Hors collection, 01/01/2000

Lorsqu’un conte «oriental» désoriente: «Les lanternes de Séville» d’al-Ujayli en traduction française

Rachel Bouvet
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Avant de commencer à lire les nouvelles de l’auteur syrien Abdessalam al-Ujayli présentées en français sous le titre Les lanternes de Séville, on apprend en quatrième de couverture qu’elles appartiennent à «la meilleure tradition des contes orientaux». Tradition qui évoque à coup sûr les Mille et une nuits, une atmosphère où règnent le merveilleux et la magie, et surtout une contrée éloignée, désignée sous le nom d’Orient. Pourtant, c’est l’Espagne du XXe siècle, et non l’Orient, qui sert de cadre à la première nouvelle, donnant son titre au recueil. Si le terme «Orient» y apparaît, c’est à cause d’un glissement lors du processus de traduction, glissement qui en dit long sur le mode de traduction choisi. En fait, un élément de la carte géographique du monde arabe a été effacé et remplacé par un autre: c’est donc tout le problème de la conception de l’espace propre à une culture donnée qui sera soulevé dans la première partie de cet article. Cette substitution est lourde de conséquences, car le terme «Orient» ne prend de sens qu’en opposition avec l’Occident, dont il est séparé par une frontière apparemment naturelle: la mer Méditerranée. On ne peut faire l’économie de cette rupture lorsque l’on s’interroge sur l’appréhension de la littérature arabe traduite en français. Lire, comme voyager, peut être l’occasion d’acquérir un certain nombre de savoirs culturels, de ressentir un effet d’exotisme mais aussi de parcourir des espaces imaginaires. Je tenterai de montrer que l’ancrage culturel du lecteur joue un rôle important dans l’élaboration de ce parcours au-delà des frontières. La nouvelle d’al-Ujayli nous amène à déplacer des frontières, à élaborer une carte imaginaire où un triangle s’impose, dont les trois sommets ont pour nom Andalousie, Maroc et Orient. Véritable construction imaginaire, la lecture nous propulse dans des univers où l’on risque parfois de perdre le Nord, ou plus exactement dans le cas qui nous intéresse, de perdre l’Orient, et à glisser insensiblement du merveilleux au fantastique.

Suite en format pdf.

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Cet article est la version préliminaire de l’article publié dans Revue de littérature comparée, n° 4, octobre-décembre 2000, p. 515-532.

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