Colloque, 9 juin 2022
La correspondance comme lieu de résistance spirituelle: le cas de la huguenote Blanche Gamond
On sait que, suivant la Révocation de l’Édit de Nantes, plusieurs hommes protestants ont été condamnés au travail perpétuel des galères pendant que l’on enfermait leurs coreligionnaires du sexe féminin dans des couvents, avec le but de les forcer à se convertir. Il existe pourtant un assez bon nombre d’exemples de femmes qui refusaient absolument de céder aux obstacles que leur posaient leurs geôliers. Ces femmes ont fait preuve de leur constance en en parlant dans des lettres qu’elles trouvaient moyen d’envoyer à leurs anciens pasteurs, pratique qui leur fournissait un espace où elles pouvaient goûter une certaine forme d’agentivité, ayant la liberté de se présenter comme elles voulaient dans les récits de leurs tribulations. Certains même ont été publiés dans les Lettres pastorales du pasteur Pierre Jurieu, qui circulait des histoires pour fortifier les protestants restés en France depuis son propre exile à Amsterdam.
Nora Baker se concentre sur la correspondance d’une jeune femme qui s’appelait Blanche Gamond, et qui parlait de ses expériences de souffrance dans des lettres qu’elle écrivait depuis son cachot de Grenoble et lors de son enfermement à l’Hôpital de Valence. Sa recherche montre que Gamond utilisait sa correspondance comme moyen de faire entendre sa voix aux autres, tout en assimilant les stratagèmes de la langue protestante de l’époque. Comme Colette H. Winn a déjà marqué, les récits d’évasion des huguenotes ont été un lieu privilégié de la découverte de soi pour tant de femmes ; l’objectif de cette contribution-ci est d’analyser comment les lettres ont été, pour Gamond, une façon de se présenter comme femme sage, courageuse, et bienveillante.