Article IREF
Chapitre 5: Perceptions des parents-étudiants quant à leur rapport aux études et au partage des tâches
Le niveau de satisfaction des parents-étudiants à l’égard de leur parcours scolaire est passablement élevé: environ trois fois sur quatre (71,1%), elles et ils se disent d’accord avec l’affirmation «Je trouve mon parcours scolaire gratifiant» (Tableau 38). C’est de fait une très faible proportion des parents-étudiants (3,3%) qui pose un regard réellement négatif sur son parcours.
Les parents-étudiants inscrits aux cycles supérieurs sont parmi les plus satisfaits; c’est dans une proportion de 78,2% (N= 136/174) qu’ils affichent leur satisfaction par rapport à 68,9% (N= 372 /541) dans le cas des parents-étudiants au premier cycle. C’est même dans une proportion de 90% (N= 18/20) que les pères-étudiants inscrits au troisième cycle, comparativement à 70,5% de leurs consœurs (N= 31/44), se disent satisfaits de leur parcours scolaire.
Tableau 38
Répartition des parents-étudiants, selon leur appréciation de leur parcours scolaire et le sexe
Notons que quel que soit le nombre d’heures consacrées aux études par les parents-étudiants, leur niveau de satisfaction en regard de leur parcours scolaire reste le même (Tableau 39).
Contrairement à nos attentes, particulièrement eu égard aux contraintes anticipées inhérentes à la gestion du temps dans la dynamique d’articulation famille-études, c’est dans une plus forte proportion que les parents-étudiants qui détiennent un emploi (90%: N= 381/423) se disent satisfaits de leur parcours scolaire.
Si 71,1% des parents-étudiants se disent satisfaits de leur parcours scolaire (Tableau 38), mères et pères-étudiants ne semblent pas cependant tout à fait partager la même lecture de la situation quand l’âge des enfants est pris en considération. C’est en effet 68,2% et 64,5% des mères-étudiantes qui se disent respectivement satisfaites de leur parcours scolaire lorsque leur plus jeune enfant a «moins d’un an» ou «5 à 10 ans», par comparaison à 82,1% et 90,9% des pères (Tableau 40). Est-ce qu’on peut penser que c’est parce que les enfants sont en service de garde que le taux de satisfaction se rapproche (68,2% vs 71,1%) entre pères et mères d’un plus jeune enfant âgé de «1 à 4 ans»?
Tableau 39
Répartition des parents-étudiants, selon leur rapport à leur parcours scolaire, le nombre total d’heures consacrées aux études et le sexe
Tableau 40
Répartition des parents-étudiants satisfaits de leur parcours scolaire, selon l’âge du plus jeune enfant et le sexe
Les parents-étudiants se montrent également satisfaits dans l’ensemble de leurs résultats scolaires, bien que dans une proportion légèrement inférieure (63,4%) (Tableau 42) au taux de satisfaction exprimé par rapport au parcours scolaire (71,1%) (Tableau 38). C’est de fait au troisième cycle que le taux de satisfaction des parents‐étudiants sous ce rapport est le plus élevé: c’est le cas de 19 pères-étudiants sur 20 (95,0%) et de 38 mères-étudiantes sur 44 (86,4%).
Le fait de cohabiter ou non avec un‐e conjoint‐e n’a pas un impact surdéterminant sur la façon dont les parents-étudiants perçoivent leur parcours scolaire. Néanmoins, les parents-étudiants qui vivent en couple sont proportionnellement plus susceptibles (72,8%) de se montrer satisfaits de leur parcours scolaire que ceux qui ne cohabitent pas avec un‐e conjoint‐e (63,8%) et l’écart le plus prononcé s’observe parmi les pères-étudiants: ceux vivant en couple ayant un taux de satisfaction de 76% vs 58,3% pour ceux qui vivent seuls (Tableau 41).
Tableau 41
Répartition des parents-étudiants, selon la cohabitation avec un‐e conjoint‐e, leur rapport à leur parcours scolaire et le sexe
Enfin, si dans une forte majorité, les conjoints‐es des parents-étudiants ne sont pas aux études (75,3%, voir Tableau 6), on remarque que ceux et celles qui partagent leur vie avec un‐e étudiant‐e risquent davantage de porter un regard négatif que les autres sur leur parcours scolaire: c’est en effet 63,6% d’entre eux (N= 91/143) versus 76,1% (N= 331/435) qui s’affirment heureux de leur parcours, et cette proportion baisse à 59,8% dans le cas des mères-étudiantes (N= 52/87). Il resterait à vérifier si cette situation est liée à la condition financière de ce groupe de parents-étudiants.
Tableau 42
Répartition des parents-étudiants, selon leur appréciation de leurs résultats scolaires et le sexe
C’est encore une majorité de parents‐étudiants (63,4%) qui se dit satisfaite de ses résultats scolaires. Cependant, ce qui ressort comme une évidence, c’est que le temps dont disposent pour leurs études les parents-étudiants a une incidence non négligeable sur la qualité des résultats scolaires. En effet, parmi ceux qui considèrent ne pas disposer d’assez de temps pour leurs études, moins d’un sur deux (48,7%: N= 194/398) juge ses résultats scolaires satisfaisants, alors que c’est le cas pour 81,2% (N= 267/309) des parents qui évaluent consacrer suffisamment de temps à leurs études.
De même, c’est lorsque leur plus jeune enfant est dans les catégories d’âge «moins d’un an» et «5 à 10 ans» que l’on observe les plus faibles taux de satisfaction parmi les mères‐étudiantes. Ce n’est en l’occurrence que 59,1% (N= 52/88) et 57,2% (N= 79/138) d’entre elles qui se montrent satisfaites de leurs résultats scolaires. Sous ce rapport, l’écart avec les pères-étudiants est moins marqué puisque c’est respectivement 66,7% (N= 26/39) et 68,2% (N= 15/22) qui affichent une telle satisfaction.
Tableau 43
Répartition des parents-étudiants, selon leur appréciation de leur passage à l’université et le sexe
Plus globalement, lorsqu’interrogés à savoir s’ils, elles ont l’impression de bien profiter de leur passage à l’université, l’opinion que reflètent les réponses des parents‐étudiants est moins positive (Tableau 43), bien que celle des pères-étudiants soit sensiblement plus positive que celle des mères-étudiantes. C’est en effet 52,1% d’entre eux qui affichent leur satisfaction comparativement à seulement 37,9% des mères-étudiantes, une différence parmi les plus notables sur le plan des perceptions. Le taux de satisfaction des mères-étudiantes passant de 35,9% pour celles inscrites au premier cycle à 56,8% dans le cas des doctorantes, alors que ces taux sont respectivement de 50% et de 75% chez les pères-étudiants (Tableau 44).
Tableau 44
Répartition des parents-étudiants, selon le cycle d’études, l’appréciation de leur passage à l’université et le sexe
Par contre, le nombre d’heures effectivement consacrées aux études ne semble pas jouer en faveur d’une plus forte appréciation de leur passage à l’université de la part des mères-étudiantes, alors que le pourcentage de pères-étudiants satisfaits passe de 47,4% parmi ceux qui y consacrent 15 heures ou moins par semaine à 55,2% pour ceux qui peuvent leur accorder plus de temps (Tableau 45).
Tableau 45
Répartition des parents-étudiants, le nombre d’heures consacrées à leurs études, l’appréciation de leur passage à l’université et le sexe
L’impression générale qui se dégage lorsque les parents-étudiants sont amenés à se prononcer de manière globale sur la qualité de leur passage à l’UQAM et, en particulier, les mères-étudiantes, est que leur évaluation de la situation est beaucoup plus mitigée, reflétant sans doute d’autres types de difficultés que celles liées à la stricte performance scolaire. Le partage des tâches serait-il en cause ici ou encore la participation au marché du travail? Une première indication en ce sens est fournie lorsqu’une question précise est posée aux parents-étudiants sur leur appréciation du temps qu’elles et ils sont en mesure de consacrer à leurs études. C’est alors plus de la moitié des mères et des pères-étudiants qui, dans des proportions similaires (55,3% et 54,0%), jugent insuffisant, sinon très insuffisant, le temps dont ils et elles disposent pour leurs études (Tableau 46).
Tableau 46
Répartition des parents-étudiants, selon leur appréciation du temps consacré à leurs études et le sexe
Qui plus est, lorsque c’est la qualité de leur passage à l’UQAM qui fait l’objet de leur évaluation, c’est parmi les parents-étudiants insatisfaits du temps dont ils et elles disposent pour leurs études que le taux de satisfaction se situe à son plus faible niveau, soit 30,2% (N= 120/397), en tel cas, la proportion de mères-étudiantes se montrant satisfaites se situe à seulement 28,3% (N= 88/311) comparativement à 37,2% (N= 32/86) dans le cas des pères-étudiants. Aux fins de comparaison, notons que parmi les parents-étudiants qui disposent de suffisamment de temps pour leurs études, le pourcentage est de 53,8%. Ici aussi la distribution selon le sexe indique une disparité importante: la proportion de mères-étudiantes satisfaites étant de 49,2% (N= 124/252), tandis que celle des pères-étudiants s’élève à 70,2% (52/74). De toute évidence, le facteur temps a une incidence non négligeable sur la façon dont les parents-étudiants vont vivre leur passage à l’université.
Tableau 47
Répartition des parents-étudiants, selon leur appréciation du temps consacré à leur famille
La course contre la montre qui complique la gestion du temps des parents au travail est une constante mise en évidence par les études sur l’articulation famille-travail. Les parents-étudiants de l’UQAM ne font pas exception à cette règle puisque que presque six parents-étudiants sur dix (58,5%) considèrent manquer de temps pour leur famille (Tableau 47); ces proportions atteignant respectivement 73,3% (N= 362/494), 82% (N= 602/735) et 84,6% (N= 612/732), lorsqu’il s’agit du temps consacré au bénévolat/militantisme, aux loisirs ou aux activités personnelles.
Si bénévolat/militantisme, loisirs et activités personnelles sont les grands laissés pour compte de la course contre la montre des parents-étudiants, une légère différence marque néanmoins l’évaluation des pères-étudiants et des mères‐étudiantes sur le plan des loisirs et des activités personnelles; ces dernières étant proportionnellement un peu plus nombreuses à manifester leur insatisfaction (83,6% et 85,3%) à l’égard du temps consacré aux loisirs et aux activités personnelles que les pères-étudiants (76,0% et 77,6%), alors que c’est dans des proportions relativement analogues (73,2% et 74,3%) que mères-étudiantes (75,5%) et pères-étudiants (76,5%) manifestent leur insatisfaction à l’égard du temps qu’ils et elles sont en mesure d’accorder au bénévolat et au militantisme. Somme toute, combiner études et famille représente un défi pour la très grande majorité des parents-étudiants, que ce soit en raison des contraintes de la double tâche, dans le cas des femmes, ou du travail salarié dans le cas des hommes.
Une question ouverte a été prévue au questionnaire pour permettre aux parents-étudiants de commenter leur situation. Six cent quarante d’entre eux ont répondu à cette invitation et inscrit un ou plusieurs commentaires dont quelques extraits sont présentés en citation dans la suite du texte. Une compilation quantitative de ces commentaires force à constater la surreprésentation de commentaires négatifs (N= 841): seulement 117 commentaires positifs ont pu être relevés.
La recension de ces commentaires positifs permet de constater que 46 parents-étudiants, soit 7,1% de ceux qui ont fourni des commentaires, affirment que l’articulation études et vie familiale ne représente pas un problème pour eux et même que pour certaines et certains leur rôle parental est un catalyseur qui leur permet de mieux s’ancrer dans un projet académique.
Ma vie de maman m’apporte énormément en tant qu’étudiante. Je me sens plus terre à terre, plus ancrée dans la vraie vie. Je sais exactement les raisons qui me motivent à étudier. J’ai un plan de carrière et de vie personnelle, ça me donne des objectifs concrets en moments de découragement.
J’ai beaucoup d’encouragements de la part de mes enfants et de mon mari, je crois que même si c’est difficile (les fins de session en particulier) le fait de savoir que je suis un modèle pour mes enfants m’encourage à poursuivre mes études et aller plus loin.
Vingt-quatre autres commentaires soulignent le rôle positif joué par leur réseau social, alors que les autres font état de la satisfaction d’être aux études jugeant travailler à l’amélioration de leur avenir (N=25) ou s’accomplir personnellement (N=22).
[…] il est arrivé des jours où ni mon conjoint, ni moi n’étions disponible pour un rendez‐vous chez le dentiste, par exemple, c’est là que le réseau informel (parents et ami‐e‐s) deviennent importants et très précieux. Les enfants sont plutôt contents de parfois briser la routine et d’aller chez le dentiste avec grand‐papa et grand‐maman… Sans ce réseau informel, mes études à l’université n’auraient pas été possibles. Je n’aurais probablement pas terminé, en tout cas.
Le côté positif est que la décision de continuer mes études m’a ouvert beaucoup de portes au niveau de ma carrière donc plus de revenus et plus de possibilités pour toute la famille.
Tableau 48
Répartition des principales causes d’insatisfaction* des parents-étudiants en regard de la situation aux études, selon le sexe
C’est dans une proportion de 80,2% (N= 461) et de 68,6% (N= 111) respectivement que mères et pères‐étudiants ont librement formulé au moins un commentaire négatif sur l’incidence de leur statut familial sur leur vie étudiante (Tableau 48). La lourdeur de l’articulation famille-études s’avère définitivement la principale cause de leur insatisfaction. Elle arrive en tête de palmarès, représentant 37% des motifs identifiés par les parents-étudiants. De fait, 84,0% des mères-étudiantes (237/282) et dans la même proportion, 84,2% des pères-étudiants (N= 64/76) ayant répondu à cette question partagent cet avis. Si l’on ajoute la proportion des réponses identifiant les difficultés liées au manque de temps (20,1%), aux études (6,8%) et au sentiment de frustration lié à la conciliation (6,1%), qui constituent des variantes dans la manière d’exprimer les difficultés rencontrées en termes d’articulation famille-études, le cumul des réponses associant directement les insatisfactions des répondants-es aux contraintes de l’articulation famille-études constituent 70% des raisons soulevées par les parents-étudiants. Interrogés ailleurs sur les conséquences négatives de la vie de famille sur la vie d’étudiant-e, c’est plus de 10% des parents-étudiants qui évoqueront tour à tour, en sus des motifs d’insatisfaction déjà mentionnés, le ralentissement du rythme des études (17,2%: N= 117/670); des conditions de travail peu propices à la maison (17,1%: N= 116/679) l’isolement (12,8%: N= 87/679) et enfin, les difficultés financières (11,6 %: N= 79/670) comme difficultés additionnelles.
De toute évidence le manque de temps «pour tout faire» constitue une sérieuse source de frustrations pour les parents-étudiants. Qu’il s’agisse du temps à consacrer aux lectures préparatoires pour les cours ou pour les lectures supplémentaires pour pousser plus loin les connaissances, pour «plancher» sur les examens, pour parfaire les travaux; le temps manque. Il fait aussi défaut pour participer aux activités des enfants, pour superviser les devoirs ou simplement leur prêter l’attention qu’on aimerait leur donner. Le temps manque également pour occuper un emploi ou pour y consacrer suffisamment d’heures pour en tirer les revenus nécessaires au quotidien. C’est aussi un problème quant il s’agit de trouver le temps nécessaire pour accomplir le travail domestique. Enfin, il est une denrée rare pour les couples qui trouvent difficilement du temps pour entretenir leur relation, tout comme il manque cruellement aux unes et aux autres pour des activités de loisirs, de bénévolat et de militance.
Autrefois, je m’impliquais beaucoup au sein de mon département: association étudiante, comité de programme, travail pour l’université rémunéré, etc., maintenant, je n’ai plus le temps pour quoi que ce soit. Le temps passé à l’université même est très restreint.
Il m’est très difficile de pouvoir consacrer trois heures sans interruption à mes études. En conséquence, il m’est parfois difficile d’élaborer des idées plus complexes, ce qui rend la rédaction de textes plus difficile. Il en va de même pour mes expérimentations.
Pas de temps pour lire, donc les travaux et la compréhension générale s’en ressentent. Je n’ai pas l’impression de pouvoir tenir une conversation intellectuelle sur mon domaine avec mes collègues qui sont toutes et tous plus avancés‐es que moi. Je ne sais pas ce que je retiendrai de mes apprentissages, il me semble que je ne me souviens de rien avec la fatigue qui me ruine la mémoire.
Forcément, on ne peut éviter les répercussions, que ce soit au niveau de la santé de la famille donc des soins ou de l’attention à donner, du manque de sommeil (préoccupations ou enfants malades), les entrées d’argent étant moins grandes, cela a aussi un impact (étant donné qu’on ne peut occuper un emploi 40 heures/semaine et étudier pendant le jour), tout ça fait que l’on “coupe” sur notre temps d’étude, etc. Et puis, il ne faut pas négliger l’interruption constante des enfants (en jeune âge) lorsqu’on tente d’étudier avant 21 h le soir…
Mais il est certain que mes études me rendent plus vulnérable au stress, à la fatigue et moins disponible. Journée type: lever tôt; rangement de la maison; études, cours ou stage; commissions; préparation du souper; temps familial; bain; dodo; lectures ou travaux jusqu’à minuit‐01h00 du matin. Sommeil? Vie de couple? Le temps de répit se fait rare. On est étudiant 24h sur 24, comme on est parent 24h sur 24.
J’adore mes études en droit, ça m’apporte énormément. Je sais que j’en paie cher le prix au niveau concernant le temps réservé à ma fille, au repas santé que je n’ai pas vraiment le temps de faire et de mes relations avec mes proches qui me demandent constamment si je suis morte … puisque je les appelle rarement vu le manque de temps. Il est aussi difficile de concilier études et fréquentation d’un petit ami… je pense même à le laisser pour pouvoir étudier —je trouve que c’est trop (travail à temps plein à plus d’une heure de voyagement de chez moi— études à temps partiel —maman 365 jours par année— très petite maison à s’occuper seule —ma famille (parenté malade— visite à l’hôpital)— amies et fréquentation: Ouf!)
Si la précarité financière caractérise la situation de près d’un parent-étudiant sur deux, les commentaires colligés y font peu référence, mais laissent entrevoir les conséquences liées à cette situation. Outre l’inévitable modération des dépenses, plus ou moins accusée selon le cas, des répondants‐es disent avoir fait le choix d’étudier à temps partiel pour pouvoir consacrer plus de temps au travail rémunéré, alors que d’autres soulignent les conflits, liés à la gestion financière, qui alourdissent la vie de famille et minent l’harmonie du couple. Le manque de ressources, souventaggravé pour les personnes monoparentales, mène dans certains cas au découragement face à la poursuite des études.
On a dû aussi accepter de vivre avec moins de moyens (pas de voiture, en appartement, pas de resto souvent…) pour que je puisse étudier tout en passant le plus de temps possible avec l’enfant sans avoir de revenu autre que les prêts et bourses.
Les impacts sont très négatifs sur ma vie de couple surtout en regard de l’aspect financier. Le salaire de mon conjoint étant considéré, je n’ai droit à aucune autre aide financière que celle attribuée par le gouvernement à tous les parents. Les disputes sont nombreuses et j’espère que notre couple y survivra…
[…] être étudiante à temps plein est synonyme de pauvreté. Plus j’étudie, plus je m’appauvris, plus je m’endette et plus je suis stressée. La pression financière associée à ce mode de vie est ma principale préoccupation et source de stress. Pour atteindre mes objectifs scolaires, je dois aussi travailler pour vivre et faire vivre ma fille. Et concilier les trois est un stress quotidien pour moi. Je considérais faire un doctorat. Aujourd’hui, je remets en question ce choix parce que je manque de temps et d’énergie pour tout concilier et aussi parce que je suis “écœurée” d’être pauvre […].
Enfin, interrogés plus précisément sur leur état de santé, près des deux-tiers des parents-étudiants (59,9%) se disent en moins bonne forme physique depuis qu’ils ou elles sont aux études. Si on en juge par les commentaires associés à cette question, le stress, le manque de concentration et la fatigue seraient les principales conséquences découlant de leur situation de parent-étudiant.
Des fois j’ai envie de tout lâcher car je suis exténuée. Surtout quand les enfants sont malades et que j’ai passé une partie de la nuit à l’hôpital, mais que je dois quand même être en classe le lendemain matin parce que j’ai un oral en équipe ou bien que le prof nous enlève des points lors d’absences.
Les études et la famille, compte tenu du fait que mes enfants sont très jeunes, me causent beaucoup de stress, et cela se répercute dans mon attitude: manque de patience et irritabilité.
Moins de patience parce que moins de sommeil moins d’activités de famille, pas d’activités personnelles autres que les travaux et la douche.
C’est très épuisant. Je suis fatiguée et constamment stressée, en train de courir afin de tout réussir et tout concilier. Que l’on soit en couple, en famille ou monoparental, la vie privée demande du temps et de l’énergie. On est parent 24h/24 et ces préoccupations demeurent toujours en tête. Même si je réussis très bien, je sais que mes résultats et mon cheminement académique seraient meilleurs sans famille. De sorte que je conseille à tous d’attendre, idéalement, la fin des études avant de fonder une famille.
Absences, manque de temps et de disponibilité pour explorer les champs étudiés et me déplacer sur le terrain ou participer à des activités le soir ou les fins de semaine. Disons que le niveau pratique est décalé sur le théorique. L’épuisement et la fatigue interfèrent aussi dans mes capacités reliées à mes tâches ou travaux, ce qui quelque fois se reflètent sur mes notes. L’approche d’une éventuelle maîtrise dans mon domaine me demande alors une reprise de certains cours, afin d’augmenter ma moyenne […].
Beaucoup de fatigue due au travail. Obligation de travailler pour pouvoir payer les factures, le loyer, l’épicerie, la garderie ET l’université. Pas beaucoup de concentration pour faire mes recherches et ma maîtrise.
Enfin, le décalage entre les attentes et la réalité par rapport à l’articulation études-famille, si ce n’est études‐famille‐travail, fait naître un sentiment de culpabilité chez un nombre non négligeable de répondants‐es, surtout parmi les mères-étudiantes qui sont plus nombreuses à regretter de ne pouvoir passer plus de temps avec leurs enfants pour réconcilier leurs aspirations de bonnes mères et de bonnes étudiantes.
C’est déchirant de se diviser entre son jeune enfant, qui a besoin de nous et à qui nous voulons donner le meilleur de nous, et le travail, surtout lorsque l’on vise l’excellence. C’est un peu comme faire les deux à moitié et rien parfaitement […].
Quelques fois je dois négliger la vie de famille pour faire des lectures ou des travaux et dans ces situations je me sens coupable…
Je fais beaucoup d’activités avec les enfants, et parfois je prends même des journées entières dans la semaine avec eux… à cause de mon sentiment de culpabilité d’avoir à les envoyer au CPE… ce qui affecte mes études. Je veux autant réussir dans mes études qu’être une mère présente pour mes jeunes enfants. Gérer deux univers différents c’est très difficile psychologiquement !
En tant que mère, je me sens coupable de passer beaucoup de temps dans mes études la fin de semaine […].
Je souhaiterais voir mes enfants plus souvent et passer plus de temps avec eux. Souvent j’ai un grand sentiment de culpabilité, je crois que c’est plus difficile pour moi que pour les enfants, car j’organise tout pour qu’ils en souffrent le moins possible.
Partage des tâches au sein de l’univers domestique
Dans la mesure où le partage des tâches au sein de l’univers domestique a été identifié comme l’une des conditions nécessaires, sinon suffisantes pour mieux réussir l’articulation famille‐travail et en réduire les contraintes, il y a tout lieu de considérer cet aspect pour caractériser la réalité des parents-étudiants. Or, contrairement à ce que l’on aurait pu envisager compte-tenu de l’âge et du statut des personnes interrogées, les données du tableau 49 forcent à tracer un portrait du partage des tâches qui ne s’éloigne pas tellement de la réalité de la division sexuelle du travail largement documentée au sein des couples qui articulent famille-travail (Descarries et Corbeil, 2002).
En effet, dans de fortes proportions, plus des deux-tiers, les mères-étudiantes affirment être le plus souvent en charge de rester à la maison quand l’enfant est malade (78,2%), de faire la lessive (74,2%), de s’occuper des rendez-vous de l’enfant (médecin, dentiste, etc.) (73,0%) et de la préparation des repas (71,8%). Viennent ensuite les tâches telles que: le lever de l’enfant (69,2%), la supervision des devoirs (68,3%) et le ménage quotidien (65,4%), ainsi que les soins aux proches dépendants (61,4%). Les pères-étudiants considèrent, pour leur part, délaisser à leur conjointe les tâches telles que: faire la lessive (45,3%), s’occuper de la préparation des repas (43,2%), aller aux rendez-vous de l’enfant (médecin, dentiste, etc.) (38,4%), rester à la maison quand l’enfant est malade (34,3%), superviser les devoirs (33,3%) et veiller au ménage quotidien (30,0%).
L’arbitraire de la division sexuelle du travail demeure incontestée et incontestable si l’on considère que les pères-étudiants, quant à eux, se déclarent, en très forte proportion, plus souvent responsables de l’entretien de la pelouse et du pelletage (75,4%) et de sortir les poubelles (70,2%). Il ne nous manque que l’information sur leur implication dans les travaux de peinture pour qu’on puisse parler des quatre «P» en tant que spécialités masculines. Les réponses des mères-étudiantes confirment également un tel partage.
Toutefois, bien qu’une majorité de mères-étudiantes estiment être les principales responsables de la plupart des tâches domestiques ou des soins aux enfants, ce que n’infirment pas non plus les données recueillies auprès des pères-étudiants, une proportion non négligeable des mères-étudiantes estiment que les tâches les plus souvent partagées entre elles et leur conjoint sont: amener l’enfant aux loisirs ou chez les amis‐es (40,4%) et le coucher de l’enfant (37,9%). Les pères-étudiants estiment, pour leur part, partager les soins aux proches dépendants (61,9%), le ménage en général (gros ménage: 58,5% et ménage quotidien, 51,3%), le coucher de l’enfant (51,7%), les courses et l’épicerie (48,0% et 43,0%), la supervision des devoirs (46,3%) et le lever de l’enfant (41,2%). Ces résultats vont dans le sens d’autres études sur l’articulation famille-travail qui indiquent que le plus grand investissement des pères au sein de la famille se situe d’abord au niveau des soins aux enfants. On sera sensible, néanmoins, à l’asymétrie qui caractérise l’évaluation des unes et des autres. Selon toute vraisemblance, les pères-étudiants perçoivent de manière plus égalitaire leur participation à la vie familiale que ne le font les mères-étudiantes, à l’exception des «PPP»(poubelle, pelletage et pelouse) qu’elles reconnaissent quasi exclusivement réservées aux hommes. Plusieurs études sur l’articulation famille-travail font également référence à cet écart de perception.
Cela étant, les évaluations apportées tant par les mères-étudiantes que par les pères-étudiants illustrent le maintien d’une plus forte assignation des premières à l’espace domestique. Situation qui sans aucun doute participe largement à expliquer le plus faible niveau de satisfaction exprimé par les mères-étudiantes au sujet de leur passage à l’université ou du temps qu’elles peuvent accorder à leurs études.
Tableau 49
Répartition du partage des tâches domestiques et des responsabilités familiales, selon le sexe