Colloque, 18 juin 2016

Silhouettes absurdes: le corps enfant et le renouveau de la transgression vampirique dans «Entretien avec un vampire» et «Laisse-moi entrer»

Sophie Horth
couverture
Imaginaires, théories et pratiques de la culture populaire contemporaine, événement organisé par Samuel Archibald, Megan Bédard, Jean-Michel Berthiaume, Fanie Demeule, Antonio Dominguez Leiva, Sarah Grenier-Millette, Mathieu Li-Goyette et Philippe St-Germain

«Autrefois figure transgressive par excellence, le vampire est de plus en plus victime de sa très grande popularité. En effet, il est passé de créature répugnante s’apparentant à l’archétype de la goule, comme dans le cas du strigoi des légendes roumaines, à un être immortel des plus raffinés malgré sa cruauté et l’immondice de son mode de vie avec Dracula. Depuis le roman de Stoker, le vampire ne cesse de faire partie de la culture populaire et fait l’objet d’innombrables manifestations artistiques. Sans pouvoir dire que sa popularité est sans cesse en hausse, la figure du vampire semble faire partie intégrante du folklore partout à travers le monde, entre autre parce que cet être expose les interdits, faisant du vampire une représentation physique de la transgression bataillienne. Plus récemment, nous avons assisté à une commodification progressive du vampire, notamment par sa présence de plus en plus importante dans les pratiques artistiques destinées à la jeunesse, qui semblent diluer le mythe afin de l’adapter à un public moins mature. Ce processus, bien que pouvant être considéré comme légitime sous certains angles, nous pousse à nous interroger sur la nature du vampire tel qu’il est représenté dans la culture contemporaine. Certes, des œuvres mettant en scène des vampires plus “classiques” sont encore produites de nos jours, mais comment décrire les créatures inhérentes à des œuvres comme la saga Twilight de Stephenie Meyer ou de la série Anita Blake: Vampire Hunter de Laurell K. Hamilton, qui apparaissent comme des versions atténuées du vampire, où l’on a conservé uniquement que les aspects “intéressants”: la sensualité et l’immortalité?

Ce processus d’acceptation des vampires est sans doute partiellement explicable par l’influence et la popularité indéniable du roman Interview with the Vampire d’Anne Rice, qui a mis le vampire au centre de sa propre histoire, lui conférant une individualité, nuançant l’idée que le vampire est nécessairement un monstre devant être détruit à tout prix. Toutefois, le roman de Rice reste ambivalent dans le sens où, bien qu’il accorde un regard nouveau sur l’existence vampirique, il expose tout de même des éléments qui restent tabous aujourd’hui, 40 ans plus tard, comme l’érotisation du corps de l’enfant et l’inceste. C’est d’ailleurs un élément que le roman partage avec une œuvre plus récente: Laisse-moi entrer (traduit du suédois Låt den rätte komma in) de John Ajvide Lindqvist paru en 2004. En effet, les deux œuvres concernent l’histoire de deux vampires transformés lors de leur enfance, Claudia et Eli, qui doivent survenir à leurs besoins par leur corps. Figures érotisées entretenant des rapports évoquant l’inceste et la pédophilie, les personnages de Claudia et d’Eli suscitent un fort malaise car ils soulèvent des questions morales: l’esprit peut-il faire fi du corps? Qu’est-il juste de faire pour assurer sa survie? L’amour est-il possible à atteindre dans une relation basée sur des rapports de force? Les deux personnages sont également au cœur de questions concernant l’exploration de soi et plus particulièrement du genre. Sans être humains, ils ne correspondent pas exactement à l’image que l’on se fait des vampires: ils dépendent des autres, sont immortels mais plus faibles que les autres vampires, ne peuvent subvenir à leurs propres besoins dans un monde qui les repousse doublement à cause de leur nature, celle du monstre dans un corps d’enfant, une “silhouette absurde” (Rice: 398).»

Vous pouvez consulter la présentation PREZI directement sur cette page, en complément à la capture audio.

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