Article IREF

Préambule

Christine Corbeil
Francine Descarries
Geneviève Gariépy
Geneviève Guernier
couverture
Article paru dans Parents-étudiants de l’UQAM. Réalités, besoins et ressources, sous la responsabilité de Christine Corbeil, Francine Descarries, Geneviève Gariépy et Geneviève Guernier (2011)

La recherche Connaître les parents-étudiants de l’UQAM. Réalités, besoins et ressources a été entreprise avec comme objectifs de développer une meilleure connaissance de la population des parents-étudiants de l’UQAM, de soutenir l’élaboration de stratégies et de mesures institutionnelles susceptibles de faciliter la poursuite des études et de favoriser l’accès au diplôme universitaire.

La question de l’articulation famille-travail1 Dans le présent document, nous utilisons le terme «articulation»études‐famille plutôt que de nous référer au concept de conciliation. En effet, ce dernier «paraît suggérer a priori la compatibilité de deux univers et mettre l’accent sur les pratiques et stratégies individuelles et ponctuelles développées afin de les harmoniser plutôt que sur les dimensions collectives du problème ou de la solution» (Francine Descarries et Christine Corbeil, (2002), «Articulation famille/travail: quelles réalités se cachent derrière la formule?», dans Espaces et temps de la maternité, Francine Descarries et Christine Corbeil (dir.), Montréal: Les éditions du remue-ménage, p. 467‐468). occupe les esprits depuis plusieurs décennies. Bien que de nombreux aménagements restent à faire, des employeurs des secteurs privés et publics ont déjà été sensibilisés à cetteproblématique et des mesures ont été mises en place dans certaines entreprises. Ces mesures sont le résultat de moyens incitatifs proposés par des gouvernements successifs et de pressions exercées par les groupes de femmes, les organisations syndicales ou parapubliques ou encore par certains comités d’entreprises.

Par contre, la question de l’articulation études-famille, quant à elle, reste à ce jour peu documentée et les mesures mises à la disposition des parents-étudiants sont encore à l’état embryonnaire ou ponctuel2 Les mesures et les services disponibles dans les universités et les cégeps québécois sont répertoriés dans la première partie du rapport de recherche diffusée en février 2007 et disponible à l’adresse suivante: http://www.vieétudiante.uqam.ca/info/Documents/etudesfamlle/Rapport‐parents‐etudiants‐premiere‐partie.pdf . Une première étape du présent projet a permis d’esquisser, à partir d’une revue documentaire, un portrait général de la situation des parents-étudiants au Québec et de faire l’inventaire des services offerts par les gouvernements et les universités.

La deuxième étape du projet a été consacrée à la réalisation d’un sondage par questionnaire afin de connaître les réalités et les besoins des parents-étudiants à l’UQAM. Nous présentons dans les pages qui suivent l’analyse des résultats de ce sondage auquel plus de 750 parents-étudiants ont participé au semestre d’hiver 2007.

Trois questions ont plus spécifiquement encadré la démarche de recherche et constituent les grandes dimensions autour desquelles le questionnaire d’enquête a été construit:

  • Qui sont les parents-étudiants de l’UQAM et quelle est leur situation?
  • Comment vivent-ils l’articulation études-famille?
  • Quels sont leurs besoins et leurs ressources?

La présente recherche a été alimentée par les analyses féministes portant sur l’articulation travail-famille, et notamment par les travaux que nous avons menés antérieurement sur ce thème (Descarries et Corbeil, 2002). De nombreux liens peuvent être établis entre la situation des parents-travailleurs et celle des parents-étudiants qui doivent souvent composer non seulement avec une vie personnelle, une famille et des études, mais aussi avec un emploi. La réflexion sur l’articulation études‐famille vient donc s’ajouter à la réflexion globale sur les conditions à développer pour garantir une égalité de droits et de faits entre les hommes et les femmes, tant dans l’espace privé que dans l’espace public.

Le document s’organise autour de cinq chapitres et d’une présentation, en guise d’introduction, desfaits saillants. Avant même d’aborder les divers facteurs qui interviennent dans la gestion quotidienne des horaires et des responsabilités des parents-étudiants, la première partie de ce rapport présente un portrait des parents-étudiants qui fréquentent l’UQAM eu égard à leur situation personnelle, familiale, économique et académique.

Par la suite, les représentations et les pratiques des parents-étudiants quant à leur trajectoire académique et à leurs responsabilités familiales sont discutées en accordant une attention toute particulière à l’incidence du sexe du parent sur les résultats mis en lumière. De ce point de vue, le partage des responsabilités domestiques au sein des couples et leur situation financière constituent des questions importantes à considérer, tout comme celle du temps que les parents-étudiants sont en mesure de consacrer à leur projet académique.

Enfin, le rapport aborde également la question des besoins exprimés par les parents-étudiants et propose un certain nombre de mesures et de services à développer afin de les soutenir dans leur projet académique.

 

Faits saillants

Données personnelles sur les parents-étudiants de l’UQAM

  • Trois fois plus de femmes que d’hommes ont répondu au sondage. Il y a donc lieu de croire que les étudiantes qui conjuguent parentalité et études sont beaucoup plus nombreuses que les étudiants qui partagent cette même réalité.
  • Plus des trois-quarts des parents-étudiants rejoints ont 30 ans et plus. La moyenne d’âge des pères-étudiants, 36 ans, est légèrement plus élevée que celle des mères-étudiantes qui se situe à 34 ans.
  • Près de 30% des parents-étudiants sont nés à l’étranger, cette proportion atteignant les 37% dans le cas des pères. Parmi eux, 28,8% des pères-étudiants, comparativement à 18,1% des mères-étudiantes, vivent dans la région montréalaise depuis moins de trois ans.
  • La quasi-totalité des pères-étudiants (92%) vivent en couple, qu’il s’agisse de l’autre parent naturel ou non. Par comparaison, une mère-étudiante sur quatre (24,5%) vivait sans conjoint au moment de l’enquête.
  • Reflétant la taille des familles dans la population québécoise en général, près d’un parent-étudiant sur deux (48,9%) a un seul enfant et 36,7% en ont deux.
  • Deux parents sur trois ont au moins un enfant âgé de moins de cinq ans à leur charge. Au moment de l’enquête, 129 parents-étudiants (90 mères et 39 pères) avaient un enfant de moins d’un an.
  • Parmi les 355 parents dont un des enfants est en âge de fréquenter l’un des CPE de l’UQAM, seuls 26 parents, soit 7,3%, utilisent ce service de garde. C’est par ailleurs 36,4% des parents-étudiants qui avaient effectué sans succès des démarches pour y inscrire leur C’est donc quatre demandes d’inscription sur cinq (N= 117) qui n’ont pu être rencontrées par l’un des CPE de l’UQAM.
  • Près d’un parent-étudiant sur deux (47,8%) ne peut compter sur un réseau social gratuit de soutien pour faciliter l’articulation études-famille. Parmi l’ensemble des parents qui peuvent compter sur leur entourage, les trois-quarts reçoivent une aide ponctuelle de cinq heures ou moins par semaine. À noter que les pères-étudiants monoparentaux sont plus souvent soutenus par leur entourage (69,2%) que les mères-étudiantes monoparentales (52,5%).

 

Rapport au travail salarié et situation financière

  • Plus de la moitié (55,8%) des parents-étudiants occupent un emploi en sus de leurs études.Les pères‐étudiants sont proportionnellement plus nombreux que les mères-étudiantes à conjuguer famille-études-travail: 70,6% vs 51,7%.
  • Plus des deux tiers des parents-étudiants qui détiennent un emploi, soit 69,4%, y consacrent plus de 15 heures par semaine, et parmi eux, une proportion non négligeable, soit 25,6% des mères-étudiantes et 35,6% des pères-étudiants, y accorde plus de 36 heures par semaine.
  • Les mères‐étudiantes sont, en proportion, un peu plus nombreuses (28,3%) à tirer de leur emploi un salaire annuel inférieur à 10 000$ que les pères-étudiants (22,6%), alors que l’on retrouve 43,5% d’entre eux dans la catégorie salariale «30 000$ et plus»,comparativement à 35,4% des mères-étudiantes.
  • Près d’un parent‐étudiant sur deux reçoit l’Aide financière aux études (AFE). Pour 87,6% des bénéficiaires, soit près de neuf sur dix, une partie de cette aide est versée sous forme de prêt. Les parents-étudiants qui ne sont pas sur le marché du travail sont pratiquement deux fois plus nombreux (53,3%) que les parents-étudiants en emploi (27%) à recevoir une aide financière supérieure à 10 000$.
  • Plus d’un parent-étudiant sur deux (55,8%) affirme vivre une situation de grande ou de très grande précarité financière. Cette réalité est partagée par une plus grande proportion de mères-étudiantes, soit 57,9%, que de pères-étudiants (48,4%). Le groupe le plus vulnérable est celui des parents-étudiants vivant seuls; la proportion d’entre eux évaluant comme plutôt ou très précaire leur situation financière atteignant 76,5% .
  • Ce sont les deux tiers des parents-étudiants (67%) inscrits dans un régime d’études à temps complet, comparativement à 39,4% (N= 117/297) des parents-étudiants inscrits à temps partiel, qui connaissent la précarité économique.

 

Parcours universitaire

  • La majorité des parents-étudiants (73,9%) sont inscrits au premier cycle. Proportionnellement, plus de pères-étudiants sont inscrits aux cycles supérieurs.
  • Deux parents-étudiants sur cinq (41,0%) étudient à temps partiel. Les pères-étudiants (37%) sont, un peu moins nombreux, en proportion, à faire ce choix que les mères-étudiantes(42,1%).
  • Le fait d’occuper un emploi a une forte incidence sur le choix du régime d’études des parents-étudiants et, par conséquent, sur la durée des études. Ceux qui, n’occupent pas d’emploi au moment de l’enquête sont trois fois plus susceptibles d’étudier à temps complet (76,4%) qu’à temps partiel (23,6%) et plus particulièrement les hommes qui, lorsqu’ils ne détiennent pas d’emploi sont, neuf fois sur dix (91,5%), inscrits à temps plein.
  • C’est un parent-étudiant sur trois (34,7%) qui consacre 15 heures ou moins à ses études par semaine. Ce sont les pères-étudiants qui se retrouvent proportionnellement plus nombreux à leur accorder plus de 36 heures: 28,8% d’entre eux le font, comparativement à 20,6% des mères-étudiantes.
  • C’est un parent-étudiant sur deux qui a déjà interrompu ses études universitaires. Les mères-étudiantes sont presque quatre fois plus susceptibles que les pères-étudiants de l’avoir fait pour des raisons familiales, alors que ces derniers évoquent dans près d’un cas sur deux des raisons liées au travail rémunéré.

 

Rapport des parents-étudiants à leurs études et à leur famille

  • Les parents-étudiants inscrits aux cycles supérieurs sont ceux qui se montrent les plus satisfaits de leur parcours scolaire. C’est le cas de 78,2% (N= 136/174) d’entre eux; cette proportion atteignant 90% (N= 18/20) parmi les pères-étudiants inscrits au troisième cycle. Le niveau de satisfaction des parents-étudiants au premier cycle est aussi passablement élevé puisque c’est 68,9% (N= 372/541) qui ont affirmé trouver leur parcours scolaire
  • C’est encore une majorité de parents-étudiants (63,4%) qui se dit satisfaite de ses résultats scolaires. Cependant, le temps dont disposent pour leurs études les parents-étudiants a une incidence non négligeable sur la qualité de leurs résultats scolaires. Parmi ceux qui considèrent ne pas disposer d’assez de temps pour leurs études, moins d’un sur deux (48,7%) juge ses résultats scolaires satisfaisants, alors que c’est le cas pour 81,2% des parents qui évaluent consacrer suffisamment de temps à leurs études. C’est lorsque leur plus jeune enfant est dans les catégories d’âge «moins d’un an» et «cinq à dix ans» que l’on observe les plus faibles taux de satisfaction parmi les mères-étudiantes.
  • Lorsque les parents-étudiants sont amenés à se prononcer de manière globale sur la qualité de leur passage à l’UQAM, et non plus simplement sur les gratifications qu’ils et elles en tirent, leur évaluation de la situation est beaucoup plus mitigée, surtout de la part des mères-étudiantes qui ne sont plus que 37,9%, comparativement à 53,1% des pères-étudiants, à considérer profiter de leur passage à l’université. Le facteur temps apparaît en tel cas avoir une incidence non négligeable sur la façon dont tant les mères que les pères-étudiants vont vivre leur passage à l’université.
  • En effet, la course contre la montre est une réalité bien présente dans la gestion du temps des parents-étudiants. C’est plus de la moitié des mères et des pères-étudiants qui, dans des proportions similaires (55,3% et 54,0%), jugent insuffisant, sinon très insuffisant, le temps dont ils et elles disposent pour leurs études, alors que près de six parents-étudiants sur dix considèrent également manquer de temps pour leur famille.
  • La lourdeur de l’articulation famille-études s’avère en l’occurrence la principale cause d’insatisfaction identifiée par les parents-étudiants en regard de leur situation aux études. Les difficultés rencontrées à cet égard, comptent pour 70% des raisons d’insatisfaction soulevées par les parents‐étudiants.
  • Le portrait du partage des tâches au sein des couples qui articulent études-famille ne s’éloigne pas tellement de la réalité de la division sexuelle du travail largement documentée au sein des couples qui articulent famille-travail.
  • Globalement, les mères-étudiantes apparaissent porter davantage l’empreinte de leur situation parentale que les pères-étudiants.

 

Mesures de soutien

  • Deux des trois premières mesures de soutien les plus souvent identifiées par les parents-étudiants sont d’ordre financier et concernent l’octroi de bourses pour congés parentaux et l’aide financière d’urgence.
  • L’obtention d’une halte-garderie à l’UQAM est identifiée comme une priorité par plus d’un parent sur trois, alors que différentes mesures touchant la prise en charge ponctuelle des enfants d’âge scolaire ont fait l’objet de suggestions.
  • L’ouverture de places en garderie pour les parents-étudiants qui ne nécessitent pas un système de garde à plein temps ou qui n’ont pas les moyens de se l’offrir est également demandée comme mesure de soutien par de nombreux parents-étudiants.

 

Portrait-type du parent-étudiant de l’UQAM

Le portrait-type3 Note méthodologique: le portrait-type reproduit une figure abstraite du parent‐étudiant dont la réalité matérielle n’existe pas et qui ne peut donc être conçu que statistiquement puisque les éléments qui le constituent sont disséminés sur un certain nombre d’individus. C’est une représentation simplifiée et composite de la réalité sous observation. Aussi, il est peu probable que nous rencontrions dans les corridors de l’UQAM le parent-étudiant type qui est décrit ci-haut. Pour soutenir sa cohérence, le portrait-type est construit en négligeant tout trait ou situation qui n’est pas partagé par une majorité et magnifie, au contraire, certaines réalités du simple fait qu’elles sont statistiquement significatives. Mais un peu à la façon de l’idéal-type, le portrait-type facilite l’analyse de ses composantes. du parent-étudiant qui se dégage de notre enquête est celui d’une jeune femme dans la trentaine, mère d’un (ou de deux) enfant en bas âge. Mariée ou non, elle vit habituellement sous le même toit que son partenaire qui pour sa part est rarement aux études. Native de la grande région métropolitaine, étudiante inscrite au premier cycle à temps plein, on la retrouve dans chacune des facultés de l’UQAM. Elle a une chance sur deux d’avoir interrompu ses études pour une période de trois ans ou moins et ceci pour des raisons principalement liées aux soins aux enfants.

Elle est légèrement plus susceptible d’occuper un emploi en sus de ses études que le contraire; elle y consacre en général de 16 à 35 heures par semaine. Elle ne tire vraisemblablement pas de cet emploi un revenu satisfaisant, puisque tout comme les mères-étudiantes sans emploi, elle estime sa situation financière précaire.

Lorsqu’elle peut compter sur un réseau de soutien pour s’occuper de son enfant gratuitement, cette aide provient, pour l’essentiel, de proches et est estimée à environ à cinq heures par semaine. Enfin, elle considère être en moins bonne forme physique depuis qu’elle est parent-étudiant, mais ne fait pas pour autant appel à des services d’écoute, de référence ou de soutien psychologique (in et extra-UQAM). Cela étant, étudiante à plein temps, elle trouve son parcours scolaire gratifiant et est satisfaite de ses résultats scolaires, bien qu’elle doute de profiter pleinement de son passage à l’université. Par contre, elle estime manquer de temps pour sa famille, ses études, voire le travail salarié, alors que le temps alloué aux loisirs et à d’autres activités personnelles est jugé une denrée rare. La course contre la montre complique sa gestion du temps et la lourdeur de l’articulation famille-études s’avère définitivement la principale cause de son insatisfaction.

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    Dans le présent document, nous utilisons le terme «articulation»études‐famille plutôt que de nous référer au concept de conciliation. En effet, ce dernier «paraît suggérer a priori la compatibilité de deux univers et mettre l’accent sur les pratiques et stratégies individuelles et ponctuelles développées afin de les harmoniser plutôt que sur les dimensions collectives du problème ou de la solution» (Francine Descarries et Christine Corbeil, (2002), «Articulation famille/travail: quelles réalités se cachent derrière la formule?», dans Espaces et temps de la maternité, Francine Descarries et Christine Corbeil (dir.), Montréal: Les éditions du remue-ménage, p. 467‐468).
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    Les mesures et les services disponibles dans les universités et les cégeps québécois sont répertoriés dans la première partie du rapport de recherche diffusée en février 2007 et disponible à l’adresse suivante: http://www.vieétudiante.uqam.ca/info/Documents/etudesfamlle/Rapport‐parents‐etudiants‐premiere‐partie.pdf
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    Note méthodologique: le portrait-type reproduit une figure abstraite du parent‐étudiant dont la réalité matérielle n’existe pas et qui ne peut donc être conçu que statistiquement puisque les éléments qui le constituent sont disséminés sur un certain nombre d’individus. C’est une représentation simplifiée et composite de la réalité sous observation. Aussi, il est peu probable que nous rencontrions dans les corridors de l’UQAM le parent-étudiant type qui est décrit ci-haut. Pour soutenir sa cohérence, le portrait-type est construit en négligeant tout trait ou situation qui n’est pas partagé par une majorité et magnifie, au contraire, certaines réalités du simple fait qu’elles sont statistiquement significatives. Mais un peu à la façon de l’idéal-type, le portrait-type facilite l’analyse de ses composantes.
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