Journée d'étude, 13 novembre 2020
Les styles aberrants de Columbo
Œuvre culte du premier âge d’or des séries télévisuelles, Columbo (W. Link et R. Levinson, 1971-8/1989-2003) prit délibérément le contrepied des principaux codes des fictions policières qui envahirent les petits écrans de la Guerre Froide. Contre le modèle hégémonique du «whodunit», elle paracheva la structure ironique de l’intrigue inversée (le lecteur connaît d’emblée le récit du crime, l’intérêt du récit d’enquête se déplaçant sur le comment de la reconstitution établie par l’enquête). Inaugurée par la série John Thorndyke d’Austin Freeman, cette variante subtile de la macrostructure policière permit de libérer la machinerie herméneutique du paradigme indiciaire étudié jadis par le sémiologue italien Carlo Ginzburg. Affranchie du jeu de pistes traditionnel axé sur le dévoilement du récit caché qu’il guette, le récit d’enquête concentre désormais en lui-même les effets de suspense, dans l’attente du dernier détail fatal qui permette la parfaite démonstration du sémiologue sauvage qu’est, nouveau Diogène, le vieux lieutenant à l’imperméable fripé.
Cette journée d’études propose d’entamer une réflexion collective sur les multiples aspects de cette série bien-aimée dans une journée d’études interdisciplinaire, la toute première à lui être consacrée.
Communications de l’événement
La formule Columbo
«On peut dire d’emblée que la principale caractéristique -et le succès planétaire et intergénérationnel- de la ”formule Columbo” tient à la rencontre entre un procédé, l’énigme policière inversée, une mythologie, qu’on peut résumer comme celle de l’underground genius, et une idéologie, la tension entre les classes sous-tendant l’American Dream.» Antonio Dominguez Leiva étudie cette fameuse formule depuis ses orginies littéraires et hitchcockiennes jusqu’à son déploiement dans la série télévisuelle.
Gestes et style pragmatique de Columbo
«L’originalité de la série Columbo, qui brise la structure narrative de la série policière tenant sur le “whodunit”, a sans aucun doute assuré sa postérité. Tout comme l’ont fait sa vieille Peugeot, son trench-coat, son amour du chili con carne et, bien entendu, son expression favorite “Just one more thing”, dans lesquels on peut reconnaître ce qui est possible d’appeler les styles aberrants du détective. Ces styles sont, selon Deleuze, des mouvements qui laissent dans la stupéfaction. Ainsi, les styles aberrants de Columbo freinent le déroulement ordinaire des actions, laissent souvent le criminel dans la stupéfaction et la surprise.» Ce sont ces gestes que se propose d’analyser Sylvano Santini.
The ABC murders
«Onze ans après avoir quitté l’antenne de NBC, Columbo débarque sur ABC le 6 février 1989. À sa première apparition sur le nouveau network, dans un décor urbain nocturne et enfumé, il prend des airs de privé parodique lorsqu’il allume un cigare au volant de sa 403. Les fans n’ont pas manqué de souligner ce que cette entrée en scène a d’artificiel. Le site columbophile.com déplore un plan visiblement filmé en studio et conclut à un tournage au rabais. C’est oublier un peu vite que le plan, s’il déroge en effet aux codes de la série, en convoque d’autres parfaitement connus, ceux du film noir.» Christian Chelebourg nous propose sa lecture de Columbo, de ces codes nouveaux et ce qu’ils signifient comme virage pour la série.
Les musiques diégétiques dans Columbo: humour, indices et concertos
Caroline Barbier de Reulle s’intéresse aux musiques diégétiques, entendues ou jouées par Columbo, dans la célèbre télésérie. La présentation se divise en trois parties: d’abord, une identification des musiques qu’on peut qualifier d’aberrantes; puis, une réflexion sur la symbolique des titres choisis; finalement, une étude des utilisations particulières des performances musicales de Columbo.
Table ronde «Les styles aberrants du Columbo»
Le 13 novembre 2020, dans le cadre de la journée d’études «Les styles aberrants de Columbo» (co-organisée par Antonio Dominguez Leiva et Sylvano Santini), Sébastien Hubier a animé une table ronde avec les participant.e.s afin d’approfondir les thèmes et les réflexions abordés durant la journée.
Avec la participation de Antonio Dominguez Leiva, Sylvano Santini, Christian Chelebourg, Mireille Pradel, Caroline Barbier De Reulle et Sébastien Hubier.