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Quelle solidarité pour les femmes allosexuelles réfugiées au Canada?

Nathalie Ricard
couverture
Article paru dans Féminismes et luttes contre l’homophobie: de l’apprentissage à la subversion des codes, sous la responsabilité de Line Chamberland, Caroline Désy et Lori Saint-Martin (2016)

Introduction

En 2015, sur les 193 États membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU), 73 pays criminalisent les actes homosexuels1Sur l’homophobie d’État, voir Itaborahy et Zhu (2013). Selon Borrillo (2000: 13), la notion d’homophobie renvoie tant au rejet de la personne homosexuelle qu’à celui de l’homosexualité.. Il demeure difficile de préciser si ces lois visent aussi la sexualité entre les femmes. Plusieurs législations font abstraction du lesbianisme, négligent de le mentionner ou ne sanctionnent pas les femmes et les hommes gais également (Lennox et Waites, 2013). De plus, si la majorité des lois écrites ou coutumières limitent la criminalisation de l’homosexualité à des actes sexuels, d’autres étendent leur prohibition aux lieux de rencontre, incluant les bars, à la tenue d’événements culturels comme les manifestations de la fierté gaie, et aux familles homoparentales. De par leurs règles culturelles et sociales, et leurs législations, une majorité des pays du monde continue donc de nier l’égalité des droits, la sécurité et la dignité des personnes qui éprouvent du désir en dehors de l’hétéronormativité (Lévy et Ricard, 2013)2Les personnes allosexuelles vont à l’encontre de l’ordre des choses établi par les dieux, la loi, le sens commun ou la nature, et selon lequel les personnes cissexuelles, c’est-à-dire dont le genre assigné correspond à leur anatomie, éprouvent du désir hétérosexuel pour le sexe opposé (masculin ou féminin), mais complémentaire. Cet idéal de cohérence entre le genre, le sexe et le désir est régulé par une grammaire d’intelligibilité, l’hétéronormativité, aussi appelée «matrice hétérosexuelle» (Butler, 1993)., les exposant ainsi à une plus grande vulnérabilité de même qu’à un traitement déshumanisant. La dissimulation de l’orientation homosexuelle, d’une identité de genre non conforme à l’hétéronormativité ou, au contraire, la lutte active et la résistance contre celle-ci, font partie du bagage de survie émotive, physique, sociale et économique des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, intersexes et queers (LGBTIQ). Néanmoins, pour plusieurs de ces personnes allosexuelles, la fuite du pays devient la seule issue afin de demeurer en vie. 

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR, 2012) appelle ces demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre, LGBTI.3Malgré la mise en garde de l’Organisation pour le Refuge, l’Asile et la Migration (ORAM, 2013, p. 1), qui avait souligné en quoi cette désignation s’appuie sur des construits occidentaux méconnus ou évités dans plusieurs régions du monde, l’acronyme LGBTI est de plus en plus utilisé par les institutions pour parler des personnes ayant une orientation sexuelle et/ou une identité de genre jugées non conformes. L’International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association (ILGA) l’illustre. Le vocable queer est aussi généralement rejeté par ces institutions. Les mots utilisés par les réfugiés-es pour s’identifier dans leur culture respective ne sont donc pas retenus, reconduisant ainsi l’idée qu’en dehors de la modernité occidentale, les minorités sexuelles demeurent opprimées, dans le placard, en attente de leur Stonewall. À l’ère de la globalisation, «gay» serait même devenu un terme générique (Leap et Boellstorff, 2004). Bien que privilégiant une position émique4La méthode anthropologique établit une distinction entre le point de vue émique, qui est basé sur le système de pensée et les concepts de la personne ou du groupe interviewés ou observés, et celui du chercheur ou de la chercheure avec son point de vue éthique., l’identification des migrantes et migrants de ma recherche demeure néanmoins un défi puisque leur propre vocabulaire subit une transition devant l’acquisition d’une nouvelle terminologie normative, nécessaire à leur reconnaissance légale, au Canada. Afin de nommer les personnes ayant une orientation sexuelle et/ou une identité de genre jugées non conformes, et provenant de diverses cultures, mon utilisation du terme «allosexuel», et de ses dérivés, relève dès lors d’un compromis.

D’invention québécoise, cette appellation masque les différences entre les hommes et les femmes, et entre les personnes cissexuelles et celles qui ne le sont pas. L’allosexualité, comme l’allosexualisation, invite toutefois au décentrement de l’identité gaie. Il serait aussi souhaitable que l’hétérosexualité ne soit plus pensée comme le référent duquel la différenciation5«Allo-»: élément de composition tiré du grec et qui signifie «autre, différent» (Centre national de ressources textuelles et lexicales). Depuis les années 2000, les termes «allosexuel» et «altersexuel», et leurs équivalents au pluriel et au féminin, sont des tentatives de traduction en français du mot «queer», mais qui, contrairement à ce dernier, n’ont généralement pas les mêmes intentions de confrontation politique ni les mêmes connotations de marginalité (voir le Bureau de la traduction du gouvernement fédéral canadien et la note du traducteur de l’article de Walks, 2014, p. 20). se produit et que l’on pense d’emblée en termes de diversité sexuelle. Or, le terme «queer» qui pourrait s’y employer, porte les mêmes limitations que la désignation-parapluie «allosexuel». S’il est utilisé, toutefois, de manière politique, ce qui ne se fait pas systématiquement, il enjoint à la déstabilisation de l’hétéronormativité et à la critique de la normalisation, et de l’essentialisation des identités sexuelles et de genre. De sorte qu’il m’arrive aussi de parler de personnes LGBTIQ pour rappeler l’existence des queers et pour souligner l’importance de la vigilance devant le langage institutionnel, les politiques migratoires sélectives des étrangers et étrangères, et les règlementations sur les assemblages du vivre-ensemble. En outre, la critique est nécessaire face au processus judiciaire de l’asile, qui s’inspire des catégories onusiennes. Les réfugiées dont il sera ici question ne s’identifient pas, cependant, comme queers, mais principalement comme lesbiennes ou bisexuelles.

Je commencerai par décrire le dispositif de la reconnaissance du statut de réfugié au Canada6Cet article s’appuie sur des données recueillies, dans le cadre de ma recherche en cours en anthropologie, sur les notions et les pratiques de justice mobilisées par le droit d’asile au Canada pour les personnes violentées en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre.. Puis, je ferai brièvement état de ma démarche ethnographique dans les principales villes où habitent les migrants et migrantes LGBTIQ au pays. Quelques pistes seront alors proposées pour comprendre la faible participation des lesbiennes, femmes bisexuelles et trans dans certains groupes communautaires qui collaborent à ma recherche. Ce sera aussi l’occasion de présenter leurs caractéristiques générales. Dans un troisième temps, j’aborderai à grands traits, avec les risques que cela comporte, le vécu de violence des femmes que j’ai interviewées. Une approche intersectionnelle est indiquée pour appréhender leur processus de subjectivation, dans lequel s’entrecroisent les rapports sociaux de genre et de sexualité et leur statut migratoire. De plus, l’expérience de la racisation des participantes influence le développement de leurs liens de solidarité. Enfin, nous retiendrons que la célébration de l’autonomie et la valorisation de l’énergie sexuelle des femmes repoussent les frontières politiques, affectives, sexuelles et culturelles qui auraient voulu les garder dans une condition victimaire. 

 

1. Le dispositif de reconnaissance du statut de réfugié

Selon la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après, la Convention) et le Protocole relatif au statut de réfugié de 1967, une personne réfugiée est une personne qui craint avec raison d’être persécutée «du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques», et qui «se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays» (HCR, 2007: 16). Depuis les années 1990, les demandes des minorités sexuelles, comme celles des femmes, sont interprétées, au Canada, comme pouvant provenir de personnes faisant partie d’un «certain groupe social» (HCR, 2007: 16), ciblé par des violences spécifiques. Le type de requête LGBTI (HCR, 2012) repose ainsi fondamentalement sur l’établissement de l’orientation sexuelle et/ou de l’identité de genre du demandeur ou de la demandeuse de refuge et sur leur crédibilité. Après avoir déposé une requête écrite, ces derniers passeront en audience, présidée par un ou une commissaire de la Section de la Protection des Réfugiés (SPR). Son rôle est de décider s’ils sont des réfugiés au sens de la Convention.

Les dépositions écrites et verbales, et l’ensemble de la preuve, devront donc démontrer principalement trois aspects, dans les délais prescrits par la SPR7Depuis décembre 2012, les documents appuyant la requête d’asile doivent être soumis dix jours avant l’audience. Celle-ci se déroulera 30 jours après le dépôt de la demande écrite de refuge, si la personne ne vient pas d’un pays d’origine désigné, ou 60 jours plus tard, si elle vient d’un pays d’origine désigné.. Il s’agit de l’appartenance à un groupe social particulier, de l’absence de protection en tout temps et en tous lieux du pays dont le requérant ou la requérante détient la nationalité, de même que de sa victimisation liée à son orientation sexuelle ou à son identité de genre, ou de sa sérieuse éventualité advenant un retour dans le pays. La SPR est un tribunal administratif qui est, en principe, indépendant du gouvernement. Lors de son audience, qui se déroule à huis clos, la personne devrait se sentir à l’aise de raconter son histoire sans subir de contre-interrogatoire. Les demandeurs-euses d’asile peuvent être défendus-es par un-e avocat-e, bénéficier des services d’un-e interprète, et être accompagnés-es par des personnes de leur choix, du moment que le ou la membre de la SPR les accepte. Chaque audience est enregistrée. Depuis la réforme du système d’asile, en décembre 2012, les demandeurs-euses de refuge déboutés-es qui ne proviennent pas de pays d’origine désignés ont la possibilité de porter la décision en appel8Pour la liste, voir le site du Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. L’analyse critique de cette liste problématique pour les minorités sexuelles dépasse le cadre du présent article..

1.1 Les impacts de la mondialisation sur les décisions de la SPR

Pour obtenir des informations sur le traitement des personnes allosexuelles dans différents pays, les commissaires et les avocats et avocates recourent aux publications gouvernementales, mais aussi à celles des organisations non gouvernementales qui interviennent sur le terrain. Or, la concentration des luttes militantes contre la décriminalisation de l’homosexualité, qui concerne davantage les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes, marginalise le vécu des femmes lesbiennes et bisexuelles, qui sont pourtant particulièrement affectées par les lois privées ou par les coutumes qui touchent le mariage et la vie familiale (Amnesty International, 2008; Lennox et Waites, 2013; Sheill, 2009). Le National Centre for Lesbian Rights (2007: 9) soutient aussi que les lois contre la sodomie, la grossière indécence ou qui criminalisent uniquement la sexualité entre les hommes peuvent suggérer, de manière erronée, que la sexualité entre les femmes serait généralement mieux tolérée. Son occultation indique plutôt qu’une sexualité féminine en dehors de l’hétérosexualité demeure un impensé. Ainsi, tandis que les violences systémiques et directes contre les hommes gais sont assez bien documentées, celles contre les lesbiennes (Jensen et Spijkerboer, 2011), les personnes trans, bisexuelles ou intersexes le sont beaucoup moins. Cette absence de données accroît leur difficulté à cumuler des preuves pour étayer leur victimisation, et pour prouver que leur pays ne peut pas les protéger. Qui plus est, l’assimilation des lesbiennes aux hommes gais dans l’expression «gais et lesbiennes», et l’effacement de celles-ci sous les vocables «homosexualité», «homophobie» et «homosexuels», demeurent courants.

Conséquemment, malgré les formations qui sont données à la SPR depuis 1995 (LaViolette, 2013: 195), les stéréotypes sexuels, la méconnaissance des réalités vécues par les femmes dans différents pays, de même que l’ethnocentrisme, continuent d’influencer le processus d’évaluation des demandes d’asile (Lee et Brotman, 2011; Murray, 2011; Rehaag, 2008; Ricard, 2014a, 2014b; Quan, 2012). Les styles de vie et la culture de plusieurs demandeurs et demandeuses d’asile sont différents de ce que les membres de la SPR pensent connaître sur ce que signifie «être gai». Leurs représentations homonormatives9L’homonormativité se réfère à la pratique de normalisation des gais et lesbiennes, à travers leur inclusion à un mode de vie domestiqué et de consommation, ainsi qu’au fait de ne plus constituer une menace à l’hétérosexualité ni au néolibéralisme (Duggan, 2002: 179). Ce modèle occidentalocentrique s’est répandu avec la mondialisation du mouvement des droits humains LGBT. Couplée à des sentiments nationalistes, l’homonormativité devient homonationalisme (Puar, 2007) et projette les «autres» contrées et leurs habitants comme étant nuisibles à l’épanouissement des communautés gaies. du mode de vie et de l’identité gais masquent aussi les écarts socioéconomiques entre les nationaux et les réfugiés, la condition psychosociale de ceux-ci, les différences de genre et celles entre les personnes cissexuelles et celles qui ne le sont pas. De plus, les notions mêmes d’identité sexuelle etou de genre et de communauté LGBT qui tirent leur sens historique de l’évolution des sociétés libérales post-industrielles du Nord global, n’existent pas ou n’ont pas les mêmes résonnances dans les pays d’où viennent la majorité des demandeurs-euses d’asile allosexuels10Entre avril 2009 et juin 2011, 120 femmes bisexuelles, gaies, trans et lesbiennes ont déposé une demande d’asile sur les 526 réclamations faites sur la base de la persécution liée à l’orientation sexuelle et/ou à l’identité de genre. Ces demandeurs d’asile venaient principalement du Mexique, puis des Caraïbes. Ces données ont été obtenues grâce à la Loi sur l’accès à l’information, en février 2012. Depuis, les activistes ont remarqué une baisse dramatique du nombre de ressortissantes et ressortissants mexicains. Le fait que le Mexique se retrouve sur la liste des pays «sécuritaires» pourrait l’expliquer. Par contre, les demandeurs-euses de refuge originaires des Caraïbes demeurent nombreux, et ceux et celles d’Afrique et d’Europe de l’Est, incluant la Russie, seraient en hausse.. Dans la section suivante, je présenterai certains des organismes qui soutiennent ces migrants et migrantes, ainsi que les femmes réfugiées que j’ai interviewées dans le cadre de ma recherche.

 

2. Présentation des groupes et individus qui ont pris part à la recherche

2.1 Mise au point méthodologique

Mon ethnographie sur trois sites, Montréal, Toronto et Vancouver, a débuté en 2010. Au moment des entretiens, les personnes rencontrées étaient: demandeurs-euses d’asile (47), réfugiés-es déboutés-es (5), réfugiés-es acceptés-es (4), anciens-nes commissaires de la SPR (4), activistes (14) et avocats-es (12). Se déroulant habituellement en anglais et de type semi-structuré, les entrevues avec les réfugiés-es ont duré en moyenne une heure trente, mais plusieurs ont évolué en récits de vie11Des observations durant les audiences, la participation dans les associations de soutien pour migrants et migrantes allosexuels, l’accompagnement de ceux-ci durant le processus d’asile, incluant des visites en centre de détention, l’écriture de lettres de soutien et d’appel, les artefacts produits par des activistes et réfugiés-es, les journaux et d’autres types de littérature, ainsi que mes notes de terrain complètent la collecte de données. Sur les lettres de soutien comme objets ethnographiques, voir Ricard (2014a).. Tous les réfugiés-es interviewés-es ont déposé une demande d’asile en sol canadien et la majorité d’entre eux l’ont fait avant la réforme du régime asilaire. Il ne s’agit donc pas de bénéficiaires réinstallés au Canada grâce au Programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement. Trois regroupements communautaires, sur la douzaine que j’ai fréquentés, ont signé une entente de collaboration, soit Action Gaie, lesbienne, bisexuelle, trans et queer avec les ImmigrantEs et réfugiéEs (AGIR), à Montréal, Among Friends Refugee Peer Support (Among Friends), à Toronto, et Rainbow Refugee Committee (Rainbow Refugee), à Vancouver. Ces organismes sont très différents de par la constitution de leurs membres, leur financement, histoire et philosophie politique et d’intervention. Je les ai choisis parce qu’ils sont ouverts à toutes les orientations sexuelles et identités de genre, et qu’ils ne sont pas constitués sur une base ethnique ou religieuse. En incluant ceux et celles que la SPR ne reconnaît pas ou qui sont en attente de statut, la majorité des 56 réfugiés-es interviewés-es avaient participé à l’un de ces groupes ou en étaient toujours membres.

2.2 Composition des groupes communautaires

Le tiers des membres d’Among Friends, qui n’accueille que des demandeurs-euses d’asile, sont des femmes lesbiennes et bisexuelles. Depuis la réforme du système d’asile, 70 personnes se réunissent en moyenne, à chaque semaine, tandis qu’auparavant, plus de 150 personnes pouvaient se retrouver. Très peu de femmes trans participent à ce groupe composé à 90% de personnes originaires des anciennes colonies britanniques africaines et caribéennes. Selon la responsable du groupe, elle-même venue au Canada pour y chercher refuge, et qui s’identifie en tant que femme noire lesbienne féministe et queer12Pour les activistes de ces organismes communautaires, le terme queer renvoie généralement à l’auto-identification sexuelle et de genre, à la résistance au pouvoir de désignation des régimes hégémoniques hétéronormatifs et migratoires, à des pratiques anti-oppressives et de solidarité entre résidents-es de pays anciennement colonisés et colonisateurs, et à la décriminalisation du travail du sexe., les participantes viennent au groupe car elles peuvent s’identifier à elle, s’y sentir en sécurité et anticiper qu’elles seront comprises. L’historique du groupe semble appuyer cette explication inspirée des politiques identitaires. À ses débuts, Among Friends, animé par un homme latino gai, attirait très peu de femmes et de personnes noires.

En revanche, les rencontres mensuelles de Rainbow Refugee regroupent une dizaine de personnes. Entre 2010 et 2013, j’ai pu compter sur les doigts d’une main les femmes allosexuelles qui ont participé aux réunions de cet organisme, qui sont encadrées par quatre intervenants-es: trois lesbiennes blanches qui s’identifient comme féministes, mais dont deux se disent aussi queers, et un homme gai originaire du Moyen-Orient13Depuis, une doctorante s’est jointe à leur équipe. Elle participe au développement des activités et accompagne les migrants et migrantes dans leurs démarches et revendications. Le nombre de participants-es à Rainbow Refugee aurait aussi augmenté.. Deux de ces intervenants-es ont immigré au Canada avec leurs parents. Pour expliquer la moindre participation des femmes à son groupe, l’une des intervenantes m’a suggéré que ces dernières n’avaient guère les moyens de se diriger vers l’Ouest canadien, depuis leur arrivée à Toronto qui est la plaque tournante des vols aériens au pays.

Les participants et participantes de Rainbow Refugee sont de diverses nationalités et statuts migratoires quoique l’organisation, contrairement à AGIR, n’applique pas une philosophie active de soutien envers les sans-papiers. Sans tête dirigeante, d’allégeance queer, AGIR regroupe des personnes LGBTIQ racisées et qui ont vécu une expérience migratoire, personnellement ou en tant que groupe familial. L’organisme organise sporadiquement des rencontres et activités pour ses membres, dont une forte proportion est composée de femmes bi, lesbiennes, queers ou trans et d’étudiantes et étudiants étrangers qui ne sont toutefois pas des requérants-es d’asile.

Selon Jensen et Spijkerboer (2011: 20), «seulement un tiers de tous les demandeurs d’asile dans les pays occidentaux sont des femmes, et [un] pourcentage encore plus faible sont des femmes seules». Nonobstant l’emplacement géographique du Canada et ses politiques migratoires, les groupes communautaires pour migrants-es LGBTIQ, de ce côté-ci de l’Atlantique, accueillent aussi beaucoup plus d’hommes que de femmes réfugiés-es. Falquet et Alarassace (2006) soutiennent, cependant, que «les lesbiennes en mouvement» qui échappent à la violence sexuelle, aux mariages forcés et à l’hétérosexualité obligatoire seraient plus nombreuses que les données françaises le suggèrent. Mais ce pourrait être le cas dans plusieurs pays, d’autant que des considérations économiques peuvent aussi motiver «leur migration politico-sexuelle». L’écart entre le nombre de femmes et d’hommes qui parviennent à demander l’asile demeure néanmoins préoccupant. Dans les prochaines sections, d’autres pistes seront proposées pour expliquer cet écart.

2.3 Portrait des réfugiées

Dix-neuf des 56 réfugiés-es interviewés-es étaient des femmes allosexuelles qui avaient en moyenne 31 ans. Au moment de l’entrevue, dix d’entre elles s’identifiaient comme lesbiennes, une autre ne parvient toujours pas à s’identifier comme telle, tandis que les huit dernières se sont présentées comme bisexuelles. Sur les neuf participantes qui avaient des enfants, seulement deux habitaient avec ceux-ci au Canada. Les réfugiées interviewées vivent douloureusement la séparation d’avec leurs enfants. Aussi, selon le National Centre for Lesbian Rights (2007), les lesbiennes tardent à fuir leur pays à cause de leurs charges familiales. Deux des interviewées s’étant identifiées comme lesbiennes mères avec moi avaient cependant déclaré aux agents-es d’immigration être bisexuelles. Plusieurs raisons expliquent ce changement. Comme dans le cas des hommes gais et bisexuels interviewés qui m’ont aussi déclaré une autre identité sexuelle que celle inscrite sur leur formulaire d’application pour l’asile, il leur semblait que leur maternité, paternité ou double vie seraient mieux comprises s’ils s’affichaient comme bisexuels. Quant à leur nationalité, douze des participantes sont originaires des Caraïbes, l’une d’elles du Moyen-Orient, une autre de la Corée du sud, alors que les cinq autres sont africaines.

Depuis le moment de leur entretien, onze de ces dix-neuf interviewées ont été acceptées comme réfugiées, deux répondantes bisexuelles ont été déboutées et deux autres sont toujours en attente de leur audience. Parmi les autres candidates à l’asile, l’une se fait dorénavant marrainer14Sa requête d’asile a été abandonnée en raison de l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs. Selon celle-ci, toute personne qui transite par nos voisins du sud avant de venir au Canada et qui souhaite postuler pour l’asile doit le faire aux États-Unis, malgré ses lois envers les minorités sexuelles., une lesbienne qui a été expulsée tente de revenir au Canada comme travailleuse migrante temporaire et les deux dernières ne me donnent plus de nouvelles. Je soupçonne qu’elles ont rejoint les rangs grandissants des sans-papiers au pays15Sur ce point, voir Wright (2013).. Parmi les 56 réfugiés-es interviewés-es, le quart a survécu sans statut légal, souvent durant de nombreuses années. Plusieurs d’entre eux et elles ne savaient pas qu’il était possible de demander l’asile au Canada en raison d’une identité sexuelle ou de genre persécutées.

La majorité des femmes interviewées sont donc arrivées au Canada comme touristes, avant que les règles d’obtention des visas se raffermissent et que leurs prix deviennent faramineux. Trois d’entre elles m’ont cependant dit avoir eu affaire à des passeurs. Dans l’un des cas, la demandeuse d’asile, alors fortunée, avait pu payer le passeur, tandis que dans l’autre situation, c’est en échange de services sexuels qu’un homme a fait les démarches et a avancé l’argent nécessaire afin qu’elle puisse s’échapper. L’autre exilée a bénéficié du soutien financier et logistique d’un organisme de son pays qui lutte en catimini pour les droits des minorités sexuelles, mais plus ouvertement dans le champ du VIH-Sida. Les hommes allosexuels interviewés ont été beaucoup plus nombreux à rentrer au Canada grâce aux réseaux de passeurs, qui sont onéreux et auxquels il faut avoir accès.

Par ailleurs, une seule des réfugiées interviewées est venue à titre d’étudiante étrangère, contrairement aux hommes qui ont participé à ma recherche, chez qui la poursuite des études ou l’obtention d’une formation spécialisée au Canada étaient un scénario plus fréquent. L’accès à la scolarisation marquée par la différence de genre et de classe expliquerait aussi cette variation. Cette répondante était d’ailleurs la seule à posséder un diplôme universitaire, tandis que quatre autres femmes interviewées possédaient l’équivalent d’un diplôme technique. Neuf autres participantes qui avaient complété leurs études secondaires n’avaient toujours pas leur certificat d’équivalence. Huit des participantes écrivaient l’anglais avec difficulté. Une seule des répondantes parlait aisément le français. 

 

3. Les violences rapportées par les femmes allosexuelles interviewées

Parmi les réfugiés interviewés, plus de femmes que d’hommes ont rapporté avoir été agressés sexuellement. Elles l’ont été par des personnes se trouvant généralement dans leur entourage. Deux de ces participantes ont été mariées, sans leur consentement, à des hommes beaucoup plus âgés qu’elles, alors qu’elles étaient mineures. Hormis leurs maris et conjoints, les viols des femmes interviewées ont été commis par un pasteur, père, cousin, médecin, des conjoints d’une mère, amis d’un conjoint, et une mère. De plus, toutes les participantes à la recherche ont été injuriées, tant par des hommes que par des femmes, agressées physiquement et parfois harcelées, mais pas uniquement en raison de la découverte de leur lesbianisme ou de leur identité de genre non conformes, contrairement aux hommes, qui ont subi des représailles quand leur allosexualité était démasquée ou soupçonnée. Le seul fait d’être identifiée comme une femme suffirait pour être victime de violences de genre et de discriminations sexistes. De plus, quoique les pressions sur l’honneur à sauvegarder au sein de la famille ou de la communauté traversent l’ensemble des entretiens, plus de contraintes et de règles à observer s’appliquent aux femmes.

Plus spécifiquement, sept des participantes à la recherche ont rapporté avoir été victimes de violence conjugale. Trois d’entre elles ont dévoilé de sévères cas d’abus et ont été terrorisées par leur conjoint respectif qui appartenait à des bandes criminelles. Plusieurs répondantes ont aussi reçu des menaces de mort de la part de conjoints, d’ex-conjoints, d’un père ou de jeunes de la rue. Parfois, cette menace est mise à exécution: l’amante de l’une des répondantes a ainsi été assassinée. D’autres femmes allosexuelles ont reçu des menaces de viol et le père de l’une d’elles a menacé de la faire interner tout en la frappant. Une des participantes m’a montré sa jambe, ébouillantée par les femmes de son mari polygame, qui la battaient régulièrement.

Les exactions sont aussi commises par des gangs que les réfugiés-es appellent «mob justice» ou «vigilantes», soit des groupes de jeunes hommes qui font les justiciers en se chargeant de faire respecter la morale traditionnelle ou religieuse et les diktats de l’ordre conventionnel des genres. Le voisinage qui joue un rôle de surveillance, de relais de l’information et des rumeurs a souvent été le premier à ébruiter qu’elles avaient des relations sexuelles avec d’autres femmes. Les intrusions dans la vie privée des gens sont fréquentes. La protection de cette dernière est d’ailleurs avidement recherchée par les demandeuses d’asile, qui l’associent à une question de justice. Dans l’un des cas, une voisine qui était aussi la cliente de la personne interviewée a menacé de la dénoncer aux policiers et l’a donc fait chanter. Deux des femmes interviewées ont été accusées de sorcellerie, mais elles n’ont pas subi de rites de purification, contrairement à quelques hommes allosexuels interviewés. L’une de ces «sorcières» a soulevé la suspicion dans son village, car elle n’était pas mariée à vingt-cinq ans et qu’elle faisait de l’éducation sexuelle et féministe auprès des femmes et des filles16 Prenant acte de cette discrimination, le comité onusien sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (2014: 5) invite les évaluateurs-trices des demandes d’asile à prendre en considération les punitions politiques et religieuses que subissent les féministes, ainsi que les persécutions dont sont victimes les femmes qui ne se conforment pas aux normes de genre prescrites..

Les lesbiennes, femmes trans et bisexuelles rencontrées m’ont toutes rapporté qu’il était très risqué de demander aux policiers d’intervenir. Ces derniers banalisent la violence faite aux femmes et en parlent comme d’un problème domestique qui doit être réglé au sein de la famille. De plus, les interviewées sont nombreuses à avoir fait l’objet d’insultes lorsqu’elles ont osé dénoncer l’abus dont elles étaient victimes. L’une des participantes m’a raconté qu’après les avoir sévèrement battues et amenées à comparaître devant son père en pleine nuit, les policiers, de concert avec un autre corps armé chargé de l’ordre public, ont rapporté à la radio l’avoir découverte sans vêtements avec une autre femme. Aucune des participantes à la recherche n’a donc pu obtenir de rapport policier, mais certaines ont pu fournir des rapports médicaux pour leur audience. Leurs agresseurs ne sont donc jamais poursuivis, et l’impunité reste totale. Or pour rapporter des agressions, il faut déjà être considéré-e comme un sujet de droits à part entière, en avoir conscience et connaître ses droits, ce qui ne va pas de soi dans une société où l’égalité entre les sexes n’est pas respectée. Une lesbienne que j’ai interviewée m’a ainsi raconté que sa déclaration avait été discréditée car elle n’était pas corroborée par le témoignage d’un homme.

3.1 Les femmes allosexuelles aux confluents de plusieurs oppressions et espoirs

Afin de comprendre le vécu rapporté par les allosexuelles réfugiées, leurs demandes de protection, les relations qu’elles tissent, de même que leur capacité à atteindre les frontières canadiennes et à rester au pays, l’adoption d’une perspective englobant leurs multiples appartenances communautaires et identitaires est indiquée. Or, bien que résultant de l’enchevêtrement de rapports de domination, leur classe, race, nationalité, sexualité, statut migratoire et genre, entres autres catégories, s’amalgament selon les subjectivations recherchées dans différentes circonstances. L’approche méthodologique de McCall (2005) sur l’intersectionnalité intracatégorielle, anticatégorielle et intercatégorielle permet d’explorer les solidarités qui entourent les migrantes allosexuelles. Leur développement nécessite de faire des choix, contraints par des circonstances historiques et des rapports d’inégalité, d’autant que la reconnaissance légale demeure la priorité. La perspective intersectionnelle permet, néanmoins, de ne pas limiter mon regard et écoute à cet objectif. Aussi, l’ensemble des facettes de l’intersectionnalité proposées par McCall deviennent intéressantes pour observer et analyser, dans différents contextes impliquant divers actrices et acteurs, comment l’entraide et le soutien qui font partie des échanges s’enracinent.

L’approche intra-catégorielle vise donc à montrer la complexité à l’intérieur d’une même catégorie sociale. Ainsi, bien que les demandeurs-euses d’asile se regroupent en raison de leur statut migratoire à Among Friends, d’autres facteurs stimulent leur participation. La composition sporadique de noyaux où se retrouvaient, d’une part, les femmes bisexuelles et lesbiennes et, d’autre part, les hommes allosexuels, suggère que les membres d’Among Friends cherchent tant à fraterniser qu’à explorer leur désir sexuel ou sentimental. Genre et orientation sexuelle se dissocient rarement de leurs représentations sur l’identité sexuelle. Qui plus est, les femmes trans socialisaient plus fréquemment du côté des hommes, tandis que ce n’était pas le cas au sein d’AGIR ou de Rainbow Refugee, la fluidité de ces sous-groupes étant aussi tributaire de l’origine nationale des participantes et participantes et d’une connivence linguistique et religieuse.

D’utilité moindre pour l’action à court terme, l’intersectionnalité anticatégorielle cherche «à déconstruire les catégories sociales […] pour en montrer le caractère socialement construit, contingent, et reproducteur de l’inégalité sociale» (Rousseau, 2009: 138). Dans le contexte de la SPR, les témoignages des candidats et candidates au refuge dépeignent leur pays comme ne pouvant pas les protéger, tout en parlant de leur insertion dans la société canadienne en tant que personnes ouvertement gaies. Paradoxalement, elles entretiennent alors le discours néocolonialiste et homonationaliste qui positionne le Nord global comme la terre promise de leur sécurité et de leur libération sexuelle17Cantú (2009†) a développé cette analyse dans ses travaux sur les réfugiés gais mexicains confrontés au système américain. Pour une critique semblable du dispositif canadien, voir Murray (2014).. Les activistes sensibles aux rapports Nord-Sud, et désireux de rester solidaires envers les activistes LGBTIQ qui n’habitent pas dans les pays occidentaux, réalisent, néanmoins, que les membres de leurs associations qui font des dépositions démontrant de tels éléments ont plus de chances d’être acceptés comme réfugiés. Pragmatiques, ils cherchent en premier lieu à les soutenir dans leurs démarches et se réservent la déconstruction de la catégorie normative du réfugié avec sa notion de persécution. Une telle critique ne fera donc pas l’objet des rencontres collectives dans leurs organisations respectives, mais sera l’objet de partage lors des discussions entre activistes ou chercheurs-es.

L’analyse intercatégorielle prend pour acquis que des relations d’inégalité existent entre les groupes sociaux et les analyse en créant des comparaisons entre plusieurs groupes (McCall, 2005). Cette analyse s’actualise par les pratiques des organismes communautaires qui mettent l’accent sur la dénonciation du racisme, les questions de la migration forcée et de l’intégration à la société en étant indissociables. Ainsi, le racisme reconduit par le système asilaire est combattu en réclamant l’abolition de la liste des pays d’origine désignés ou le rétablissement des soins de santé pour les réfugiés. La racisation qui est aussi porteuse d’un historique rappelle, plus spécifiquement, qu’avoir la peau noire ne signifie pas uniquement être minoritaire au sein d’une société. On le devient parmi les Blancs et les Blanches qui ont réduit en esclavage des peuples libres, les ont colonisés-es et continuent d’exploiter leurs ressources, en cette ère postcoloniale de la mondialisation. À Among Friends, cette analyse intercatégorielle se fait donc aussi de manière implicite pendant que les solidarités entre les personnes de couleur noire se cimentent tel un réflexe intrinsèque. Traversés par une mémoire collective qui se décline dans les fiertés nationales, les liens de solidarité sont aussi motivés par le besoin d’entraide, qui repose sur la logique du don-contre-don. Des ressources économiques et matérielles sont mises en commun, de même que les connaissances sur le processus juridico-administratif du refuge et sur la communauté LGBTIQ.

Cherchant à créer une cohésion de groupe et à développer un sentiment d’appartenance, les organismes communautaires misent donc sur les convergences entre leurs membres, soit le combat contre la pauvreté, la sécurisation de leur statut migratoire, leur allosexualité, de même que le fait d’être racisés-es. Bien que nous ayons vu que les femmes allosexuelles réfugiées avaient subi des discriminations systémiques et des violences en raison de leur genre, la lutte contre la violence faite aux femmes n’apparaît pas à l’agenda des participants-es. Les comportements sexistes ne sont toutefois pas tolérés au sein des groupes18Le budget d’Among Friends ayant augmenté récemment, la responsable du groupe a comme dessein de constituer deux comités afin que les femmes et les jeunes puissent se retrouver.. Ainsi, les liens de confiance entre les membres des groupes s’organisent selon l’appartenance raciale, l’orientation sexuelle, le genre, l’origine nationale, religieuse et ethnique. La langue, et si possible le dialecte, servent aussi de vecteurs rassembleurs significatifs dans cette terre peuplée d’inconnus.

3.2 La solidarité entre les femmes allosexuelles réfugiées

AGIR, Rainbow Refugee et Among Friends s’impliquent généralement dans les activités pour célébrer la Fierté. Ces organismes se mobilisent aussi lors de la Journée mondiale des réfugiés et dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Les limites de l’inclusion de la lesbophobie et de la biphobie à la lutte contre l’homophobie apparaissent dans le discours des    réfugiés-es interrogés-es, qui ne perçoivent pas les rapports entre celle-ci, la transphobie et le sexisme. Leur connaissance historique des luttes pour les droits des minorités sexuelles s’inscrit dans l’historiographie dominante du mouvement gai et lesbien, qui débute avec Stonewall et dont l’iconographie et les revendications se sont mondialisées grâce à l’Internet. Seules deux lesbiennes et une bisexuelle interviewées qui ont participé à des regroupements féministes tenaient un discours plus politique sur les rapports entre le sexisme et l’homophobie.

Selon Chamberland et ses collègues (2012: 5), le «concept hégémonique d’homophobie peut occulter l’oppression des lesbiennes en tant que femmes et homosexuelles» et «conduire à renouveler la violence symbolique» dirigée contre celles-ci, la notion d’homophobie rendant impossible leur exclusion de la catégorie des personnes homosexuelles mais pouvant les exclure de celle des femmes. Du coup, les lesbiennes peuvent être perçues comme bénéficiant d’un meilleur traitement social que les hommes gais, infériorisés à l’instar des femmes (Chamberland et al, 2012: 6). Or, les violences rapportées par les femmes allosexuelles interviewées témoignent du contraire. Qui plus est, pour la majorité d’entre elles, leur identification comme lesbiennes ou bisexuelles ne place pas en opposition les composantes «femme» et «homosexuelle» de leur subjectivité. Leurs réalités et les significations qu’elles donnent à ces catégories restent cependant méconnues.

Les femmes allosexuelles réfugiées payent le prix de leur autonomie sexuelle en rejetant les diktats du pouvoir patriarcal et son honneur. Elles trouvent la force pour valoriser la libération de leur énergie sexuelle, sans nier la nécessité de leur indépendance financière et des changements législatifs19Sur l’indivisibilité des droits humains concernant l’autonomie sexuelle des femmes, voir Waites (2009).. Or, les histoires familiales des femmes caribéennes, en particulier, rappellent que la quête du travail les pousse depuis des générations à la tête de chaînes migratoires, appuyées par leurs réseaux féminins qui s’occupent des enfants (Ho, 1999). Leur sexualité hors normes ébranle, néanmoins, ces solidarités et interpelle leur développement avec des femmes allosexuelles, ainsi qu’avec des alliés-es. Devant ces défis provoqués par l’imbrication des inégalités, mais aussi par les perspectives d’un avenir meilleur, le plaisir et le pouvoir de la sexualité des femmes allosexuelles sont célébrés au sein des regroupements. Leur atmosphère n’est donc jamais victimaire et se vit sous le signe de la fierté et de la communauté retrouvée.

 

Conclusion

L’intersectionnalité est de mise pour aborder le vécu et la subjectivation des femmes allosexuelles migrantes20Sur l’intégration d’une perspective queer et historicisée aux approches intersectionnelles, voir Taylor et al. (2011).. Les données à leur sujet sont rares et ce champ d’études complexe reste à développer, à plus forte raison lorsqu’elles revendiquent un statut de réfugiée. L’entrecroisement des systèmes oppressifs de classe, race, genre et sexualité explique en partie leur présence moindre dans les groupes communautaires. La manière dont ces réfugiées nomment et parlent de leurs réalités pose aussi d’intéressants défis à la recherche transculturelle. De plus, un questionnement critique sur l’essentialisme identitaire, soit l’une des limites de l’intersectionnalité, est à garder en tête; la mise en contexte des subjectivités permettant de mieux saisir les aspirations et réalités des personnes que l’ouverture statique d’une catégorie à leur inclusion (Hunter et De Simone, 2009). 

Du côté des organismes communautaires qui collaborent à ma recherche, AGIR articule un discours qui remet en question cet essentialisme identitaire. Pour ce qui est d’Among Friends, et dans une moindre mesure de Rainbow Refugee, si le discours essentialiste y perdure avec force, leurs participants et participantes sont invités-es à faire sens de leurs spécificités identitaires et à surmonter les obstacles qui les maintiennent dans des espaces et des rôles de subordination. Les leaders de ces organismes, qui sont majoritairement des lesbiennes, deviennent ainsi des modèles de leur possible émancipation. Ces organismes qui travaillent à la reconnaissance d’une citoyenneté substantive pour l’ensemble de leurs membres nous lancent une question: de quelle solidarité témoignons-nous à l’égard des migrants et migrantes allosexuels-les?

 

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  • 1
    Sur l’homophobie d’État, voir Itaborahy et Zhu (2013). Selon Borrillo (2000: 13), la notion d’homophobie renvoie tant au rejet de la personne homosexuelle qu’à celui de l’homosexualité.
  • 2
    Les personnes allosexuelles vont à l’encontre de l’ordre des choses établi par les dieux, la loi, le sens commun ou la nature, et selon lequel les personnes cissexuelles, c’est-à-dire dont le genre assigné correspond à leur anatomie, éprouvent du désir hétérosexuel pour le sexe opposé (masculin ou féminin), mais complémentaire. Cet idéal de cohérence entre le genre, le sexe et le désir est régulé par une grammaire d’intelligibilité, l’hétéronormativité, aussi appelée «matrice hétérosexuelle» (Butler, 1993).
  • 3
    Malgré la mise en garde de l’Organisation pour le Refuge, l’Asile et la Migration (ORAM, 2013, p. 1), qui avait souligné en quoi cette désignation s’appuie sur des construits occidentaux méconnus ou évités dans plusieurs régions du monde, l’acronyme LGBTI est de plus en plus utilisé par les institutions pour parler des personnes ayant une orientation sexuelle et/ou une identité de genre jugées non conformes. L’International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association (ILGA) l’illustre. Le vocable queer est aussi généralement rejeté par ces institutions.
  • 4
    La méthode anthropologique établit une distinction entre le point de vue émique, qui est basé sur le système de pensée et les concepts de la personne ou du groupe interviewés ou observés, et celui du chercheur ou de la chercheure avec son point de vue éthique.
  • 5
    «Allo-»: élément de composition tiré du grec et qui signifie «autre, différent» (Centre national de ressources textuelles et lexicales). Depuis les années 2000, les termes «allosexuel» et «altersexuel», et leurs équivalents au pluriel et au féminin, sont des tentatives de traduction en français du mot «queer», mais qui, contrairement à ce dernier, n’ont généralement pas les mêmes intentions de confrontation politique ni les mêmes connotations de marginalité (voir le Bureau de la traduction du gouvernement fédéral canadien et la note du traducteur de l’article de Walks, 2014, p. 20).
  • 6
    Cet article s’appuie sur des données recueillies, dans le cadre de ma recherche en cours en anthropologie, sur les notions et les pratiques de justice mobilisées par le droit d’asile au Canada pour les personnes violentées en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre.
  • 7
    Depuis décembre 2012, les documents appuyant la requête d’asile doivent être soumis dix jours avant l’audience. Celle-ci se déroulera 30 jours après le dépôt de la demande écrite de refuge, si la personne ne vient pas d’un pays d’origine désigné, ou 60 jours plus tard, si elle vient d’un pays d’origine désigné.
  • 8
    Pour la liste, voir le site du Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. L’analyse critique de cette liste problématique pour les minorités sexuelles dépasse le cadre du présent article.
  • 9
    L’homonormativité se réfère à la pratique de normalisation des gais et lesbiennes, à travers leur inclusion à un mode de vie domestiqué et de consommation, ainsi qu’au fait de ne plus constituer une menace à l’hétérosexualité ni au néolibéralisme (Duggan, 2002: 179). Ce modèle occidentalocentrique s’est répandu avec la mondialisation du mouvement des droits humains LGBT. Couplée à des sentiments nationalistes, l’homonormativité devient homonationalisme (Puar, 2007) et projette les «autres» contrées et leurs habitants comme étant nuisibles à l’épanouissement des communautés gaies.
  • 10
    Entre avril 2009 et juin 2011, 120 femmes bisexuelles, gaies, trans et lesbiennes ont déposé une demande d’asile sur les 526 réclamations faites sur la base de la persécution liée à l’orientation sexuelle et/ou à l’identité de genre. Ces demandeurs d’asile venaient principalement du Mexique, puis des Caraïbes. Ces données ont été obtenues grâce à la Loi sur l’accès à l’information, en février 2012. Depuis, les activistes ont remarqué une baisse dramatique du nombre de ressortissantes et ressortissants mexicains. Le fait que le Mexique se retrouve sur la liste des pays «sécuritaires» pourrait l’expliquer. Par contre, les demandeurs-euses de refuge originaires des Caraïbes demeurent nombreux, et ceux et celles d’Afrique et d’Europe de l’Est, incluant la Russie, seraient en hausse.
  • 11
    Des observations durant les audiences, la participation dans les associations de soutien pour migrants et migrantes allosexuels, l’accompagnement de ceux-ci durant le processus d’asile, incluant des visites en centre de détention, l’écriture de lettres de soutien et d’appel, les artefacts produits par des activistes et réfugiés-es, les journaux et d’autres types de littérature, ainsi que mes notes de terrain complètent la collecte de données. Sur les lettres de soutien comme objets ethnographiques, voir Ricard (2014a).
  • 12
    Pour les activistes de ces organismes communautaires, le terme queer renvoie généralement à l’auto-identification sexuelle et de genre, à la résistance au pouvoir de désignation des régimes hégémoniques hétéronormatifs et migratoires, à des pratiques anti-oppressives et de solidarité entre résidents-es de pays anciennement colonisés et colonisateurs, et à la décriminalisation du travail du sexe.
  • 13
    Depuis, une doctorante s’est jointe à leur équipe. Elle participe au développement des activités et accompagne les migrants et migrantes dans leurs démarches et revendications. Le nombre de participants-es à Rainbow Refugee aurait aussi augmenté.
  • 14
    Sa requête d’asile a été abandonnée en raison de l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs. Selon celle-ci, toute personne qui transite par nos voisins du sud avant de venir au Canada et qui souhaite postuler pour l’asile doit le faire aux États-Unis, malgré ses lois envers les minorités sexuelles.
  • 15
    Sur ce point, voir Wright (2013).
  • 16
    Prenant acte de cette discrimination, le comité onusien sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (2014: 5) invite les évaluateurs-trices des demandes d’asile à prendre en considération les punitions politiques et religieuses que subissent les féministes, ainsi que les persécutions dont sont victimes les femmes qui ne se conforment pas aux normes de genre prescrites.
  • 17
    Cantú (2009†) a développé cette analyse dans ses travaux sur les réfugiés gais mexicains confrontés au système américain. Pour une critique semblable du dispositif canadien, voir Murray (2014).
  • 18
    Le budget d’Among Friends ayant augmenté récemment, la responsable du groupe a comme dessein de constituer deux comités afin que les femmes et les jeunes puissent se retrouver.
  • 19
    Sur l’indivisibilité des droits humains concernant l’autonomie sexuelle des femmes, voir Waites (2009).
  • 20
    Sur l’intégration d’une perspective queer et historicisée aux approches intersectionnelles, voir Taylor et al. (2011).
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