Bolyai, Roumanie, Raluca Lupu-Onet est aussi traductrice (théâtre francophone, critique littéraire et histoire des religions). Ses articles sont publiés dans les revues IdiomaTransylvanian ReviewTextimage et Les Cahiers Echinox.

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