Colloque, 9 juin 2022

Marie de l’Incarnation ou la liberté entravée

Marie-Christine Pioffet
couverture
Femmes en correspondances (XVIIe-XVIIIe siècle), événement organisé par Nathalie Freidel, Emma Gauthier-Mamaril et Judith Sribnai

Écrire permet à Marie de l’Incarnation de s’épancher. À ses nombreux correspondants, l’ursuline ne se prive pas de faire part de ses états d’âme sur les contraintes et les vexations dont son ordre est l’objet. Qu’il s’agisse des restrictions imposées par Monseigneur de Laval à ses consœurs ou du silence des Jésuites au sujet de l’œuvre de ces dernières en terre canadienne, Marie de l’Incarnation fait entendre on ne peut plus clairement ses protestations. Qu’il s’agisse encore de la conduite imprévisible de la fondatrice de sa maison, Madame de La Peltrie, qui décide de quitter le monastère pour aller rendre visite aux Autochtones de Tadoussac, de retirer du couvent une partie des meubles qu’elle avait naguère laissés à la disposition des séminaristes et de s’établir à Montréal contre «le conseil des Révérends Pères et de Monsieur le Gouverneur qui ont fait tout leur possible pour la faire revenir» (Lettre LXVI, éd. Oury, p. 176), Marie de l’Incarnation laisse percevoir, sous le couvert de certaines précautions diplomatiques, son incompréhension.

À l’occasion de ce colloque, Marie-Christine Pioffet propose d’étudier comment s’exprime la dissidence de l’épistolière derrière le voile de la soumission et de l’obéissance aux autorités ecclésiales et civiles, mais aussi comment, par-delà la retenue dictée par son statut, s’affirme sa quête de liberté. À ce propos, sa relation avec Mme de La Peltrie est exemplaire des tiraillements de l’épistolière, partagée entre les convenances sociales et un désir d’émancipation. D’un côté, elle réprouve manifestement la témérité de sa compagne, de l’autre, elle admire ouvertement son esprit rebelle, voire son insubordination : malgré quelques malentendus, les deux femmes se montrent souvent complices. C’est pourquoi la religieuse demande notamment à Mme de La Peltrie d’envoyer «en cachette» des reliques des missionnaires «Martyrs» à son fils Dom Martin, faisant fi des réticences des Jésuites (Lettre CXXIII, p. 379) et salue l’indépendance de sa bienfaitrice, qui reste, contrairement à elle, «libre» de ses actions (id.). En somme, l’enquête de Marie-Christine Pioffet fait ressortir, à travers les confidences de l’épistolière, les tensions entre son devoir de réserve et de modestie et son refus de se plier aux injustices ainsi qu’aux caprices des autorités.

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