Hors collection, 01/01/2009

L’expérience seule autorité, seule valeur: une clé bataillienne pour comprendre les rites de passage contemporains

Philippe St-Germain
cover

Dans la Somme athéologique de Georges Bataille, ma contribution va privilégier L’expérience intérieure. Il s’agit d’une incursion en sol étranger: en partie parce que je ne me considère pas comme un spécialiste de l’oeuvre de Bataille (qui m’interpelle cependant depuis quelques années), mais en partie, aussi, parce que le sol bataillien lui-même est intrinsèquement étranger: il retire à l’interprète tout confort, il offre l’inattendu là où l’on attendait le familier. À bien des égards, on pourrait d’ailleurs soutenir —c’est en tout cas ce que je vais faire ici, comme de nombreux autres avant moi— que la conception bataillienne de l’expérience en général (et de l’expérience intérieure en particulier) heurte bien des idées reçues.

Dans la mesure où la notion d’expérience intérieure a subi au fil des ans un gonflement sémantique tel qu’on n’y retrouve plus aisément les intuitions de Bataille, il sera d’abord nécessaire de revenir sur ses réflexions à ce sujet. Si sa conception de l’expérience intérieure entretient un rapport indubitable avec la religion, ce n’est pas avec une institution religieuse très encadrée, mais plutôt avec une mystique qui, bien qu’elle appartienne jusqu’à un certain point à une «tradition», n’est pas à sa remorque1Mais il ne s’agit pas, ici, de choisir l’une ou l’autre, la tradition ou ce qui n’est pas elle.. Dans un deuxième temps, je me pencherai sur la proposition la plus fondamentale de L’expérience intérieure, «L’expérience seule autorité, seule valeur», dans la mesure où elle peut nous être utile pour mieux comprendre certaines des formes empruntées par les diverses quêtes de sens qui animent les jeunes, de nos jours. Je précise tout de suite qu’il ne s’agira pas d’établir une équivalence stricte entre la pensée de Bataille et la pensée des anthropologues et sociologues qui se sont intéressés aux quêtes en question; bien au contraire, et comme c’est souvent le cas chez Bataille, ce sont peut-être les «noeuds» ou points de tension qui seront les plus révélateurs et pertinents.

* * *

Cet article a d’abord été publié en tant que chapitre dans l’ouvrage Bataille interdisciplinaire, dirigé par François Nault et Martin Cloutier, aux éditions Triptyque en 2009.

  • 1
    Mais il ne s’agit pas, ici, de choisir l’une ou l’autre, la tradition ou ce qui n’est pas elle.
Pour télécharger le document :
Type de contenu:
Ce site fait partie de l'outil Encodage.