Article IREF

Chapitre 6: Mesures de soutient aux parents-étudiants et recommandations

Christine Corbeil
Francine Descarries
Geneviève Gariépy
Geneviève Guernier
couverture
Article paru dans Parents-étudiants de l’UQAM. Réalités, besoins et ressources, sous la responsabilité de Christine Corbeil, Francine Descarries, Geneviève Gariépy et Geneviève Guernier (2011)

Une liste de 10 mesures de soutien a été soumise aux parents-étudiants (Tableau 50). Aucune d’entre d’elles n’a été majoritairement retenue comme prioritaire. Cela étant, deux des trois premières mesures de soutien les plus souvent identifiées par les parents-étudiants sont d’ordre financier et concernent l’octroi de bourses pour congés parentaux (40,7%) et l’aide financière d’urgence (26,8%). Plusieurs ont soulevé l’idée qu’il serait intéressant que des bourses soient réservées pour les parents-étudiants ou du moins qu’il y ait une prise en compte du statut parental lors de l’octroi des bourses d’excellence. Il n’y a pas lieu de s’en étonner si nous mettons cette information en lien avec le fait que plus de la moitié des parents-étudiants, soit 55,8%, jugent leur situation financière précaire (Tableau 24).

S’il y a un changement à faire: offrir des bourses aux étudiants à temps partiel; ne pas limiter l’accès aux bourses d’excellence aux seuls étudiants à temps plein. Enfin, ne pas comptabiliser les revenus du conjoint dans le calcul des prêts et bourses. Cette nouvelle politique est un véritable retour en arrière; me place dans une position de dépendance envers mon conjoint.

On notera au passage que la performance des étudiantes et des étudiants gradués en lien avec des activités d’implication sociale ou politique est souvent prise en considération par les organismes lors de l’attribution de bourses d’excellence. De là à déduire que les parents-étudiants seraient défavorisés à cet égard, il n’y a qu’un pas à franchir, ce que nous n’hésiterions pas à faire.

L’obtention d’une halte-garderie à l’UQAM rallie pour sa part plus d’un parent sur trois (36,2%) reflétant sans doute le fait que les besoins de garde sont loin d’être adéquatement comblés. L’ouverture de places en garderie pour les parents-étudiants qui ne nécessitent pas un système de garde à plein temps ou qui n’ont pas les moyens de se l’offrir, est perçue également comme une priorité par 22,6% des répondants‐es. Par ailleurs, différentes recommandations liées à l’encadrement des enfants d’âge scolaire ont été formulées, notamment en ce qui concerne la possibilité d’offrir un accès familial au Centre sportif ou à un local d’accueil accessible après les heures de classe des enfants ou durant les journées pédagogiques.

La lecture des réponses selon le sexe n’introduit pas des variations dignes d’être retenues, mais on notera toutefois que les femmes sont, en proportion, toujours un peu plus nombreuses à revendiquerles mesures les plus souvent citées.

De toute évidence, il n’y pas une mesure universelle qui puisse régler l’ensemble des problèmes posés par l’articulation études-famille, mais la répartition des réponses laisse tout de même entrevoir que les mesures à caractère économique et celles reliées à la garde des enfants de tout âge sont plus souvent souhaitées que d’autres. Les premières plus substantiellement par les parents-étudiants jugeant insatisfaisante leur situation financière, et les secondes par celles et ceux qui sont moins touchés par la précarité économique. Ainsi, c’est un parent-étudiant en situation de précarité financière sur deux (50,1%), soit 48,9% des mères-étudiantes (N= 161/329) et 55,5% des pères-étudiants (N= 43/78), qui identifie comme première ou seconde mesure de soutien l’accession à une aide financière d’urgence, alors que seuls 21,7% des parents-étudiants ayant une situation financière plus confortable (N= 66/322) donnent cette mesure comme prioritaire. Les parents-étudiants vivant une situation économique précaire sont aussi proportionnellement plus nombreux, soit 56,3% (N= 229/407) à privilégier comme mesure prioritaire l’octroi de bourses pour congés parentaux, bien que la disparité par rapport aux parent-étudiants aisés (N= 136/322) soit moins marquée, puisque ce sont 42,2% d’entre eux et elles qui souhaitent également une telle mesure. Par contre, c’est 50,3% de ces derniers (N= 162/322) qui souhaitent en priorité l’établissement d’un service d’halte‐garderie, comparativement à 45,7% des parents-étudiants vivant une situation de précarité économique (N= 189/407).

D’autres suggestions ont été formulées par un nombre restreint de parents-étudiants, mais elles méritent néanmoins d’être relevées en raison des problèmes sur lesquels elles attirent l’attention.Parmi celles-ci, on notera qu’environ un parent-étudiant sur dix a mentionné qu’il souhaiterait la mise sur pied d’un réseau d’entraide entre parents, l’organisation d’activités socioculturelles gratuites et l’accès à des places réservées dans les résidences étudiantes. Quelques-uns-es ont aussi souligné leur intérêt pour une plus grande diversification de l’offre de cours accessibles le soir, la fin de semaine ou en formule intensive, tandis que d’autres souhaiteraient que la compatibilité entre les cours offerts par la Téluq et ceux des programmes réguliers soit améliorée. Enfin, certaines et certains aimeraient que les professeurs‐es et les chargés‐es de cours se montrent plus réceptifs à leur situation particulière.

Tableau 50

Répartition des mesures de soutien souhaitées par les parents-étudiants, selon le sexe

Par les autrices, 2011

Recommandations

De tels résultats laissent entrevoir que l’implantation de mesures ou de stratégies visant à faciliter la rétention aux études des parents-étudiants doit s’arrêter à la diversité des situations et des besoins. Tous les parents-étudiants ne connaissent pas une situation économique précaire, tous les parents-étudiants ne sont pas aux études à temps partiel, tous les parents-étudiants ne sont pas dépourvus d’un réseau de soutien et tous les parents n’ont pas de problèmes de garde ou ne sont pas accablés par les exigences de l’articulation famille-études, mais il se trouve qu’un grand nombre d’entre eux vivent de telles situations et que certaines et certains les cumulent.

Malgré les progrès réalisés, il demeure indéniable que les résultats de l’enquête démontrent, ne serait-ce qu’en termes de satisfaction eu égard à leur vie universitaire ou aux raisons menant à une interruption d’études, que la trajectoire des mères-étudiantes est davantage marquée par leur situation parentale que celle des pères-étudiants. Ces conditions appellent l’élaboration de mesures collectives qui tiennent compte de ces écarts de situation et que les solutions proposées soient mises à l’épreuve d’une analyse différenciée selon les sexes.

Le portrait général tracé à partir des données de l’enquête pointe donc vers la nécessité de penser des mesures ciblées qui s’adressent à la diversité des conditions et des besoins des parents-étudiants, notamment :

  • des mères-étudiantes seules
  • des mères-étudiantes ayant des enfants en très bas âge
  • des parents-étudiants qui ne disposent pas de réseau social de soutien
  • des nombreux parents-étudiants qui n’ont pas eu accès, malgré des démarches en ce sens, à un CPE de l’UQAM
  • de la forte proportion de parents-étudiants en situation de précarité économique

Au‐delà des demandes concrètes formulées par les répondants‐es à l’enquête, d’autres mesures administratives sont à envisager pour soutenir les parents-étudiants. Entre autres, il y a lieu de prévoir des procédures administratives pour pallier à l’invisibilité de cette population dans les données institutionnelles, invisibilité qui entraîne une absence de prise en compte de leurs réalités et besoins au sein de l’université. De ce point de vue, soulignons qu’un travail de sensibilisation devra être fait auprès du Registrariat et des organismes subventionnaires afin que soit prise en considération la situation parentale des candidats et des candidates dans l’évaluation de leur dossier. On peut penser, par exemple, qu’au moment de l’octroi d’une bourse d’excellence, une plus faible implication sociale, faute de temps, ou encore certains résultats scolaires moins exemplaires, peuvent se révéler pénalisants. Minimalement les formulaires de demande de bourses devraient avoir un espace permettant aux candidats et aux candidates d’évoquer l’impact de leurs responsabilités familiales sur leur trajectoire académique.

Tout en sachant que les parents-étudiants utilisent de manière stratégique les études à temps partiel pour mieux articuler famille-études, mais sachant également que le taux de diplomation est inférieur parmi les étudiants‐es à temps partiel, il faudra également poursuivre la réflexion pour mieux connaître les besoins des parents-étudiants à cet égard afin d’élaborer des mesures susceptibles de faciliter leur inscription à temps plein.

En autant que l’étude a révélé que les parents-étudiants constituaient une population ayant des besoins spécifiques, un appui significatif au Comité de soutien aux parents-étudiants de l’UQAM (CSPE‐UQAM), un groupe agréé auprès des Services à la vie étudiante, devra aussi être envisagé pour faciliter la mise en place d’une diversité de projets et possiblement donner accès à des personnes-ressources qui auraient comme mandat de leur venir en aide.

Enfin, pour bien marquer la préoccupation de l’UQAM à l’égard de la population des parents-étudiants, il importe que l’institution élabore une politique d’accueil et de soutien qui reconnaîtrait le statut même de parent-étudiant et qui déboucherait sur un plan d’action pour tenir compte de leurs réalités et de leurs besoins spécifiques.

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